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vendredi 29 mars 2024

PÂQUES FLEURIES, PÂQUES FANÉES...

Avec la menace terroriste, un islamogauchisme permissif, je tiens cette année à m'affirmer dans mon camp, auprès de ceux qui, libres de vivre ou de ne pas vivre leur religion, ne tolèreront jamais l'asservissement à un islam intégriste venu d'ailleurs... Si nous avons déviriliser nos catholiques traditionnalistes, ce n'est pas pour nous soumettre à un totalitarisme religieux importé... Le roman de Houellebecq, dès 2015, annonçait ce que la France pourrait devenir... L'Histoire ne manque pas de tenir à jour les dates d'une confrontation qui se poursuit depuis plus de 1300 ans... et si l'Europe est passée du paganisme au christianisme, ce n'est pas pour se livrer à un obscurantisme figé dans le temps, dans ce qu'il a de plus rétrograde.  

Perpignan Procession Sanch 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar. bien sûr j'avais très peur  alors ! 

Pâques fleuries. 

Les cloches à toute volée… L'accord entre la nature et les âmes, l'exaltation d'un nouveau départ, l'espérance toujours recommencée, ces sensations difficiles à cerner, à exprimer – mais l'essentiel n'est-il pas de les ressentir lorsque le renouveau gonfle la poitrine et fait soupirer d'aise ? – toutes ces bonnes choses semblent communier pour Pâques, la fête religieuse la plus réussie, celle qui m'a, sans doute possible, le plus marqué. Le catéchisme, de corvée aimablement acceptée devient alors presque un plaisir. Mademoiselle Fouillat habite chez les Rives, un des « clans respectables » du village, en ce sens qu'ils possèdent une propriété moyenne, une maison et des dépendances, des biens de famille, parfois un ramonet, toujours une réputation assise sur des générations. C'est vrai que cela fait un peu vieille France, assez fille aînée de l'Église et que ça sent beaucoup la naphtaline mais cet ordre ancien appelé à être bousculé n'a rien de haïssable en soi : pas de morgue ou de mépris. Au contraire. Un petit jardin d'agrément, avec deux palmiers de Chine, précède la maison de maître. Les catéchumènes lient et étudient dans la cuisine, à gauche en entrant. Une hotte parisienne avec un néon caché derrière, une cuisinière moderne, signes des temps, ont remplacé la cheminée d'origine. Mademoiselle Fouillat est une vieille fille indulgente, compréhensive si nous n'avons pas étudié. Elle nous fait lire, elle commente et discute avec madame Rives qui coud, tricote ou brode, tandis que le souper mijote sur le feu et que nous gribouillons des réponses sur un petit cahier. Si les actes des apôtres et les miracles du Seigneur me laissent un peu distant, je suis, par contre, un témoin privilégié des scènes de vie de mes hôtes. Les femmes discutent d’affaires aussi domestiques que privées. Parfois, monsieur Rives les rejoint. Il reste un moment, sans s'asseoir. Je ne m'intéresse pas à ce qu'il raconte mais j'aime beaucoup son entrée. Le personnage me plaît avec son béret, ses lunettes, sa voix douce et chantante qui parle du nez, bien d'ici, couleur locale pour le dire avec plus de distance. 

Pendant la semaine sainte, l'objet de notre éducation religieuse revient au premier plan et je suis pris par la machination implacable, l'engrenage tragique, du baiser de Judas à la libération de Barabas, sans oublier le reniement de Pierre et les mains de Ponce Pilate. La tristesse s'accentue avec le chemin de croix, touche le fond dans la crucifixion au crépuscule et, effrayée par les cagoules noires et pointues des pénitents de la Sanch, se réfugie dans les travées obscures, révoltée toutefois que la petite lumière rouge puisse encore briller. Le samedi reste empreint de mystère mais notre communauté villageoise renaît le dimanche dans l'église inondée de soleil, pleine de monde, alors qu'une élégante voulant se mettre en évidence se signe en retard devant le bénitier. Ensuite les familles se retrouvent pour le repas de fête avec les œufs au mimosa, farcis d'anchois, le gigot de l'agneau pascal et le bras de Vénus à la crème pâtissière... » Jean-François Dedieu, Le Carignan, Pages de Vie à Fleury I, 2008. 

