"... Moi, à coup sûr quand cela m’arrive de prendre mal, comme avant Noël où j’ai fait la queue pendant deux heures pour obtenir 100 grammes de pulpe de noix de coco râpée, eh bien dès le lendemain j’étais souffrante, vraiment atteinte. Et chaque fois que je prends mal j’ai une crise de vésicule..."
Babička Bohumila, ma grand-mère d'Holoubkov. Lettre du 17 janvier 1955.
Et moi qui vois toutes ces noix de coco, même si cela devient rare sur l'île puisque les cocotiers classiques, qui montent si haut et mettent tant de temps à produire, ne sont pas remplacés, puisque la surpopulation ici explose, puisque les vols suite à une immigration clandestine qui nous submerge, sont monnaie courante, puisque les variétés hybrides, au goût différent, à l'image des bananiers, ne sont pas appréciées... sans oublier le paysan mahorais d'alors, rentrant tous les jours au crépuscule, chargé des produits du champ pour la famille et pourtant si plein de bienveillance et d'amabilité pour le vazaha, le blanc, porteur malgré lui d'une outrecuidance oppressive et qui revient, supérieur, oisif, musard, de prendre en photo le soleil couchant, de penser à ma grand-mère deux heures dans la queue, dans le froid, toujours vaillante malgré ses problèmes de santé, confrontée aux pénuries même pour des légumes locaux, en me transportant au petit pays de mes grands-parents, l'émotion me brise le cœur, mes yeux s'embuent d'un désarroi, d'un chagrin profonds.