Depuis cette esplanade magnifique où les camping-cars peuvent faire halte, dominant le canal et les robines des tanneurs de la Petite Venise, superbe, la Collégiale nous gratifie de son carillon dominical.
Louis Pasteur par Nadar. |
Avec la parabole des coins noirs et vides d’écrits de la maison paternelle, Clavel, auteur de talent, autodidacte, a seulement conscience de la trajectoire qui fut la sienne. Dans Les Fruits de l'Hiver (Goncourt 1968), il parle d'une mère aimante, exprimerait-il aussi un remord pour avoir longtemps laissés ses parents sans nouvelles.
Il m’est arrivé de
vadrouiller dans les vieilles rues de Dole et si j’en suis revenu avec un bout
de ce fameux comté, c’est surtout une pâtisserie que je n’ai pas
trouvé… Serait-ce dévalorisant, pour une municipalité portant aux nues Pasteur
le savant, d’indiquer la pâtisserie de l’apprenti Clavel ? Lui en voudrait-on d’avoir dit que son patron dolois était « un vrai salaud » ?
Non loin de Dole, en
aval, le Doubs reçoit la Loue de Tiennot cet autre personnage de l’auteur,
vivant sur une île de la rivière. Et depuis cette Bresse Chalonnaise, cette
montagne bleue dans le matin, cet éperon omniprésent à l’horizon, si marqué par
rapport à la plaine, n’évoquait-il pas, tout au long de la route, le Revermont,
les contreforts du Jura, les vignobles d’Arbois qui forment le cadre de
L’Espagnol, ce roman superbe adapté à la télé en deux parties (1. L’étranger
dans la vigne. 2. Les dernières vendanges.) ? Le DVD me suit, dans ma
maison roulante. Il est là dans le casier des livres et des cartes.
Retour sur la carte
où la proximité du Doubs et de la Saône, délimitant un entre-deux-eaux
marécageux pourrait expliquer le brouillard matinal. J’ouvre aussi le bouquin « Bourgogne »
et à la fin, lors de cette halte paisible sur cette belle esplanade de Dole,
face à la Collégiale (érigée en basilique mineure 1951), superbe, couvant les
vieilles rues depuis Louis XII et même Philippe-le-Bel si on tient compte de la
Collégiale d’origine, un article inattendu ici de Guy de Maupassant sur le
Creusot.
MAUPASSANT « Au Creusot.
Le ciel est bleu, tout bleu, plein de soleil. Le train vient
de passer Montchanin. Là-bas, devant nous, un nuage s’élève, tout noir, opaque,
qui semble monter de la terre, qui obscurcit l’azur clair du jour, un nuage
lourd, immobile. C’est la fumée du Creusot. On approche, on distingue. Cent
cheminées géantes vomissent dans l’air des serpents de fumée, d’autres moins
hautes et haletantes crachent des haleines de vapeur ; tout cela se mêle,
s’étend, plane, couvre la ville, emplit les rues, cache le ciel, éteint le
soleil. Il fait presque sombre maintenant. Une poussière de charbon voltige,
pique les yeux, tache la peau, macule le linge. Les maisons sont noires, comme
frottées de suie, les pavés sont noirs, les vitres poudrées de charbon. Une
odeur de cheminée, de goudron, de houille flotte, contracte la gorge,oppresse
la poitrine, et parfois une âcre saveur de fer, de forge, de métal brûlant,
d’enfer ardent coupe la respiration, vous fait lever les yeux pour chercher
l’air pur, l’air libre, l’air sain du grand ciel ; mais on voit planer
là-haut le nuage épais et sombre, et miroiter près de soi les facettes menues
du charbon qui voltige. C’est le Creusot.
Un bruit sourd et continu fait trembler la terre, un bruit
fait de mille bruits, que coupe d’instant en instant un coup formidable, un
choc ébranlant la ville entière.
Entrons dans l’usine de MM Schneider… »
Les Gueules Noires, la Bande Noire, nous les avons déjà
évoquées mais si la fabrication des locomotives me rappelle forcément
Holoubkov, le village sur la ligne Praha-Plzeň, où se sont fixés mes grands-parents
maternels, je me dois de saluer mon
oncle Stanislav, un tonton Staňa dont la présence et la personnalité ont tant
compté pour moi et qui fut fondeur à l’aciérie de Hradek proche de Rokycany, en
bas de la vaste forêt du Trhoň…
Alors, quand, à mon grand étonnement se livre à moi cet
article de cinq pages signé Guy de Maupassant, plutôt lié à une Normandie à la
fois bourgeoise et bocagère, et que je vois moins impliqué socialement que Vallès ou Zola (même
s’il a d’un côté été sensible aux destinées des filles modestes humiliées, même
s’il a toujours voulu se démarquer du milieu snob et intello de la capitale),
ce n’est pas sans une inclination aussi admirative qu’attendrie que je reçois
ce don d’un auteur si réaliste jusque dans l’érotisme, émaillant des écrits si
marquants et inoubliables depuis l’adolescence.
Bien sûr que nous suivrons Maupassant
dans l’usine Schneider, lorsque j’irai voir au moins le portail de celle de
tonton, loin là-bas en pays slave, avec en tête la mélodie des « Mains
d’Or » de Lavilliers.
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