Perpignan La_Procession_de_la_Sanch_en_2017 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Aurelio Cardenas... D'autant plus peur, qu'en blanc, c'est la tenue des suprémacistes du Ku-Klux-Klan... 

samedi 11 avril 2020

C'ÉTAIT UN MONDE MERVEILLEUX... / Un printemps d'avant.

Tu vois ces vieux pins au milieu des vignes, avant-garde de la garrigue pas loin, au-dessus du coteau ? Des squelettes pour quelques uns mais ceux qui restent gardent de la noblesse, une prestance je veux dire... Tu trouves pas ? Ils me font penser à une compagnie de mousquetaires se découvrant ensemble pour saluer. Que veux-tu, les films de cape et d'épée, on aimait, au cinéma Balayé ! Regarde comme le Cers, le maître vent, a tourné la plume des chapeaux vers la Clape et la mer !

A ce propos, je veux te parler d'un jour précis parce que cette fois là, ce que j'appris sur moi et le monde m'a marqué les années aidant.
Le film vient de casser, l'image reste fixe. "Arrêt sur image" on dirait aujourd'hui. Immobiles les panaches d'aiguilles. Pas un pet d'air, pas un souffle, juste un beau soleil, un ciel sans nuages. Et les cloches, nos trois cloches, déjà de Pâques, s'en donnent à cœur joie. Ce dimanche là, Saint Martin, tu sais, celui qui donne la moitié de son manteau à un pauvre, me libère pour une messe buissonnière. L'idée ne m'en serait pas venue tout seul. C'est que depuis le vitrail, celui de gauche, plus qu'auréolé, rayonnant dans une mandorle fulgurante du feu de l'astre, de me tirer vers la lumière, à force de dimanches, il me fait passer le rempart de verre. Une fois, une fois seulement. Si je suis un passe vitrail, il est ma circonstance atténuante et je ne suis pas perfide au point de dire que c'est de sa faute. 

Alors, au lieu de m'arrêter à l'église, je trottine par le quartier haut, si tranquille et innocent que personne ne s'étonne de mon trajet à rebours. Et je me retrouve là, dans les pins au bord d'un chemin blanc de poussière, pas ailleurs. 

Les cloches m'appellent, me rappellent et je ne culpabilise même pas. Au contraire, je souris, pas moqueur du tout, malicieux plutôt du bon tour joué, avec la complicité de Martin, même si je n'en ai qu'une vague idée, aux adultes, aux traditions, à l'ordre social. Rien d'une révolte ! 

Le village depuis le coteau de Caboujolette. Photo François Dedieu, début des années 60. Il y a bien le château d'eau mais quand a-t-il été construit ? 

Depuis le coteau bordant la garrigue, les toits autour du clocher épaulé par la tour Balayard nous gardent toujours des incursions barbaresques. C'est émouvant un village. La parabole du berger , presque, qui rassemble son troupeau aidé par son chien. Et la suite de l'histoire avec la brebis égarée, l'agneau perdu ou prodigue, échappé. Non, pas moi. Je viens de lire les Lettres de mon Moulin ; j'ai vu le film aussi, de Marcel Pagnol, avec deux ou trois histoires et Paul Préboist en moine ivrogne qui nous fit bien rigoler, même en noir et blanc. 

