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jeudi 20 avril 2023

NOS PLAGES AVANT... FARINETTE jadis

 NOS PLAGES AVANT (avec la gentille autorisation de ses enfants) / Hommage à Maurice Puel. 18 juillet 2016 et avril 2023.

Avant les jours rouges ou noirs de Bison futé, avant les chassés-croisés de l’été, avant les 50.000 estivants à Saint-Pierre-la-Mer !

FARINETTE JADIS
Poème de Maurice PUEL extrait du recueil "Bourgeons précoces, fruits tardifs" (Mai 1988) / http://archeovias.free.fr/litt_01_puel.htm

Quand on allait à Farinette, le dimanche,
Par ces longs jours d'été, brûlants comme un fournil,
Les hommes n'avaient pas chemisettes sans manche,
Mais un chapeau de paille et costume de fil. 

Charles_Hoffbauer_Sur_la_plage_1907_(La_Piscine,_Roubaix)Ce fichier est sous la licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Auteur Bardadrac

Les femmes à leur tour, s'étaient mises proprettes :
Un corsage léger, jupe jusqu'au talon,
Une ombrelle, un chapeau, mais des couleurs discrètes.
Bref, vêtement correct sous un soleil de plomb.

Attelés à leur break, charrette ou carriole,
Ânes gris comme noirs - c'étaient les plus nombreux -
Chevaux, mulets, dominicale farandole,
Égrenaient leur crottin sur le chemin poudreux.

Attelage fringant ou d'âge canonique,
Il fallait emprunter, qu'on soit pauvre ou cossu,
Et tous au même train, le pont à voie unique
Sur l'eau du vieux canal arquant son dos bossu.

Là, s'en venait, marchant, une famille entière,
Le panier sur la tête, ou la saquette au dos :
De simples travailleurs, mais la démarche altière;
Aujourd'hui, le plaisir allégeait leurs fardeaux.

Empressé, patient, enfin chaque attelage,
Portant sa cargaison de gens endimanchés,
A deux pas de la mer, s'installait sur la plage,
Laissant les animaux à la roue attachés.

Tout cela se faisait sans cris et sans dispute,
Charrettes, chariots relevant leurs deux bras
Où l'on tendait, pour l'ombre, un grand carré de jute
Qu'en langue de chez nous on appelle un bourras.

Quant au maillot, la pudeur primait l'élégance :
Pour les hommes, rayés, du col jusqu'au genou.
Les femmes, bien qu'ornant le leur de quelque ganse,
Cachaient tous leurs appas sous un costume flou.

Après le bain, assis à l'ombre translucide
Du bourras mal tendu : goûter tiré du sac…
De groupe en groupe on plaisantait, l'humeur placide,
Et la vague y mêlait son éternel ressac.

Le soir, à la fraîcheur, d'humeur plus que parfaite,
Car il était coquin notre petit vin blanc
Le chemin du retour prenait un air de fête
Et l'attelage allait d'un pas plus nonchalant.

On écoutait les belles voix, des galéjades :
Populaire plaisir, amical et sans frais.
Nous nous connaissions tous, jeunes, vieux, camarades…
"A dimanche prochain", disait-on, "Soyez prêts" !

Allez-y maintenant. On cherche l'eau, la plage,
Tant les corps nus les ont, désormais, envahis…
S'ils revenaient, les vieux, si fiers de leur village,
Ils diraient, affolés : "Ce n'est plus mon pays !"

Maurice PUEL (1912-1998).




lundi 17 avril 2023

QUAND LE POÈTE RATTRAPE LE PROFESSEUR.

 NOS CLASSES AVANT / Hommage à « Monsieur Puel ».

