Les chaînes de l’Estaque ou de la Nerthe, celle de l’Étoile me sont chères à plus d’un titre.
En premier lieu, elles sont d’un Sud qui partage ses entrailles terrestres... Il y a des millions d’années, peut-être cinq sinon vingt, entre les deux, en tout cas bien avant l’émergence des prémices d’humanité, un effondrement titanesque ouvre le Golfe du Lion (des Lygiens, des étangs). La mer, comblant la ria du Rhône jusqu’à Givors (sur 250 km vers le nord en partant de l’embouchure actuelle du Grand Rhône), a tout couvert hormis l’ourlet sud et oriental du Massif-Central. Dans un mouvement inverse combiné à une baisse du niveau marin, au-dessus du comblement par les fleuves, aux plis modestes des garrigues languedociennes orientés SO-NE (Clape, Montpellier, Costières), répondent ceux de Provence (Estaque, Étoile), de même nature, avec des pins, des kermès, une végétation comparable.
La chaîne de l’Estaque ou de la Nerthe, ou encore du Rove, plus longue de nom que haute de relief, culmine vers 278 mètres seulement, tout à l’Est, entre les autoroutes qui descendent à Marseille. Victime d’incendies, elle a le mérite de sauvegarder la race des chèvres du Rove, du nom du village de la chaîne, plus remarquables par leurs grandes cornes torsadées en forme de lyre que par le manque de pampilles, ces pendeloques de peau au cou. La race a été sauvegardée, localement, son lait permet de fabriquer la brousse du Rove.
Rove, le nom reste lié à un canal étonnant sinon extraordinaire depuis 1926, en tant que plus grand canal souterrain au monde. 7,1 km de long, 15 mètres de haut, 22 de large, un tirant d’eau de 4,50 mètres à l’origine, des “ mensurations ” notables pour relier Marseille au Rhône, le port à l’étang de Berre. Hélas, suite à un éboulement monumental en 1963 (170 m. comblés, un cratère en surface d’une quinzaine de mètres de profondeur), le grand canal est fermé. Depuis, on se renvoie la patate chaude, on se réunit sur une réhabilitation a minima, à savoir l’adduction d’eau de mer vers l’étang afin d’en renouveler la vitalité.
Mais comme nous languissions, par un bel après-midi d’été, de laisser le village ensuqué de chaleur pour être le premier, depuis la garrigue, à montrer le bleu de la mer, en mieux, retrouvons ici la côte rocheuse, la Côte Bleue, telle la parenthèse de fin qui, ouverte avec celle de la Côte Vermeille ferme, de sa rocaille le doré du Golfe du Lion.
Côte_Bleue_-_Méjean 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Florian Pépellin |
Dire “ la Côte Bleue ” c’est évoquer une beauté naturelle : en attestent les peintres, nombreux, qui ont tenu à en témoigner, à en capturer la lumière, les couleurs suivant le moment, toujours à jouer entre l’instant fugace et l’effort patient nécessaire pour en fixer l’impression sur la toile. Passons, puisque, n’y entendant rien, je me contente d’apprécier les accords orangés et verts de Cézanne, retrouvés même sur les contreforts de la Clape donnant sur notre plage familiale à Saint-Pierre-la-Mer, ses bleus qui toujours nous font fondre, à hauteur de Pissevaches.
Côte_Bleue le train entre Niolon et la Redonne 2023 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license Author Benjamin Smith |
Dire “ la Côte Bleue ”, c’est évoquer une ligne de chemin de fer particulière, seule, à moins d’avancer pedibus, à offrir des points de vue uniques sur la portion finale qui aboutit à L’Estaque, déjà au port de Marseille. À pied ou du train, des viaducs et ouvrages d’art, des forts militaires, des petits ports cachés, des sites de plongée du plus haut ou jusqu’à un plus profond rappelant Jacques Mayol, héros du Grand Bleu... À ce que la nature propose de caps, calanques, anses, madragues, sentiers des douaniers, grotte préhistorique, à la beauté renouvelée du paysage s’allie le plaisir de découvrir. Pour les plus passifs, les stations balnéaires de Sausset-les-Pins, Carry-le-Rouet connues pour leurs oursinades de janvier-février (Fernandel, à lui seul, en mangeait une cagette entière... toujours à Carry ; dernièrement, un reportage télé a montré une bande d’amis amateurs de palourdes pêchées à un mètre de fond dans une crique... ).
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