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vendredi 29 mars 2024

PÂQUES FLEURIES, PÂQUES FANÉES...

Avec la menace terroriste, un islamogauchisme permissif, je tiens cette année à m'affirmer dans mon camp, auprès de ceux qui, libres de vivre ou de ne pas vivre leur religion, ne tolèreront jamais l'asservissement à un islam intégriste venu d'ailleurs... Si nous avons déviriliser nos catholiques traditionnalistes, ce n'est pas pour nous soumettre à un totalitarisme religieux importé... Le roman de Houellebecq, dès 2015, annonçait ce que la France pourrait devenir... L'Histoire ne manque pas de tenir à jour les dates d'une confrontation qui se poursuit depuis plus de 1300 ans... et si l'Europe est passée du paganisme au christianisme, ce n'est pas pour se livrer à un obscurantisme figé dans le temps, dans ce qu'il a de plus rétrograde.  

Perpignan Procession Sanch 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar. bien sûr j'avais très peur  alors ! 

Pâques fleuries. 

Les cloches à toute volée… L'accord entre la nature et les âmes, l'exaltation d'un nouveau départ, l'espérance toujours recommencée, ces sensations difficiles à cerner, à exprimer – mais l'essentiel n'est-il pas de les ressentir lorsque le renouveau gonfle la poitrine et fait soupirer d'aise ? – toutes ces bonnes choses semblent communier pour Pâques, la fête religieuse la plus réussie, celle qui m'a, sans doute possible, le plus marqué. Le catéchisme, de corvée aimablement acceptée devient alors presque un plaisir. Mademoiselle Fouillat habite chez les Rives, un des « clans respectables » du village, en ce sens qu'ils possèdent une propriété moyenne, une maison et des dépendances, des biens de famille, parfois un ramonet, toujours une réputation assise sur des générations. C'est vrai que cela fait un peu vieille France, assez fille aînée de l'Église et que ça sent beaucoup la naphtaline mais cet ordre ancien appelé à être bousculé n'a rien de haïssable en soi : pas de morgue ou de mépris. Au contraire. Un petit jardin d'agrément, avec deux palmiers de Chine, précède la maison de maître. Les catéchumènes lient et étudient dans la cuisine, à gauche en entrant. Une hotte parisienne avec un néon caché derrière, une cuisinière moderne, signes des temps, ont remplacé la cheminée d'origine. Mademoiselle Fouillat est une vieille fille indulgente, compréhensive si nous n'avons pas étudié. Elle nous fait lire, elle commente et discute avec madame Rives qui coud, tricote ou brode, tandis que le souper mijote sur le feu et que nous gribouillons des réponses sur un petit cahier. Si les actes des apôtres et les miracles du Seigneur me laissent un peu distant, je suis, par contre, un témoin privilégié des scènes de vie de mes hôtes. Les femmes discutent d’affaires aussi domestiques que privées. Parfois, monsieur Rives les rejoint. Il reste un moment, sans s'asseoir. Je ne m'intéresse pas à ce qu'il raconte mais j'aime beaucoup son entrée. Le personnage me plaît avec son béret, ses lunettes, sa voix douce et chantante qui parle du nez, bien d'ici, couleur locale pour le dire avec plus de distance. 

Pendant la semaine sainte, l'objet de notre éducation religieuse revient au premier plan et je suis pris par la machination implacable, l'engrenage tragique, du baiser de Judas à la libération de Barabas, sans oublier le reniement de Pierre et les mains de Ponce Pilate. La tristesse s'accentue avec le chemin de croix, touche le fond dans la crucifixion au crépuscule et, effrayée par les cagoules noires et pointues des pénitents de la Sanch, se réfugie dans les travées obscures, révoltée toutefois que la petite lumière rouge puisse encore briller. Le samedi reste empreint de mystère mais notre communauté villageoise renaît le dimanche dans l'église inondée de soleil, pleine de monde, alors qu'une élégante voulant se mettre en évidence se signe en retard devant le bénitier. Ensuite les familles se retrouvent pour le repas de fête avec les œufs au mimosa, farcis d'anchois, le gigot de l'agneau pascal et le bras de Vénus à la crème pâtissière... » Jean-François Dedieu, Le Carignan, Pages de Vie à Fleury I, 2008. 

Perpignan La_Procession_de_la_Sanch_en_2017 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Aurelio Cardenas... D'autant plus peur, qu'en blanc, c'est la tenue des suprémacistes du Ku-Klux-Klan... 

jeudi 3 août 2023

LETTRES d'HOLOUBKOV 1


Sous le coup d'une expulsion (en représailles suite au renvoi par Paris d'une fournée de " diplomates " tchèques), François, lui-même secrétaire traducteur d'ambassade, n'a eu qu'une paire de jours pour plier bagage. Il a emmené sa jeune épouse Jirina (le mariage date seulement de deux mois) pour son village du sud de la France, au bord de la Méditerranée. Ces circonstances feront que la famille séparée par le Rideau de Fer ne pourra plus échanger que par lettres, encore une chance. 

Ces lettres, précieusement conservées, traduites, dorment dans des classeurs, attendant qu'un descendant curieux, le fils par exemple, veuille bien les réveiller. 

Lettre du dimanche 2 avril 1950 : první děda, d'abord papé. 
Une semaine avant, tonton Jenda (1923-1994) se mariait à Tabor, là où il habite et travaille (chez Bat'a). Ils ont une maisonnette de trois pièces, avec jardin. Trois voitures pour le cortège, à la mairie d'abord puis à l'église où la mariée a dû se geler. 

V patek rano, po vašem odjezdu, jsme jeli do Tabora k Jendovi... Maji hezky domek 3 mistnosti nejsou velke ale stačí. To zahradku maji take hezkou, bude mít Jenda co dělat... a odpoledne přesně ve tři hodiny jsme jeli třemi auty na M.N.V. ; odaval je sam předseda pak jsme šli jsme do kostela, tam  všem bila zima a nevěsta jistě vymrzla.  

Svickova_with_dumplings the Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Rkolarsky

Ensuite, à boire et à manger jusqu'à 4 h du matin. Le temps de ranger et les invités se sont couchés à 5 heures. 
Au menu : bouillon de boeuf (aloyau) et knedliky, porc au chou, quenelles au pain blanc. 
Le soir venu : soupe de tripes (demandée par le marié), salade de pommes de terre, escalope de veau, gâteaux dont deux au cacao apportés d'Holoubkov. 

Hamburská_vepřová_kýta_houskové_knedlíky the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Pohled 111

... jidla a piti hojnost, sedeli jsme asi do 4 hod rano pak jsme to trochu dali do pořádku asi v 5h jsme šli spat... 
Babička : ja jsem na svadbě zdobila dorty, chlebíčky,  krajela rohliky a zeli. Měli jsme hovezi polevku s knedlickem, sviskovou a veprove zeli a houskove knedliky, vecer salad bramborovy a teleci rizek dršťkovou kterou si Jenda porucil. Dortu měli dost. Doma jsem udělal dva čokoládové dorty to byli jediny tmavy... 



Les cadeaux : des parents, une radio 7.290 Couronnes, d'Holoubkov encore, de tante et l'oncle Stanek, un plat en cristal taillé. La demoiselle d'honneur a offert un tableau à l'huile, l'atelier Bat'a, un vase en cristal. 

 Děda : jsme take se Staňou  byli pro radio stalo 7.290 Kčs ; od tety Staň.  dostaly broušenou  misu, od družičky hezky obraz (olej), z dilny co pracuje Jenda krasnou broušenou vazu. 

 

    

samedi 2 octobre 2021

LES VENDANGES EN FAMILLE / Fleury-d'Aude en Languedoc

"... Quand le raisin est mûr, par un ciel clair et doux,
Dès l'aube, à mi-coteau, rit une foule étrange..." 
Les Vendanges - Aloysius Bertrand. 
 
Bien sûr les chansons à boire aidant à cueillir, parfois grivoises, paillardes, dans l'excès pour masquer le naturel amoureux et charnel, l'attirance... En famille, c'est un autre registre, tout en retenue, d'autant plus que le jeudi ou en fin de semaine, les enfants mènent aussi la rangée. Et puis l'oncle Noé savait aussi jouer de charme et de tendresse...  
 
Chanson : 
"... « Michaëla la brune, Ce soir au clair de lune, Comme par le passé, Nous irons nous griser / De baisers » ? C’est « pâle de fureur : (qu’) Antonio le pécheur / luTT (à prononcer comme "luth", l'instrument NDM) ce mot qui lui brisa le cœur » après lui avoir impérieusement demandé : 
« Quel est donc ce billet / Entre tes seins cachés, / Michaëla ? » C’était aussi une chanson qui revenait régulièrement aux vendanges..." (1) 
 
A onze heures, le repas à la vigne : 
"... Nous avions sans doute au menu, mamé Ernestine et moi, une omelette avec des tomates en sauce, ou bien des pâtes – nouilles ou coquillettes – avec de petits morceaux de viande, je ne sais plus quel était le « plat de résistance ». Etienne, lui, avait surtout un long morceau de saucisse qui faisait envie. Mais ni gril, ni poêle. Pendant que le feu crépitait au-delà du chemin poudreux, dans le minuscule champ de luzerne qui séparait nos deux vignes, à quelques pas de là il s’était mis en quête, le long de la rivière voisine, d’une branche fourchue qu’il finit par trouver, une espèce d’Y énorme auquel il eut tôt fait d’appointer les deux branches à l’aide de son couteau de poche. La saucisse une fois piquée dessus, il tint quelques instants ce gril rustique au-dessus des braises, retourna le tout. Une bonne odeur vint nous caresser les narines tandis que les gouttes de graisse tombaient dans le brasier en grésillant, et il eut lui aussi un repas de roi..." (1)
 
"... 1939. 
En arrivant à « Joie », nous mangeons. Plat du jour : macaronis et confit de canard et de poule. Nous reprenons le travail à midi moins le quart. Le soir, nous remplissons 33 comportes..." (1) 
 
Des "voyages" de comportes : 
 "... Un chariot de comportes. Pour charger les comportes pleines sur le deuxième rang, on balançait aussi la comporte en comptant « un, deux, et trois). Et le 3 coïncidait avec l’arrivée de la charge sur le plateau. Un jour, Fernand Monbiéla (de Poitiers, mari de l’institutrice de l’école maternelle, par ailleurs comique troupier déjà apprécié dans ses chansons par papé Jean à une gare de triage durant la guerre 14-18), sans doute peu partisan de cette méthode, remarqua ironiquement : « Et si nous comptions jusqu’à mille ? » Cela aurait été beaucoup plus fastidieux que la situation enviable de ce jeune médecin qui conseillait à sa jolie patiente, en l’auscultant : « Respirez bien, mon enfant, et comptez jusqu’à mille ! »..."(1)
Coquet, le brave Mérens : "Nous l'avons sur des photos de vendanges..."

"Coquet. Le petit et vaillant cheval noir répondait au nom de « Coquet ». C'était un Mérens, petit cheval d'Ariège (le GDEL écrit même « race fçse de poneys (!) ») vaillant comme pas un. Un jour, racontait mon père, il avait fait quatre gros voyages de comportes (sans doute seize ou dix-huit chaque fois) de la Pointe de Vignard (notre vigne la plus éloignée, à quatre kilomètres du village), ce qui lui totalisait 32 kilomètres dont seize à pleine charge (3), avec les côtes de Liesse et de Fleury. Il a tenu le coup, mais en arrivant le soir, trop fatigué, il s'est couché au lieu de manger. Papé Jean racontait cela avec une admiration non dissimulée. J'ai connu ce cheval à l'écurie jusqu'en 1935 à peu près.(1)

(1) Extraits du livre "Caboujolette" François Dedieu 2008 autoédition. 
(2) traduction : "Ils traitent le monde comme des bêtes. Nous n'avons jamais agi ainsi. les vendangeurs couchaient à la maison et mangeaient avec nous."
Fermée généralement par deux volets, la pourtalièiro est la grande ouverture au-dessus du portail, souvent servie par uno carello (une poulie de fer aux montants scellés dans le mur) et permettant de monter la vendange, le foin, la paille. 
(3) 38 kilomètres, mesure prise sur Géoportail IGN. Donc 19 à pleine charge !

Dans le bleu du ciel, uno carrelo...

 
 
 

 

vendredi 18 décembre 2020

SURPRISE AU RÉFECTOIRE... Instituteur toujours...


 

En temps normal, les trois repas de la journée se prenaient au réfectoire. En fin de semaine pour la vingtaine de pensionnaires venant de loin (Haute-Loire, Hautes-Alpes, Ardèche, Aude...) et ne rentrant pas chez eux, on allait avec un encadrant (pouvant sévir en tant que surveillant...) en cortège manger au lycée technique plus bas, spécialisé dans tout ce qui concerne le tissage si c'était encore le cas...   


 


Mais pour Noël, la tradition, comme dans tous les établissements de l’État, était d'offrir  aux élèves un menu spécial fêtes. En 1971 pour les FP1 et FP2 soit six classes d'élèves-maîtres, donc deux centaines de personnes tout au plus en comptant le personnel. Non... moins vu qu'il y avait des externes et des demi-pensionnaires...en congé puisque nous sommes le jeudi qui se transformera en mercredi à partir de 1972... 



On mangeait pas mal d'habitude et là ce menu de Noël classique mais de bon aloi, ne pouvait que mettre les potaches en joie ! 

Chaque feuille est tapée à la machine... On pouvait polycopier à l'alcool alors pour obtenir des caractères violacés (mais aussi du rouge, du vert pour les croquis... Pas  encore de photocopieuse, il fallait dupliquer à la manivelle... Quant à la décoration de ce menu, toute une équipe avait dû s'affairer autour du professeur de dessin, un homme déjà âgé mais aussi distingué que chaleureux, respecté et aimé de tous... J'ai son nom sur le bout de la langue mais qui m'échappe... Je m'en veux ! Si quelqu'un peut m'aider... 

 

C'était le 16 décembre, un jeudi, sur le plateau de la Croix-Rousse, entre Saône et Rhône. De retrouver ce papier fut une surprise vibrante... . 

Ah ! que cette page de vie à l'École Normale d'Instituteurs a pu me réconcilier avec la société et moi-même. Et quand je lis ou relève sur ce blog même ce que partagent les maîtres et les élèves, comment ne pas réaliser combien l'instituteur peut compter dans le développement des enfants à considérer, comme cela s'est confirmé avec le temps, en tant que personnes respectables à part entière... 

Quant à la laïcité, force est de constater que vis à vis d'une chrétienté  majoritaire sans concurrence, l'interdépendance entre l’État et le religieux rétrogradé ne posait pas problème... 

samedi 20 juin 2020

ENCORE UN MENU / Communion Solennelle 1966.



Fleury, la place du marché : les véhicules marquent l'époque.

Dans la salle adjacente au Grand Café Billès.

L'art des compositions de roses, une belle participation des Sanchon. Et le cousin Léon qui nous fait des siennes !



Avalanche que diable ! de hors-d’œuvre... pâté, jambon, saucisson, olives, salade verte (en entrée à la maison mais parfois après les plats lors des repas de fête).

La galantine, une spécialité charcutière, de la viande blanche, ici de volaille, désossée, intégrée à un salpicon et cuite en ballotine dans un fonds de gelée.

Le saumon, poisson de fête alors, "à la grecque" ? cuit à l'huile d'olive et servi froid ?

Pour les bouchées financière voir mon post précédent. 

Les pigeons de mamé Ernestine en salmis. Les morceaux nobles ont-ils été découpés et les carcasses hachées utiles à la confection du salmis ?  Mouillé avec le fond de cuisson des pigeons presque rôtis, déglacé au vin blanc; "Ajouter quelques cuillerées d'espagnole au fumet de gibier" nous dit le Larousse gastronomique (1948).

Haricots verts Florentine ? A l'italienne non ? Avec ail, tomates, oignons et persil ?

Poulet de grain est une appellation suivant l'âge du poulet. Vers 4 mois il est poulet nouveau (450 à 600 g) avant de passer poulet de grain (600 à 900g) ; vers la fin de l'été il devient poulet reine (1000 à 1800 g) et enfin poulet gras (de 1800 g à 2 kg). Ces volailles sont bien sûr élevées en plein air, avec des céréales. 

Pâtisserie assortie ? un choix hors pâte à choux peut-être... Baba ? financier ? Bavarois ? Mille-feuilles ? Tarte ?

La Roche de Choux, une autre façon de nommer la pièce montée. 

La surprise napolitaine : trois tranches de glace à la crème de parfums différents, des immigrés italiens aux Etats-Unis nostalgiques du pays : amande, vanille, fraise à l'origine sauf que le chocolat s'est imposé. Pour une surprise, c'est une surprise !   

Quels vins ? Le minervois rouge "Costos Roussos" atteste de notre attachement aux amis de Trausse. 
Pelure d'oignon, une désignation tombée en désuétude... c'est bon pourtant, l'oignon... Du château de Nouvelles, près de Tuchan, un Fitou. Le blanc de blanc et le muscat viennent directement "d'aqui darè", de là derrière, de la cave du grand-père. Quant au mousseux, s'il est vin et qualifié de "grand", ce n'est jamais qu'un mousseux rappelant les bouteilles gagnées à la foire et qui donnaient mal à la tête. 

Café, liqueurs, cigares... comme le fait de fumer était valorisant alors ! 



Au café comme à la maison pour une trentaine de personnes, il y a le souper, pardon le dîner : 
le consommé velouté serait un bouillon lié... 

la poularde est plus grosse (de 1,8 kg à 3 kg et parfois plus) est plus grosse et plus grasse que le poulet. Suprême : du bouillon de volaille, un fond blanc de volaille aussi et de la crème fraîche. Et encore des volailles froides, heureusement que les salades de saison et de fruits viennent un peu alléger mais ils ne doivent pas être nombreux à se passer de gâteau !


vendredi 19 juin 2020

UN BON REPAS / 1960, communion solennelle.

La vie, avec souvent à l'origine une implication religieuse, réunissait les familles élargies jusqu'aux amis intimes pour ce qu'on appelait "un bon repas". Le mot en lui même est plus que banal, d'ailleurs un bon repas peut être apprécié à la maison, en semaine. A propos de grand repas, on fêtait un baptême, une communion, un mariage, un anniversaire de mariage. Est-ce le prétexte religieux qui, dans un premier temps, retenait de dire qu'on allait faire bonne chère, bombance, ripaille, la noce, un gueuleton ? Une "bonne bouffe" ? Non, c'est trop actuel et dans un sens plus que familier...

Je parlais tantôt du menu pour le couronnement de la reine d'Angleterre (pourquoi ne dit-on pas "reine du Royaume-Uni" ?), le 2 juin 1953, sur le paquebot Alcantara auquel un concours de circonstances nous fit participer. Aujourd'hui, puisque juin est le mois des "menus", avec celui de la communion solennelle de Jenny, filleule de papa, comment ne pas ressentir un bouquet de bonheur. 