Comme on cherche dix fois au même endroit tant on s’en veut de ne pas avoir mis de de côté ce qu’on ne retrouve plus, je l’ai longtemps cherché. En vain. Ne restaient plus que les regrets et ce chagrin de ce qui est perdu presque définitivement. Ainsi vont les clics sur le Net quand ce qui peut en sortir ne répond pas au caprice, au désœuvrement sinon à une pique de curiosité sans suite.
L’approche de l’été me reprochait en particulier la perte de ce témoignage sur cette ambiance d’antan pour nos Méridionaux qui allaient à la mer d’avant les touristes, seulement parce que le hasard avait mis la grande Bleue devant leur porte.
Au bout de l’Aude, nous gardons bien sûr, présents dans nos pensées le camping sauvage des années 60, la baraque sur le sable de 1934 au début des années 70, le refus de tante Adeline qui, à plus de quatre-vingts ans, de peur de gâcher son souvenir, ne voulait plus revoir ce qu’était devenu le Saint-Pierre de ses vingt ans. On rappelle même combien les chevaux aimaient le bain.
Il n’empêche, ce qu’en dit Maurice Puel vient non seulement conforter la mémoire mais l’enrichir de l’ambiance des années 1900, de la pruderie des mœurs, des divers attelages, pedibus, avec l’âne, le mulet, le cheval suivant qu’on était « pauvre ou cossu » ou entre les deux. Et le tableau dépeint par le poète est bien celui de chez nous, dépassant, sur le pourtour du Golfe, les 20 kilomètres qui voient nos trois fleuves (Hérault, Orb, Aude) embrasser la mer.
Mais laissons la nostalgie sépia. Nous évoquions des clics anodins pour ne pas trop dire, en négatif, ceux qui, sur l’écran, pèsent lourd, si l’actualité amène à chercher un proche après un attentat ou une catastrophe. S’il n’est heureusement pas porteur de gravité et de malheur, le mien, néanmoins, dépasse la légèreté apparente liée à la quête esthétique d’une plage du temps de mes arrière-grands-parents.

Narbonne 5_avenue_Marcel_Sembat_Narbonne_2021 This file is licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Mf-memoire



Le poète, en effet, était mon professeur de français-latin en quatrième. J’ai même pris des cours chez lui, rue Voltaire, résigné, ne me demandez pas de quoi d’ailleurs... de latin je pense.

Sans perdre l’idée de Balzac

 « ... Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier... »,

 je peux néanmoins avouer que les vers du poète, un demi-siècle après, me firent l’effet d’un trésor découvert. Je crois bien m’être écrié sinon avoir pensé très fort « J’ai retrouvé mon professeur ! ». Cette époque-là ne courait le moindre risque de trop livrer puisque rien de l’affect ne devait transparaître, chacun devant être, en dehors des siens, seulement socialement formaté... Alors ces vers venant conforter une grande humanité que les us de l’époque s’acharnaient à taire, à réprimer même remontaient d’un tréfonds autrement insondable. Le travail, la discipline ne s’accompagnaient que de sévérité, de dureté aussi, les sentiments, les émotions, la distraction étant, eux, trop facilement assimilés à la mollesse de caractère sinon la paresse et quoi qu’il en soit à une déficience coupable.

Moi, j’étais dans ma bulle, pour me protéger de la concurrence, rude, peu charitable, entre bons élèves. J’étais donc à côté, décalé, déphasé, à part, sans copain et monsieur Puel, pourtant tenu d’appliquer la grille d’évaluation étrécie de l’époque, ne m’avait pas accablé, lui, commentant seulement à mon père : « L’èimé ven pas avant l’age... » (L’entendement, le discernement ne viennent pas avant l’âge). 


Je n’ai compris que trop longtemps après, grâce à ce poème (quand on le dit que la poésie ouvre des portes !). La voix douce, le phrasé du parler, le regard bienveillant, un certain sourire : autant de signes d’une clémente affection loin de la rigide inhumanité de rigueur chez des adultes aussi procureurs que censeurs. Ce doit être ça car que vaudrait mon intuition si elle n’était pas fondée ? Sauf qu’à treize ans, je n’ai su ni voir ni comprendre... Il faut dire que nous étions nombreux, une trentaine en classe.
Maurice le poète m’a fait reconsidérer Monsieur Puel, le professeur de français-latin, au point de dire désormais « mon professeur ». Et ce qu’il a su être ne peut que libérer la tendresse qu’il inspire.
Avec le titre de son recueil, "Bourgeons précoces, fruits tardifs" (1988), veut-il nous dire que la poésie, il l’aime depuis toujours même s’il a tant attendu avant d’oser se livrer aux autres ? Sa fille Michèle qui en fait un portrait profond mais tout en pudeur, confirme cette  facette attachante et détachée du poète : 

« ... Je préfère aux lauriers cueillis dans les concours
Rester le troubadour de mon petit village », Maurice Puel, vers ultimes du sonnet « Modeste ambition ». 

jeudi 27 août 2020

L’ÉTÉ SUR LA DUNE EST BIEN INQUIET (fin) / Fleury-d'Aude en Languedoc

"... Allez-y maintenant. On cherche l'eau, la plage, 
Tant les corps nus les ont, désormais, envahis... 
S'ils revenaient, les vieux, si fiers de leur village, 
Ils diraient, affolés : "Ce n'est plus mon pays !" 

