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mercredi 13 septembre 2023

BEAUDUC et PIÉMANSON, plages de Camargue (1).

Sur le front continu entre la terre et la mer, la Camargue offre ses plages immenses (1), loin du monde, ouvertes aux grands espaces. À Beauduc, à Piémanson, des colonies humaines occupent le sable, de la belle saison au reste de l’année, suivant l’engagement qu’elles manifestent. 

Ma_cabane_à_Beauduc 2009 Creative Commons Attribution 3.0 Unported Auteur lubman04

En dehors des Saintes-Maries-de-la-Mer, la côte camarguaise déserte a attiré une marge de gens épris de liberté, de grand large, de vie, sans électricité, sans eau courante, sans possibilité d’approvisionnement, Port-Saint-Louis ou Arles ne se trouvant pas à côté. Ce besoin de vie simple et rustique, de voisinage aimable, à apprécier l’eau du ciel si elle veut bien pleuvoir, a marqué le bord de la mer en été, bien que dans des conditions plus faciles, au bord de l’Étang de Berre, à Leucate, à Pissevaches et aux Cabanes-de-Fleury chez nous. Ils sont nombreux lors de la belle saison, moins en dehors, rares à y demeurer toute l’année (5 ou 6 familles). Quand ils ne se présentent pas comme tels eux-mêmes, leur démarche fait d’eux des cabaniers d’un bout du Monde, malgré la quinzaine de kilomètres de mauvaise piste.

Au creux du Golfe de Beauduc, l’installation, ancienne, a été le fait de pêcheurs sur le lieu de travail, de subsistance, les loups et dorades fréquentant aussi le secteur, pour se reproduire, notamment. Dans les années 50, l’élan pour une vie nouvelle, le début des loisirs, favorisèrent la venue de ces cabaniers par choix, au départ, des employés des salins, des retraités locaux, d’Arles.  

Les cabanes de Beauduc, caravanes, vieux autobus, germes des petites maisons à vérandas pour la convivialité, construites par des artisans cabaniers, souvent de bric et de broc, alignées face au golfe sur le territoire des Saintes-Maries-de-la-Mer, sur les montilles, ces monticules au-dessus de l’inondable. Ces installations ont été possibles, d’abord grâce à la tolérance des Salins du Midi, ensuite à cause du flou laissé par les différentes protections de la Camargue : la Réserve Nationale dès 1926, le Vaccarès en 1942... les terres agricoles doivent également respecter des normes. Or Beauduc resterait en marge de ces zones très protégées si une première ZNIEFF ne concernait pas les dunes (jusqu’à 7 mètres de hauteur) et les marais du sud Camargue, une seconde le fond du golfe de Beauduc où viennent pondre des poissons à forte valeur ajoutée. Enfin, l’accessibilité des plages d’Arles, plus à l’est (Piémanson), plus fréquentées, poreuses aux rodéos mécaniques dans les dunes, à la délinquance importée, a occulté l’occupation moins voyante, plus vertueuse, de Beauduc. 

BeauducCabannedelindien 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Fparrel

Parallèlement, le village des cabaniers, s’il fait parler de lui, le fait positivement, illustrant un vivre ensemble réel :

* pas de problèmes de circulation sur les pistes de sable non équipées de panneaux.

* pas de problèmes aigus de voisinage.

À Beauduc, on se parle, on négocie, la vie commune prend, sur bien des points, le pas sur l’individualisme. On anticipe les difficultés, on envisage les solutions ensemble. En amont, et cela n’est pas anodin, si chacun est libre de trouver un coin pour sa caravane, l’acceptation par le groupe est essentielle ; les apéros, les lotos et fêtes organisés y contribuent. Ce vivre ensemble s’exprime aussi par la présence de trois associations, moins ou plus récentes mais en complémentarité, représentant les trois quartiers “ colonisés ” et tenant compte de la nature à préserver.  