Et là, dans cette oasis cernée de vignes (1), je suis comme la chèvre de monsieur Seguin, libre. Depuis mon île plantée de pins, je regarde, au loin, le village. Mon cœur balance entre tendresse et recul ; touchantes en effet, les maisons qui comme les êtres se serrent mais ne faut-il pas parfois distendre un lien qui, sous prétexte de réchauffer, étouffe, empêche de penser par soi-même ? Muselés, ligotés, fragilisés, lobotomisés, trop nombreux sont ceux qui en arrivent à ne vouloir que leur prison pour horizon et n'avoir de cesse que de l'imposer aux autres. Nous concernant, pourtant, quiconque le souhaite et n'a que faire des ragots, peut aller jusqu'à la rejeter, la religion... Laissons ces raisonnements qui corrompent la magie du moment.   

 
Papilio machaon Wikimedia Commons Auteur LG Nyqvist

Un matin magique éclabousse notre cadre familier de ses brillants de printemps. Les fleurs, la petite, blanche au cœur d'or, du ciste de Montpellier, la grande, mauve, fripée, du ciste cotonneux, les toupets de la bourrache dans les bleus. De l'une à l'autre, d'autres fleurs, mais mouvantes : les papillons. Non, je ne rêve pas, les feuilles collantes ou duveteuses des cistes, les piquantes de la garouille, la hampe du romarin, ce sont bien mes mains qui les reconnaissent. Les poursuites des piérides, la farandole du paon du jour, la voltige de l'apollon, les ailes qui respirent d'un machaon posé m'en mettent plein les yeux. Et à côté, la vieille vigne de l'oncle Noé, plus que centenaire, où parrain a dit qu'il connait un lièvre...


Mon temps suspend son vol mais l'heure est trop vite passée, pourtant seulement à me retourner sur les fleurs et à suivre l'envolée des papillons dans la magie d'un matin étincelant. Les cloches carillonnent à nouveau l'espérance. Elles me disent aussi qu'elles ont bien reçu toute cette beauté montée au ciel et qu'en retour elles me renvoient une paix angélique. Et aussi que je peux garder mon secret trop beau, personne ne demandera, je n'aurai pas à mentir, à en rougir. 

(1) un mystère ce bosquet au milieu des vignes... peut-être la volonté du propriétaire d'alors...  

Fleury-d'Aude, Pins de Barral années 60. Diapositive François Dedieu. Oui, je sais nous sommes au printemps et je vous donne à voir l'automne mais pour en avoir passé des milliers je n'en ai pas d'autre en magasin...
 

lundi 16 décembre 2019

NADALET, petit NOËL / je veux un ciel d'étoiles...


Je veux, je veux un ciel d'étoiles, 
Cristaux glacés de l'Univers qui parpélèje (1),
Un Cers (2) fou qui tord les arbres 
Et mugit dans la souche en haut,
Mestrèjant (3) du toit la tuile ronde. 

Je veux, je veux un feu dans l'âtre,
Un bouquet, un essaim d'étincelles
Que l'hiver astreint à crépiter
En soufflant en bas sur la souche, 
La braise et la cendre, gardiennes du foyer. 


Je veux, je veux calmer la flamme, 
Ne plus attiser le brandon
Au bout de la "biso" (4) qui danse. 
"Les petits ! ça fait pisser au lit", dit mamé, (5)
Brave, douce et qui nous gronde à peine. 

Sinon je voudrais tant y croire
Quand la cheminée m'écartèle
Entre le refuge et la nuit froide de décembre,
M'accrocherais-je de tout mon être
A la chaleur du feu qui couve. 

Diapo François Dedieu 1979
Je veux, je voudrais tant y croire
Au Nadalet, au carillon en haut du clocher, 
Qui promet un fils d'amour pour la Terre
Et un grand-père en bure rouge
Qui va nous combler de cadeaux. 



Mais les fumées cachent les étoiles
Comme les plastiques gâchent la mer,
En dévoilant, des hommes, les erreurs.
Et les voiles de la nuit tombent
Sur les noirceurs que les maîtres fomentent. 