Farinette jadis, poème de Maurice Puel, extrait du recueil "Bourgeons précoces, fruits tardifs" (mai 1988). 
http://archeovias.free.fr/litt_01_puel.htm 


Plage de Vias après les tempêtes de 2016 et 2018 / Photo de Fr. 3 Occitanie.

Pour sûr, les braves gens qui n'aiment pas que, affectent l'intolérance guindée socialement majoritaire jusqu'à ce que la libéralisation relative des mœurs ne s'exprime proportionnellement à l'érosion de la moralité monolithique, comme ce fut le cas concernant le catholicisme ou la sexualité. La préoccupation était alors de rester droit dans ses bottes concernant la morale. Rares alors étaient ceux qui se souciaient du sale temps pour la planète ! Or la plage de Farinette comme celles de Portiragnes ou de Sérignan perdent jusqu'à trois mètres de sable par an (1)... 
Mon cher professeur de français-latin en quatrième au lycée Victor Hugo de Narbonne n'aurait jamais imaginé que l'érosion poserait un problème autrement plus caustique que le naturisme.  

2010, érosion déjà de la plage des Cabanes. La tempête d'octobre a franchi la dune et la mer s'est déversée dans les terres sableuses où poussaient, jadis, des vignes. 
  Repli vers le bord de mer. Le sable est plus gros quand on va vers l'embouchure de l'Aude. Ses digues avançant dans la mer ne sont-elles pas en cause dans les phénomènes d'érosion vers les Cabanes et au contraire d'engraissement (2) plus au sud avec par exemple, le rocher de Saint-Pierre qui s'ensable ? 
Et ces troncs et maîtresses branches qui couvrent la plage sur des kilomètres à chaque crue, ne retiendraient-ils pas le sable plutôt que de former des bastions ? Entre parenthèses, qu'en est-il de la solidarité de la population du bassin versant du fleuve quand c'est la commune de l'embouchure qui doit se charger de nettoyer et le bois flotté et la pollution de déchets qui va avec ? Est-ce que le Grand Narbonne participe, au moins ? 

Callinectes_sapidus Crabe bleu Wikimedia Commons Author NOAA Permission PD
Retour vers Saint-Pierre sur la bande de l'estran où les pieds s'enfoncent moins. Ce matin des pêcheurs à la ligne parlaient de maquereaux au bord. La vie s'accrocherait-elle ? Quand reverrai-je hélas, les crabes verts ou les petites étrilles nageuses des belles années ? Ou alors il n'y a plus rien à gratter puisque les chaluts braconniers ne viennent plus écumer les hauts fonds au petit matin ! On dit qu'un crabe bleu dont les œufs ont certainement été délestés avec le ballast de navires venus d'Amérique, colonise la Méditerranée (3). Vorace, envahisseur, destructeur, il porte un coup de grâce à la biodiversité déjà mise à mal. 
Nous qui ne manquions pas, de jour comme de nuit, de faire quelques dizaines de francs de tenilles pour faire les galants en payant un orangina aux filles, à portée des flonflons du bal... Pardon Francis pour les colliers de jonquilles... 
Maintenant que pour le moral je tiens à marquer la saison avec une grosse poignée de coquilles en m'échinant sur mon petit engin de 25 centimètres d'ouverture (4), et que courbé tel Quasimodo je dois me tordre le cou pour ne plus voir que Pyrène avec un serpent sortant du sexe pour lui téter le sein, la beauté magique du Golfe du Lion me fait l'effet d'une mythologie d'un autre âge, d'un arrêt sur image que la persistance rétinienne a bien voulu retenir, d'un rêve éveillé dont je ne veux plus sortir et qui mourra avec moi... 

Vias sept. 2015 Photo Fr3

(1) A terre, les ganivelles de châtaignier, dans l'eau les épis, les îlots brise-lames, tentent de retenir le sable des plages. En 2015, la commune de Vias a engraissé artificiellement ses plages en déversant du sable. En 2020 le maire a attaqué l’État qui a refusé la pose de boudins brise-houles pourtant autorisée et financée entre Sète et Marseillan. Déjà en 2014 une association avait aussi attaqué l’État pour un manque d'entretien des digues de protection.    

(2) Entre les digues de l'embouchure de l'Aude et le rocher de Saint-Pierre, avec un courant nord-sud, la plage perd de sa largeur des Cabanes-de-Fleury à Pissevaches alors que le rocher lui, s'ensable. Plus de la moitié du littoral du Languedoc-Roussillon est en régression, le phénomène étant plus prononcé de l'Espiguette à Agde.

Entre Agde et Leucate près de 30 kilomètres restent stables ou engraissent, près de 10 km perdent 0,5 m/an, près de 7 km perdent entre 0,5 et 1m/an, 13 km perdent entre 1 et 2,5 m/an.

Depuis 1945, 260 ha ont été gagnés par la mer (DREAL)

La zone entre Gruissan et l'embouchure de l'Aude est une zone de convergence de la dérive littorale. Ce secteur jusqu'alors peu étudié car peu érodé présente désormais des risques, la partie sous-marine se retrouvant sapée. Le lien entre l'avant-côte et la plage aérienne n'étant pas immédiat, le trait de côte ne réagira qu'après quelques années. (DREAL juil 2018). 

Les apports alluviaux du Rhône ont été divisés par trois depuis la fin du XIXe siècle, du fait de la fin du petit âge glaciaire, de la réduction des surfaces agricoles et de la construction des barrages sur le fleuve (CNRS).

(3) En Tunisie, la pêche de ce crustacé apprécié a donné lieu au développement d'une filière. Mais que donnera la gestion de la pêche d'une espèce invasive quand les stocks s'effondreront alors que le crabe aura tout dévasté ?  



(4) Seuls les professionnels (surtout en Camargue) ont le droit d'utiliser le tenillier traditionnel (60 cm ou plus ?). La taille minimale des prises est de 2,5 cm soit la longueur de la phalange distale de mon index...  

mercredi 26 août 2020

L’ÉTÉ SUR LA DUNE EST BIEN INQUIET (suite) / Fleury-d'Aude en Languedoc

"... Mais la dernière des fées cherche sa baguette magique
Mon ami, le ruisseau dort dans une bouteille en plastique
Les saisons se sont arrêtées aux pieds des arbres synthétiques
Il n'y a plus que moi..." Francis Cabrel.


  Pas de mateur, pas d'amateurs. Je n'ai rien vu sinon les oyats, les yuccas fleuris, les centaurées et quelques lis de mer dont la beauté surprenante réjouit l'âme. Et derrière, parallèle à la côte, précédant la sansouire de salicornes piquée de ci de là des bouquets mauves des saladelles, le canal antichars des Allemands pour prévenir un débarquement, toujours pas enseveli sous le sable, toujours en eau. Derrière encore, la mer verte des pampres sur ce plan incliné d'alluvions si favorable à la vigne que les "châteaux" et campagnes, piquetés sur le piémont crétacé de la Clape se sont bien gardé d'empiéter.   
 
"Je vis dans une maison sans balcon, sans toiture
Où y a même pas d'abeilles sur les pots de confiture
Y a même pas d'oiseaux, même pas la nature
C'est même pas une maison..." Francis Cabrel. 

Encore cette chanson de Cabrel "Répondez-moi". Est-ce un hasard ? Déjà en 1981, il relevait le non-sens qu'il y a à s'entasser dans les "cages à lapins" des villes. Et si sa vision en est poétiquement éthérée, lui dont le cœur
"... rêvait de champs d'étoiles et de pluie de jonquilles
Pour s'abriter aux épaules des filles..."

elle implique la nature, l'humain mourant parce qu'il se coupe de cette vie naturelle. Aujourd'hui, ce qui a rajouté au malaise est que la nature, la planète se meurent aussi par la faute de l'homme !

