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mardi 27 septembre 2022

VENDRES n'est pas à vendre !

Par ailleurs, pour reprendre le peu qui nous est livré par le dictionnaire topographique, un mot sur ces domaines qui ponctuent le "plateau bleuté" de Vendres et une partie des "graves de galets roulés" du Crès en partage avec Sauvian et Sérignan (source wikipedia). (La carte de Cassini (XVIIIe s.) mentionne nombre de ces domaines).




Le plateau, oh, à peine plus d'une dizaine de mètres en moyenne si on exclut quelques bosquets à trente ou quarante mètres, est ponctué de campagnes opulentes aux parures remarquables de pins centenaires.
Le Nègre (pas de polémique s'il vous plaît... chez moi, à Fleury nous avons eu monsieur Nègre qui a même été maire et jamais qui que ce soit n'aurait commenté son patronyme dans une déclinaison raciste, chez Odette et Séraphie se vendaient des "têtes de nègre" 20 centimes... de la maison Poux me semble-t-il, dans le Tarn... il est vrai que l'expression datant du temps des colonies, ne doit plus s'employer... tout comme ces réglisses représentant des têtes, pas plus que le cèpe en question qui est "à tête noire" ou "bronzé" mais là pas de risque, je crois qu'on ne le trouve que loin de la Clape ). La Vidalle, le Grand-Duc, la Savoie-Neuve, la Grange-Basse et qu'en est-il, de l'autre côté de la rocade D 64 que je ne connais pas, avec, éventuellement, Bellevue, Fontvieille, Clapiès, la Vistoule... ?.
Le ruisseau de la Carriérasse plus marqué par ses bouquets de carabènes (arundo donax) que par la présence d'eau dans son lit, des vignes et de loin en loin, tels des amers, de grands pins, ces bosquets qui dominent, toujours aussi allégoriques du grand vignoble languedocien.

En prolongement du village, dans une position dominant l'étang et cette partie du delta de l'Aude entre les collines du Biterrois et la montagne de la Clape, Castelnau et le Puech Blanc.



Pour Castelnau, Geoportail indique un château ainsi que la possession du "Parc de Castenau" (une bonne partie de l'étang en contrebas où jadis les étourneaux étaient estourbis la nuit pour être ramassés le matin à l'épuisette). Il est fait mention aussi d'une "Chaussée du parc". Autant d'éléments qui laissent penser à la présence ancienne d'une aristocratie terrienne sinon d'une opulence bourgeoise à rapprocher des châteaux pinardiers du Biterois et du Narbonnais.  
C'est pourtant une histoire de vilains et manants que ces lieux nous racontent, d'autant plus réconfortante qu'elle reste d'actualité. En 2017, ce domaine de Castelnau a en effet été racheté par le Conservatoire du Littoral, établissement public chargé de protéger les rivages tant marins que lacustres, ici la partie de l'Etang de Vendres. Dans cette logique, le Conservatoire a remis à la vente les terres et les bâtiments d'exploitation. Une cession qui, contrairement à ailleurs, comme à Gruissan peut-être où la mairie protège plus les intérêts privés que les espaces naturels, s'avère représenter ce qui est, moralement et raisonnablement "durable". Pour faire court, avec le soutien de "Terre de Liens", le mouvement citoyen qui fait pousser des fermes, les 60 hectares ont été vendus à un groupement de jeunes agriculteurs locaux à la barbe de ces fusions capitalistiques dont l'unique finalité est de faire du fric ! Les terres sanctuarisées, conduites en culture biologique devraient proposer (ça démarre en 2022) du vin, des amandes, des olives, des fromages, de la viande...


Étrangement, un peu plus loin en direction de Lespignan, le Puech Blanc, en arrière de son éminence dominant l'étang et la plaine de ses 28 mètres d'altitude, a peut-être connu un destin comparable quand, fin des années 80 ou début des 90, un collectif parlait de l'acquérir en copropriété... le projet s'est-il concrétisé ?
On dit que le site cache une fontaine gazeuse et une source chaude sulfureuse ! L'accès, ma question rejoignant en quelque sorte ce qui précède, en est-il autorisé ?

