2023 : le bois de pins dominant l'ancien terrain de rugby et l'étang a bien triplé sa surface... |
2023 : en bas du bois de pins, l'ancien terrain de rugby puis camping, l'étang derrière, la Cresse au fond. |
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
.../...Et oui, que veux-tu... je te regarde, toujours j’ai l’œil sur vous, fourmis minuscules à s’escrimer, collées au sol. Du noir de l’Espace, je le vois ton étang, vous avez couru avec des camarades du village, le long de fossés toujours utiles à drainer, passant sur ce vieux pont, enfin, fin XVIIIe... et toi, derrière... Entre nous, je t’aurais dit pour ton cœur, si tu avais demandé... J’ai aimé le lièvre qui a démarré devant, les alouettes qui fêtaient si bien le printemps de leurs trilles, non loin du terrain historique, du rugby Bleu-et-Noir.
Une vue de la cuvette de l'Étang de Fleury ; diapositive de François Dedieu 1967. |
Et là, je te vois, âgé déjà, à remonter dans le temps, pour que ton empreinte, à l’échelle, ne paraisse pas si vieille, pour conjurer le temps... Non, ne te fâche pas, c’est bien que tu aies parlé des chênes avant, massacrés pour forger, faire du verre, chauffer les fours. Manquant d’eau, l’étang nourricier (on a trouvé des traces de pilotis, des hameçons d’os) est devenu marécage insalubre... Il a fallu l’assécher par le souterrain antérieur aux Romains, tu dis...
Les pins jadis si regrettés, ont tout envahi depuis qu’il n’y a plus de moutons, les Canadair sont souvent appelés, le frelon asiatique est pire que tes abeilles rouges, le chemin de ton grand-père est propriété privée et les enfants ne rêvent plus de Noëls blancs... il ne neige plus depuis belle lurette... et aujourd’hui on va au ski. Le vin des châteaux se vend moins mais cher ; le copain si sportif, pas un pet de graisse, lutte à présent contre Alzheimer, celui de la carabine ne tient pas aux souvenirs, l’autre (c’est une pudeur de ne pas dire Antoine) est mort à Amélie-les Bains où, vu le nombre, ils ont dû aménager un mouroir. Où sont les alouettes qui montaient dans le soleil ? Le rugby-village est mort aussi. Seul l’étang asséché pourrait retrouver son eau et les belles femmes ne te feront plus réagir qu’en esprit... Un signe : tu te remets des paroles terribles de l’auteur, cinéaste, écrivain, qui t’apporte ce bonheur d’écrire :
« … Telle est la vie des hommes : quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins… Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants… » Marcel Pagnol.
Parce qu’il faut regarder de plus haut, de plus loin. Moi, tu le vois, tu vois que je ne suis pas morte...
Entre parenthèses et sans la couper, pour ne pas froisser celle qui me suit mieux que mon ombre :
Dattier-de-Beyrouth 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur À Chaud |
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L'entrée embroussaillée de l'aqueduc souterrain 2019. |
— à propos de l’Étang de Fleury dans sa cuvette, c’est vrai qu’il pourrait se retrouver sous l’eau comme cela s’est produit en 1836 lorsque, suite à de fortes pluies, une portion de l’aqueduc souterrain s’est effondrée. Pour le remettre en état, il fallut creuser un entonnoir pour accéder à la partie obstruée, sinon plusieurs avant de réussir, puisque, non loin des « Quatre Chemins », l’endroit s’appelle « Les Traucats » (prononcez "traou-" puis insistez sur "-cats" comme en anglais)(deux ou trois surfaces sont toujours en friche, le long du chemin, en surplomb du souterrain, dessous, à une dizaine de mètres).
Source : « De Pérignan à Fleury », Les Chroniques Pérignanaises, 2009.
Pour l’étang et le ruisseau du Bouquet, voir la série d’articles sur “ Le dernier affluent ”.
“ Tu vois que je ne suis pas morte.../... le Feu avait laissé des abeilles rouges qui le mangeaient. Je me suis approchée parce que c'était joli... ”
Au fond, la Cresse cramée... |
Dis-moi... et toi tu avais trouvé ça joli ? c'est vrai, à onze ans, tu étais innocent, complètement. Comment dire ? inconscient d'abord de la réalité des incendies autour de la Méditerranée, et puis, excuse-moi, un peu cabourd, fada de trouver belles ces incandescences qui finissaient de manger le pin. Je sais, tu ne renies rien, fidèle tu restes à tes jeunes années, crédule, idéaliste, simpliste, tombé du ciel. Va, ne t’en sais pas mal, c’est le lot de tous, c’est d’un banal ce précipité de folie, d'ignorance, d'idées fausses, mal perçues sur fond de connaissances peu sûres, ce qu'un pré-adolescent croit savoir de la vie, rien d’original, crois-moi, même si chacun se pense unique. Finalement, avec les années, pour toi et les autres, l'essentiel était de démarrer en pensant par soi-même, sans avoir la tête creuse ou exprimant, se fondant seulement sur des avis, des influences fortes de l'entourage, extérieures.
