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lundi 9 mars 2020

NISSAN EN FÊTE, un film de Michel CANS des années 1950.

Né au début des années 1920 (1), le journaliste Michel Cans a confié plus de 160 films tournés entre 1950 et 1970 sur les villages de l'Hérault (partie Ouest du département).
Archives vivantes d'un monde que ceux de moins de 50 ans ne peuvent pas connaître, ils nous montrent comment les gens sont habillés, quelles peuvent être leurs habitudes, et derrière ou avec eux, les commerces aux devantures protégées par des bannes de grosse toile ou encore des volets, les modèles de voitures, les remorques à main ou couplées aux mobylettes sinon aux vélos... 

L'Aude bénéficierait-elle aussi d'un fonds aussi riche et intéressant ? Si une quête plus approfondie s'impose, ce n'est pas une raison pour snober nos voisins d'au-delà du fleuve... 


Nissan-lez-Enserune, panoramio wikimedia commons Auteur logopop. Au-delà des collines, la plaine de l'Aude et au fond, reconnaissable malgré ses modestes reliefs, la Montagne de la Clape.

(1) "... PAGÈS, David, "Michel Cans, 88 ans, un pionnier du journalisme", dans Midi Libre édition Béziers, 1er mars 2010."

NISSAN en fête
réalisateur : Michel Cans ; collection CIRDÒC-Mediatèca occitana

https://occitanica.eu/items/show/247 

Nissan-lez-Enserune Eglise St-Saturnin portail wikimedia commons Auteur Fagairolles 34. A voir la sortie de la messe, on dirait qu'une partie du film a été tournée le dimanche des Rameaux.

lundi 13 février 2017

LES PYRÉNÉES SE SOUVIENNENT... / Guerre d'Espagne, Corbières


Belles, les montagnes immaculées. A gauche, le Canigou sous sa capuche blanche ; vers l’ouest, des cimes, des pics se tenant par la main, festonnés de neiges. Les nuages poussés par le marin n’apposent pas encore leur couvercle gris, le soleil encourage la fleur d’amandier, les branches dénudées s’éveillent. Et cette porte des Corbières où il faudra s’arrêter mais une autre fois puisque ce vendredi 10 février, nous partons accompagner une grand-mère à sa dernière demeure. 



Petit village, petite église, petits platanes. Petit parvis fermé par une grille d’avant sur la murette, ouvert sur les chants déjà printaniers des petits oiseaux. En contrebas, des jardins, un filet d’eau claire trop modeste pour le fossé bétonné où l’eau boueuse et grondante des aigats (1) s’engouffre régulièrement. 


La carrure bienveillante, le prêtre descend les marches. Il tient à saluer les proches puis, d’un signe de croix, le corps. Pour une messe anodine, il aurait quelque chose du curé de Cucugnan. Mais quand il s’adresse à la morte, sous les voutes romanes du choeur, les références aimables s’effacent... Joséphine, arrivée d’Espagne pendant ou après la guerre a célébré sa communion dans cette petite église de Saint-André. Si son vouvoiement, serait-il de politesse, marque une certaine distance, d’un coup, toute la chaîne enneigée des Pyrénées s'immisce par le petit portail tourné vers les petits platanes, le petit parvis, les jardins aux petits oiseaux ! 


C’est que le grand Sud, derrière, est si longtemps resté bloqué sur la ligne de crête, la frontière espagnole ! Pour un Audois né onze ans plus tard, cela se dévoile encore peu à peu et ça marque à jamais : telle un tsunami, la guerre civile a débordé sur notre versant. Les belles lignes d’Armand Lanoux sur cet hiver 1939 à Banyuls, froid et neigeux (Le Berger des Abeilles), reviennent aussitôt travailler la mémoire. Une mémoire imaginant aussi Antonio, réfugié républicain, dans une rue de Collioure, faisant passer un papier déjà froissé à un passant qui a pris les mots pour des fadaises et qui n’a pas compris et réalisé qu’il allait jeter le dernier poème de Machado.

Choquant, l’exode, de Cerbère aux cols les plus hauts vers l’ouest, cachés presque sous un épais manteau de neige. Émouvant, ce flot d’exilés mêlant les humbles et des moins à plaindre, des anonymes et des sommités. Déstabilisant de réaliser que la religion démontrait ici, dans ce piémont refuge, au sein de la petite église protectrice, un pouvoir rassurant tandis que là-bas, par l’entremise d’un même officiant, complice du franquisme, elle étreignait le pays d’une main de fer.

Le cercueil défile par les rues, devant la cave du grand-père, ensuite, non loin de la maison aux volets bleus. Contre un mur, au fond d’un jardin, les pompons jaunes et moirés d’un mimosa d’Australie... « Seulement les grand-mères, madame Rostaing, c'est comme le mimosa, c'est doux et c'est frais, mais c'est fragile... » ... Marcel Pagnol... Et la famille qui marche devant prend le pas sur l’Histoire. L’Histoire peut aller dans tous les sens... La Géographie est plus sage même si tous ces ruisseaux d’eau claire dénotent dans les Corbières. C’est que la tempête Marcel (encore lui) est passée il y a peu. D’ailleurs le panneau électronique de la mairie informe qu’on peut se signaler si les intempéries ont causé des dégâts aux cultures.

La route repart vers le nord, les grands domaines aujourd’hui cotés. Au sortir du village, la famille, parents et petits-enfants, se tient encore devant les cyprès chenus du cimetière. A l’horizon, éblouissantes de neige, les Pyrénées se souviennent pour ne pas qu’on oublie, même si tant de témoins, Antonio ou Joséphine, dorment désormais de leur dernier sommeil.  

(1) un aigat est un épisode pluvieux violent lié à une dépression s’enroulant vers l’ouest et bloquée par les bordures montagneuses du Languedoc-Roussillon : Cévennes et piémont pyrénéen (dont les Corbières). Mais quand la doxa météo ressasse ses « épisodes cévenols » comme elle radote sa « tramontane », c’est toujours la niveleuse assimilatrice francilienne en action.


Crédit photos : 1. Canigou depuis Ille-sur-Têt. author Babsy 
3. Saint-André-de-Roquelongue Église auteur Methos31 
4. Canigou depuis le Barcarès  author Leguy French Wikipedia

samedi 29 octobre 2016

DING, DENG, DONG... / Fleury en Languedoc


Essayez-donc d’imiter nos campanes d’alors et reprenez en chœur « Mi, sol #, si... »
Grâce à l’ouvrage collectif « De Pérignan à Fleury » (1) nous en savons davantage. Remercions d‘abord les chroniqueurs pérignanais d’avoir partagé avec tous le résultat de leurs recherches (beau livre à prix modique... merci aussi la municipalité).