Vendres a longtemps eu une réputation de village rouge... il est vrai que dès qu'un communiste était élu, le raccourci avec le bolchévisme et l'URSS était vite mis sur le tapis ? Un a priori étant par définition malhonnête, on se doit de ne se faire un avis que sur la gestion municipale... dans un pays qui n'a pas connu, heureusement, les terribles et sanglantes dérives bolchéviques... Et ici, l'histoire de Castenau n'est pas à mettre dans la colonne "passif".

Manière d'apporter de l'eau au moulin, une phrase de Fabien Roussel donnant à réfléchir, qu'on tienne compte ou non de l'étiquette "PCF" : "La gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux", vaste programme à l'heure où le robot remplace l'homme sans cotiser, dans l'unique finalité de faire du fric sans aller dans le sens du progrès, à savoir, moins de travail professionnel, plus de liberté... avec la complicité d'un gouvernant légal mais illégitime qui veut plaire à la finance et à l'UE en matraquant les Français...  


mercredi 18 avril 2018

LA COMBE DE MONSIEUR SEGUIN / Fleury-d’Aude en Languedoc.

A propos d’iris en pleine garrigue, remonterai-je un jour dans ce vallon qui a nourri à la fois des enchantements de gamin, des ardeurs trop candides de jeunesse ? Ce coin de garrigue qui entretient le spleen doux-amer du legs à transmettre ne décline-t-il pas l’essentiel du lent cheminement de notre espèce puis de l’emballement vers l’autodestruction ? Il est urgent de refuser un système mortifère qui tue les abeilles et vend déjà des robots d’insectes pollinisateurs ! Le bon droit est du côté du rejet. Qui accepterait la loi consumériste rabaissant toute humanité au niveau d’un tube digestif ? La révolte n’a plus à rester crispée, rentrée comme par mauvaise conscience ! Sur les cent milliards qui nous ont précédés serons-nous ceux d’un néant à venir ? Rendre dans un si sale état un monde pourtant seulement emprunté à nos enfants tenait de l’inimaginable ! Coupables nous le sommes, pourtant, de cette ignominie ! Qu’un jour mes fils, ne me reprochent pas, insulte suprême, de les avoir conçus ! Sans descendance, l’espèce disparaitrait, la Terre continuerait sans nous ! Alors plutôt considérer l’alternative, la proposition optimiste intégrant l’espoir que tout n’est pas encore perdu si la règle est de ne prélever que ce que la planète peut régénérer sur un an alors que la goinfrerie nous fait entamer le capital début août, toujours plus tôt sur l'exercice… Épuiser la poule aux œufs d’or revient à la tuer à petit feu, et que les ploutocrates en soient les premiers à en être accusés ne changerait rien pour tous !    

«  Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Albert Einstein.

« Vivre comme un oiseau sur la branche »… dire que le sens de ce qui fut un reproche s’est complètement inversé… Encore faudrait-il qu’il reste des oiseaux, des fruits sur les branches et non ces robots pollinisateurs de la chimie biocide ! Pardon de vous mettre le moral dans les chaussettes ! Montons vite dans la combe de Caussé pour apaiser ce désarroi existentiel… 

L’accès d’abord : le lit à sec d’un torrent très précaire, fleurant le chèvrefeuille, ruant seulement avec l’orage ou un aigat de l’automne, faisant office de chemin creux le reste du temps. Une butte meuble, remuée par une colonie de blaireaux, trouée de terriers, quelques ruches dans un peiral, une carrière abandonnée là où le chemin s’écarte du rajol. Comment le dire en français ? On ne dit pas « oued » de ce côté de la Grande Bleue et à l’enfant du pays qui racontait que son bataillon avait contourné un « chott » en Afrique, un vieux avait répondu « Va cassoun abal ? » ( ils le chassent là-bas ?) parce que le chot, en languedocien, c’est un hibou ! En attendant pour le rajol, l’équivalent en français n’est pas recevable, à moins que l’on ne s’en rapproche avec le verbe rager, exprimant le pic d’une réaction violente. A la rajo dal soureilh, à la rage du soleil et quand l’aigo rajo (1), c’est un flot rageur, violent et destructeur contre lequel on peut peu. Un jour de grec, ce vent qui déverse sur le Languedoc des trombes d’eau, surtout en automne, dans un groupe de vignerons venus commenter l’intempérie, tous bottés, c’est le seul souvenir précis qui m’en reste, j’ai entendu l’un d’eux, constatant que « l’aigo fouilho » avec un coin de sa vigne emporté. 
Wikimedia Commons / blaireau / Author Lamiot
Si j’ai, cette fois, l’équivalent en français avec peut-être le verbe affouiller (éroder, raviner, ronger), je rapporte ces paroles phonétiquement et j’ajoute « sans vergogne » avec une pensée pour Véronique qui était aussi de la sortie aux iris de Nissan et qui s’excuserait presque d’écrire comme elle peut en occitan. Surtout ne restons pas dans un schéma dominé-dominant, entretenu d’abord par la franchimandalho, ceux qui n’ont que le français, par rapport à la langue d’oc qu’ils dénigrent bêtement en tant que « patois », un « patois », soit dit entre nous, lexicalement quatre à cinq fois plus riche que le françois… Bref, une infériorité qu’on ressentirait par rapport à ce qu’on croit être hiérarchiquement et culturellement supérieur et qu’il ne faut surtout pas dupliquer… Graphie félibréenne, graphie normalisée, l’essentiel n’est-il pas de faire vivre nos racines avec les mots des aïeux, des aujols ? 
Convertimage / Jean Camp.

« … Es lou fial d’or que nous estaco
A nostro terro, a nostre cèl ! » (C'est le fil d'or qui nous attache à notre terre, à notre ciel).
Jean Camp (1891-1968), poète, romancier, hispanisant célèbre, Sallois de naissance, inspiré par sa terre natale et le parler languedocien dans son écriture originale (normalisée dans le livre du canton sans que ce soit mentionné, amaï, va cal pas faire aco, il ne faut pas le faire, ça, attention !) !

Pardon pour les parenthèses mais elles s’imposaient.  (A suivre)

(1) "Un cop d'aigo" = une crue subite, "lou téms de l'aigo" = pendant l'inondation. 

Salles-d'Aude / cadran d'horloge sur 24 heures.

mercredi 18 octobre 2017

DIX-SEPT ANS, IL Y A DES LUNES (fin)... / Československo, Holoubkov


Devant nous, l’usine. Pour ne pas être en reste avec la forêt qui fume, sa respiration paisible (le rythme n’est plus celui, plus poussé, de la semaine) exhale des bouffées de vapeur diaphane qui se lovent puis déroulent au-dessus des ateliers. 
 

Une fois en bas, il faut prendre à gauche. Le vieux corps de logement ouvrier, aux allures de château, haut perché sur un soubassement de pierres de taille, nous domine. J’y connais des gens aimants qui en faisaient trop pour un petit Français resté si tchèque... La grand-mère de Tonda y habite. Sa cuisine reste imprégnée des senteurs d'épices, du cumin (khmin), de skořice, la cannelle de tous les strudel sortis du four ! Côté usine, c’est le réfectoire transformé parfois en cinéma, le samedi. J’y ai vu “Sur un arbre perché” ; Louis de Funès parlant tchèque, ça ne s’oublie pas ! 
  