(1)  À moins de huit kilomètres de Port-Saint-Louis-du-Rhône, avec les petites plages d’Olga et celle de Carteau (huîtres et moules), la plage Napoléon (sans caravanes et camping sauvage) s’étend sur une dizaine de kilomètres ; le parking y est payant (5 € / 9h 30-16h de mi-juin à fin août)... Dans ce secteur, ils parlent de “ cabanonniers ”. 

jeudi 20 avril 2023

NOS PLAGES AVANT... FARINETTE jadis

 NOS PLAGES AVANT (avec la gentille autorisation de ses enfants) / Hommage à Maurice Puel. 18 juillet 2016 et avril 2023.

Avant les jours rouges ou noirs de Bison futé, avant les chassés-croisés de l’été, avant les 50.000 estivants à Saint-Pierre-la-Mer !

FARINETTE JADIS
Poème de Maurice PUEL extrait du recueil "Bourgeons précoces, fruits tardifs" (Mai 1988) / http://archeovias.free.fr/litt_01_puel.htm

Quand on allait à Farinette, le dimanche,
Par ces longs jours d'été, brûlants comme un fournil,
Les hommes n'avaient pas chemisettes sans manche,
Mais un chapeau de paille et costume de fil. 

Charles_Hoffbauer_Sur_la_plage_1907_(La_Piscine,_Roubaix)Ce fichier est sous la licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Auteur Bardadrac

Les femmes à leur tour, s'étaient mises proprettes :
Un corsage léger, jupe jusqu'au talon,
Une ombrelle, un chapeau, mais des couleurs discrètes.
Bref, vêtement correct sous un soleil de plomb.

Attelés à leur break, charrette ou carriole,
Ânes gris comme noirs - c'étaient les plus nombreux -
Chevaux, mulets, dominicale farandole,
Égrenaient leur crottin sur le chemin poudreux.

Attelage fringant ou d'âge canonique,
Il fallait emprunter, qu'on soit pauvre ou cossu,
Et tous au même train, le pont à voie unique
Sur l'eau du vieux canal arquant son dos bossu.

Là, s'en venait, marchant, une famille entière,
Le panier sur la tête, ou la saquette au dos :
De simples travailleurs, mais la démarche altière;
Aujourd'hui, le plaisir allégeait leurs fardeaux.

Empressé, patient, enfin chaque attelage,
Portant sa cargaison de gens endimanchés,
A deux pas de la mer, s'installait sur la plage,
Laissant les animaux à la roue attachés.

Tout cela se faisait sans cris et sans dispute,
Charrettes, chariots relevant leurs deux bras
Où l'on tendait, pour l'ombre, un grand carré de jute
Qu'en langue de chez nous on appelle un bourras.

Quant au maillot, la pudeur primait l'élégance :
Pour les hommes, rayés, du col jusqu'au genou.
Les femmes, bien qu'ornant le leur de quelque ganse,
Cachaient tous leurs appas sous un costume flou.

Après le bain, assis à l'ombre translucide
Du bourras mal tendu : goûter tiré du sac…
De groupe en groupe on plaisantait, l'humeur placide,
Et la vague y mêlait son éternel ressac.

Le soir, à la fraîcheur, d'humeur plus que parfaite,
Car il était coquin notre petit vin blanc
Le chemin du retour prenait un air de fête
Et l'attelage allait d'un pas plus nonchalant.

On écoutait les belles voix, des galéjades :
Populaire plaisir, amical et sans frais.
Nous nous connaissions tous, jeunes, vieux, camarades…
"A dimanche prochain", disait-on, "Soyez prêts" !

Allez-y maintenant. On cherche l'eau, la plage,
Tant les corps nus les ont, désormais, envahis…
S'ils revenaient, les vieux, si fiers de leur village,
Ils diraient, affolés : "Ce n'est plus mon pays !"

Maurice PUEL (1912-1998).