mercredi 20 octobre 2021

RETOUR DE VENDANGES / 9. Louis Bréchard, François Tolza, François Dedieu.

Si les vendanges ne font pas souvent les titres des livres, la vigne, le vigneron tenant, en la matière, la tête d'affiche, le contenu, par contre, les pages sur le rite ancestral, elles, ne manquent pas. Après Signol, Carrière, Clavel, Tolza, Camp, Baissette, Girou, Poudou, les femmes de "Jours de Vigne" et celles de Gaudin à Vinassan, il me faudra ajouter "Papa Bréchard, vigneron du Beaujolais" mais pour raconter comment ce joli monde des vignes s'occupait, la journée finie (1). 

Nous sommes le 20 octobre et comme un occultisme instinctif me lie à la course des jours et des saisons (vous ne me ferez pas manger des tomates et des fraises forcées en janvier !), je veux entendre et revoir ces kyrielles de vendangeurs gagnant le village avec le clocher déjà à contre-jour (2). Je l'ai trop au fond de moi ce tableau du dernier chariot chargé, sur le chemin de la plaine, au couchant, le relief modeste mais déjà marqué par le crépuscule des coteaux de Saint-Genyès, Besplas et Carabot, un retour que papa aussi, a su exprimer... 
 
Mais avant, une courte incise dans ADORACIÓN, le roman de Tolza, François de son prénom, èl tabés, lui aussi... (c'est déjà dit et publié me diront les lecteurs les plus appliqués... Oui je sais, mais c'est ésotérique chez moi, je vous dis, je lis, je relis, je reprends , je me souviens, j'y reviens et je médite en boucle...)
 
Saint-Laurent-de-la-Salanque-Sols 2021 wikimedia commons Author Roland45 / avec la D 83 qui est peut-être avec la N 9, la nationale dont parle François Tolza, le secteur où se situerait son roman "Adoracion".

 "... A l'ouest, le soleil était encore haut. Il pouvait être cinq heures. Des quatre coins des Planes, les « colles » affluaient vers les chemins, pressées de gagner, avant le crépuscule, la route nationale, plus sûre, où l'on était certain de trouver du secours en cas de besoin. La journée finie, les femmes enlevaient les foulards de tête, passaient leurs doigts dans leurs cheveux collés, enfouissaient au fond des paniers les tabliers sales et les espadrilles trouées. Lentes de tous leurs dos meurtris, de leurs jambes raides, elles s'en venaient vers le village..."

ADORACIÓN, François Tolza, Les Lettres françaises, 1945. 

François Dedieu (1922-2017).

 "... Et les vendanges d'autrefois défilent dans ma tête, avec leurs couleurs et leurs bruits, la théorie des chariots se dirigeant vers les vignes à l'allure de nos anciens chevaux de trait, percherons, bretons, ardennais, voire ariégeois ; leurs travaux pénibles aussi, surtout les premiers jours où il fallait s'habituer à voir les autres libres dès l'arrivée au village, alors que les tout petits exploitants que nous étions devaient achever leur journée de labeur à la lueur vacillante de la bougie, les jours devenant plus courts et les comportes devant impérativement être vidées dans les foudres. Avec cela, papé Jean commençait parfois sa longue journée à quatre heures du matin, pour profiter un peu de la pression de l'eau qui permettait de laver les cuves. Et chaque jour il fallait bien étriller Lamy, et lui permettre de manger avant le départ…"

"... Où sont les vendanges d'autrefois, avec leur flux de « mountagnols » et d'Espagnols occupant des maisons fermées le reste du temps, la vie vespérale du village revigorée pour un petit mois, en attendant le cliquetis des vieux pressoirs ?..." 

Lettre FD du 23 sept. 2001. " ... /... Ces vendanges se terminent dans une indifférence absolue de notre part : aucune fièvre perceptible, aucun mouvement de foule, pas de bal le soir, pas de chariot orné dans chaque comporte de petits sarments aux feuilles vertes indiquant « le dernier voyage », pas de vendangeurs étrangers se lavant à grande eau aux bornes-fontaines des coins de rue, pas de « colles » bruyantes dans les vignes, tout cela a bien disparu..." 

François Dedieu, Caboujolette, Pages de vie à Fleury-d'Aude II, auto-édition, 2008.  

Louis Bréchard, dit "Papa Bréchard" (1904-2000).

(1) Entre parenthèses, sur le caponnage, Louis Bréchard écrit par exemple que les vendanges étaient l'occasion de "rapprochements" "assez sensibles"... "... A cette époque où les vêtements des femmes n'étaient pas du tout ce qu'ils sont aujourd'hui, il était dit que lorsqu'une vendangeuse avait laissé du raisin sur la souche, le videur qui venait derrière avait la permission de frotter les mollets de la fille [...] Je pense qu'il se bornait aux mollets. Mais ça pouvait aller plus loin dans certains cas..."

"Papa Bréchard Vigneron du Beaujolais", Jean-Pierre Richardot, La France Retrouvée, Rombaldi Éditeur, 1980.  

(2) Octobre aux deux tiers, les vendanges se poursuivaient pourtant dans les Hautes-Corbières. A cette occasion, Tati Paulette et tonton Vincent se payaient un séjour chez les cousins de Cucugnan. Je le dis avec humour vu qu'ils se levaient tôt pour vendanger, mais l'ambiance, la mine rubiconde et couperosée du cousin Constant, celui de la campagne d'affiches à Londres, pour les vins des Corbières, les sourires gourmands des cousins pour les pâtés et civets de sangliers, avec le château de Quéribus dans le décor, le sermon du célèbre curé pour parler du passé, la paix retrouvée après les touristes... Je le dis toujours avec envie et nostalgie, moi qui étais depuis plus d'un mois, déjà, à Lyon pour le boulot...   


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