Quelle vanité, quel esprit mercantile peut amener, en la
circonstance, à s’arroger la paternité d’une œuvre ! Blanchot de
Brenas n’avoue-t-il pas, sans qu'on ne le poussât, comment il eut connaissance de l’histoire du
sermon : « Ecoutez cette homélie que je répète telle qu’elle
me fut contée » ?
Gaston Jourdane, dans « Contribution au
folklore de l'Aude ». (1900) parle, page 123, de l’origine
populaire de ce conte passé de l’oralité à l’écrit et si l’auteur reste
inconnu, il en reste quelques vers (1) :
« .. Donc le père Bourras a un rêve. Il se présente à la porte du Paradis:
- Pan, pan, qui tusto debas ?
- Lou paire Bourras.
- Qual demandas ?
- De gens de Ginestas.
- Aici n'i a pas.
- Anats pus bas.
Au purgatoire, même réponse. Désolé le père Bourras se présente à la porte de l'Enfer et pose la même question.
On lui répond:
- Dintrats, dintrats,
- N'i en manco pas... »
- Pan, pan, qui tusto debas ?
- Lou paire Bourras.
- Qual demandas ?
- De gens de Ginestas.
- Aici n'i a pas.
- Anats pus bas.
Au purgatoire, même réponse. Désolé le père Bourras se présente à la porte de l'Enfer et pose la même question.
On lui répond:
- Dintrats, dintrats,
- N'i en manco pas... »
Le conte met en scène le père Bourras ; la rime situe l'épisode à
Ginestas (Aude). Comme le fera plus tard Roumanille du feuillet
fripé, un Narbonnais, Hercule Birat (1796 - 1872) (2)
s’est inspiré des quelques vers perdus pour un Sermon du père
Bourras, poème en français dans un recueil paru en 1860 (aïe...)
mais commencé une quinzaine d’années auparavant (aïe, aïe,
aïe...). En attendant, Hercule a gardé Ginestas et a insisté sur
les avantages, pour le curé, d’une paroisse riche et bien dotée
(1) :
«... / ... - Ne seriez-vous pas bien à Bage ?
- Oh, Saint-Pierre, quel badinage !
J'aimerais autant Armissan,
Treilhes, Roquefort ou Tuchan...»
- Oh, Saint-Pierre, quel badinage !
J'aimerais autant Armissan,
Treilhes, Roquefort ou Tuchan...»
Alors, ce curé de Cucugnan, Vignevieille ou Cucuron, voire de
Ginestas, comme ses ouailles, pauvre en Corbières ou plus replet
dans la plaine à blé puis à vignes, n’appartient-il pas à tous, du
Languedoc, de l’Occitanie, des pays d’oil et aussi de ces
provinces où une langue régionale reste à même de maintenir la culture ?
Peu importe finalement et tant mieux si les auteurs liés au fameux
curé semblent trop nombreux [voir (1)] de même que ceux qui se
sont démenés pour la vérité vraie et l’inventeur avéré [voir
(2)], car tous contribuent à cultiver, à transmettre une mémoire
sans laquelle nous ne serions pas.
Plus modestement, je suis
de cette génération respectueuse de l’instituteur et du curé, qui,
après les parents, la famille, avant les voisins et pays,
formaient le paissèl (le tuteur) pour que nous, enfants,
poussions droit. Aujourd’hui et sans que cela ait à voir avec les
convictions profondes, je garde la nostalgie de cette cohésion
villageoise d’autant plus imposée que nous ne pouvions nous opposer,
faute d’arguments... admissibles. Pour ces raisons,
certainement, les sermons, authentiques, enrichis ou réinventés,
témoignent avec fidélité de ce que furent nos campagnes et parce que,
au hasard d’une quête (3), j’ai eu la chance de tomber sur deux
évocations de ce genre, je crois que je vais ouvrir autant de
parenthèses, l’une en Franche-Comté, l’autre dans les Pyrénées
ariégeoises, la première en français, la seconde en languedocien,
pour, entre nous, plus d’empathie et de communion... sans qu’il
soit question ici, d’un quelconque œcuménisme. (à suivre)
(1) relevé sur http://sites.univ-provence.fr/tresoc/libre/integral/libr0410.pdf
(2) la biographie de ce précurseur des félibres sur http://occitanica.eu/omeka/items/show/592
(3)
Formidable Internet à grand débit qui nous affranchit de la distance
(j’écris depuis Mayotte) et ajoute un plus aux apports certes
indispensables, mais au compte-goutte, des historiens et
chercheurs...
photo autorisée (wikipedia / images
google) de Fernandel en Don Camillo, Fernand Sardou, en curé de
Cucugnan, étant indisponible.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire