.../...Et oui, que veux-tu... je te regarde, toujours j’ai l’œil sur vous, fourmis minuscules à s’escrimer, collées au sol. Du noir de l’Espace, je le vois ton étang, vous avez couru avec des camarades du village, le long de fossés toujours utiles à drainer, passant sur ce vieux pont, enfin, fin XVIIIe... et toi, derrière... Entre nous, je t’aurais dit pour ton cœur, si tu avais demandé... J’ai aimé le lièvre qui a démarré devant, les alouettes qui fêtaient si bien le printemps de leurs trilles, non loin du terrain historique, du rugby Bleu-et-Noir.
Une vue de la cuvette de l'Étang de Fleury ; diapositive de François Dedieu 1967. |
Et là, je te vois, âgé déjà, à remonter dans le temps, pour que ton empreinte, à l’échelle, ne paraisse pas si vieille, pour conjurer le temps... Non, ne te fâche pas, c’est bien que tu aies parlé des chênes avant, massacrés pour forger, faire du verre, chauffer les fours. Manquant d’eau, l’étang nourricier (on a trouvé des traces de pilotis, des hameçons d’os) est devenu marécage insalubre... Il a fallu l’assécher par le souterrain antérieur aux Romains, tu dis...
Les pins jadis si regrettés, ont tout envahi depuis qu’il n’y a plus de moutons, les Canadair sont souvent appelés, le frelon asiatique est pire que tes abeilles rouges, le chemin de ton grand-père est propriété privée et les enfants ne rêvent plus de Noëls blancs... il ne neige plus depuis belle lurette... et aujourd’hui on va au ski. Le vin des châteaux se vend moins mais cher ; le copain si sportif, pas un pet de graisse, lutte à présent contre Alzheimer, celui de la carabine ne tient pas aux souvenirs, l’autre (c’est une pudeur de ne pas dire Antoine) est mort à Amélie-les Bains où, vu le nombre, ils ont dû aménager un mouroir. Où sont les alouettes qui montaient dans le soleil ? Le rugby-village est mort aussi. Seul l’étang asséché pourrait retrouver son eau et les belles femmes ne te feront plus réagir qu’en esprit... Un signe : tu te remets des paroles terribles de l’auteur, cinéaste, écrivain, qui t’apporte ce bonheur d’écrire :
« … Telle est la vie des hommes : quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins… Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants… » Marcel Pagnol.
Parce qu’il faut regarder de plus haut, de plus loin. Moi, tu le vois, tu vois que je ne suis pas morte...
Entre parenthèses et sans la couper, pour ne pas froisser celle qui me suit mieux que mon ombre :
Dattier-de-Beyrouth 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur À Chaud |
—
L'entrée embroussaillée de l'aqueduc souterrain 2019. |
— à propos de l’Étang de Fleury dans sa cuvette, c’est vrai qu’il pourrait se retrouver sous l’eau comme cela s’est produit en 1836 lorsque, suite à de fortes pluies, une portion de l’aqueduc souterrain s’est effondrée. Pour le remettre en état, il fallut creuser un entonnoir pour accéder à la partie obstruée, sinon plusieurs avant de réussir, puisque, non loin des « Quatre Chemins », l’endroit s’appelle « Les Traucats » (prononcez "traou-" puis insistez sur "-cats" comme en anglais)(deux ou trois surfaces sont toujours en friche, le long du chemin, en surplomb du souterrain, dessous, à une dizaine de mètres).
Source : « De Pérignan à Fleury », Les Chroniques Pérignanaises, 2009.
Pour l’étang et le ruisseau du Bouquet, voir la série d’articles sur “ Le dernier affluent ”.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire