Holoubkov 1978
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
mercredi 6 septembre 2023
jeudi 3 août 2023
LETTRES d'HOLOUBKOV 1
Sous le coup d'une expulsion (en représailles suite au renvoi par Paris d'une fournée de " diplomates " tchèques), François, lui-même secrétaire traducteur d'ambassade, n'a eu qu'une paire de jours pour plier bagage. Il a emmené sa jeune épouse Jirina (le mariage date seulement de deux mois) pour son village du sud de la France, au bord de la Méditerranée. Ces circonstances feront que la famille séparée par le Rideau de Fer ne pourra plus échanger que par lettres, encore une chance.
Ces lettres, précieusement conservées, traduites, dorment dans des classeurs, attendant qu'un descendant curieux, le fils par exemple, veuille bien les réveiller.
V patek rano, po vašem odjezdu, jsme jeli do Tabora k Jendovi... Maji hezky domek 3 mistnosti nejsou velke ale stačí. To zahradku maji take hezkou, bude mít Jenda co dělat... a odpoledne přesně ve tři hodiny jsme jeli třemi auty na M.N.V. ; odaval je sam předseda pak jsme šli jsme do kostela, tam všem bila zima a nevěsta jistě vymrzla.
Svickova_with_dumplings the Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Rkolarsky |
Les cadeaux : des parents, une radio 7.290 Couronnes, d'Holoubkov encore, de tante et l'oncle Stanek, un plat en cristal taillé. La demoiselle d'honneur a offert un tableau à l'huile, l'atelier Bat'a, un vase en cristal.
Děda : jsme take se Staňou byli pro radio stalo 7.290 Kčs ; od tety Staň. dostaly broušenou misu, od družičky hezky obraz (olej), z dilny co pracuje Jenda krasnou broušenou vazu.
lundi 21 mars 2022
Babička, ma grand-mère d'Holoubkov
"... Moi, à coup sûr quand cela m’arrive de prendre mal, comme avant Noël où j’ai fait la queue pendant deux heures pour obtenir 100 grammes de pulpe de noix de coco râpée, eh bien dès le lendemain j’étais souffrante, vraiment atteinte. Et chaque fois que je prends mal j’ai une crise de vésicule..."
Babička Bohumila, ma grand-mère d'Holoubkov. Lettre du 17 janvier 1955.
Et moi qui vois toutes ces noix de coco, même si cela devient rare sur l'île puisque les cocotiers classiques, qui montent si haut et mettent tant de temps à produire, ne sont pas remplacés, puisque la surpopulation ici explose, puisque les vols suite à une immigration clandestine qui nous submerge, sont monnaie courante, puisque les variétés hybrides, au goût différent, à l'image des bananiers, ne sont pas appréciées... sans oublier le paysan mahorais d'alors, rentrant tous les jours au crépuscule, chargé des produits du champ pour la famille et pourtant si plein de bienveillance et d'amabilité pour le vazaha, le blanc, porteur malgré lui d'une outrecuidance oppressive et qui revient, supérieur, oisif, musard, de prendre en photo le soleil couchant, de penser à ma grand-mère deux heures dans la queue, dans le froid, toujours vaillante malgré ses problèmes de santé, confrontée aux pénuries même pour des légumes locaux, en me transportant au petit pays de mes grands-parents, l'émotion me brise le cœur, mes yeux s'embuent d'un désarroi, d'un chagrin profonds.
vendredi 24 août 2018
VOYAGE EN TCHÉCOSLOVAQUIE (6) / Halte ombragée à Dole.
Depuis cette esplanade magnifique où les camping-cars peuvent faire halte, dominant le canal et les robines des tanneurs de la Petite Venise, superbe, la Collégiale nous gratifie de son carillon dominical.
Louis Pasteur par Nadar. |
Avec la parabole des coins noirs et vides d’écrits de la maison paternelle, Clavel, auteur de talent, autodidacte, a seulement conscience de la trajectoire qui fut la sienne. Dans Les Fruits de l'Hiver (Goncourt 1968), il parle d'une mère aimante, exprimerait-il aussi un remord pour avoir longtemps laissés ses parents sans nouvelles.
mardi 27 mars 2018
QUAND ON VOUS DIT "RÉPUBLIQUE TCHÈQUE" ?
Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand on dit République tchèque ? Avez-vous visité la République tchèque et quelles étaient vos impressions ? Écrivez-nous à l’adresse suivante : cr@radio.cz
Difficile de s’arracher même pour une journée à Prague. Et pourtant, la Vltava de Smetana sous le pont Charles ! l’horloge de la Vieille Ville ! les trams, l’automat de Václavské náměstí !
