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mercredi 10 août 2022

Un Russe oublié à Pérignan (Pantazi fin)

Oh ! j'ai oublié la fin de l'histoire, enfin, oublié de vous en faire part... mais il faut dire aussi que vous n'avez rien demandé... Parce que Porfiri Pantazi au destin finalement banal puisque le propre des Hommes n'est que de passer, mérite, comme chacun de nous, de ne pas être balayé d'une mémoire commune appartenant à chacun. 

"Chaque homme est une humanité, une histoire universelle." Jules Michelet. 

Nous l'avions laissé en chemin, mais où ? Porfiri a bien gagné de la Légion de pouvoir revenir chez lui. Pardon de traîner, non pas lui, c'est seulement que je dois retrouver le fil, et en priorité la date : 1924. A Odessa il ne peut débarquer, les rapports sont tendus avec une Union Soviétique non encore reconnue. De fait, dans l'impossibilité de fouler la marche qui lui permettrait de gagner sa Moldavie natale, le soldat défait ne peut que se repasser un film de souvenirs : les vignes, les vergers, les jardins aux abords du village, les tilleuls de la place, la vieille chaumière avec le poêle aux carreaux de faïence craquelés et, sous le plafond, les tresses d'ail et d'oignons, la barre aux charcuteries interdites ; dans la rue, les copains qui seraient venus l'entourer, Anna la jeune femme de Petru avec sa palanche aux deux seaux, et son vieux père qu'il ne reverra peut-être plus...   

UN RUSSE à Pérignan (dernier volet)

"... Alors, avec son copain, légionnaire comme lui, ils iront de nouveau au bureau de recrutement et … « rempileront » pour cinq ans… puis cinq années encore. Quand la Légion vous a attiré, elle vous tient bien.

Alors, oui, il va pouvoir enfin se retirer à Montargis. C’est là, dans cette sous-préfecture du Loiret, sur le Loing, que la vague de l’exode de juin 1940 va le submerger. Par petites étapes, à bicyclette, Porphyre arrive jusqu’à Narbonne, et c’est à la gare même qu’il s’est engagé à venir vendanger à Fleury. Il y restera jusqu’à la fin, introduit par monsieur Calavéra dans cette famille qui va désormais devenir la sienne. 

Depuis Fleury, sur la route de Marmorières, à droite un chemin vicinal qui monte dans les vignes jusqu'au Pech de la Pistole couronné de pins. En face de ce muret de lauzes, un jardinet faisant pointe, au croisement. C'était celui de Pantazi ; des figuiers continuent d'y pousser... 


Il n’osera plus écrire chez lui. Une fois pourtant, il a envoyé une carte à Touzora. On ne sait jamais ? Et c’est même un petit-neveu, postier, qui l’a remarquée dans le petit tas de courrier. C’est par la réponse qu’il a appris la mort de tous ses proches. Alors, à quoi bon écrire ? A des personnes que tu n’as jamais vues, qui ne te connaissent pas ? Non, vois-tu : ici, j’ai le même climat que chez moi, je touche une belle pension, je m’habille bien, même si je n’ai plus le prestige de l’uniforme qui faisait bourdonner autour de moi des essaims de jolies femmes – mais aucune n’égalait tout de même en beauté notre reine de Roumanie, pour laquelle j’avais joué dans notre fanfare lors de sa visite au Maroc ! – Une belle fin de vie, quoi. Et Touzora, ma foi, j’y pense toujours, surtout lorsque je prie devant l’image sainte qui remplace l’icône de mon enfance, ou quand je bois mon thé quotidien au citron. Mon village, même s’il est perdu, vit toujours en moi. Mes souvenirs d’enfance sont si vivaces que j’y suis encore souvent en pensée. Et qu’y a-t-il de plus précieux que le souvenir ?

Tu reçois mes pages sur monsieur Pantazi : je ne fais pratiquement que recopier et mettre au propre un de mes rares tapuscrits. Je dois te signaler que les dates ayant trait à la carrière militaire de Pantazi sont les vraies dates. Papé Jean était devenu en effet secrétaire des Anciens Combattants, et il avait toutes les fiches de ces derniers, en particulier celle, sans doute la plus complète de beaucoup, de notre « Russe de Pérignan ». Au cours des quelques visites que je lui ai rendues à la maison de la Rampe de la Terrasse, où j’ai pu voir un jour, dans sa chambre, le « coin de l’icône », celui que les Russes appellent « krasnyï ugol », krasnyj ayant le sens, non pas de « rouge », mais son sens primitif de « beau » qui avait qualifié la « Belle Place » de Moscou devenue la Place Rouge ; mais principalement lors de ses nombreuses visites ici chez nous où j’ai pu noter une foule de choses et de détails sur sa vie, j’en ai su suffisamment pour pouvoir aborder, une fois passé le choc de sa mort brutale et sans doute à cause de cette fin, le récit à peine romancé de cette vie. Tu as sans doute remarqué sa hantise, qui m’avait toujours frappé dans ses propos : être toujours bien habillé, sans être tiré à quatre épingles, mais avoir constamment des habits décents.