Pourtant je veux, je veux y croire, 
Il n'est pas encore mort mon sapin
Et rien ne doit abroger Noël, 
Car je la veux la nuit d'étoiles, 
Etincelles glacées dans le ciel qui scintille, 

Comme quand j'y croyais, il y a soixante ans, 
Envoûté par les escarbilles brillantes
Appelées par le Cers qui tempête là-haut 
Mais porte le Nadalet des cloches, 
Le Noël des petits, l'espérance pour tous. 

Carabène.    

(1) parpéléjer : battre des paupières convulsivement. 
(2) Le Cers, petit cousin du Mistral, se renforçant le long de l'Aude d'autant plus qu'il approche de la côte. Souffle en gros d'Agde à La Franqui et pourtant injustement ignoré des chantres de la météo nationale qui encroûtent le monde avec seulement la tramontane à la bouche ! 
(3) mestréjer : racine "maître" comme dans "maîtriser"... ou encore, dominer, gouverner...   
(4) la viso, prononcée "biso" (d'où mon rapprochement avec un vent d'hiver), est un sarment... Plus il est long et plus le jeu est agréable, mais au risque de mettre le feu à la cuisine !   
(5) mamé, papé... mami, papi... grand-mère, grand-père.

lundi 2 avril 2018

ÉTAIT-CE UN MONDE INNOCENT ET INCONSCIENT DE LA CATASTROPHE A VENIR ?

Ciste de Montpellier

Ciste cotonneux.

"... Les cloches sonnaient à toute volée et le printemps éclaboussait ce dimanche matin de toutes ses fleurs. Les petites, blanches, au cœur d’or, du ciste de Montpellier. Les grandes, mauve clair, comme froissées, du ciste cotonneux. Et les papillons voletant sous les grands pins muets d’un vent, pour une fois, aux abonnés absents. J’en avais plein les yeux. Non je ne rêvais pas : c’était bien moi qui pinçais entre mes doigts les feuilles rêches et collantes du premier buisson. C’est bien moi encore qui froissais celles, douces, duveteuses du second pied. Encore moi qui suivais dans l’air immobile la farandole du paon de jour, la voltige de l’apollon, les poursuites des machaons. Toujours moi à l’écoute des cloches, sûr que le Bon Dieu indulgent suspendait son souffle. Parce que, pour cette messe buissonnière, solitaire, j’avais voulu oublier Saint-Martin et que, de l’autre côté du vitrail, un monde merveilleux s'était offert. 

Paon de jour Author Romski wikimedia commons.

Papillon « Machaon ou Grand porte-queue » Author Erwan Corre wikimedia commons.
Ah ! si elles pouvaient parler, nos cloches. Cette fois-là, j’étais aux pins de Barral et elles m‘ont dit de rentrer avec mon secret... mais ce dimanche matin-là irradiait une magnificence à damner un saint.
Papa, essaie de savoir quelque chose sur elles. Comme elles sonnent toujours dans ma tête, ça m’a donné le bourdon. Bienheureux celui qui a pensé à les enregistrer, elles vont vous manquer. Je le sentais qu'avec cette modernité de carillon, de cloches enfermées, vous m’annonciez quelque chose de grave et ce moment merveilleux m’est spontanément revenu, comme un premier matin du monde…

« Quand revèn lo printems e que la sourehlada
Fai reverdi la terra e flouri lou bartas… » 

(Quand revient le printemps et que la "soleillade" fait reverdir la terre et fleurir le buisson... )
  "Lou pastre", poème d'Antoni Roux (1842-1915)
 
Mésange charbonnière Author Sylvain Haye wikimedia commons.


