Avec l’accord plausible (1), pour Tarailhan, des frères Raymbaudi, marchands à Narbonne et G. Pagesi, pareur dans cette même ville (rue de la Parerie, non ?) et celui des frères de Malves, seigneurs de Marmorières, Amalric Ier, baron de Pérignan (2) depuis 1281, s’est vite chargé (peut-être a-t-il été autorisé par sa hiérarchie) d’assécher l’étang de Tarailhan.
Dès cette date, pour sa possession correspondant au Nord, aux 2/3 de la surface, il passe deux contrats d’emphytéose “ centum quadraginta sestariatas de terra que nunc jacet sub aqua ”, pour cent quarante séterées de terre se trouvant alors (nunc ?) sous l’eau. Si le drainage est en rayons avec évacuation au centre comme à Montady, en éventail (comme à Canohès, Pézenas), à Pérignan il peut se comparer à un réseau foliaire (3) dont les veines donnent dans la nervure médiane principale qui poursuit le ruisseau du Cascabel traité de Cave Maîtresse. Nous retrouvons cette qualification dans le fossé mère, ruisseau de la Mairale (4), la nervure médiane principale donnant sur l’évacuation souterraine. Au moins un pont de pierre atteste d’une certaine largeur pour ce fossé. Une fois asséché, un arpenteur entreprend le bornage des nouvelles parcelles (5), en principe en suivant les fossés auxiliaires. L’entretien, les curages des fossés, le contrôle de l’état de l’aqueduc souterrain sont aussi arrêtés légalement.
En 1286, cinq ans plus tard, suite au décès du premier signataire un nouveau bail est signé “ portem stagni nunc dessicati et agotatum ” la porte de l’étang désormais (nunc ?) vidée et asséchée.
En 1321, Aymeric Ier, fils d’Amalric Ier, concède, en lots, aux Pérignanais, la part en réserve de son père (qu’il faisait travailler à son profit). Un document de 1514 fait état d’un plan avec 58 lots attribués par tirage au sort à treize intéressés.
De la confrontation entre la future bastide de Tarailhan et le seigneur de Pérignan datent les premiers conflits ; dès 1286. les imprécisions, le statut des terres, des tenanciers, les inondations vont nourrir nombre de procès.
Début XVIIème (1610-1620, peut-être sous Charles ou Hercule de Thézan-St-Géniez alors baron) un long procès oppose Tarailhan et les tenanciers de Pérignan au seigneur : les premiers cités ne veulent plus payer de redevances sur les 140 séterées de 1281 ; ils font état de déguerpissements datant de 1377, attendu que suite à ces expulsions d’occupants illégaux qui auraient occupé des parcelles, peut-être suite à des inondations, les terres délaissées n’ont pas été concédées, les tenanciers s’estiment libres de ne plus payer ( en font-ils autant que les occupants illégaux jadis expulsés ? il est vrai que les seigneuries n’ayant plus réclamé les redevances que par intermittence, les différents tenanciers arguent que les parcelles ne seraient plus soumises au privilège de noblesse)... Le parlement de Toulouse tranchera en faveur du seigneur, un nouveau partage de l’étang se fera en 1616 (34 parcelles pour les tenanciers pérignanais).
S’il n’y a aucune preuve du drainage de l’étang durant l’Antiquité, il n’empêche que l’histoire de notre dépression aux 2/3 communale demeure des plus intéressantes. Plus de sept siècles nous séparent de l’aqueduc souterrain... quelques années entre mes assertions néanmoins plutôt formulées au conditionnel (je m’avance, affirmant cela) et le propos actuel. Bref j’ai été long à la détente, l’article du Midi-Libre de 2012 aurait dû m’alerter. Il informait que la municipalité confiait la gestion de l’aqueduc et des fossés en amont au Syndicat Mixte du Delta de l’Aude, cet entretien ne pouvant plus être assuré par l’association des propriétaires riverains (cela n’est pas sans rappeler les anciens usages...).
Carrefour des Quatre Chemins. Sous terre, l'aqueduc vient de la droite pour, suite à un angle droit, s'engager vers le village par le chemin des Arbres blancs (en face sur la photo). |
À cette occasion, un hydrogéologue, un ingénieur (et un troisième “ larron ”) ont alors parcouru le souterrain. Contrairement à ce qui peut se dire, ils n’ont pas mentionné de ramification pour un second conduit vers le village... À partir d’où ? qui devrait remonter à contre-pente ? Avec une marteilhière à la jonction pour fermer en cas de fort débit ? ne serait-ce pas plutôt à propos du souterrain du château ? Avec la gravure sur un mur de notre église, toutes les quêtes ne peuvent que nous faire avancer...
(1) L’étang est alors sous deux juridictions : la seigneurie de Pérignan au Nord, celle alors de Narbonne au Sud, pour Tarailhan et Marmorières (aujourd’hui Vinassan).
(2) Fils d’Amalric Ier, vicomte (un degré de noblesse au-dessus de baron) de Narbonne, qui aurait servi en Terre Sainte (huitième croisade ?) Source Le canton de Coursan, Opération vilatges al Pais, 2005.
L'étang asséché depuis le Pech Azam ; en bas, l'enceinte de l'ancien terrain de rugby. |
(3) La comparaison avec une feuille peut se continuer avec le pourtour de cette feuille, appelé alors “ le Cercle ”. Avec la majuscule, c’est toujours un nom de tènement au Nord-Ouest de l’Étang de Fleury « ...cette vigne nous donna des pois et des pois chiches entre 1940 et 1944. Elle jouxtait la vigne de Germain Rey où fleurirent plus tard des rangées de poiriers... » Caboujolette, Pges de vie à Fleury II, François Dedieu 2008.
L'Étang depuis le Pech Azam. Les parcelles géométriquement régulières jusqu'au ruisseau mairal. |
(4) Mairal (en occitan, le “ i ” se prononce tel un “ y ”), de la même racine que “ maternel ”, “ principal” s’agissant d’un cours d’eau (nombreux de ce no dont un à Narbonne).
(5) Les parcelles sont-elles évaluées en “ cesti ” et non en arpents ? Gravé sur un mur de l’église Saint-Martin, figure la valeur du “ cestus ”, division de mesure de superficie à usage local. Sur quel mur cette gravure ? On attend les investigations des passionnés du Da Vinci Code !