Page.55, un « HISTORIQUE DES CLOCHES » ne compte pas moins de trois pages grand format agrémentées de photos.
Jusqu’en 1673, l’église Saint-Martin de Pérignan (2) ne dispose que d’un clocher-tour (campanile ?).
En 1782 (le village s’appelle Fleury depuis 1736), les sept cloches abritées à l’intérieur ont été refondues et bénites... Cela voudrait dire que, plus anciennes, elles ont été réparées (3), peut-être faute d’entretien...
En 1837, Nicolas Martin, fondeur, refond une grosse cloche fêlée. Celle-ci ne pèse plus que 8 quintaux mais les 70 kilos qui restent permettent de livrer aussi une "mandarelle" au prix de 40 francs
En 1895, après les guerres révolutionnaires puis impériales, cinq cloches ont certainement fait les frais de réquisitions pour être transformées en canons et seule reste la "mandarelle" puisque les deux autres sont fêlées. Disposant de 1000 francs, le conseil de fabrique de la paroisse de Fleury (4) décide de refondre les deux cloches hors d’usage et d’en acheter une troisième.
– Philomène-Camille (mi) accuse ses 1020 kilos.
– Théodore-Brigitte (sol dièse, celle de l’horloge) n’en fait même pas la moitié (420 kilos).
– Joseph-Noélie (si) la plus aigüe ne pèse que 265 kilos.

« Que la voix de ces cloches fasse monter vers le ciel l’accent de nos prières et descendre sur nous les bénédictions du Seigneur ! »
Jean Prax, curé à Fleury depuis 1890.



(1) 2009 / ISBN non renseigné.
(2) Du XIIème voire du XIème dans sa forme romane vu que le décor extérieur de billettes en damier est daté approximativement des XI et XIIème siècles (Pierre Moulier / Eglises romanes de Haute Auvergne / Editions CREER 2000).
(3) Pour des causes diverses : vieillissement, oxydation de l’airain, fêlures dues aux battants ou au grand froid (c’est à cause du froid que la Maria Regina de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, considérée come la plus grosse cloche de France [plus de 20 tonnes], fut fêlée avant de disparaître en 1521, deux ans à peine après son installation).
(4) Changements du nom du village : Pérignan (? 1736) Fleury (1736 – 1790) Pérignan (1790 – 1814) Fleury (1814 -1815) Pérignan (mars 1815 – nov 1815) Fleury depuis cette date... mais on parle toujours de Pérignanais.
Photo François Dedieu / diapo du village vu depuis le moulin.

jeudi 27 octobre 2016

RAISIN & VENDANGES / Le Goût de mon Pays... / Fleury d'Aude en Languedoc

C’est loin et pas si loin que ça, finalement, pour ceux qui voyagent dans leur tête, pour ceux qui croient aux signes, pour ceux dont le cœur bat plus vite, qui restent convaincus que chaque vie, loin d’aller son cours de fleuve tranquille, reste une aventure, une succession de surprises, pour le moins, mi-figue mi-raisin (1). Le raisin justement, ce fruit mythique qui attirait sur nous les faveurs de Dyonisos et Bacchus, divinités que nous célébrions, sans le savoir presque, chaque année, pour des vendanges exclusives qui emplissaient tout notre univers villageois. Pour le célébrer, permettez que nous passions par l'Alsace qu'un natif du vignoble, quelle que soit sa latitude, ne peut qu'aimer, charmé à jamais par le vert magique des vignes qui... voyagent.

L’Alsace, justement, une terre attachante, particulière mais si semblable : toujours la diversité dans un destin partagé, comme pour n’importe quelle autre région française, comme les pays dans le concert mondial. Pour un enfant du Sud, voilà un demi-siècle, cette plaine entre Vosges et Forêt-Noire, un enchantement ; ces vaches, ces champs de maïs, ces cigognes sur les maisons à colombages, quel ravissement ! La senteur des bouses après celle du crottin ! Et le vignoble sur les coteaux pour ne rien gâcher, ce vert unique des pampres donnant aussitôt son éclat au paysage ! L’Alsace, c’est aussi notre cousin Jojo, plus que jamais dans nos cœurs, lors de son service militaire à Bühl, juste sur l’autre rive du Rhin, si impressionné, en chasseur passionné qu'il était, par les escadrilles de faisans et les lièvres en campagne ! Un rêve pour nos nemrods inquiets d’un gibier toujours moins présent sur nos terres moins grasses... 

    Alsace Cleebourg et son vignoble en automne auteur Lamoi

Enfin, si l’Alsace s'impose à mon esprit, c'est qu'elle a su me transporter un jour vers les vignes de Fleury comme dans une machine à remonter le temps. Si, si, même que la tête m’en a tourné avec l’estomac tout retourné, comme mon pauvre cousin Jacky, quand les avions, pour la fête du village, le 11 novembre, tournaient au Ramonétage, sur l’aire de la Batteuse (2) ! 
L'Alsace me rattrapa alors que j’étais à la Réunion, un comble pour un Languedocien ! J'étais donc au milieu des cannes à sucre, en train de boire un jus de raisin. Un jus ? puis-je en parler aussi banalement quand sur mes lèvres, passa la quintessence de mon pays perdu ! Un jus peut-être, une potion, un élixir sûrement, tel le  long baiser des contes qui libère des maléfices de la sorcière...
Des babines au palais me revenait le goût de la grappe à peine pressée dans la comporte, au moment de charger le chariot, quand un trop-plein de moût, vineux, tiède, mousseux, menace de verser, et ce bonheur grandissant m’emballait malgré moi. Au-delà, mais sans vouloir attenter à la magie de cette jouissance béate, les yeux clos comme pour garder malgré tout la sublimation dyonisiaque sur les papilles, je me suis vite persuadé que ce bouquet portait la signature unique d'un cépage reconnu entre tous, le Carignan. Troublé par ce signe du destin et sans trop savoir si une bise (3) n’était pas en train de me griffer l’âme, voici ce que je notai le 10 mars 2002, presque mot pour mot :
« … Il y avait aussi du raisin à 23 F /kg mais comme il ne restait que des fonds de cagettes, je me suis consolé avec un jus de raisin “Vergers d’Alsace” à base de pur concentré de fruit. A ma grande surprise, la première gorgée me plongea loin dans des émotions enfouies. Je reconnus le Carignan avant de vérifier l’étiquette qui mentionnait aussi l’Aramon, autant de raisins du Sud qui ne doivent pas grand-chose à l’Alsace et qui ont dû voyager. Je me suis mis à en boire un demi-litre à la fois, en fermant les yeux, tant je restais persuadé que le goût des vendanges et des moûts de mon enfance m’était rendu. » 

grappe de carignan

Grappe d'aramon


La potion, serait-ce une illusion, n'a rien perdu de sa force. 
A-t-elle bien fermenté pour devenir adulte ? 
A-t-elle bien vieilli ? 
Ma fausse modestie vous laisse le soin de la réponse. Toujours sectaire et intolérant quand il faut défendre mon vin de toujours, je déchire les affiches de ces imbéciles prétendûment contre l'alcoolisme, illustrant leur croisade avec un ballon de rouge et non ces alcools forts, dorés ou verts, titrant trois fois plus, avec ou sans glaçons ! Contre les extrémistes, soyons extrêmes ! 
Même le chef des douanes de Mayotte s'est laissé convaincre lorsque, me demandant des comptes sur ma réserve de 300 bouteilles (1994), il s'est entendu dire de manière complètement improvisée "C'est le sang de mon pays !". Après coup, si je me suis fait l'effet d'un comédien baratineur, avec le recul, j'assume, je revendique. Pour tout dire, je me vante presque de cette victoire or le gabelou chef s'appelait Cabrol... un patronyme certainement en accord avec nos valeurs sudistes !     


(1) encore un qui parle ponchut pour imposer une telle ânerie ! La figue, le raisin poussent dans le Sud et sont à ma connaissance deux très bons fruits déclinés dans de nombreuses variétés. A la place, je dirai « mi-endive mi-betterave » pour un sentiment entre plaisir et contrariété, même si les chicons d’aujourd’hui ont beaucoup perdu de leur amertume. 
(2) pour la fête du village, quand il a dit qu'il était malade, je n'ai pas arrêté de le secouer en montées et descentes brusques au point de le faire vomir sur les badauds en bas !
(3) Un sarment.

grappillons de mi-octobre

Photos autorisées : 
1.  Carignan auteur(s) Viala_et_Vermorel
2. vigne aramon, principal cépage du département de l'Hérault auteur Fondo Antiguo de la Biblioteca de la Universitad de Sevilla

dimanche 23 octobre 2016

LES TROIS CLOCHES / Fleury d'Aude en Languedoc


Dessin du clocher de Fleury du temps où les trois cloches trônaient sur la plate-forme, rythmant les heures, les joies, les peines, rapprochant la communauté villageoise.
Chaque message d'ici-bas daignant décrocher de très haut pour rebondir et se joindre aux voix familières et du voisinage, chacun, dans le secret de son esprit ou de sa foi les portait en soi avec un respect plus ou moins mystique. Je suis sûr, que les hommes, dans les terres, savaient jusqu'où elles portaient, nos cloches, suivant le vent, la température, la saison, le moment. Ils savaient aussi, si le glas sonnait pour une femme, un homme ou un enfant. Grave, le timbre des campanes vibrait longuement au plus profond des êtres. Plus léger, pour que la vie perdure, que la joie demeure, il entretenait la promesse céleste. Cette exaltation, entre le recueillement et la satisfaction modeste d’une journée bien remplie, Millet l’a si bien rendue avec ce couple de paysans en prière pour « L’Angélus ». 



ENCORE TROIS CLOCHES... 

Cette communion, le soir venant, entre le dur travail accompli aux champs (1), le bon vouloir des cieux et l’espoir fervent des hommes, est présente aussi, chez Victor Hugo célébrant cet autre temps fort des campagnes, celui des semailles :

« ... Pendant que, déployant ses voiles,
L’ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu’aux étoiles
Le geste auguste du semeur. »
V. Hugo / Saison des semailles. Le soir.

 Le semeur de Jean-François Millet et celui de Vincent Van Gogh. 
Pour les enfants loin de tout comprendre, les cloches tintaient surtout pour rendre solennelles des joies plus terre à terre, certes à l’unisson des fêtes chrétiennes mais non sans une aura bienveillante pour des libations et des bonheurs apparemment plus païens. Quand je passe aux pins de Barral, la pensée me vient toujours que, vers mes huit ou neuf ans, le printemps m’offrit ici un « Premier matin du monde » et son souvenir poignant me travaille toujours davantage, un demi-siècle plus tard, tant je crains de ne pouvoir en transmettre aux plus jeunes que la vision nostalgique d’un paradis perdu.

(1) ils récoltent des pommes de terre. Dans l’œuvre de Jean-François Millet, figure aussi « Le semeur » toujours dans un travail jouant de l’ombre et de la lumière.

photos autorisées commons wikimedia. 

dimanche 17 juillet 2016

NOS PLAGES AVANT / Hommage à Maurice Puel


 Avant les jours rouges ou noirs de Bison futé, avant les chassés-croisés de l’été, avant les 50.000 estivants à Saint-Pierre-la-Mer !

FARINETTE JADIS


Poème de Maurice PUEL extrait du recueil "Bourgeons précoces, fruits tardifs" (Mai 1988) / http://archeovias.free.fr/litt_01_puel.htm

Quand on allait à Farinette, le dimanche,
Par ces longs jours d'été, brûlants comme un fournil,
Les hommes n'avaient pas chemisettes sans manche,
Mais un chapeau de paille et costume de fil.

Les femmes à leur tour, s'étaient mises proprettes :
Un corsage léger, jupe jusqu'au talon,
Une ombrelle, un chapeau, mais des couleurs discrètes.
Bref, vêtement correct sous un soleil de plomb.

Attelés à leur break, charrette ou carriole,
Anes gris comme noirs - c'étaient les plus nombreux -
Chevaux, mulets, dominicale farandole,
Egrenaient leur crottin sur le chemin poudreux.

Attelage fringant ou d'âge canonique,
Il fallait emprunter, qu'on soit pauvre ou cossu,
Et tous au même train, le pont à voie unique
Sur l'eau du vieux canal arquant son dos bossu.

Là, s'en venait, marchant, une famille entière,
Le panier sur la tête, ou la saquette au dos :
De simples travailleurs, mais la démarche altière;
Aujourd'hui, le plaisir allégeait leurs fardeaux.

Empressé, patient, enfin chaque attelage,
Portant sa cargaison de gens endimanchés,
A deux pas de la mer, s'installait sur la plage,
Laissant les animaux à la roue attachés.

Tout cela se faisait sans cris et sans dispute,
Charrettes, chariots relevant leurs deux bras
Où l'on tendait, pour l'ombre, un grand carré de jute
Qu'en langue de chez nous on appelle un bourras.

Quant au maillot, la pudeur primait l'élégance :
Pour les hommes, rayés, du col jusqu'au genou.
Les femmes, bien qu'ornant le leur de quelque ganse,
Cachaient tous leurs appas sous un costume flou.

Après le bain, assis à l'ombre translucide
Du bourras mal tendu : goûter tiré du sac…
De groupe en groupe on plaisantait, l'humeur placide,
Et la vague y mêlait son éternel ressac.

