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mardi 27 mars 2018

QUAND ON VOUS DIT "RÉPUBLIQUE TCHÈQUE" ?


Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand on dit République tchèque ? Avez-vous visité la République tchèque et quelles étaient vos impressions ? Écrivez-nous à l’adresse suivante : cr@radio.cz 




Quand j’entends « République Tchèque », je pense d’abord « Tchécoslovaquie ». Dans ce mot il y a le « tch » des locomotives, il y a Holoubkov, le joli village de mes vacances d’enfant, des souvenirs souvent calqués sur les dessins de Josef Lada mais qui bougent et restent vivants. D’abord les grands-parents, děda et babička, les oncles, les tantes, une cuisine aux senteurs d’orient, la desítka de tous les jours, la dvanácka du samedi (bières titrant 10 et 12 degrés), l’usine qui turbine derrière le barrage, le lac des baignades de l’été, le ruisseau aux écrevisses, la forêt aux myrtilles et aux cèpes bonhommes. 



Difficile de s’arracher même pour une journée à Prague. Et pourtant, la Vltava de Smetana sous le pont Charles ! l’horloge de la Vieille Ville ! les trams, l’automat de Václavské náměstí !

Plus dur encore de partir visiter jusqu’en Slovaquie, au-delà des Carpathes Blanches. 





Vous le constatez, je suis complètement hors sujet. J’ai du mal à retenir l’émotion aux premières notes de Kde domov můj… Impossible de visiter un pays qui pousse ses racines au plus profond de mon être. Je pense à papa qui s’est enfui de Dresde pour le Protectorat, pour rejoindre celle qui allait être maman. Je pense à ce régime nous assimilant à l’ouest ennemi, nous obligeant au voucher. C’est l’Histoire avec ses côtés sombres et peut-être aussi une lumière nous élevant à une conscience d’Européens convaincus, de citoyens du Monde…  
   

Désolé de ne pouvoir exprimer des impressions. La Bohême, des étangs des collines au Polabi généreux (la plaine de l'Elbe),  participe d’une pulsion vitale coupant toute envie d’aller voir ailleurs. Je reste sous le sortilège du vodnik et des ondines pulpeuses (dessins, gouaches de Josef Lada [1887-1957]). Ils ont coupé en moi les envies de voyages. Mes ailes ramènent toujours au-delà de Rozvadov, la frontière désormais ouverte, faisant de moi un éternel migrateur qui languit de revoir le mauve des champs de pavot et les croupes aux sombres épicéas...

Les diapos sont de papa (1970, 1963, 1968), les dessins de Josef Lada. 
Rusalka, ondine des contes, créature des eaux. Aussi le titre d'un célèbre opéra d'Antonin Dvořák (1841-1904)
     
Vodnik, ondin, génie des eaux appelé aussi Hastrman. 

                      



mardi 12 décembre 2017

ET A SORGEAT ? Les neiges d’antan... l'abattage du cochon



  
Je reviens à Sorgeat, petit village heureux car un peu à l’écart de la route d’Ax. 
 
C’était quand déjà ? Il y a bien trois ans pour un sermon magnifique du curé parce que « mes trois curés » qui ne poussent pas la chansonnette (à Cucugnan, à Melotte, à Sorgeat) ont nourri une petite anthologie plutôt liée aux fêtes locales, avec, en prime, dom Balaguère, le chapelain des trois messes basses sur les pentes du Ventoux « Deux dindes truffées Garrigou ? »  (Alphonse Daudet).
  



 Noël qui pointe vers l’horizon de décembre me pousse sans doute à marier les nourritures terrestres et célestes… le sacrifice de l’animal en fait partie.

Le site sur Sorgeat consacre plusieurs pages à l’abattage du cochon (à voir absolument, avec des photos très parlantes).