Tu auras ainsi une vue exacte, je crois, de M. Pantazi, telle que pouvait l’avoir sa nouvelle famille pérignanaise de M. et Mme Caravéla, dont une fille était épicière : c’était l’épouse du peintre Noël Pujol, dit Pujolet, et son magasin se trouvait juste en face de la rue Etroite. Toutes ces personnes ont disparu, et je songe en cet instant au geste de Momon qui, lors de son séjour en URSS (juste en même temps que moi, mais lui a pu se baigner dans le DON), a acheté un petit souvenir en plastique qui fut scellé sur la tombe de notre légionnaire, avec un ou deux mots en russe, comme « Nous n’oublions pas ». Il avait travaillé la vigne avec lui à Marmorières."

François Dedieu, Un "Russe" à Pérignan / Caboujolette, Pages de vie à Fleury II, 2008. 

« … Le temps du muguet ne dure jamais
Plus longtemps que le mois de mai
Quand tous ses bouquets déjà se sont fanés
Pour nous deux, rien n'aura changé… »
 
Francis Lemarque. 

Hier encore, je regardais le Tour de Pologne dans les Basses Carpates, pour les paysages, pour avoir à l'esprit que la frontière de l'Ukraine est toute proche... Avec les champs si verts, le maïs, le houblon fringants, les maisons coquettes, les stères de bois au bord de la route, comment penser que le pays à côté est en guerre, que le nôtre souffre tant d'une grave sécheresse tue par le pouvoir et que Touzora, le village de Porfiri Pantazi ne manque pas d'eau, quelque part, à moins de 600 kilomètres vers l'est !   

samedi 1 janvier 2022

BOUNO ANNADO 2022 !

 


Boun, brave, bel que siegue l’an nouvel e si sen pas pus, sioguen pas mens ! 

Avec 136.000 pages vues en 8 ans, pour partager le voyage, pour marquer l'attention que je vous porte, et parce qu'il n'y a pas de message sans destinataire, pour ce partage planétaire, je souhaite à tous le meilleur en 2022.  

 Dears loyals friends in the world or in the United States, accept my almond flowers to wish you the best in 2022. Good New Year. 

Chers et fidèles amis de la France aussi métropolitaine, ultramarine et francophone, recevez mes fleurs d'amandier pour une bonne et meilleure année 2022. 

Celé mé rodině z Holoubkova a Mělníka, našim českým přátelům z Prahy a z "mame radi Rokycansko" přejeme vše nejlepší do nového roku 2022. 

Cari e fedeli amici dall'Italia, con il mio sentimento molto mediterraneo, accettate il mio fiore di mandorlo per un buono anno nuovo 2022. 

Amis et lecteurs éparpillés du Monde entier, merci de votre fidélité et que ma fleur d'amandier vous porte le meilleur en cette année 2022. 

Дорогие и верные друзья России, от Санкт-Петербурга до Владивостока, примите мой цветок миндаля с новым 2022 годом.

Dears and faithfuls friends of green Ireland, since the song about the orange flower, accept my almond tree for a good new year 2022. 

 Шановні та вірні друзі України, незважаючи на мої страхи, прийміть мій цвіт мигдалю з новим 2022 роком. 

 Liebe und treue Freunde aus Deutschland, die die okzitanische Sprache ehren (es ist nicht der Fall in Frankreich), nehmen sie meine Mandelblumen für ein gutes neues Jahr 2022. 

 Queridos primos catalanes, queridos y fieles amigos de España, que siempre han sido tan cercanos, comparte mi flor de almendro para un bueno año nuevo 2022. 

Caros amigos portugueses tão hospitaleiros, partilhem a minha amendoeira em flor por um bom ano novo 2022. 

Drodzy polscy przyjaciele, z moją solidarnością jako Europejczyka, podzielcie się moim kwiatem migdałów na szczęśliwego nowego roku 2022.

Chers amis belges, acceptez ma fleur d'amandier pour une bonne année 2022.  Beste Belgische vrienden, aanvaard mijn amandelbloesem voor een goede nieuwjaar 2022. 

 Dears friends of the United Kingdom, accept my almond flower for a good new year 2022. 

