C’était quand déjà ? Il y a
bien trois ans pour un sermon magnifique du curé parce que « mes trois
curés » qui ne poussent pas la chansonnette (à Cucugnan, à Melotte, à Sorgeat)
ont nourri une petite anthologie plutôt liée aux fêtes locales, avec, en prime, dom Balaguère, le chapelain des trois messes basses sur les pentes du
Ventoux « Deux dindes truffées Garrigou ? » (Alphonse Daudet).
Noël qui pointe vers l’horizon de décembre me
pousse sans doute à marier les nourritures terrestres et célestes…
le sacrifice de l’animal en fait partie.
Le site sur Sorgeat consacre
plusieurs pages à l’abattage du cochon (à voir absolument, avec des photos très
parlantes).
Le
préambule rappelle que la domestication de l’animal est ancienne, certainement
liée aux débuts de l’agriculture, à la sédentarisation au Moyen Orient. Cela
n’a rien d’anodin en ce début de troisième millénaire qui s’aveugle et perd le
sens de la vie qui est la mort, qui assimile élevage et cruauté et qui, quand
il ne tue pas par procuration, croit qu’on n’estourbit pas une salade en la
cueillant pour la manger !
L’abattage
du cochon a beaucoup compté dans l’économie paysanne, presque autarcique. Il
marquait une époque où la viande du boucher s’apparentait à du luxe, où les flux
financiers se limitaient au porte-monnaie et au bas-de-laine. Comme ceux qui ponctuent les saisons, un temps de
solidarité villageoise regroupant plusieurs fois dans l’hiver, la communauté,
les parents, les amis, les voisins, dans les travaux, les festins partagés
aussi, célébration de la vie plus forte que la mort !
A
Sorgeat comme partout, le cochon qui sait que ce n’est pas l’heure de sa
promenade bi-hebdomadaire, ne veut pas quitter le bien-être de la soue. Il faut
cinq ou six hommes pour le sortir d’autorité, l’amener de force vers la maie
retournée. Lou tuairo, le tueur l’a hameçonné sous la mâchoire avec le gantchou
(1), crochet de boucher d’un côté et largement recourbé de l’autre.
Bien
obligée de suivre, la bête est renversée sur la maie, la tête dans le vide. Passant
la courbe du gantchou derrière la saignée du genou, les mains libres, le tueur rase
la gorge offerte pour trouver puis sectionner l’artère avec son couteau pointu,
la gabineto. Le sang coule au rythme des battements de cœur. Le cochon reste
calme mais il faut retenir la tête et les pattes pour prévenir les spasmes de
la mort.
Ensuite
le porc est ébouillanté. Détail d’importance à Sorgeat, l’eau ne doit pas
bouillir longtemps sans quoi les hommes en colère se fâcheraient : « I
as coupat la forço ! ».
Nous
ne sommes qu’à un peu plus de vingt kilomètres, à vol d’oiseau, de Lavelanet et
la langue locale diffère sensiblement, de part et d'autre du massif de Tabe, du Saint-Barthélémy. La barre de bois pour pendre la carcasse
s’appelle ici « la courbo » et non plus « cambalhot ». Le
tueur détache alors l’anus, la « tripo dal ciul » pour éviter de
souiller la carcasse.
Il
ouvre le poitrail à la hachette puis l’abdomen au couteau. Il fait ensuite
descendre les viscères dans une corbeille en noisetier, la desco.
Les
hommes portent la tête à la fontaine pour l’ouvrir et la laver, suivis par les
femmes qui ont un sacré boulot avec les tripes, la vessie, l’estomac, les
doigts gourds et gercés par l’eau glacée.
Avec
souvent la neige dehors, les températures basses permettent de laisser reposer la
carcasse au moins deux jours.
Une
collation et l’eau de vie, l’aïga ardent, concluent le rude travail tandis que dans
la cour, la maie se vide petit à petit pour ne pas perdre les soies qui seront
vendues au peilharot, le chiffonnier ambulant qui prenait aussi les peaux de
lapin.
Note :
cette tradition du cochon se retrouve dans toute l’Europe. En Bohème, elle
figure sur les tableaux de Josef Lada (ici de 1935) presque comme en Languedoc.
La maie, de quoi retourner la bête, l’eau bouillante, la carcasse pendue… seule
la hache bien en évidence laisse penser que la bête est exécutée avant d’être
saignée. Comprenne qui voudra…
((1) Gancho = croc, harpon (Trésor du
Félibrige / Frédéric Mistral)
Photos autorisées commons wikimedia :
1. Sorgeat, Ariège, author Jack ma.
3. Sorgeat, fontaine, author Jack ma.
3. Sorgeat, fontaine, author Jack ma.
Autres crédits :
2. gouache tirée d'une photo du site Sorgeat. Manquent les flocons de neige !
4. Zabijacka, gouache de Josef Lada, 1935.
5. détail Josef Lada.
2. gouache tirée d'une photo du site Sorgeat. Manquent les flocons de neige !
4. Zabijacka, gouache de Josef Lada, 1935.
5. détail Josef Lada.
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