A propos d’iris en pleine
garrigue, remonterai-je un jour dans ce vallon qui a nourri à la fois des
enchantements de gamin, des ardeurs trop candides de jeunesse ? Ce coin de
garrigue qui entretient le spleen doux-amer du legs à transmettre ne décline-t-il
pas l’essentiel du lent cheminement de notre espèce puis de l’emballement vers
l’autodestruction ? Il est urgent de refuser un système mortifère qui tue
les abeilles et vend déjà des robots d’insectes pollinisateurs ! Le bon
droit est du côté du rejet. Qui accepterait la loi consumériste rabaissant
toute humanité au niveau d’un tube digestif ? La révolte n’a plus à rester
crispée, rentrée comme par mauvaise conscience ! Sur les cent milliards
qui nous ont précédés serons-nous ceux d’un néant à venir ? Rendre dans un
si sale état un monde pourtant seulement emprunté à nos enfants tenait de
l’inimaginable ! Coupables nous le sommes, pourtant, de cette ignominie ! Qu’un jour mes
fils, ne me reprochent pas, insulte suprême, de les avoir conçus ! Sans
descendance, l’espèce disparaitrait, la Terre continuerait sans
nous ! Alors plutôt considérer l’alternative, la proposition optimiste
intégrant l’espoir que tout n’est pas encore perdu si la règle est de ne
prélever que ce que la planète peut régénérer sur un an alors que la goinfrerie
nous fait entamer le capital début août, toujours plus tôt sur l'exercice… Épuiser la poule aux œufs
d’or revient à la tuer à petit feu, et que les ploutocrates en soient les
premiers à en être accusés ne changerait rien pour tous !
« Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant
à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent
faire. » Albert Einstein.
« Vivre comme un oiseau sur
la branche »… dire que le sens de ce qui fut un reproche s’est
complètement inversé… Encore faudrait-il qu’il reste des oiseaux, des fruits
sur les branches et non ces robots pollinisateurs de la chimie biocide ! Pardon
de vous mettre le moral dans les chaussettes ! Montons vite dans la combe
de Caussé pour apaiser ce désarroi existentiel…
L’accès d’abord : le lit à
sec d’un torrent très précaire, fleurant le chèvrefeuille, ruant seulement avec
l’orage ou un aigat de l’automne, faisant office de chemin creux le reste du
temps. Une butte meuble, remuée par une colonie de blaireaux, trouée de
terriers, quelques ruches dans un peiral, une carrière abandonnée là où le
chemin s’écarte du rajol. Comment le dire en français ? On ne dit pas
« oued » de ce côté de la Grande Bleue et à l’enfant du pays qui
racontait que son bataillon avait contourné un « chott » en Afrique,
un vieux avait répondu « Va cassoun abal ? » ( ils le chassent
là-bas ?) parce que le chot, en languedocien, c’est un hibou ! En
attendant pour le rajol, l’équivalent en français n’est pas recevable, à moins
que l’on ne s’en rapproche avec le verbe rager, exprimant le pic d’une réaction
violente. A la rajo dal soureilh, à la rage du soleil et quand l’aigo rajo (1),
c’est un flot rageur, violent et destructeur contre lequel on peut peu. Un jour
de grec, ce vent qui déverse sur le Languedoc des trombes d’eau, surtout en
automne, dans un groupe de vignerons venus commenter l’intempérie, tous bottés,
c’est le seul souvenir précis qui m’en reste, j’ai entendu l’un d’eux, constatant
que « l’aigo fouilho » avec un coin de sa vigne emporté.
Si j’ai, cette fois, l’équivalent
en français avec peut-être le verbe affouiller (éroder, raviner, ronger), je
rapporte ces paroles phonétiquement et j’ajoute « sans vergogne »
avec une pensée pour Véronique qui était aussi de la sortie aux iris de Nissan
et qui s’excuserait presque d’écrire comme elle peut en occitan. Surtout ne
restons pas dans un schéma dominé-dominant, entretenu d’abord par la
franchimandalho, ceux qui n’ont que le français, par rapport à la langue d’oc qu’ils
dénigrent bêtement en tant que « patois », un
« patois », soit dit entre nous, lexicalement quatre à cinq fois plus
riche que le françois… Bref, une infériorité qu’on ressentirait par rapport à
ce qu’on croit être hiérarchiquement et culturellement supérieur et qu’il ne
faut surtout pas dupliquer… Graphie félibréenne, graphie normalisée,
l’essentiel n’est-il pas de faire vivre nos racines avec les mots des aïeux,
des aujols ?
« … Es lou fial d’or que nous estaco
A nostro terro, a nostre cèl ! » (C'est le fil d'or qui nous attache à notre terre, à notre ciel).
Jean Camp (1891-1968), poète,
romancier, hispanisant célèbre, Sallois de naissance, inspiré par sa terre
natale et le parler languedocien dans son écriture originale (normalisée
dans le livre du canton sans que ce soit mentionné, amaï, va cal pas faire aco,
il ne faut pas le faire, ça, attention !) !
Pardon pour les parenthèses mais
elles s’imposaient. (A suivre)