Le raccourci débouche sur le barrage avec la route de Hůrky ou Medový Újezd suivant qu’on prend à droite ou à gauche après le pont du chemin de fer, là où le vallon se resserre. Elle a décrit une longue boucle descendant vers le lac. Sur l’eau, se mêlent aussi des écharpes de brume... Sûr qu’au-dessus du déversoir, le vodník, le génie des eaux, médite dans les ronds de fumée de sa pipe... 
Dans l’air frais qui les fait résonner, des halètements de locomotive se font entendre. A la faveur de la nuit passent souvent les lourds convois de l’armée. Enfant, je ne voulais que l’éruption d’escarbilles des machines à vapeur, aux grandes roues couplées patinant sur les rails, crachant leurs entrailles d’acier dans la rampe. Par la suite, malgré les bâches de camouflage, j’étais bien obligé de voir, souvent, braqués vers les étoiles, les canons des tanks d’une troisième guerre mondiale en suspens, des fûts autres que ceux, souples, oscillants, des épicéas abattus. 
Un sentier dévale vite le remblais à main droite. Strěda (tonton) s’arrête pour pisser et nous nous retrouvons à trois à arroser longuement (la bière) les pieds de bardane qui n’en demandaient pas tant. Silence. Le regard se perd au loin ou plus loin encore. Là-bas, montant du thalweg, les volutes de la loco de tête se détendent ; elles voilent quelque peu la lune. Plus bas, à l’arrière du convoi, la machine qui pousse crache, dans une quinte n’en finissant pas, un panache puissamment comprimé dont les boursouflures cachent un instant la forêt qui fume.

“ Dedo, grand-père, quand pourrons-nous aller aux champignons ? “

En descendant vers le fond glauque de la smrdlava ulička, la ruelle puante pas si désagréable pourtant (il faut que je la raconte un jour, promis), grand-père se lance dans une tirade improvisée, presque un exposé sur la pluie, les sorties, la pousse, la croissance, les lieux propices, ceux à explorer en début de cycle si les circonstances ne sont pas favorables, les conditions météo dans les mois sinon l’année qui précède. Il se laisse même aller à raconter le cèpe roi, les gros cachés sous la mousse, la rencontre avec le cerf, des histoires à repasser des dizaines de fois, dont on ne se lasse jamais, parce qu’elles sont ces pulsions de vie léguées en héritage, ces petites graines fragiles, semées à tous les vents et qui ne peuvent toutes s’éteindre.
La maison n’est pas loin et sous le pont j’aimerais plutôt prendre la route forestière de  Hůrky pour l’entendre encore des kilomètres durant, par cette nuit à la magie éternelle... Il marche, nous parle, parle aux grands arbres. Dans le fossé, les biches, les chevreuils, les lutins des sources, les gnomes des mines, les sorcières apaisées, le vodnik pensif, apprécient et se confortent de voir passer un émissaire des hommes auprès des sylves... 
  

Děda n’est plus, strejda non plus et papa qui a parfois été de la sortie vient de nous quitter. Pourtant, pas seulement l’envie, la nécessité aussi de les garder vivants, s’impose telle une évidence... L’oubli, la fuite en avant ne peuvent que précipiter la perte de la seule espèce prétentieuse de sa capacité à se pencher sur son passé.

Aujourd’hui comme quand j’avais dix-sept ans, la forêt continue de peser dans notre histoire au point de conditionner notre survie. Malheureusement, la toute puissance mortifère de l’argent sape et réduit dangereusement sa biodiversité : plus de la moitié des oiseaux a disparu depuis 1980... 

Doit-on, peut-on décemment accepter une mise à mort programmée des générations à venir parce que nous sommes coupables d’avoir tué la poule aux œufs d’or, lâches que nous sommes d’accepter des poisons chimiques dans un présent trop facilement lié à un progrès global ?   

“Rien n’est plus vivant qu’un souvenir.” a dit Federico Garcia Lorca... Que ce ne soit pas celui d’un monde mort et disparu à jamais... Quel malheur ! quelle honte pour notre génération de devoir raconter un jour à nos enfants un paradis qui leur serait interdit... 

J’avais dix-sept ans... il y a bien des lunes... 

photo autorisée : 2. l'usine derrière le barrage http://www.obecholoubkov.cz/cs/o-obci-holoubkov/