Trausse Tour Trencavel wikimedia commons Author ArnoLagrange. J'aurais aimé avoir une photo de l'église Saint-Martin-de-Tours où je fus embauché comme enfant de cœur de dernière minute... En fus-je pour autant plus près de lui ? Ce qui est certain est que nous gravitions dans l'amitié contagieuse de nos pères respectifs Yves et François... J'aurais aimé avoir une photo de la charmante chapelle Saint-Roch, entre vignes et garrigue où nous nous rendîmes pour vêpres, par une chaleur accablante... Ce dut être une épreuve, sur la digestion, pour les bonnes fourchettes et les grands gosiers ! Quant aux photos, ce sera l'occasion d'y retourner !
D'abord le plaisir de l'ailleurs même en restant au pays, de la diversité des territoires qui nous tiennent à cœur, dont le Minervois. Ensuite le bonheur de retrouver des amis avant de s'inscrire dans la tradition, au niveau religieux chacun restant libre de le vivre suivant ses inflexions intimes. Enfin, le renouvellement des complicités, l'entretien des sentiments en mangeant ensemble des plats sortant de l'ordinaire.


Et comme on n'a pas traduit les appellations dithyrambiques de l'inspiration gustative, comme on ne se souvient plus, comme c'est plus facile de se régaler que de savoir à quoi correspondent toutes les recettes proposées, l'envie de réveiller les papilles incite à se remettre à table.

Ce cornet périgourdin, du jambon garni de foie gras ? 
La langouste à l'américaine... il est dit parfois "à l'armoricaine". Une sauce à la tomate bien relevée de curry, avec du vin blanc et parfois une pointe de rouge pour la couleur...

La bouchée financière... des croûtes de pâte feuilletée (il faut deux ronds de pâte pour en faire une). Du ris de veau... peut-on en trouver suite à la crise de la vache folle ?  Le ris s'accompagne d'une garniture de champignons, de tomate, avec un fond de veau, des olives...

Les haricots maître d'hôtel, revenus au beurre avec citron et persil.

Canapé de pintade au genièvre : la pintade rôtie est servie sur des toasts imbibés d'une sauce forestière, des champignons associés à du pâté. 

La surprise de Jenny ? Après les desserts, peut-être une bombe glacée ou une tranche napolitaine... 

Pour accompagner tout ça, des vins du cru dont le très bon "Costos Roussos", objet d'une sélection dès 1937 ! Le Corbières aussi a dû réjouir langue et badigoinces, avant de s'envoyer dans le "gargalhou"... et "Major", loin de signifier que le vin est moins commun que "de table", renvoie à un terroir des Corbières entre Saint-Pierre-des-Champs, Saint-Martin-des-Puits, Villerouge-Termenès et Talairan... C'est que même les noms des villages se laissent gobeloter ! La Blanquette de Limoux au dessert, le cognac en guise de pousse-café... Certains ne l'ont pas oublié peut-être le chemin de la chapelle !

Pardonnez l'anachronisme de ma tirade gourmande. Comment apprécier en gastronome quand on n'a pas dix ans ? Malgré tout, l'habit du dimanche, la balade exotique en Minervois, l'ambiance de fête, la petite église au bord des vignes, le cérémonial ampoulé, mon renfort à l'office, le plaisir de se mettre à table (et d'en sortir, pour les enfants), ce soleil de juin et les premières chaleurs, la chapelle bucolique, participent d'un souvenir heureux, qui, plutôt que de faner, refleurit toujours en juin...    


     

mercredi 17 juin 2020

PARTIR (8) / LISBONNE et la REINE !

Suite de la lettre du 3 juin 1953 : 

Ce devait être là...
En-tête d'un menu du bateau.

"... Le lendemain 2 juin, ce fut Lisbonne et le Portugal. J'ai tiré quelques photographies. J'espère en avoir réussi la plupart. 

Pas grave... Qui n'a pas raté ses photos ? On voit bien "l'envolée" des pavillons... Un beau souvenir.  
La capitale nous apparut sur les bords du large estuaire du Tage, et son port bien abrité des tempêtes offrit pour quelques heures ses eaux calmes aux flancs de l'Alcantara, le beau navire qui, tiré par les remorqueurs, s'approchait doucement du quai, arborant ce jour-là à la poupe un immense drapeau britannique, tandis qu'une myriade de pavillons montait en une belle envolée jusqu'au sommet du mât arrière, s'élançait de là jusqu'à l'autre mât, et venait aboutir en une molle courbe à la proue du paquebot : c'était le jour du couronnement de la reine Elisabeth II.../... Nous l'avons fêté avec du champagne suite à une minute de silence. Tout était brillamment décoré et chacun a reçu un menu-souvenir avec le tableau en couleurs de la reine (tableau de Dorothy Wilding). Le menu était imprimé en anglais et en français. 



Après l'excellent dîner en musique (l'orchestre jouait sur une petite tribune) dans l'immense salle à manger des premières classes, sur ce bateau doucement bercé, les toilettes des grands jours firent leur apparition dans le grand salon, pour le "Bal du Couronnement".


mardi 5 mai 2020

LES PAPIERS GARDÉS, déjà des archives...



Chaque année, vers février ou début mars, la mairie offre le repas de l'âge d'or, du troisième âge, des seniors, des vieux comme il est dit souvent peu charitablement et qu'on croit entendre presque distinctement en ce temps de coronavirus. Le sens commun sinon la perfidie peuvent insinuer que ces dépenses pèsent pour le pot commun. Ce n'est pas être contre que de dire que certains, souvent les mêmes, exagèrent. Et puis, cette invitation plutôt fin février, comme par hasard, veille de l'élection municipale, serait-ce tous les six ans... 

Mais en 2002, un an après le scrutin, le menu proposé n'a rien de la subordination. "Il ne s'est pas foutu de nous !"... il me semble entendre les convives d'alors, tout à leurs nourritures terrestres. 



Périgourdine l'assiette !.. foies, gésiers ? aiguillette ? magret de canard ? jusqu'au foie gras peut-être et truffé qui plus est !  

Bellevue la langouste !.. pochée dans un bouillon et habillée d'une gelée transparente (ça sert le Net). 

Le Trou Normand ou trou du milieu avec le cognac ou plus au sud l'armagnac. Normand, c'est le calvados sur un sorbet de pomme, dans sa version moderne.  

Le magret grillé sauce aux cèpes, un classique. 
Les fromages, l'assiette gourmande, le café... rien à dire. 
Les vins, eux, déclinent un drapeau nouveau, original... blanc, rosé, rouge ! 



Question pétulance, c'est la "Blanquette", rien que de très naturel pour des Audois ! Pardonnez-moi un anachronisme plus qu'honorable Le confinement m'ayant amené à lire plus que de coutume, quelle ne fut ma surprise de trouver dans "Bourlinguer" (1948), de Blaise Cendrars, à la page "Brest cocotte en papier buvard", une dédicace à Paul Desfeuilles, bibliothécaire, général à Berlin, auvergnat, heureux propriétaire-paysan, "parfait convive à table, grand amateur de blanquette de Limoux...". Qu'un écrivain de la trempe de Cendrars en vienne à parler, en bien, d'une des premières AOC en France (1938), ça me pétille encore entre les badigoinces, la langue et le palais ! 

Digestif et musique... 

Le Vieux Pressoir, le restaurant de Marc Albert, le chef de cuisine à qui l'on doit ce menu, n'est plus mais l'orchestre Pierre Lebrun propose toujours ses services. 
Plus pathétique encore, la signature "Robert Brasillach" après la citation finale ! Un collabo ! Certes mais condamné à mort pour l'exemple, par un avocat-général lui-même aux ordres de Vichy peu auparavant, après un procès expéditif (six heures dont vingt minutes seulement de délibération) qui ne nous fait pas honneur. 

En avait-il conscience, le scribe communal ou l'esprit chargé de culture et  préposé à l'édition de ce menu ? Quoi qu'il en soit, adressée aux seniors, la citation de 2002 répond magnifiquement au cynisme latent qui, en ces temps exacerbés par un virus inédit et mortel, tend à considérer les "vieux" comme des inutiles : 


Un menu soigné et gourmand mais à y regarder de plus près, ne se limitant pas aux nourritures terrestres...