Dragi prieteni români, din Bucovina până în Delta Dunării, primiți floarea mea de migdal pentru un an nou fericit 2022. 

 Dear friends from Hong Kong, with my solidarity, accept this almond flower for a good new year 2022. 

Chers cousins du Québec, amis du Canada, acceptez ma fleur d'amandier pour une bonne année 2022. 

 Kära vänner från Sverige, acceptera denna mandelblomning för ett gott nytt år 2022. 

 Teman-teman pulau Indonesia yang terkasih, terimalah bunga almond ini untuk menyambut tahun baru 2022.

 

dimanche 12 juin 2016

LA SAISON DES GUINES, C’EST JUIN / Fleury d'Aude en Languedoc.


Nous parlions de l’occurrence peu fréquente entre la fête de Pentecôte et la saison des guines. Wikipedia (1) nous précise que les deux calendriers, le naturel et le religieux, s’accordaient pour confirmer le proverbe seulement en 2000, 2003, 2011, 2014 ; ils coïncideront aussi en 2019 et 2025, ce qui, entre nous n’empêchera personne de fêter tant la fête que le fruit. 
Dans le trésor du Félibrige, Mistral qui associe lou guiniè, cerisier à fruits acides, à l’agriouliè (d’où le nom "griotte" en français), a relevé un extrait de H. Lacombe en occitan : « Filheto de setge ans, frescocoumo uno guino. » (Fillette de seize ans, fraîche comme une guine). 


En cherchant « guine » sans porter la moindre « guigne » (2) (autant préférer le terme languedocien !) : la recherche renvoie au merisier ou cerisier sauvage prunus avium. On trouve quand même prunus cerasus, « petit arbre dépassant rarement 8 mètres» (Wikipedia) drageonnant facilement, buissonnant.
Cela se complique quand la page précise « En France, il pousse spontanément principalement dans la moitié nord du pays ». 
Parce que le long de l’Aude, ce serait du forçage peut-être !
Il est vrai que les confusions sont légion et sans parler des variétés cultivées (Annonay, Précoce de Rivers, Amourette), le petit arbre sauvage est souvent assimilé au griottier, au merisier... 
Le nom vient d’Asie Mineure même si des contreverses subsistent puisque certains maintiennent que la variété de la côte sud de la Mer Noire aurait seulement amélioré, par greffage, des espèces sauvages déjà en Europe à l’époque des Romains.
Si « guigne » vient peut-être de « kign » en celte (« guindo » en espagnol ?), le mot turc « vischna » (cité par F. Mistral), aurait donné « višně » en tchèque, « visna » en espagnol moderne (encore d’après Mistral), éventuellement « weichselkirsche » en allemand.
Laissons la conclusion à Maria Sanchon du temps de ma « grand » qui parlait elle, de "cerises sures". 

(1)https://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_de_la_date_de_P%C3%A2ques
(2) par le passé, les cerisiers sauvages étaient censés abriter de mauvais esprits. 



Photos 1 pixabay guignes. 
2 pixabay sour-cherry. 
3 Commons wikimedia Wisnia pospolita aut Alina Zienowicz. 

vendredi 15 avril 2016

CAVANNA ET LES PEUPLES / mémoire de l'Europe


Le nom de François Cavanna (1923 - 2014) reste lié à Charlie Hebdo et aussi à Hara-Kiri, le journal « bête et méchant » des années 60 - 70. L’auteur gagne néanmoins à être connu pour le témoignage, à travers sa vie, sur le siècle passé.
Ainsi, ce qui pourrait n’être, de sa part, qu’une posture politique contestataire, prend une tournure autrement humaniste et philosophique. Ses écrits autobiographiques, en effet, apportent un éclairage instructif sur un sens commun, une intelligence humaine idéalisés et pourtant loin de transcender les instincts d’êtres régis surtout par l’extraction animale qui est la leur.
C’est pour le moins ce qui marque, lorsque, à l’occasion du grand brassage causé par la Seconde Guerre Mondiale, Cavanna, alors déporté du travail en Allemagne, nous livre, dans les RUSSKOFFS (Belfond 1979), sur fond de jeunesse, d’amour et de soif de vie, un instantané des visions et constats primaires de nationaux vis à vis d’autres peuples.
Verra-t-on, avec le temps, l’acquis influer toujours plus sur l’inné ? Doit-on en rester à un réalisme essentiellement pessimiste exprimant que la nature de l’homme ne peut être que ce qu’elle est ? Peut-on estimer raisonnablement que les mentalités peuvent évoluer du tout au tout ?
En plus de l’intérêt personnel que je porte à cette période particulièrement destructrice mais qui fit que mes parents se rencontrèrent à Dresde et que la suite fut plus heureuse pour eux que pour Cavanna et Maria, comme tous ceux qui veulent y croire, ces questions de fond, bien sûr, je me les pose...