Le soir, à la fraîcheur, d'humeur plus que parfaite,
- Car il était coquin notre petit vin blanc -
Le chemin du retour prenait un air de fête
Et l'attelage allait d'un pas plus nonchalant.

On écoutait les belles voix, des galéjades :
Populaire plaisir, amical et sans frais.
Nous nous connaissions tous, jeunes, vieux, camarades…
"A dimanche prochain", disait-on, "Soyez prêts" !

Allez-y maintenant. On cherche l'eau, la plage,
Tant les corps nus les ont, désormais, envahis…
S'ils revenaient, les vieux, si fiers de leur village,
Ils diraient, affolés : "Ce n'est plus mon pays !"

Maurice PUEL 


photos autorisées : 1. auteur François d'Orléans - Sur la plage, les bains de mer. 
2.Vias Plage auteur  Cillou Mobeye-ÉtéDesVilles-Vias-329



mardi 12 juillet 2016

LES CORBIÈRES VIII / Un pays de Cers !


Un des cœurs des Corbières plurielles bat entre deux plis comme aux ordres du Pech de Bugarach (1230m) au midi et qui descendent vers l’Est. Le premier court sur 15 kilomètres au sud de la D613, la route des Corbières, entre les localités de Serres et du Pont d’Orbieu (de 800 à 515 mètres) (1). Le second, sur 23 kilomètres en gros, passe au nord de la D14, entre les villages de Bugarach et Rouffiac-des-Corbières, dépassant souvent les 900 mètres (Serre de Bouchard 931 m., Milobre de Massac 908 m.) pour redescendre autour de 600 mètres vers Laroque-de-Fa et Davejean (2). 


Vous êtes perdus ? Alors ne parlons pas des confins, de la Table des Morts vers Dernacueillette, de ce levant limité par la masse Mont Tauch (917 m.),  d’où sortent le Sou affluent de l’Orbieu et le Torgan qui rejoint le Verdouble lui-même allié de l’Agly.
Repérons-nous plutôt sur la D 74, à peu près entre les deux lignes de relief initiales, depuis Rennes-les-Bains vers la source salée puis le cours de l’Orbieu (3), par Sougraigne, Fourtou puis le contrebas d’Auriac, autant de villages où les morts des monuments pèsent plus que les vivants qui restent... 


Vous y êtes ? Rien de grave... Chacun reste libre de rêver, d’imaginer... Pour moi, néanmoins, pas question d’inventer : les Corbières sont porteuses de tant de beauté, de nature, d’humanité et d’Histoire, de mystères... élucubrer serait leur manquer de respect.
Avec les reliefs apparemment en désordre à cause des Pyrénées, il faut considérer le climat sinon les climats. L’Océan, la Méditerranée, l’altitude influent sur notre secteur. La température moyenne annuelle (11,7°) est de 3,5 degrés moindre qu’à Carcassonne ou Narbonne mais les vents (4) et surtout le Cers (de NO) y sont également forts. L’été est chaud mais moins sec qu’autour du Golfe du Lion. Il pleut plus régulièrement et davantage en moyenne d’octobre à mai (750 mm à Arques). L’humidité relative est favorable à la forêt qui profite des espaces désormais vides d’hommes, des hommes qui subissaient jadis des hivers plutôt froid, avec des brouillards et la neige parfois (5). 


En descendant vers Arques, je me souviens d’une combe aux châtaigniers où nous avions acheté du miel (peut-être vers le lieu-dit Perruche et vers 1961 ?). En montant le col du Linas depuis Camps-sur-l’Agly, je me souviens des fraises des bois. A Bugarach (6), je me souviens des bergeries qui se touchaient avec le panneau haut de la porte ouvert pour que les chèvres profitent du jour (vers 1975, le village vivait à l’écart des racontars farfelus qui le mirent il y a peu, sous les feux des projecteurs !).
Depuis ce cœur des Corbières, viennent chanter la Rialsesse, la Blanque et la Sals, l’Orbieu et bien des ruisseaux, l’Agly avec, parce que Nougaro nous en livre un instantané à Paziols, le Verdouble que nous chercherons et suivrons avec un plaisir toujours neuf !      
   
(1) Passe au col du Paradis 627 m..
(2) Passe les cols du Linas (667 m.), de Bancarel (496 m.), d’en Guilhem (477 m.).
(3) Après le col de la Fage (731 m.).
(4) "Les  vents  : le  cers  est  un  vent  de  secteur  nord-ouest, violent  et  froid  qui  apporte  les  pluies océaniques. Le vent d’autan (marin) est un vent de  secteur  sud-est  qui  fait  remonter  les  masses d’air humides de la Méditerranée et apporte aussi des précipitations" Centre Régional de la Propriété forestière Languedoc-Roussillon 2001.
(5) Un joli conte de Noël a pour cadre la neige entre Limoux et Saint-Louis-et-Parahou du temps des charrettes. Demandez toujours, si j’oublie, en décembre. 
(6) Les lutins Bug et Arach n’ont-ils pas intercédé auprès de Jupiter pour que les habitants soient délivrés des destructions colériques de Cers, fils d’Éole ?    
photos autorisées : 
1. Bugarach_vue_générale auteur Arno lagrange GFDL CC-BY-SA-3.0 
2. Carte_des_Corbières.svg auteur Boldair
3. Rennes-les-Bains,_pont_sur_la_Sals auteur CORLIN
4. Arques château auteur Romain bréget

vendredi 8 juillet 2016

LES CORBIÈRES VII / Le VERDOUBLE de Nougaro !


« On l'appelle le Verdouble
La rivière qui déroule
Ses méandres sur les pierres
La rivière des hautes Corbières... »


Les muses ont toujours été généreuses avec Nougaro. Elles n’avaient pas besoin d’un cadre aussi beau que celui des Corbières pour s’épancher. Il n’empêche, entre grandeur et mystères, parmi tous les petits pays sertis dans un désordre de reliefs trop pluriels et regroupés, pour la commodité, en tant que "massif", Nougaro a installé ses pénates et ses muses à Paziols dans l'Aude.
Le village se blottit au fond d’une cuvette rutilante de vignobles qui donnent des vins rubis de carignan et grenache, ambrés de maccabeu ou muscat. Acagnardé au pied de l’imposant Tauch, un peu protégé des rafales du Cers qui, en compensation dispense un soleil généreux, le bassin respire une vraie douceur de vivre. Les fontaines, les Verdouble, grand et petit, apportent une fraîcheur tenant du miracle sous ces paysages grecs... Attention pourtant aux humeurs changeantes sinon coléreuses de la Méditerranée : des Pyrénées au Mézenc, la bordure montagneuse reçoit en automne des précipitations en quantité et l’eau vive des Corbières peut faire peur (1).

