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dimanche 18 avril 2021

"VIENS AVEC MOI PETIT..." Pierre Bilbe / Explication de texte

Ruines de Tuffarel en plein massif de la Clape.

 " Un livre est ouvert devant moi. Et soudain, sans qu'on m'ait prévenu, je vois et j'entends que ses lignes sont vivantes, que, deux à deux, elles se répondent par la rime, comme des oiseaux ou des vendangeurs, et que ce qu'elles racontent nous enchante à la manière des êtres ou des choses qui n'ont pas besoin qu'on les traduise " (Francis Jammes, De l'âge divin à l'âge ingrat). 

"... qui n'ont pas besoin qu'on les traduise" nous dit le poète qui fit tant aimer les ânes aux garçons au caractère rude pourtant, à la communale de nos campagnes. Enfin... loués soient nos instituteurs qui, en parallèle au monde clos et cadré du calcul, du français, au prétexte de nous faire encore réciter, sans s'ouvrir du côté libertaire de leur démarche, la décence voulant alors que l'on tût toute sensibilité, ouvraient en nous, avec la poésie derrière la récitation, des fenêtres d'évasions et de rêves infinis... Restons-en là de ce préalable. Quoi qu'il en soit, en Béarn, Francis Jammes a beaucoup aimé les bœufs, les abeilles... les femmes, les ânes et plus généralement la vie qui s'écoule dans un village au pied des Pyrénées. Ce doit être pour ce dernier point que je l'évoque avec Pierre Bilbe, notre poète de la garrigue et du village, bien à nous, encore d'un terroir trop rustique pour une parisianité égocentrique prétentieuse, fate et pédante...

Explication de texte. 

1. Que nous apprend le poème sur la personnalité de l'auteur ? 

2. D'après vous qui est ce "petit" ? 

3. Est-ce que la première strophe permet de situer géographiquement le poème ? Quels sont, par la suite, les mots qui ne laissent aucun doute sur la géographie du lieu ? 

Réponses : 

1. Il apprécie son coin de terre. Y est-il né ? L'a-t-il adopté ? Il tient à en faire le tour, de l'horizon au sol qu'il foule en passant par un ciel de saison "des approches de mars". Il est respectueux des générations qui se sont succédé : la Nature en témoigne encore (jachères, arbres abandonnés). Et ce  processus de transformation, il le constate non sans crainte, celle-ci n'en serait-elle pas explicitement formulée. Sa pensée se prolonge non seulement sur la place de l'Homme sur la Terre mais encore au sein de l'Univers. Pour conclure il affirme que nous devons honorer la nature tant pour sa beauté que sa fonction nourricière. 

2. "Viens avec moi petit..." L'image est trop symbolique pour qu'on s'en tienne à sa banalité apparente. "Le vieil homme et l'enfant"... Michel Simon... ou encore << Je t’aime bien, mon vieux parrain, mais je t’aimerais davantage, plus que tous les autres, si tu ne fumais pas la pipe.>> ("Poil de Carotte" Jules Romains).

Le petit-fils qui émigre définitivement ; adieux sur le port de Beyrouth laissant son grand-père au Liban : << Je te quitte , dit l'enfant retenant ses larmes. 
-- Tu m'emportes, dit le vieux.>> ("L'enfant multiple" Andrée Chedid).

Aujourd'hui encore, sur l'estran d'une plage, je vois partir d'un pas bonhomme un adulte tenant un enfant par la main (Arte / promo actuelle du film"L'été de Kikujiro"). 
 
Émotion universelle ô combien ravivée par les gestes barrières actuels... ne plus serrer une main... Ne plus prendre un enfant par la main ? Est-ce possible ? 
 
Bien sûr que l'auteur aurait aimé partager sur ce thème instinctif, lui qui peut-être ne put se nourrir de telles références... Guitou de ces copains d'enfance au lien indéfectible défiant le temps ne me dit-il pas qu'après seulement 22 mois d'école communale, son expression poétique (Guy le compare même à Lamartine) reste d'autant plus remarquable qu'elle est l’œuvre d'un autodidacte ? 
Aussi est-ce naturellement que nous évoquons cet instinct si subliminalement humaniste. 