Les diapos sont de papa (1970, 1963, 1968), les dessins de Josef Lada.
Rusalka, ondine des contes, créature des eaux. Aussi le titre d'un célèbre opéra d'Antonin Dvořák (1841-1904) |
Vodnik, ondin, génie des eaux appelé aussi Hastrman. |
mercredi 18 octobre 2017
DIX-SEPT ANS, IL Y A DES LUNES (fin)... / Československo, Holoubkov
Aujourd’hui comme quand j’avais dix-sept ans, la forêt continue de peser dans notre histoire au point de conditionner notre survie. Malheureusement, la toute puissance mortifère de l’argent sape et réduit dangereusement sa biodiversité : plus de la moitié des oiseaux a disparu depuis 1980...
photo autorisée : 2. l'usine derrière le barrage http://www.obecholoubkov.cz/cs/o-obci-holoubkov/
lundi 16 octobre 2017
DIX-SEPT ANS, IL Y A DES LUNES... (suite) / Československo, Holoubkov
L’apparition d’un tableau, en effet, mêlant l’infini de l’univers avec, plus proche, la nature dans ce qu’elle peut créer de terrestre, de spirituel aussi, et plus à portée, en premier plan, un site industriel, ce qui ne saurait traduire seulement le matérialisme propre à notre espèce.
Bien sûr, devant nous, en bas de “Na Pekarně” (1), la pente abrupte, le regard devrait aller spontanément à l’usine (2), la tovarna historique d’Holoubkov dont le cœur bat jour et nuit mais c’est la lune, encore oblique et juste derrière le mont Trhoň qui invite, par la vision magique qu’elle offre, à l’humilité, au respect qui élève et non à la soumission de celui qui se prosterne. Un vieux réflexe judéo-chrétien pourrait donner à voir le mont Tabor sous des rayons divins si une orthodoxie religieuse obligeait à interpréter ainsi cette luminosité aussi irréelle que renversante. L’irradiation est telle que si j’en oublie qu’elle n’est qu’un ricochet d’étoile, je me sens pénétré par une harmonie céleste. La lune, telle un vaisseau spatial qui éblouit de ses projecteurs, ouvre nos horizons, occulterait-elle, au dos de sa face sombre, l’espace infini vers les galaxies. Son éclat efface même les étoiles d’un ciel trop pur. Sur Terre, la fraîcheur vient à bout de l’impression de chaleur encore ressentie en sortant de l’hôtel... sûrement le coup de rhum pour la route, après la bière !
Děda (grand-père) tourne la tête vers le mont :
“ Regarde ! la forêt fume ! c’est bon pour les champignons !"
C’est vrai que sous le Trhoň, une vapeur déjà ouatée rampe autour des épicéas dont seules les pointes émergent. Sous le couvert des branches basses, sous le tapis d’aiguilles, l’humus est une matrice tiède que le mycélium investit de ses nébuleuses. Le rêve transporte facilement en enfance... Effacées les bières, les cigarettes ! Oublié ce souci d’apparence extérieure, ce désir d’exister dans les yeux des filles, choses que l’on prend trop au sérieux quand on a dix-sept ans !
Les images de Budulinek défilent comme elles défilaient grâce au petit cinéma, l'obscurité venue, par un même clair de nuit, en haut de ce même quartier “Na Rudě”. C'est un petit garçon qui habite avec ses grands-parents à l’orée de la forêt. A la belle saison, ils restent assis dehors, à voir monter la lune et le grand-père raconte des histoires d’enfants attirés puis perdus sous les sombres futaies. C’est le renard qui est venu tenter Budulinek en lui promettant un monde merveilleux, autre chose que la maisonnette et son petit jardin ! Et si l’histoire se termine bien, l’essentiel, que ce soit conscient ou non, sont ces graines semées chez l'enfant, des graines dont certaines germeront vite ou dans très longtemps ou jamais, qui sait ? A dix-sept ans peut-être.
(1) Une boulangerie a dû s'y trouver par le passé.
(2) mentionné vers 1379, le village est connu pour ses forges. La force hydraulique, la proximité de minerai de fer et les vastes forêts alentour permettent la production d’acier (un haut-fourneau a fonctionné au XVIIe siècle). Mise à part une période marquée par la production de cellulose et de pâte à papier, c’est la fabrication de machines-outils pour l’usinage des métaux (tours de mécanicien, de serrurier) qui prévaut encore aujourd'hui. En dehors de l’occupation nazie ( protectorat de Bohême-Moravie 1939-1945), notons les consonances germaniques des propriétaires successifs : Strousberg (wagons), Hopfengärtner et actuellement Weiler (KOVOSVIT pendant la période communiste ).
L’historique de la firme Weiler précise qu’Holoubkov a été un des plus anciens centres industriels de Tchéquie et peut-être d’Europe. http://www.weilercz.com/cz/
Photos autorisées :
1. Holoubkov Trhoň Autor HudryHudry.
2. O Budulinkovi Mandelince. Josef Lada, 1946, Nezbedne Pohadky.
3. Panorama Holoubkov HudryHudry.
samedi 14 octobre 2017
DIX-SEPT ANS, IL Y A DES LUNES... / Holoubkov, Československo
La pleine lune qui met en relief le cimier des arbres me transporte aussitôt vers une autre lune, une autre nuit, une forêt plus boréale, peut-être perdue dans un passé presque galactique.
La porte fait passer par le couloir d’entrée où donne le guichet à présent fermé de la vente à la pression (točene), au litre, au pichet, là où défilent, surtout en fin de semaine, les pichets blancs, bleus, bruns (le džbanek des grands-parents est bleu ciel, celui du grand-oncle, blanc).
Une fois sortis, si un roulement de voix mâles mêlées de rires gras, fait tourner la tête vers les lourds rideaux sombres de l’hôtel (réputation des buveurs oblige) tombés sur la concupiscence à la bière de ces hommes, par ailleurs si durs à la tâche, c’est la nuit qui investit nos sens. Nous traversons la nationale Praha-Plzeň qui passe devant l’établissement. A cette heure avancée, les véhicules sont rares. Au loin, seulement, un bruit de moteur crescendo, amplifié par la saignée de bitume, la montagne russe entre les épicéas.
Ensuite le carrefour de la route de Hůrky (1) avec le kiosque presse-tabac, jaune et rouge pétard, pour offrir un soleil d’Espagne au ciel trop souvent couru par les nuées d’ouest. Si je n’y achetais pas les “kubánsky”, ces brunes cubaines si exotiques au pays des blondes (2), je penserais à un arrêt de bus sauf qu’un tube métallique porte l’enseigne de la ČSAD juste à côté...
Logique, sur ce carrefour, cette patte d’oie qui fait graviter le village autour. D’ailleurs, à l’opposé, vers Těškov et au delà Lhota-pod-Radčem, proche du tilleul et contre le mur de la salle de bal de l’hôtel, stationne souvent la remorque-passagers des autobus Škoda (3).
La nuit est trop douce, trop claire pour qu’il n’y faille rien voir et au seuil de “Na Pekarně”, la descente si raide, faite, on dirait, pour les seuls piétons, s’annonce la symbiose mystérieuse entre l’univers, la nature et l’homme cherchant à s’en émanciper... (à suivre)
(1) elle limite le quartier “Na Rudě” regroupant surtout des logements ouvriers, une promiscuité en apparence sereine pour les deux bâtiments du bas tandis que les deux du haut, plus individualistes (quatre logements de plain-pied mitoyens chacun) expriment une conception du logement social méritant une mention au même titre que les villas célèbres d'Holoubkov (dont la Markova vila de 1908 / architecte Jan Kotěra). Mes grands-parents y ont habité jusqu’au début des années 60 ; tonton et ma grande-tante y résident. Ils aiment rester dans le jardinet, juste un lopin de terre mais, plein de fleurs ! (presque sous la route et le kiosque). Le quartier est d’autant plus aimable que la vue, au-delà du lac, en bas, de l’usine souriant peut-être de se trouver à la campagne, puis de la voie ferrée, la gare, se perd dans la forêt jusqu’en haut de croupes sombres
(2) lieu d’achat aussi des cartes postales, des timbres pour la France et des křižovsky de papa (le nom m'échappe).
(3) prononcez “chkoda” et non comme dans la pub pour les bagnoles !
Photos autorisées :
1. Pixabay creativ common.
2. Svátečni hospoda. Josef Lada. 1932. Kolorovaná kresba.
3. Kiosque à Rokycany.
4. ČSAD csUserŠJů.
5. Bus Beroun,_DOD_Probotrans, RTO městské s vlekem Author Aktron Wikimedia Commons