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »


Certes Claude mais il en a coûté des misères, le gentil Verdouble.
1999 reste dans les mémoires mais en 1987 à Padern, à la confluence du Torgan, la crue est montée plus haut. En 1962 et 1970, à Paziols l’eau a atteint des niveaux comparables et 1940 l’a vue à peine en dessous tandis qu’à Padern, le pont après le Torgan était emporté. En 1920, à Paziols, l'inondation, un mètre encore plus haut, a envahi le village et la mairie. (2) 

Sinon, comment refuser le positif et la vision poétique, mythique même de la rivière ? La sinistrose est hors sujet, et puis elle n’a jamais empêché les sinistres...

«... Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C'est dans l'œil de ses grenouilles (3)
Que sont ses pépites d'or... »


Restons au bord de l'eau, là où l'eau court encore vers des gorges. L’ondin, gardien des eaux, participe de cette magie partagée. Pépites d’or, argent, mixite émeraude... Entre autres trésors, Claude Nougaro a gardé plus que des "cailloux blancs" :

«... Dans les gorges du Verdouble
Sur un lit de cailloux blancs
J'ai composé ces vers doubles
Que j'espère ressemblants... »


Nougaro, échanson des nectars bacchiques, porteur d’eau des sources sacrées veillées par Divona, nous enchante de ses derniers vers d’une simplicité miroitante :

«... Si aux eaux de mon Verdouble
Tu préfères l'océan
C'est facile, tu les ouble...
Tu les oublies simplement. »


Toujours gosse, je les poursuis, les rivières des Corbières, hautes ou non, derrière toi, Nougaro, NougarOc plus que jamais !.. Depuis gosse... pour côtoyer les muses qui se sont penchées sur ton berceau !
Mais ce que je peux en dire... Autant écouter et réécouter Claude qui court en nous avec l'eau du Verdouble. 

http://www.dailymotion.com/video/xok33_claude-nougaro-riviere-des-corbiere_music

(1) Attention aussi aux orages violents de l’été.
(2) http://www.aude.gouv.fr/IMG/pdf/note_de_presentation_cle77e45e.pdf
(3) un gragnot, uno gragnoto, grenouille quel que soit son sexe en français, surnom des habitants de Paziols... (Mistral le notait dans le Trésor du Félibrige).

Photos autorisées Commons wikimedia 
1 village de Paziols auteur Frachet (2009). 
2 grenouille verte auteur Holger Gröschl (2003).  

dimanche 12 juin 2016

LA SAISON DES GUINES, C’EST JUIN / Fleury d'Aude en Languedoc.


Nous parlions de l’occurrence peu fréquente entre la fête de Pentecôte et la saison des guines. Wikipedia (1) nous précise que les deux calendriers, le naturel et le religieux, s’accordaient pour confirmer le proverbe seulement en 2000, 2003, 2011, 2014 ; ils coïncideront aussi en 2019 et 2025, ce qui, entre nous n’empêchera personne de fêter tant la fête que le fruit. 
Dans le trésor du Félibrige, Mistral qui associe lou guiniè, cerisier à fruits acides, à l’agriouliè (d’où le nom "griotte" en français), a relevé un extrait de H. Lacombe en occitan : « Filheto de setge ans, frescocoumo uno guino. » (Fillette de seize ans, fraîche comme une guine). 


En cherchant « guine » sans porter la moindre « guigne » (2) (autant préférer le terme languedocien !) : la recherche renvoie au merisier ou cerisier sauvage prunus avium. On trouve quand même prunus cerasus, « petit arbre dépassant rarement 8 mètres» (Wikipedia) drageonnant facilement, buissonnant.
Cela se complique quand la page précise « En France, il pousse spontanément principalement dans la moitié nord du pays ». 
Parce que le long de l’Aude, ce serait du forçage peut-être !
Il est vrai que les confusions sont légion et sans parler des variétés cultivées (Annonay, Précoce de Rivers, Amourette), le petit arbre sauvage est souvent assimilé au griottier, au merisier... 
Le nom vient d’Asie Mineure même si des contreverses subsistent puisque certains maintiennent que la variété de la côte sud de la Mer Noire aurait seulement amélioré, par greffage, des espèces sauvages déjà en Europe à l’époque des Romains.
Si « guigne » vient peut-être de « kign » en celte (« guindo » en espagnol ?), le mot turc « vischna » (cité par F. Mistral), aurait donné « višně » en tchèque, « visna » en espagnol moderne (encore d’après Mistral), éventuellement « weichselkirsche » en allemand.
Laissons la conclusion à Maria Sanchon du temps de ma « grand » qui parlait elle, de "cerises sures". 

(1)https://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_de_la_date_de_P%C3%A2ques
(2) par le passé, les cerisiers sauvages étaient censés abriter de mauvais esprits. 



Photos 1 pixabay guignes. 
2 pixabay sour-cherry. 
3 Commons wikimedia Wisnia pospolita aut Alina Zienowicz. 

vendredi 27 mai 2016

CHERCHER LE PRÉSENT DANS LE PASSÉ : OUVEILLAN / Fleury d'Aude en Languedoc.

Trausse, Lapalme, Sallèles, Vinassan, Salles, Gruissan, Cuxac, Coursan, autant de villages sans lesquels nous ne serions pas ce que nous sommes. A la suite, sur cette liste, de celles qu’on établit pour de joyeuses retrouvailles, j’avais des notes sur Ouveillan, bien fournies, s’ajoutant aux chers souvenirs des condisciples de lycée et surtout liées à une amitié plus forte que les kilomètres à vélo nous séparant... même si lui avait une mobylette... bleue, à en croire la fragilité des souvenirs. 


Nous braconnions alors sans complexe et surtout par provocation, à jouer les croquants dans les pinèdes de ces châteaux et grandes fermes bourgeoises, en plein jour, à une heure et dans des circonstances n’incitant heureusement pas au zèle des gardes. Pire encore quand, la carabine en avant, nous arpentions l’étang en contrebas du village, de la route, des chemins, à la vue de tous ! Loin des escapades furtives et nocturnes d’un Raboliot, nous étions seulement dans l’extravagance des excès existentiels. Surtout pas liée à Sartre qui nous barbait autant que la prof de philo coco ! Non, une extravagance toute rabelaisienne (1) plutôt, de gros rires, comme quand Georges puis Antoine, trop pris par l’excitation d’un gibier tentant mais lointain, tombèrent tour à tour dans une cave* remplie d’une eau froide comme peut l’être novembre en Languedoc, dans les bourrasques d’un Cers* pénétrant venu des montagnes ! Sauf qu’ils m’auraient bien jeté aussi derrière les sénils*, mes copains rigolos, par égalitarisme !
Tel le piégeur flânant l’air de rien sur le théâtre de ses forfaits passés, j’aime repasser par Ouveillan dans un sens ou dans l’autre. L’été dernier, par la Minervoise, puis le carrefour de la Croisade, un jour que la  ramure élancée des platanes balançait sous les coups du Cers justement... Je veux parler des feuillages à terme condamnés par le chancre doré (2) tueur des pauvres arbres. Les gros nids d’agasse* d’autrefois ont aussi disparu... Te souviens-tu Antoine, de ta peur, cette fois-là, à trop jouer au pendule, si haut, pour quelques œufs à piller ? 