Le préambule rappelle que la domestication de l’animal est ancienne, certainement liée aux débuts de l’agriculture, à la sédentarisation au Moyen Orient. Cela n’a rien d’anodin en ce début de troisième millénaire qui s’aveugle et perd le sens de la vie qui est la mort, qui assimile élevage et cruauté et qui, quand il ne tue pas par procuration, croit qu’on n’estourbit pas une salade en la cueillant pour la manger !
L’abattage du cochon a beaucoup compté dans l’économie paysanne, presque autarcique. Il marquait une époque où la viande du boucher s’apparentait à du luxe, où les flux financiers se limitaient au porte-monnaie et au bas-de-laine. Comme ceux qui ponctuent les saisons, un temps de solidarité villageoise regroupant plusieurs fois dans l’hiver, la communauté, les parents, les amis, les voisins, dans les travaux, les festins partagés aussi, célébration de la vie plus forte que la mort !  

A Sorgeat comme partout, le cochon qui sait que ce n’est pas l’heure de sa promenade bi-hebdomadaire, ne veut pas quitter le bien-être de la soue. Il faut cinq ou six hommes pour le sortir d’autorité, l’amener de force vers la maie retournée. Lou tuairo, le tueur l’a hameçonné sous la mâchoire avec le gantchou (1), crochet de boucher d’un côté et largement recourbé de l’autre.



Bien obligée de suivre, la bête est renversée sur la maie, la tête dans le vide. Passant la courbe du gantchou derrière la saignée du genou, les mains libres, le tueur rase la gorge offerte pour trouver puis sectionner l’artère avec son couteau pointu, la gabineto. Le sang coule au rythme des battements de cœur. Le cochon reste calme mais il faut retenir la tête et les pattes pour prévenir les spasmes de la mort.
Ensuite le porc est ébouillanté. Détail d’importance à Sorgeat, l’eau ne doit pas bouillir longtemps sans quoi les hommes en colère se fâcheraient : « I as coupat la forço ! ».
Nous ne sommes qu’à un peu plus de vingt kilomètres, à vol d’oiseau, de Lavelanet et la langue locale diffère sensiblement, de part et d'autre du massif de Tabe, du Saint-Barthélémy. La barre de bois pour pendre la carcasse s’appelle ici « la courbo » et non plus « cambalhot ». Le tueur détache alors l’anus, la « tripo dal ciul » pour éviter de souiller la carcasse.
Il ouvre le poitrail à la hachette puis l’abdomen au couteau. Il fait ensuite descendre les viscères dans une corbeille en noisetier, la desco.
Les hommes portent la tête à la fontaine pour l’ouvrir et la laver, suivis par les femmes qui ont un sacré boulot avec les tripes, la vessie, l’estomac, les doigts gourds et gercés par l’eau glacée.
  

Avec souvent la neige dehors, les températures basses permettent de laisser reposer la carcasse au moins deux jours.

Une collation et l’eau de vie, l’aïga ardent, concluent le rude travail tandis que dans la cour, la maie se vide petit à petit pour ne pas perdre les soies qui seront vendues au peilharot, le chiffonnier ambulant qui prenait aussi les peaux de lapin.   
   

Note : cette tradition du cochon se retrouve dans toute l’Europe. En Bohème, elle figure sur les tableaux de Josef Lada (ici de 1935) presque comme en Languedoc. La maie, de quoi retourner la bête, l’eau bouillante, la carcasse pendue… seule la hache bien en évidence laisse penser que la bête est exécutée avant d’être saignée. Comprenne qui voudra…  

((1)   Gancho = croc, harpon (Trésor du Félibrige / Frédéric Mistral)
 

 Photos autorisées commons wikimedia : 
1. Sorgeat, Ariège, author Jack ma.  
3. Sorgeat, fontaine, author Jack ma. 
Autres crédits : 
2. gouache tirée d'une photo du site Sorgeat. Manquent les flocons de neige ! 
4. Zabijacka, gouache de Josef Lada, 1935. 
5. détail Josef Lada. 

vendredi 1 septembre 2017

AUTOMNE / un tableau de Lada

Méthodologiquement, météorologiquement parlant, c'est l'automne en Europe... et dans ce qui restera à jamais pour moi la Tchécoslovaquie... 