Chardonneret, catarinette Auteur Ghislain38 wikimedia commons

Ces lignes publiées en 2008, à peine corrigées aujourd'hui et datant de 2006 semblent, en 2018, relever d'un conte merveilleux pour enfants. Si j'ai oublié les oiseaux à cause des papillons plus à portée, eux aussi animaient le paysage de leurs trilles et gazouillis. Où sont passés ces petits compagnons du jour qui vent tant que la vie est là ? Où sont les mésanges, les fauvettes, les merles, les verdiers et leurs cousins chardonnerets, nos catarinettes ? Cherchez donc les nids d'agasses, les vols de graùles ! les pies ne jacassent plus ! Les corneilles, depuis les pèïrals qui résonnaient de leurs croassements intempestifs, ne partent plus en escouades vers la plaine ! 
Il y a dix ans déjà, on parlait des moineaux, des hirondelles en déclin. Plus de moustiques pour ces dernières, tourisme oblige, même au-dessus de la Matte, ces marais entre l'Aude et l'étang de Pissevaches où un avion vient épandre régulièrement une fumée vert-jaune... 
En ce début d'année nous apprenons que depuis 2003 en gros, un tiers des oiseaux a disparu. En cause le productivisme, l'agriculture qui fait la part trop belle à la chimie, à tous ces herbi-fongi-insecticides. 
Le modèle économique nous a transformés en tubes digestifs consuméristes, assimilant avant tout nos petits égoïsmes consommés. 
Et moi qui ai fait des enfants en vertu de la loi naturelle intangible, j'ai honte de leur laisser un monde pourri par un fanatisme économique aveugle au point d'engendrer, et ce n'est pas rien, un alien religieux qui nous plonge dans des barbaries qu'on croyait oubliées et annonçant un bain de sang puisque l’État en reste à ses discours soporifiques... 

Triste lundi de Pâques ! Triste saint-Loup ! Où sont-ils donc les groupes joyeux qui s'égayaient dans les pins, dans les prés, à la mer aussi… aux Cabanes, à Saint-Pierre.
   
Tristement vôtre !
 
Pie Author Stauss wikimedia commons


Hirondelle Author Haltostress wikimedia commons

Notes pour essayer de penser à autre chose (source Tresor dou Felibrige de Frédéric Mistral : 

* l'apollon chez les papillons, pour la rime puisque cette espèce est montagnarde... 

* l'agasso c'est la pie qui a peut-être aussi donné le verbe agassa signifiant, pour un oiseau, crier en voyant quelqu'un approcher du nid : "La maire agasso, lou nis es pas luen" (A. Boissier). 

* la graulo, la corneille en Limousin, Guyenne et Languedoc. les falaises des pèîrals, les carrières de pierres 
 


lundi 31 octobre 2016

PLUTÔT SE TAPER LA CLOCHE ! / Fleury d'Aude en Languedoc


En 1895, les paroles de Jean Prax (1), curé depuis 1890, traduisent bien la joie générale, et tant pis pour la "mandarelle" (2) qui aurait été fondue ou déménagée pour Notre-Dame-de-Liesse... Finalement, toute la population communie dans un même mysticisme, qu’il émane de l’esprit ou de l’âme. 

Personnellement, de savoir que mon arrière-grand-mère Joséphine vécut ces moments heureux et que nos cloches ont précédé de peu la naissance d’Ernestine et de Jean, mes grands-parents, de l’oncle Noé, de tante Céline, ne saurait me laisser insensible. Raison de plus pour que ma joie demeure !