En bas du village, la cave coopérative et son architecture superbe (3), tout à l’honneur du raisin et de 1936, année du Front Populaire (prenez vite une photo car elles sont effacées un jour, comme à Vinassan, à Lespignan...). En redescendant vers Cuxac et la plaine de l’Aude, en surplomb de l’étang, feu la distillerie-coopérative d’un temps où la vigne et le vin quotidien rythmaient la vie. Entre la cave et l’alambic, parce que la vanité n’est pas leur fort, on cherche longtemps le monument aux morts. 


Village du midi, assoupi en cette mi-août, désert à l’heure de la sieste, qui veut nous laisser croire que tout à l’heure les gens partiront arroser les jardins, pour profiter au retour, de l’air moins chaud sur le devant de porte, manière de bader* le mouvement des éclats de voix et des boules sur les bancs de la place... Le Sud qui s’offrait en traversant la localité vers l’impasse Camarade (4), en récupérant des efforts liés à la dernière côte (en venant de Cuxac, celle de la distillerie).   
  
Enfin le monument aux morts, pour la paix, de ceux stigmatisés alors par les "braves gens" (4) remontés par les va-t-en-guerre. On le doit à René Iché (5), un enfant du pays, né à Sallèles-d’Aude, à quelques kilomètres à peine et d’Ouveillan par sa mère (il y est inhumé). Il est mal indiqué, la verdure le cache, c’est difficile de le cadrer... Dommage pour un village par ailleurs connu pour ses vendanges du cœur (au profit des Restos du même nom lancés par Coluche). 





Sur la route de Cuxac, à gauche, l’embranchement vers Fontcalvy, une grange fortifiée. Les vieilles pierres en imposent, au milieu des vignes il est vrai. Dans les ruines réhabilitées, l’été, un festival, des spectacles et un repas, pour ceux qui veulent, en bas, dans l’ancienne bergerie... N’espérez pas faire ripaille comme les moines d’antan... ceux-là donnaient plutôt dans l’ascétisme, la rigueur et le travail, règle de Cîteaux oblige. Sans remonter au XIIIe siècle et parce que nous n’étions que des chenapans aux cheveux longs, vers l’an de grâce 1968, nos jeux ne dérangeaient que les vols de corneilles qui logeaient là et la terre et les détritus comblaient presque le bercail des moutons. Maintenant, ils peuvent monter le son et multiplier les projecteurs : fini les troupeaux et plus de corneilles (comme dans la garrigue d’ailleurs). 


A Joël des PO, Georges de Narbonne et Antoine d’Ouveillan, à nos folles années 68-70 ! 
(à suivre)

(1) Ah ! Monsieur Rabéjac qui nous enseignait le XVIème siècle en littérature !
(2) champignon mortel qui serait arrivé d’Amérique avec les caisse de munitions en 1944. Il existerait comme un vaccin porteur d'espoir et testé à Sallèles...
(3) Architecte Gaston Ladousse qui fit aussi celles de Vinassan (1937) et de Trausse (1937), pour parler de cette période.
(4) Nino Ferrer ne chantait pas encore le Sud (1975) mais Jean Ferrat en remontrait déjà au camarade (1969) et Brassens était bien le seul à défendre l’anticonformisme pacifiste. 
(5) René Iché (1897-1954), Croix de Guerre 1914-1918, Médaille de la Résistance. Devenu sculpteur contre l’avis de ses proches, Iché vit son œuvre Forfaiture enlevée pour "indécence" (1923).
«Laissez-moi vous dire...» écrivait-il au préfet de police «... que votre décision, si inattendue pour moi, m’a beaucoup ému. certes, je ne prétends pas avoir fait un chef-d’œuvre et si mon intention fut mal interprétée, c’est peut-être que mon talent ne fut pas à la hauteur de mon ambition. Quoiqu’il en soit, j’ose affirmer que j’ai poursuivi, en sculptant Forfaiture, un but hautement moral. J’ai voulu traduire dans la matière plastique, la douleur et l’angoisse d’une trahison, la trahison de l’instinct génésique, le reniement de la vie elle-même vis à vis de la continuité de la vie : le drame affreux que la loi poursuit car il constitue un véritable crime de lèse-humanité.
«L’illustre maître Bourdelle, qui a bien voulu m’éclairer de ses conseils, m’a répondu que ce sujet, s’il avait été inspiré par le sixième commandement à un imagier de cathédrale, aurait très bien pu trouver sa place dans la pénombre d’une haute ogive. je m’en tiens là et j’accepte de retirer ma statue. Il me suffit de pouvoir affirmer en toute conscience que je l’ai méditée et exécutée sincèrement et que, pas un instant, je n’ai pensé ni visé au scandale mais à un vérisme significatif conforme à l’éthique la plus naturelle.»
Son projet de monument aux morts pour le village de Canet-d’Aude, fut aussi refusé pour «pacifisme» sinon pour excès d’humanité ! 

glossaire :
* l’agassa (o) = la pie.
* bader = fixer, reluquer, afficher sa curiosité sans retenue.
*cave = fossé.
*Cers = plus vieux nom de vent en France, honoré par les Romains parce qu’il chassait les miasmes, malheureusement assimilé par parisianisme à une tramontane par trop générique ! Pour être plus généralistes, nous disons aussi (et certainement à tort) "vent du nord" !
*sénils = roseaux dont on fait le chaume. 

photos autorisées : 
1. Commons wikimedia / Ouveillan aut Map data (C) OpenStreetMap contributors CC-BY-SA
2. Commons wikimedia / Canal_du_Midi near Colombiers 2011 aut Michiel1972 
3. La cave coopérative, personnelle août 2015. 
4, 5, 6. Le Monument aux morts, personnelles août 2015.  
7. Commons wikimedia / grange cistercienne Fontcalvy aut ArnoLagrange. 
8. Commons wikimedia / Ouveillan, Grange cistercienne Fontcalvy aut Rauenstein.