Ce petit doit aussi être le garçon qu'il fut, soucieux de voir ce qui lui fut donné de découvrir, de comprendre, de s'élever puis de s'inscrire dans une lignée de passeurs de mémoire, d'éveilleurs de consciences. 

3. Jouons au candide. La première strophe parle des Pins de la Mairie mais seuls ceux qui les fréquentent notamment pour les champignons savent de quelle mairie il s'agit. L'indication "Lespignan", avec l'aide d'un dictionnaire encyclopédique sinon de l'Internet, est plus parlante. Et même si le nom propre "Pérignan" (1) pose problème, nous sommes, sans doute possible, en Languedoc. Adossé à la Méditerranée, le regard s'ouvre au Nord-Ouest sur le rebord du Massif Central assimilé parfois à l'extrémité extrême des Cévennes, au Sud sur la ligne de crête qui depuis la masse pyramidale du Canigou voit le bout des doigts des Pyrénées caresser la Méditerranée.
 
Par la suite, la garrigue, la vigne, le pin parasol confirment que nous sommes bien au bord du Golfe du Lion, en Languedoc.  

Pourquoi l'idée peut-être pas heureuse de prolonger "Viens avec moi, petit..." avec une explication de textes ? C'est que j'ai imaginé, dans mes manuels scolaires, simples livres de lecture ou livres uniques de français sinon du français par les textes, parmi les auteurs cultes de la langue française, trouver cette veine régionale toujours insidieusement mâchurée par un pouvoir central n'osant néanmoins aller plus loin, la honte atteignant déjà des sommets pour le pays dit des droits de l'Homme et des libertés. 
 
Sauf que vers 1960, je ne pouvais d'autant plus réaliser que, personne ne s'intéressant à moi, on ne m'a jamais proposé "Viens avec moi, petit...".    

(1) ancien nom de Fleury-d'Aude où les gens se disent plus volontiers "Pérignanais" que "Fleurystes".

 


vendredi 18 décembre 2020

SURPRISE AU RÉFECTOIRE... Instituteur toujours...


 

En temps normal, les trois repas de la journée se prenaient au réfectoire. En fin de semaine pour la vingtaine de pensionnaires venant de loin (Haute-Loire, Hautes-Alpes, Ardèche, Aude...) et ne rentrant pas chez eux, on allait avec un encadrant (pouvant sévir en tant que surveillant...) en cortège manger au lycée technique plus bas, spécialisé dans tout ce qui concerne le tissage si c'était encore le cas...   


 


Mais pour Noël, la tradition, comme dans tous les établissements de l’État, était d'offrir  aux élèves un menu spécial fêtes. En 1971 pour les FP1 et FP2 soit six classes d'élèves-maîtres, donc deux centaines de personnes tout au plus en comptant le personnel. Non... moins vu qu'il y avait des externes et des demi-pensionnaires...en congé puisque nous sommes le jeudi qui se transformera en mercredi à partir de 1972... 



On mangeait pas mal d'habitude et là ce menu de Noël classique mais de bon aloi, ne pouvait que mettre les potaches en joie ! 

Chaque feuille est tapée à la machine... On pouvait polycopier à l'alcool alors pour obtenir des caractères violacés (mais aussi du rouge, du vert pour les croquis... Pas  encore de photocopieuse, il fallait dupliquer à la manivelle... Quant à la décoration de ce menu, toute une équipe avait dû s'affairer autour du professeur de dessin, un homme déjà âgé mais aussi distingué que chaleureux, respecté et aimé de tous... J'ai son nom sur le bout de la langue mais qui m'échappe... Je m'en veux ! Si quelqu'un peut m'aider... 

 

C'était le 16 décembre, un jeudi, sur le plateau de la Croix-Rousse, entre Saône et Rhône. De retrouver ce papier fut une surprise vibrante... . 

Ah ! que cette page de vie à l'École Normale d'Instituteurs a pu me réconcilier avec la société et moi-même. Et quand je lis ou relève sur ce blog même ce que partagent les maîtres et les élèves, comment ne pas réaliser combien l'instituteur peut compter dans le développement des enfants à considérer, comme cela s'est confirmé avec le temps, en tant que personnes respectables à part entière... 

Quant à la laïcité, force est de constater que vis à vis d'une chrétienté  majoritaire sans concurrence, l'interdépendance entre l’État et le religieux rétrogradé ne posait pas problème...