Mais pourquoi, plutôt que de se cantonner à une réserve cauteleuse, ne défend-on pas ceux qui ont une vision d'avance, ces chamans, ces druides et sorciers, ces lanceurs d'alerte ? Non, on les laisse écraser par les intérêts en jeu, le fric à court terme et notre complicité à laisser faire alors que les nécromants porteurs de mort sont ceux qui, mensongèrement, ne veulent rien voir et qui, par leur position, influent viralement sur la passivité des veaux (De Gaulle), ces adeptes sectaires de la messe chloroformée du vingt heures à la télé d’État ! Je pense à Claude Allègre (et à Trump dans sa lignée)... comme quoi il ne suffit pas d'être ministre et socialiste pour être intelligent !
Ouf ! c'est fou ce qui passe par la tête s'il n'y a pas un joli cul à voir dans les dunes ! Oh pardon, ça m'a échappé ! La dune justement, moins large, moins haute, elle inquiète. Sans tamaris, à peine un olivier de Bohême... Est-ce à tort ? Ne suis-je pas allé assez loin ? Plus loin encore me reviennent les vers de Maurice Puel, le poète de Vias, mon professeur de français-latin en 1963... (à suivre) 

dimanche 28 janvier 2018

LE LONG DE LA CÔTE / Languedoc, Camargue



Le long de la côte, il voit la digue des Cabanes-de-Fleury, les immeubles de Valras-Plage, Vias ; il devine la plage de(s) Farinette(s) de notre professeur de français retrouvé Maurice Puel

« Quand on allait à Farinette, le dimanche,
Par ces longs jours d'été, brûlants comme un fournil… »
« Bourgeons précoces, fruits tardifs », Maurice Puel ( ? - ?). 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/07/nos-plages-avant-hommage-maurice-puel.html



Le Mont-Saint-Loup pour Agde et au loin le Mont-Saint-Clair : Sète, à peu près 47 kilomètres à vol d’oiseau. Sète, « l’île singulière » de Paul Valéry (1871 – 1945) avec, derrière, le quartier de la Pointe-Courte au bord de l’étang de Thau, cette lagune atypique que  Georges Brassens (1921 – 1981) aimait beaucoup pour les copains d’abord puis les oursins, les moules, les palourdes plutôt que les gens plus collants que des arapèdes quand on est trop connu. Savait-il la différence entre les clovisses et les palourdes ? Au-delà de Sète, le cordon littoral et la mer qui se confondent nous laissent imaginer Maguelonne, cathédrale des sables, Palavas-les Flots, la Grande Motte, le Grau-du-Roi. La Petite Camargue, les iles du Rhône comme les nommait Henri Bosco, nous amènent vers les « collines » de Marseille, blanches comme la Clape, les falaises de la Franqui, les Corbières Maritimes, comparables s’agissant de l’altitude Massif de l’Estaque (244 m) ou du Garlaban de « La Gloire de mon Père », dans les 700 mètres comme le Montoulié de Périllou…    

« Le golfe du Lion
Est piqué tout entier de balancelles roses
Qui traînent des filets immenses ou qui posent
çà et là des nasses de fond.
C'est le printemps, la mer est tendre,
Elle monte, elle va s'étendre
Jusqu'aux îles du Rhône où vivent les taureaux,
Puis sous les amandiers, les mûriers et les figues,
Jusqu'à l'étang de Berre où le bleu de ses eaux
Bat la colline des Martigues. »
Henri Bosco (1888-1976).




Photos autorisées :
1. Les-Cabanes-de-Fleury, embouchure de l'Aude. Iha ?
2. Plage sauvage. Mairie de Vendres. 
3. Agde cathédrale Wikimedia Commons Author Fagairolles 34.
4. Sète en 2012 / vue vers le nord et peut-être Palavas-les-Flots. Author Mirek237

mardi 19 juillet 2016

SI TU REVIENS JAMAIS À SAINT-PIERRE, UN DIMANCHE.../ Fleury d'Aude en Languedoc




« Quand on allait à Farinette, le dimanche... » (Maurice Puel). Ça sonne comme un prélude, quelques mesures, une ouverture. De Ravel ? Qui sait ? Ou alors une opérette ? Sinon une chansonnette à fredonner ?

« Si tu reviens jamais danser chez Temporel, un jour ou l’autre... »
                   Paroles André Hardellet, chanté par Guy Béart (1957 ?)