jeudi 19 mai 2016

LES CAUSSES EN OVALIE... OCCITANE (1) (2e partie) / Fleury d'Aude en Languedoc


A chaque excursion ses impressions, un ressenti particulier qu’on croit évanoui mais qui hiberne seulement. Un seul élément perturbateur suffit, en effet, à le faire refleurir. Mon attrait pour des différences en harmonie, mon attirance pour le Causse si proche mais que tout sépare de la plaine voisine, s’est réveillé d’un coup, lors d’un cours, tard le soir, quand Monsieur Couderc nous présenta « Lou pastre », un poème en occitan d’Antoni Roux. La langue de mes grands-parents, le Languedoc palpitant, la rusticité d’alors, le bonheur d’une géographie du cœur... tout participait à l’enchantement !
    Le temps ensuite a défait son œuvre, détricotant avec une même application ce qu’il avait patiemment tissé. Puis la vie, comme elle le fait avec tous nos morceaux, est revenue me tricoter un pull neuf de cette laine pourtant feutrée et entortillée. J’arrivais bien à recoller les vers mais l’auteur m’échappait jusqu’à ce que l’Internet vienne raviver le charme : c’est bien Antoine Roux de Lunel-Vieil !
    Les écrits restent dit-on quand on oublie, du moins quand la mémoire dort, telle l’ours, l’hiver, dans sa tanière, jusqu’au réveil. Depuis, je ne voyage plus sans mon berger du Larzac !
    Ce dimanche, la relève, les cadets du canton sont allés porter haut nos couleurs pour le championnat de France et si mon propos n’était pas d’écrire ce que le rugby a de chaud et de rassembleur, mes encouragements, certes sportifs,  trimbalaient aussi un merveilleux professeur malgré lui, un petit poème sans prétention, la modeste fleur d’un buisson du causse, le Sud, nos racines, la langue des aïeux, emportés à la sortie du lycée alors que les rouges du couchant viraient au violet au-dessus d’un stade Cassayet encore vibrant des bravos pour Walter Spanghero ! 


(1) L'OVALIE, le pays du rugby dans sa déclinaison occitane à partir du moment où le nord aussi lui fait honneur (la ville bretonne de Vannes vient d'accéder à la proD2).  

  
photo autorisée commons wikimedia : 
1 Larzac près de la Couvertoirade auteur présumé Sylvagnac.
photos personnelles :
2 Les copains du rugby... moins nombreux aujourd’hui.
3 L'A75 au bord du causse (651 m), en bas, Millau au bord du Tarn et le viaduc au fond...

dimanche 15 mai 2016

A PENTECÔTE, GÔUTE LA GUINE ! / Fleury d'Aude en Languedoc

Per Pantecousto la guino gousto ! (comme le relève Frédéric Mistral (1)).
C’est bien gentil d’associer les guiniès, en languedocien, avec les dimanche et lundi de Pentecôte (2) mais dame Nature suit un calendrier moins lunatique et la saison des guines peut s’accorder seulement avec la fête religieuse lorsque Pâques arrive tard, presque au 25 avril. Alors seulement, cinquante jours après, les petites cerises sauvages, un peu acides, un peu amères, peuvent piqueter le feuillage de leurs livrées rosées ou garance, pour les plus mûres.


Commons Wikimedia / Prunus_cerasus_-author Franz Eugen Köhler–s_Medizinal-Pflanzen-113

Chez nous, les rives et les abords de la rivière en sont parés, en pleine lumière et même à l’ombre des grands peupliers blancs (3) ; ceux-là portent encore des fruits fin août, début septembre. Le long de l’Aude, de la limite de Salles au débouché de la Montagne de la Clape, les tènements, les fermes et lieux-dits où prospèrent les petits cerisiers, se cueillent aussi avec gourmandise : Maribole, l’Horte d’Andréa, la Barque, l’Horte de l’Ami, la Barque-Vieille, Joie, Négo-Saumo, la Pointe.
La guine, la première confiture de l’année, avant l’abricot, les figues, et l’azerole des vendanges (4), déjà le souci des provisions pour l'hiver pour des campagnards plus fourmis que cigales.
Avec les reflets mordorés, pourprés ou dorés des autres bocaux, mon souvenir revoit toujours l’éclat cuivré des guines, libéré de sa prison de verre dès que la porte du placard s’entrouvrait... Et ce rayon réconfortant ne serait pas sans le dévouement opiniâtre et aimant de nos mamés, à la cuisine ou au bord des vignes (5) : mamé Joséphine, l’aïeule, mamé Ernestine et tante Céline, parce que ce souci des leurs, de ce qu'elles allaient mettre pour manger comptait autant malgré les ans. Maman aussi en sait quelque chose, elle qui, malgré ses 91 printemps, n'hésiterait pas longtemps pour sortir le chaudron même si l'époque n'est plus à assurer la soudure d'une année sur l'autre.
 
(1) Trésor du Félibrige (1878).
(2) du grec signifiant cinquantième : se fête cinquante jours après Pâques.
(3) populus alba, aubo ou aubero chez Mistral, terme désignant aussi le tremble pourtant différent. A Fleury on parle des « arbres blancs ». 
(4) les mûres de l’été, les gratte-culs de l’automne n’étaient pas prisés à l’époque.
(5) Qui avait peur des pesticides alors ?


    Mamé Joséphine

    Mamé Ernestine et papé Jean, tante Céline et l'oncle Noé.

samedi 14 mai 2016

CAVALCADES ET CORSOS "FLEURYS" / Fleury d'Aude en Languedoc.

Au mois de mai, c’est la fin pour les cavalcades et autres corsos fleuris. Et dire qu’ils viennent encore de brûler Carnaval chez les voisins... Au temps des fleurs, c’est vraiment du sadisme... Sauf qu’une salloise m’a rétorqué que c’était mieux que de ne rien faire ! Et vlan ! Je n’ai pu que balbutier qu’ils allaient fêter la fête dans les rues, quand même, à Fleury !
Élevons le débat tout en reconnaissant que les patchaques et autres querelles de clochers ont toujours pimenté et corsé les rapports de voisinage ! Il n’empêche, en février, les mimosas qui défilent traduisent si bien l’espérance des beaux jours à venir.
Reprenons le compte-rendu si détaillé de cette cavalcade d’après guerre que François, lou filh de Jeanil, a bien voulu nous réserver (1). Le char du chapeau venait juste de passer : 