Je sais ce que tu viens faire ici, au risque de salir ton pantalon. Tu y tiens à ce coin, cette Cresse, cette échine calcaire dominant les vignes. Ce n’est pas par hasard. Gamins vous n’alliez jamais aussi loin ; la seule fois où la bizarrerie t'avait poussé, solitaire, vers ces confins inconnus, le vallon d'arbousiers improbables t’avait ébloui les yeux et tes lèvres gourmandes avaient trouvé ces boules rouges et jaunes délicieuses. Tu en avais gardé le secret même lors d'une partie de chasse avec ton papé, la seule fois où il te permit de l'accompagner. Vous aviez parcouru cette garrigue sans rien voir d'autre que le fouet pourtant vaillant de la chienne, sans lever ne serait-ce qu'un perdreau lâché par sa compagnie. Sans que l'atmosphère d'un matin d'automne n'incitât au dialogue, au partage entre générations.
Carcassonne_-_Arbutus_unedo 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar |
Était-ce pour ce grand-père peu aimant ? Pour les arbouses ? Pour ce pays aimé, ce paysage, page de l’album d’une vie alors que ton geste répond à une quête de sens, à un besoin vital ? Le monde de l’enfance se construit afin de se projeter, se défendre aussi contre la raideur des adultes... En attendant, cet été là, un incendie fulminant avait couru la garrigue sans qu'on y pût rien ; portées par un vent du diable, harpies acharnées, les flammes avaient ratiboisé la Cresse avant, dans la foulée, de terrasser les pins de Gibert, de réduire en cendre un site où j’ai tant vu de gens heureux de pique-niquer un lundi de Pâques. En vue de la mer, sur la colline, les gens avaient eu à peine le temps d’évacuer les baraques. Je t’ai vu, tout petit en bas, depuis le campement de bois, de tôles et de toiles, encore libre sur la plage, en groupe, à suivre, inquiet mais curieux, l'haleine chargée du Feu, ses volutes noires de suie galopant vers le large avant que n’explosent, sur la crête, les bouteilles de gaz abandonnées.
Quelques jours après, laissé plus à sa survie qu’à son agonie, les moyens des pompiers n’étant pas ceux d’aujourd’hui, le feu des abeilles rouges couvait toujours, encore à rouzéguer, à ronger les loques de l’échine à nu.
En bas de ta montagnette, ta colline, ne te vexe pas, tout est relatif en parlant de ta Clape, même si le dénivelé, tu te rends compte ! soixante-dix mètres ! donne de suite une impression d’altitude... tu dois toujours avoir une petite pensée pour la petite chèvre qui a fugué dans la montagne, je le sais... En bas, plus opulents que la maisonnette et le clos de Monsieur Seguin, protégés par leurs déploiements de vignes, deux “ campagnes ” comme on disait des domaines viticoles avant d’employer le mot “ château ”, plus vendeur. Enfin, un cadre douillet pour tes souvenirs. (à suivre)
Une pinède, un site propice au défoulement des toutous, à la promenade, voire aux rendez-vous... Comme partout la colline devait être plus dénudée du temps des moutons, du temps de la masure en ruine jadis maison pour au moins un feu. Photos. Des murs plus ou moins éboulés, un clapas, des ceps anémiés sur les premiers rangs, à l'ombre et en concurrence avec des racines aussi voraces que crève-la-faim. Photos. Et ce figuier tel un banian qui accroche ses griffes dans le mur, à un bon mètre du sol... Les hommes ne sont plus... les figuiers sont immortels, dit-on... Bien sûr que cela la vaut la photo et plutôt deux qu'une !
Et là, parce que le soleil est moins fort et que je fais l'effort de lire même sans lunettes ce que l'écran se tue à dire depuis le début, depuis que j'ai changé les piles : "Pas de carte mémoire" !! A en tomber des nues : tout ce plaisir foutu en l'air, pire, le plaisir appliqué des vues qui voudraient fixer la beauté ondoyante inconsciemment ressentie. J'en reste abasourdi. La dernière fois, en 2017, par distraction coupable, les plus beaux amandiers en fleur des coteaux s'effacèrent de l'ordinateur, des amandiers paradoxalement si présents dans ma mémoire... Là, stupide, médusé, groggy, fragilisé comme quand une fille me trahissait, j'en ai perdu le chapeau sans m'en apercevoir. Refaire le tour, le reprendre dans l'autre sens... ah non ! ça suffit avec les photos ! Reprendre alors qu'il faut rentrer ; revoir enfin, à deux pas mais si bien camouflé, le chapeau dans les tons verts de la garrigue ! Mais l'amer de la trahison demeure...
Gruissan wikimedia commons Author Alex10081998 |
Gruissan, le vieux village et sa tour au bout de l'étang, sous la douce lumière du jour qui descend... encore une photo à faire. Devant moi deux vélos, de front, qui descendent aussi des pins de Saint-Martin ; un couple, la soixantaine. Ils ne m'entendent pas arriver. J'hésite à tintinnabuler de la sonnette quand il dit :
Gruissan plage des chalets wikimedia commons Author Ptitgonevx |
Fleurs qui me pardonneront de ne pas savoir comment les appeler. |
"Ajouter une légende" une possibilité pour les images proposées. Alors oui, ce pin remarquable, une légende en légende. |
Faucon crécerellette falco naumanni Crau 13 Rémi Rufer Flickr |
Le village depuis le coteau de Caboujolette. Photo François Dedieu, début des années 60. Il y a bien le château d'eau mais quand a-t-il été construit ? |
A gauche en regardant la mairie, l'ancienne école de garçons. |
Grands pins à Pézenas, quartier de la gare du Nord. |
Sa rue, sa maison. |
à regarder si l'incendie continue dans la garrigue. (2013) |