Si tu reviens jamais à Saint-Pierre, un dimanche...
«... Tu sais qu’on (sans doute Georges Laffon) avait pastiché la chanson de Georges Milton « C’est pour mon papa » au café des Pins qui appartenait alors au Cuxanais Maurice Fabre dit Moriss... / ... A Saint-Pierre, il avait cette année-là l’orchestre George Laffon (George était censé faire plus chic) et un garçon d’une grande dextérité, très élégant dans sa tenue et qui imprimait à son plateau chargé de verres et de boissons des arabesques remarquables. Un passage de la chanson disait :

« Tous les bons pastis ça c’est pour Moriss
Servir vite et fort ça c’est pour Victor
... Filets de bœuf, langouste et bouillabaisse
On en a tellement qu’on en laisse !
... Les jolis bostons, ça c’est pour Laffon...
La gaieté et l’entrain
Sont au Café des Pins
Et les bons pastis ça c’est pour Moriss !! »
                                              François Dedieu / Caboujolette / 2008.

Ce matin, le grec pousse ses nuées humides. Les estivants roupillent encore mais des fourgons foncent vers le marché, vrai ventre du secteur et de plus loin encore. Quelques "villas" (des cabanons plutôt, ce qui ajoute encore, à leur charme), se souviennent, comme celle de la petite tour, telle un castellet. En face, une plaque, énigmatique, indique la rue « du tunnel ». Qui peut bien se douter des défenses creusées pour les Allemands et de ce tunnel justement, utilisé par la suite comme champignonnière par Daudel, l’épicier de mes jeunes années ? 


Ce matin, sous la grisaille, Saint-Pierre vieillit mal et cette pinède dont elle ne se souvient pas veut rappeler que là où les maisons, les résidences et immeubles s’agglutinent, la garrigue de Périmont embaumait. Un vieux pêcheur désabusé me dit que c’est Alzheimer. Pour quelqu’un qu’on connaît, ça fout un coup !

Et le Saint-Pierre de l’oncle Maurice à la mine rougeaude dont le souvenir ne peut associer qu’un bon repas mêle aux cadavres de bouteilles en tas dans un coin ? 

Avant hier, depuis le front de mer, les Albères, l’échancrure du Perthus, la majesté du Canigou inscrivaient comme une signature sur la courbe du Golfe vers le sud.

«... et les Pyrénées chantent au vent d’Espagne
Chantent la mélodie qui berça mon cœur...»
                                      « Mes jeunes années » Charles Trénet 1949.

Était-ce l’annonce d’un temps marin et humide à venir ? Ce n’est pas le frais vent d’Espagne ni le gentil marin, plutôt le grec, lourd et amenant le mouillé (les viticulteurs seront contents). Entre le changement climatique et cette fraîcheur qui vient tout contredire, on ne sait plus sur quel pied danser... 

«... En passant avec les enfants, on dansait un air ou deux... Qu’est-ce que j’aimais ça ! Depuis la baraque ou même la caravane, on entendait les flonflons, c’était agréable » (maman).
Et papa de préciser ce que je ne savais pas :  « C’était la guinguette de "Binsou" : « Mets un disque Marie-Louise, on ne sait jamais...». Il n'a pas tenu longtemps, elle n’avait pas beaucoup de succès... »

Il se montrera le soleil, aujourd’hui ? Mon fils se lève. Le voici mon soleil et sa bonne petite bouille. Je ne lui dirai rien, pour l’alzheimer, ni pour cette nostalgie qui ronge telle la rouille en bord de mer. Il rit, il vit et Saint-Pierre toujours aussi accueillante, rend si heureux, même quand le drapeau rouge interdit le bain. 

« Une chanson, c’est peu de chose,
Mais quand ça se pose,
Au creux d’une oreille, ça reste là, 
Allez savoir pourquoi... »
                                                Les Compagnons de la Chanson.

lundi 18 juillet 2016

NOS CLASSES AVANT / Hommage à « Monsieur Puel ».

QUAND LE POÈTE RATTRAPE LE PROFESSEUR. 



Comme on cherche dix fois au même endroit tant on s’en veut de ne pas avoir mis de de côté ce qu’on ne retrouve plus, je l’ai longtemps cherché. En vain. Ne restaient plus que les regrets et ce chagrin de ce qui est perdu presque définitivement. Ainsi vont les clics sur le Net quand ce qui peut en sortir ne répond pas au caprice, au désœuvrement sinon à une pique de curiosité sans suite.
L’approche de l’été me reprochait en particulier la perte de ce témoignage sur cette ambiance d’antan pour nos Méridionaux qui allaient à la mer d’avant les touristes parce que le hasard avait mis la grande Bleue devant leur porte.

