"... Quand le raisin est mûr, par un ciel clair et doux,
Dès l'aube, à mi-coteau, rit une foule étrange..."
Les Vendanges - Aloysius Bertrand.
Bien sûr les chansons à boire aidant à cueillir, parfois grivoises, paillardes, dans l'excès pour masquer le naturel amoureux et charnel, l'attirance... En famille, c'est un autre registre, tout en retenue, d'autant plus que le jeudi ou en fin de semaine, les enfants mènent aussi la rangée. Et puis l'oncle Noé savait aussi jouer de charme et de tendresse...
Chanson :
"... «
Michaëla la brune, Ce soir au clair de lune, Comme par le passé, Nous
irons nous griser / De baisers » ? C’est « pâle de fureur : (qu’)
Antonio le pécheur / luTT (à prononcer comme "luth", l'instrument NDM) ce mot qui lui brisa le cœur » après lui avoir
impérieusement demandé :
«
Quel est donc ce billet / Entre tes seins cachés, / Michaëla ? »
C’était aussi une chanson qui revenait régulièrement aux vendanges..." (1)
A onze heures, le repas à la vigne :
"... Nous
avions sans doute au menu, mamé Ernestine et moi, une omelette avec des
tomates en sauce, ou bien des pâtes – nouilles ou coquillettes – avec
de petits morceaux de viande, je ne sais plus quel était le « plat de
résistance ». Etienne, lui, avait surtout un long morceau de saucisse
qui faisait envie. Mais ni gril, ni poêle. Pendant que le feu crépitait
au-delà du chemin poudreux, dans le minuscule champ de luzerne qui
séparait nos deux vignes, à quelques pas de là il s’était mis en quête,
le long de la rivière voisine, d’une branche fourchue qu’il finit par
trouver, une espèce d’Y énorme auquel il eut tôt fait d’appointer les
deux branches à l’aide de son couteau de poche. La saucisse une fois
piquée dessus, il tint quelques instants ce gril rustique au-dessus des
braises, retourna le tout. Une bonne odeur vint nous caresser les
narines tandis que les gouttes de graisse tombaient dans le brasier en
grésillant, et il eut lui aussi un repas de roi..." (1)
"... 1939.
En
arrivant à « Joie », nous mangeons. Plat du jour : macaronis et confit
de canard et de poule. Nous reprenons le travail à midi moins le quart.
Le soir, nous remplissons 33 comportes..." (1)
Des "voyages" de comportes :
"... Un chariot de comportes. Pour
charger les comportes pleines sur le deuxième rang, on balançait aussi
la comporte en comptant « un, deux, et trois). Et le 3 coïncidait avec
l’arrivée de la charge sur le plateau. Un jour, Fernand Monbiéla (de
Poitiers, mari de l’institutrice de l’école maternelle, par ailleurs
comique troupier déjà apprécié dans ses chansons par papé Jean à une
gare de triage durant la guerre 14-18), sans doute peu partisan de cette
méthode, remarqua ironiquement : « Et si nous comptions jusqu’à mille ?
» Cela aurait été beaucoup plus fastidieux que la situation enviable de
ce jeune médecin qui conseillait à sa jolie patiente, en l’auscultant :
« Respirez bien, mon enfant, et comptez jusqu’à mille ! »..."(1)
"Coquet. Le
petit et vaillant cheval noir répondait au nom de « Coquet ». C'était
un Mérens, petit cheval d'Ariège (le GDEL écrit même « race fçse de
poneys (!) ») vaillant comme pas un. Un jour, racontait mon père, il
avait fait quatre gros voyages de comportes (sans doute seize ou
dix-huit chaque fois) de la Pointe de Vignard (notre vigne la plus
éloignée, à quatre kilomètres du village), ce qui lui totalisait 32
kilomètres dont seize à pleine charge (3), avec les côtes de Liesse et de
Fleury. Il a tenu le coup, mais en arrivant le soir, trop fatigué, il
s'est couché au lieu de manger. Papé Jean racontait cela avec une
admiration non dissimulée. J'ai connu ce cheval à l'écurie jusqu'en 1935
à peu près.(1)
(1) Extraits du livre "Caboujolette" François Dedieu 2008 autoédition.
(2) traduction : "Ils traitent le monde comme des bêtes. Nous n'avons jamais agi ainsi. les vendangeurs couchaient à la maison et mangeaient avec nous."
Fermée généralement par deux volets, la pourtalièiro est la grande ouverture au-dessus du portail, souvent servie par uno carello (une poulie de fer aux montants scellés dans le mur) et permettant de monter la vendange, le foin, la paille.
(3) 38 kilomètres, mesure prise sur Géoportail IGN. Donc 19 à pleine charge !
Après avoir précisé les kilomètres parcourus par le brave cheval Coquet, ci-joint, trouvé dans Lou Tresor dau Felibrige de Frédéric Mistral :
RépondreSupprimer"Le coustal dous cops se balanço
Al pougnet de l'ome que lanço" A. Mir.
Dans notre déclinaison languedocienne de l'occitan, ne dit-on pas "coustal" pour une comporte pleine et "semal" pour une vide ? Sauf que le "pal semalier", la barre du porteur, vient contredire ce point de détail...