pages 120 à 123 édition Livre de Poche 1981, extraits :
« Pour la plupart des Français, ici (à Berlin dans l’Allemagne de Hitler note JFD), les Russes, c’est de la merde. En toute innocence. Ça va de soi, quoi. Comme un colon considérant un bougnoule. Même pas par anticommunisme. Au contraire, cet aspect de la chose les leur rendrait plutôt sympathiques.../... Alors que les Belges, leur défiance du Russe tient essentiellement au diable bolchévique qu’il cache sous la peau.
Les Français on ne peut pas dire qu’ils n’aiment pas les Russes, ils ne les aiment ni ne les désaiment, ils n’aiment personne. Quel peuple économe de ses emballements ! .../... Au premier contact, traitent les Russes de haut, condescendants, amusés-méprisants, comme ils traitent le Sidi qui vend des tapis à la terrasse des cafés. Ces yeux braqués d’enfants curieux de tout, ces sourires grand offerts qui quêtent ton sourire et volent au devant de lui, cette amitié toujours prête à croire à l’amitié, cette terrible misère qui cherche quelle babiole t’offrir pour matérialiser l’amitié, cette violence dans le rire et les larmes, cette gentillesse, cette patience, cette ferveur, tout ça, les Français passent à côté... ».
D’après Cavanna, les Français feraient un peu comme les Allemands « ... sauf que les Allemands, eux, ils le font exprès, ils savent pourquoi. » Ils dénigrent les traits physiques, la façon de s’habiller, les traitent de « race à la traîne, pas des gens comme nous, quoi ! », les pensent encore au Moyen-Âge. S’ils en veulent aux Allemands « Les Boches, bon, c’est des sales cons...» ce n’est pas sans accointances « entre gens civilisés ».
«... Vis à vis des Russkoffs, les Français se voient dans le même camp que les Chleuhs : le camp des seigneurs.
J’ai l’habitude. Le Français méprise d’un bloc tout ce qui est rital. Le Rital du nord méprise le Rital du Sud et se sent, du coup, quelqu’un d’un peu, si j’ose dire, français...
Le Polonais aussi est méprisé mais déjà nettement moins que le Russe. Le Polonais hait le Russe d’une haine dévorante. Il en est, en retour haï d’une haine condescendante. Il hait aussi l’Allemand, le Polonais, d’une haine ardente mais pleine de déférence. L’Allemand hait le Polonais d’une haine somptueusement teutonique. Eux.../... détestent tout le monde et par-dessus tout les juifs... /... Ah si tiens, ils aiment la France... Les malheureux ! Dis "Napoléon" à un Polonais, il se met au garde-à-vous... /...
Les Tchèques aussi aiment la France. Mais d’une façon plus distinguée, plus culturelle. Nous on a mauvaise conscience. Munich, n’est-ce pas... On finit toujours par évoquer Munich. Alors le Tchèque te regarde et ses yeux te disent : « Tu m’as fait ça, ami. Tu m’as trahi. Mais ça ne fait rien, ami, je t’aime ». La France quoi qu’elle fasse, elle reste la France. C’est ça l’avantage d’être la France...  »

C’est direct, brut de décoffrage. C’est du Cavanna. Faut lui passer les gros mots. Sous des dehors excessifs, lui et ceux de son genre cachent une grande sensibilité. Dans « LES RUSSKOFFS », en dépit de la guerre, il y a aussi, sur ses « calepins crasseux », un amour indéfectible pour les langues avec une faveur pour le russe que parle la femme qu’il aime.
Bien plus tard, celui qui n’aura de cesse de fustiger les réformateurs de l’orthographe s’arrogeant le droit de saper une langue millénaire pour «... des gens qui ne lisent pas, qui liront de moins en moins, qui n’écriront pas davantage. On la fait pour ceux qui ne s’en serviront pas...», écrira «MIGNONNE, ALLONS VOIR SI LA ROSE », un éloge de notre langue sur plus de deux-cents pages... 


Je relis LES RUSSKOFFS, tous les soirs à 17h 30, au téléphone, pour mes vieux parents aux yeux fatigués, à 9000 kilomètres de moi et ils prolongent souvent avec ces souvenirs qui les ont secoués et une émotion qui nous remue toujours.
Merci Cavanna ! Merci François !   

Photos autorisées 1. commons wikimedia auteur supposé Virginiev. 
2. google images / youtube.