Autre reproduction, moins dans les tons verts, plus automnale... 


Josef Lada (1887 - 1957) peintre de l'âme tchèque. 
Dëtské hry na podzim, 1937, kolorovaná kresba, 57 x 86 cm (Jeux d’enfants en automne, dessin colorié).  

Les nouvelles générations restent-elles proches des sensations liées à un monde qui n'est plus ? 

Et pour ceux de mon âge, cette nostalgie projette-t-elle dans le futur avec ce qu'elle porte de positif ? 

Loin d'exprimer un univers achevé appelé à se rétracter, me concernant, elle matérialise une part irréductible de ma ligne de vie encore en expansion...  

samedi 21 janvier 2017

OCCITANICA & la revue FOLKLORE, première revue ethnographique de France.

OCCITANICA, médiathèque numérique occitane, nous parle de la revue FOLKLORE (de 1938 à 1988) portée par le « Groupe audois d’études folkloriques » (GAEF) puis le « Groupe audois de recherche et d'animation ethnographique » (GARAE)... D'où mon commentaire... 

 photo : auteur garae.fr

Non seulement un fonds unique mais aussi ouvert à tous par les voies de l'internet. A 9000 kilomètres, c'est simplement formidable de se plonger dans le passé, de s'enrichir... à peu de frais.
Si quelques rats de bibliothèque voulant monnayer leurs recherches grâce aux livres qu'ils sortent, sont contre la mise en ligne d'un patrimoine culturel, la quasi totalité des gens de culture ou ponctuellement curieux et en tous cas pas assez déterminés pour courir les archives, ne peuvent que s'en féliciter. 
Je lis dans cette présentation à propos de la revue Folklore « Doyenne des revues d’ethnographie publiées en France »... Dans une France exceptionnellement diverse, le département de l'Aude présente, à son échelle, une pluralité remarquable de climats, de pays, d'habitants et une histoire permettant de se projeter dans l'avenir. Et j'espère bien que tous ceux qui tiennent à leurs racines pensent de même, à commencer par mes frères de l'Hérault, du Roussillon, de l'Ariège, du Tarn et de Toulouse, pour ne rester que dans notre secteur !
Face au nombrilisme jacobin de Paris, phagocytant la province (1) et tendant à imposer de facto une vision francilienne de la langue, de la culture, de l’État, il est culturellement et historiquement vital de sauvegarder et d'entretenir notre identité audoise, sudiste, occitane... Comment celui qui ne commence pas en assumant qui il est et en s'occupant d'abord des siens peut-il en conscience œuvrer pour les autres en premier ? Ne culpabilisons surtout pas quand des reproches boboïsants et moralisateurs nous sont adressés ! Si les civilisations meurent, si des hommes, malheureusement, meurent, c'est en défendant sa vie et sa culture qu'on défend celles du voisin, puis celles plus loin, puis celles de l'Européen pour en arriver à considérer la planète en tant que village mondial. Quand je pense que la langue d'Oc, dénigrée, délaissée à force de lavements républicains (un patois à éradiquer !) n'a longtemps été étudiée que par des étrangers, en Allemagne notamment ! 
Mais je m'égare, macarel ! Je voulais seulement aller voir quelles étaient les grandes peurs, dans les campagnes, par le passé... et parce que le temps est au froid, les mythes liés par exemple à la chasse de la lèbro la nuit, quand la neige couvre le paysage...  (lièvre est féminin en occitan, Daniel Auteuil le dit bien dans Jean de Florette).

Al cop qué ven ! 

 le lièvre, animal mythique universel, ici en Tchécoslovaquie, par Joseph Lada (1948)

(1) Vous l'avez vue, la Marie-Sophie "à carreau" du journal télévisé, trahissant Perpignan, parce que perdre son accent et faire la parisienne c'est se convertir au jacobinisme carriériste des jolis minois... 

à explorer : http://www.garae.fr/new/spip.php?rubrique78