Néanmoins, au temps de l’égoïsme exacerbé, quand certains voisins (et pas seulement les nouveaux arrivants) font taire le coq du matin et ne veulent plus entendre le message des cloches, oublieux qu’ils sont que leur baptême, avec parrain et marraine, dépasse le fait religieux et transcende sans conteste leur statut d’objet pour les intégrer à l’intimité villageoise, je regrette de faire entendre un autre son de campane, et si je ne veux pas de l’orage, de la foudre, de la grêle, juste pour être rassuré quand le clocher les éloigne, laissez-moi cependant regretter le 14 janvier 2003, jour fatidique de la descente des cloches, laissez-moi dire à ceux qui sont tout feu tout flamme pour le changement, que la discrétion apeurée des tintinnabulements trop timides du carillon me chagrine, que ces abat-sons qui renvoient seulement des tintements enfermés me déçoivent. Et si j’admets en partie l’argument de la vue retrouvée du clocher d’avant 1895, je ne vois plus, depuis la garrigue, même si mes yeux sont en cause, la petite aiguille, à une heure près, maintenant que le cadran de l’horloge est doublement rabaissé, sous les abat-sons et tourné seulement vers la place aux poires... Permettez aussi que je reste réservé sur les comptines jouées pour les enfants à la sortie de l’école ou ces chants patriotiques entonnés depuis ce lieu alors que le tocsin, dans le malheur, ou la libération du pays, pour un bonheur salué à toute volée, ne marquaient que des évènement heureusement exceptionnels. 
Le clocher en 2016
 En conclusion, sans polémiquer sur la manière peu démocratique, un peu à la cloche de bois inversée, d’induire un changement globalement dérangeant, acceptez la position que l’âge m’impose. Un âge qui, entre nous, m’autorise à penser que nos cloches ont aidé à ma mise au monde, la tradition l’admet... Bref, souffrez que les mots, admirables, de Montaigne sur l’amitié me fassent dire « parce que c’étaient elles, parce que c’était moi... » 

Et si, concomitamment, je n’y suis pour rien si ces pages à Fleury comptent autant dans ma ligne de vie, je souhaite, pour rester positif, que la nouvelle configuration du clocher marque, pour longtemps, la sensibilité de quelques uns, dans leur esprit ou leur âme, afin qu’au-delà des bisbilles, une certaine harmonie collective fasse perdurer la mémoire du village.
Alors, si je me fais sonner les cloches, croyez bien qu’au comble du ravissement, je ne saurais que bredouiller "Merci"...

(1) voir aussi l'article précédent DING, DENG, DONG.
Dans la liste des curés et vicaires (De Pérignan à Fleury / page 62) il semble que le vicaire J.L Astruc (XXème) parti ensuite à Termes et auteur du livre Termes en Terménès, manque à l’appel.
(2) De "mandar", presque comme en français alors que l’occitan admer le mandarèl, la mandarèla en tant que "convoqueur", "convoqueuse". 

photo 1 François Dedieu / tirée d'une diapo (1979) avec pour légende "Quand on regardait l'heure au clocher"... (à méditer).

samedi 29 octobre 2016

DING, DENG, DONG... / Fleury en Languedoc


Essayez-donc d’imiter nos campanes d’alors et reprenez en chœur « Mi, sol #, si... »
Grâce à l’ouvrage collectif « De Pérignan à Fleury » (1) nous en savons davantage. Remercions d‘abord les chroniqueurs pérignanais d’avoir partagé avec tous le résultat de leurs recherches (beau livre à prix modique... merci aussi la municipalité).

Page.55, un « HISTORIQUE DES CLOCHES » ne compte pas moins de trois pages grand format agrémentées de photos.
Jusqu’en 1673, l’église Saint-Martin de Pérignan (2) ne dispose que d’un clocher-tour (campanile ?).
En 1782 (le village s’appelle Fleury depuis 1736), les sept cloches abritées à l’intérieur ont été refondues et bénites... Cela voudrait dire que, plus anciennes, elles ont été réparées (3), peut-être faute d’entretien...
En 1837, Nicolas Martin, fondeur, refond une grosse cloche fêlée. Celle-ci ne pèse plus que 8 quintaux mais les 70 kilos qui restent permettent de livrer aussi une "mandarelle" au prix de 40 francs
En 1895, après les guerres révolutionnaires puis impériales, cinq cloches ont certainement fait les frais de réquisitions pour être transformées en canons et seule reste la "mandarelle" puisque les deux autres sont fêlées. Disposant de 1000 francs, le conseil de fabrique de la paroisse de Fleury (4) décide de refondre les deux cloches hors d’usage et d’en acheter une troisième.
– Philomène-Camille (mi) accuse ses 1020 kilos.
– Théodore-Brigitte (sol dièse, celle de l’horloge) n’en fait même pas la moitié (420 kilos).
– Joseph-Noélie (si) la plus aigüe ne pèse que 265 kilos.