«... "Les Vendanges" venaient ensuite. Le camion était garni de treilles et de souches avec de beaux raisins. Au milieu était une grosse barrique avec Charlot Escaré qui représentait Bacchus tenant une coupe et un bâton avec une feuille de vigne et un raisin. Il y avait aussi des vendangeurs et des vendangeuses, parmi lesquelles Elisabeth et Marcelle Subra. Ils ont eu le 5e prix (2000 F et 2 bouteilles de champagne).
"La Couveuse", des petits garçons et petites filles, habillés de coton jaune, chacun dans une sorte de panier.../...
... Ensuite, "Blanche-Neige et les sept nains" (la rue Neuve). Auret menait le char,Mimi Dauga était Blanche-Neige et G. Martin le Prince, F. Bousquet, J. Bernard, les petits Auret... ils ont eu un prix d’honneur et un prix d’attelage.../... 
... Puis le "Panier Fleuri" des petits enfants très bien habillés, dans un grand panier fleuri de fleurs avec des fleurs d’amandier, du mimosa...
... "La sérénade à Colombine".../... des garçons en pierrots jouant de la mandoline, et des petites colombines...
Ensuite 2 chars 1900 : un de Fleury, yves Carrière était le cocher, en costume d’époque... /... derrière un comte et une comtesse... Abrial portait une perruque, un chapeau à voilette, il avait fait un grain de beauté ; tu peux croire qu’il le faisait bien.
L’autre était de Coursan, il était plus chic que celui de Fleury.../... dedans deux couples qui chantaient « Frou-Frou », et enfin deux laquais : deux jeunes filles...
... /... Puis une énorme carpe de Coursan avec 4 oo 5 pêcheurs, un tank de Béziers et des soldats jouant de l’accordéon.
Et enfin de nombreux travestis de Narbonne. Tout le monde dit que c’était la cavalcade la plus jolie de la région, elle dépassaitde beaucoup celles de Narbonne, Coursan et Béziers.  
J’ai oublié le principal, le char de la Reine... /...
Il y avait aussi un autre char où étaient Colette, Yvette et Monique "La France et ses Provinces", et un autre "Les Papillons".
Mr Robert distribuait les prix... /... Après la cavalcade, il y a eu bal sur la place, ainsi qu’après souper, avec concours de travestis. C’est la femme de G. Chavardès et mme Dubeau (la patronne de l’autobus) qui ont eu le premier prix. Mme Chavardès était en Provençale ; Madeleine Artozoul, de paris, a eu le 3e, elle était en Cosaque, Marthe Barthe en Espagnole...etc...

(1) François Dedieu / Caboujolette / 2008. 

diapositives François Dedieu 1 &2 1969 3 & 4 1986.

vendredi 5 février 2016

BALLON OVALE ET POINTES VERTES / Fleury d'Aude en Languedoc.


N’est-ce pas trop tôt ? Il fait plus que s’emballer cette année, mon tic-tac intime ! C’est peu dire car il devient aussi furieux que les zig-zags d’un sismographe ! Nous ne sommes que début février et la coopé de Fleury, quelques jours après les flocons, nous offre les velours des bourgeons et les premières feuilles de vigne qui pointent ! Tout se bouscule et je me transporte en urgence un mois plus tard, en mars mais de ce temps d’avant, d’avant le chambardement du temps. Enfin, sans les bisbilles entre ceux qui voudraient nous faire croire qu’il en a toujours été ainsi et d’autres qui estiment qu’entre le petit âge glaciaire et ce réchauffement, le balancier revient trop vite pour que l’homme n’en soit pas coupable.
N’est-ce pas trop tard ? Parce que tintin ! rien en janvier, pas de match de rugby pourtant si attendu par ceux qui tiennent le XV de France à coeur comme ils gardent fidélité au pays plus grand de ses petitesses que de ses gloires... C’est mieux de se sentir champion du monde putatif que loin derrière et compulsif. Aujourd’hui, avec le printemps qui approche, c’est l’espérance, la renaissance et il faut se remettre des mauvaises récoltes comme des débandades telle la dernière, face aux Blacks, aux yeux du monde entier. Tournons la page car toute l’Ovalie le plébiscite ce tournoi des Six Nations !
Tant pis s’il ne s’entrouvre plus, en janvier, avec la fleur de l’amandier car il maintient un lien que seules les guerres et quelques bagarres mirent en suspension ! Vous connaissez la formule : « Un sport de voyous joué par des gentlemen ». Sinon, pour ceux de ma génération, dans le Sud, avec l’église, la politique et la vigne, le rugby fermait notre quadrature du cercle communal. Alors, en refusant de me demander ce qu’il en est à l’âge de la mondialisation, je trépigne presque, de voir ce que va apporter le sang neuf de nos troupes parce que la chose que je regrette le plus et qui fait assimiler le rugby à ces clans politiques en échec mais toujours en place, est l’incrustation de ces sélectionneurs poussifs, dans l’erreur et sans bilan.
J’attends avec la même émotion qu’à la fin des années 80. La semaine finissait le samedi à midi et c’était pas plus mal ! En attendant l’heure du match, une sortie aux asperges, avec le chien, permettait de nous laver de la semaine passée, du boulot, du quotidien. Dionysos, mon korthal, tirait vers la campagne à l’instar d’Erbani, Champ et Garuet vers la ligne adverse. Parfois la boue dans une ornière, augurant du piétinement à venir des avants dans une herbe ne foutant pas le camp en plaques, elle. Puis ces mattes d’asperges hérissées d’épines dans lesquelles il faut rentrer comme vers le ballon planqué au sein d’une mêlée ouverte. Le ballon ? cette pousse tendre giclant du sol à l’image de cette attaque à venir jusqu’à Blanco ou Lagisquet à l’aile. Nous allions voir ce que nous voulions voir ! C’est l’heure de rentrer, de goûter, par-dessus tout, un ciel lavé, un soleil neuf sur les premières fleurs, les premiers oiseaux, une harmonie, un accord comparable à l’ambiance entre copains, l’esprit d’équipe, toute cette volonté bandée vers la victoire à offrir à tout un pays.
Dio transpire, la botte d’asperges a griffé mes mains mais ce n’est pas comparable aux joues, aux nez, aux arcades saignantes de nos gladiateurs, crânes d’avoir sorti leur match. A moi l’omelette des talus, à eux les ripailles de la troisième mi-temps !
N’est-il pas temps ? Parce qu’on l’a gagné ce tournoi de 1989, le dernier d’une belle série de quatre dont un grand chelem. Demain, contre l’Italie, celui des Six Nations va nous consoler des malheurs passés, même si pour les asperges sauvages, encore, il faut attendre... 





photos : 1 & 2 Cave Coopérative La Vendémiaire Fleury - Salles
3. Origine perdue : contactez-moi que je rende à César... remplacée par un logo parlant serait-il détourné Forbiden_picture_photo_interdite wikimedia commons Author Eurobas
Photo 4 : asperges maison la date faisant foi.

4 mars 2020 : la photo à l'origine perdue mais qui vient d'être pourtant publiée sur "Aude pays cathare", un site paraissant officiel est de jardinage.lemonde.fr
pardon d'avoir indûment partagé ce qui ne m'était pas autorisé