Au bout de l’Aude, nous gardons bien sûr, présents dans nos pensées le camping sauvage des années 60, la baraque sur le sable de 1934, le refus de tante Adeline qui, de peur de gâcher son souvenir, ne voulait plus revoir ce qu’était devenu le Saint-Pierre de ses vingt ans. On rappelle même combien les chevaux aimaient le bain.
Il n’empêche, ce qu’en dit Maurice Puel vient non seulement conforter la mémoire mais l’enrichir de l’ambiance des années 1900, de la pruderie des mœurs, des divers attelages, pedibus, avec l’âne, le mulet, le cheval suivant qu’on était « pauvre ou cossu » ou entre les deux. Et le tableau dépeint par le poète est bien celui de chez nous, dépassant, sur le pourtour du Golfe, les 20 kilomètres qui voient nos trois fleuves (1) embrasser la mer.
Mais laissons la nostalgie sépia. Nous évoquions des clics anodins pour ne pas trop dire, en négatif, ceux qui, sur l’écran, pèsent lourd, si l’actualité amène à chercher un proche après un attentat ou une catastrophe. S’il n’est heureusement pas porteur de gravité et de malheur, le mien, néanmoins, dépasse la légèreté apparente liée à la quête esthétique d’une plage du temps de mes arrière-grands-parents.

Le poète, en effet, était mon professeur de français-latin en quatrième. J’ai même pris des cours chez lui, rue Voltaire, ne me demandez pas de quoi d’ailleurs. Sans perdre l’idée de Balzac « ... Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier... » (v. Oc, Oc, NougarOC), je peux néanmoins avouer que les vers du poète (2), un demi-siècle après, me firent l’effet d’un trésor recouvré. Je crois bien m’être écrié sinon avoir pensé très fort « J’ai retrouvé mon professeur ! ». C’est que ses vers venaient conforter une grande humanité que les us de l’époque s’acharnaient à taire, à réprimer même. Le travail, la discipline ne s’accompagnaient que de sévérité, de dureté aussi, les sentiments, les émotions, la distraction étant, eux, trop facilement assimilés à la mollesse sinon la paresse et quoi qu’il en soit à une déficience coupable.
Moi, j’étais dans ma bulle, pour me protéger de la concurrence, rude, peu charitable, entre bons élèves. J’étais donc à côté, décalé, déphasé et monsieur Puel, pourtant tenu d’appliquer la grille d’évaluation étrécie de l’époque, ne m’avait pas accablé, lui, commentant seulement à mon père : « L’èimé ven pas avant l’age... » (L’entendement, le discernement ne viennent pas avant l’âge). 

Je n’ai compris que trop longtemps après. La voix douce, le phrasé du parler, le regard bienveillant, un certain sourire : autant de signes d’une clémente affection loin de la rigide inhumanité de rigueur chez des adultes aussi procureurs que censeurs. Ce doit être ça car que vaudrait mon intuition si elle n’était pas fondée ?
Maurice le poète m’a fait reconsidérer Monsieur Puel, le professeur de français-latin, au point de dire désormais « mon professeur ». Et ce qu’il a su être ne peut que libérer la tendresse qu’il inspire.

Avec le titre de son recueil, "Bourgeons précoces, fruits tardifs", veut-il nous dire que la poésie, il l’aime depuis toujours même s’il a tant attendu avant de se laisser séduire définitivement ? Sa fille Michèle (2) qui en fait un portrait profond mais tout en pudeur, confirme cette  facette attachante et détachée du poète :
   
« ... Je préfère aux lauriers cueillis dans les concours
Rester le troubadour de mon petit village », 
vers ultimes du sonnet « Modeste ambition ». 

(1) Hérault, Orb, Aude
(2)  grâce à sa fille, Michèle Puel Benoît, dite "Granette" et nichant, cela ne s’invente pas, à Saint-Maurice-Navacelles et qui honore si joliment la mémoire de son père. http://www.contes-recits-sornettes.com/pere.htm