« Que la voix de ces cloches fasse monter vers le ciel l’accent de nos prières et descendre sur nous les bénédictions du Seigneur ! »
Jean Prax, curé à Fleury depuis 1890.



(1) 2009 / ISBN non renseigné.
(2) Du XIIème voire du XIème dans sa forme romane vu que le décor extérieur de billettes en damier est daté approximativement des XI et XIIème siècles (Pierre Moulier / Eglises romanes de Haute Auvergne / Editions CREER 2000).
(3) Pour des causes diverses : vieillissement, oxydation de l’airain, fêlures dues aux battants ou au grand froid (c’est à cause du froid que la Maria Regina de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, considérée come la plus grosse cloche de France [plus de 20 tonnes], fut fêlée avant de disparaître en 1521, deux ans à peine après son installation).
(4) Changements du nom du village : Pérignan (? 1736) Fleury (1736 – 1790) Pérignan (1790 – 1814) Fleury (1814 -1815) Pérignan (mars 1815 – nov 1815) Fleury depuis cette date... mais on parle toujours de Pérignanais.
Photo François Dedieu / diapo du village vu depuis le moulin.

dimanche 23 octobre 2016

LES TROIS CLOCHES / Fleury d'Aude en Languedoc


Dessin du clocher de Fleury du temps où les trois cloches trônaient sur la plate-forme, rythmant les heures, les joies, les peines, rapprochant la communauté villageoise.
Chaque message d'ici-bas daignant décrocher de très haut pour rebondir et se joindre aux voix familières et du voisinage, chacun, dans le secret de son esprit ou de sa foi les portait en soi avec un respect plus ou moins mystique. Je suis sûr, que les hommes, dans les terres, savaient jusqu'où elles portaient, nos cloches, suivant le vent, la température, la saison, le moment. Ils savaient aussi, si le glas sonnait pour une femme, un homme ou un enfant. Grave, le timbre des campanes vibrait longuement au plus profond des êtres. Plus léger, pour que la vie perdure, que la joie demeure, il entretenait la promesse céleste. Cette exaltation, entre le recueillement et la satisfaction modeste d’une journée bien remplie, Millet l’a si bien rendue avec ce couple de paysans en prière pour « L’Angélus ». 



ENCORE TROIS CLOCHES... 

Cette communion, le soir venant, entre le dur travail accompli aux champs (1), le bon vouloir des cieux et l’espoir fervent des hommes, est présente aussi, chez Victor Hugo célébrant cet autre temps fort des campagnes, celui des semailles :

« ... Pendant que, déployant ses voiles,
L’ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu’aux étoiles
Le geste auguste du semeur. »
V. Hugo / Saison des semailles. Le soir.

 Le semeur de Jean-François Millet et celui de Vincent Van Gogh. 
Pour les enfants loin de tout comprendre, les cloches tintaient surtout pour rendre solennelles des joies plus terre à terre, certes à l’unisson des fêtes chrétiennes mais non sans une aura bienveillante pour des libations et des bonheurs apparemment plus païens. Quand je passe aux pins de Barral, la pensée me vient toujours que, vers mes huit ou neuf ans, le printemps m’offrit ici un « Premier matin du monde » et son souvenir poignant me travaille toujours davantage, un demi-siècle plus tard, tant je crains de ne pouvoir en transmettre aux plus jeunes que la vision nostalgique d’un paradis perdu.

(1) ils récoltent des pommes de terre. Dans l’œuvre de Jean-François Millet, figure aussi « Le semeur » toujours dans un travail jouant de l’ombre et de la lumière.

photos autorisées commons wikimedia.