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lundi 4 avril 2022

Chemin d'école (9) vignes & vins, domaines & châteaux.

"... Je pressai d'autant plus le pas qu'au-dessus d'une légère montée, sur le bistre de la sécade, le jaune des fenouils et le vert des pampres, se dessinaient les contours un peu à contre-jour, du gîte où la pelote familiale s'était jadis emmêlée en une perruque inextricable afin de mieux résister au stress de l'exil..." 

C'est la vision avec laquelle je vous ai laissés, l'autre jour, pour clore le 8ème volet. Depuis, si le paragraphe perdu sur mon grand-père reste toujours à écrire, avant l'approche sensible de cette métairie, de cette borio,  quelques mots sur la campagne des Karantes (1), d'un abord plutôt accueillant. 

Les pages qui font la promotion des vins ont quand même le mérite, en présentant et le site et les circonstances, d'élargir le propos, ce qui peut donner le plaisir de grappiller quelques grains de connaissance. 

Ici, grâce au relief relatif de la Clape, les vignes dominent la mer. Façon de parler, puisque, pour prospérer, les vignes ont besoin du fond des combes où l'eau s'est infiltrée amenant avec elle nombre d'éléments nutritifs tirés de la désagrégation chimique du minéral. A propos de sa culture en Languedoc, un raccourci partial citait avant tout les Romains alors que les Grecs les avaient précédés. C'était aussi sans compter, toujours plus loin dans le temps, sur les Phéniciens, thèse adoptée par les auteurs chargés de présenter le château des Karantes, avançant même une date, à savoir vingt-trois siècles avant nous. Et si c'étaient les Étrusques, d'après les résultats des analyses biomoléculaires sur des amphores d'Étrurie, aux abords de Lattes dans l'Hérault ? Fermons la parenthèse.  https://www.larvf.com/,les-etrusques-ont-introduit-la-viticulture-en-france-au-ve-siecle-avant-j-c,2001118,4300502.asp 

 La page internet nous apprend aussi l'origine du nom "Karantes"; on le devrait aux Élisyques, ces tribus ibériques perméables aux brassages réguliers (Ibères, Grecs, Celtes... et tous ceux qui n'ont fait que passer), liés à la civilisation des oppida : oppidum de la Moulinasse à Salles-d'Aude, oppidum d'Ensérune à Nissan pour ne citer que ceux à proximité immédiate. Le terme "karants" en celte se traduit par "ami". 

Un dernier mot sur le vignoble avec l'évocation du Carignan, un cépage ancien me tenant à cœur puisqu'à Fleury il était le roi des coteaux tandis que le plantureux Aramon bedonnait dans la plaine. A l'approche de la Pierre, c'est vrai que de vieilles souches bien chenues, me rappelant trop bien le lien intime entre le village et la vigne au fil des saisons, mon grand-père Jean, mon oncle Jojo, n'avaient pas manqué de m'attendrir. Les renseignements sur le domaine nous disent que ces ceps datent de 1928 ! 

Les vins d'aujourd'hui sont bien sûr, autrement élaborés qu'à l'époque : cela ne peut qu'être lié à l'évolution de sa consommation, le breuvage passant de l'assignation de remontant nutritif au statut de boisson plaisir (vers 1875, la production était deux fois plus importante qu'aujourd'hui !). D'où cette tendance intéressée à nommer les domaines "châteaux" alors que nous disions simplement "campagnes". Sur le chemin d'école de mon grand-père Jean, pour preuve que nos vieilles terres à vignes sont porteuses de qualité, alors que, pour raisons politiques, le vin du Languedoc n'a souvent subi, par le passé, que mépris dans la bouche des politicards, (n'oublions jamais les propos haineux du ministre de l'agriculture Christian Bonnet "Si ceux qui produisent de la bibine doivent crever, qu'ils crèvent !", le 24 décembre 1976, en guise de vœux de Noël !), les nouveaux propriétaires ont investi dans les domaines : des Suisses, des Anglais, des mercantis de la grande distribution et ici, aux Karantes, un copropriétaire Etatsunien.  

On vante la qualité, le terroir, les assemblages, le marchandisage fait l'objet d'un soin particulier. Certes on vend au domaine mais surtout on expédie, on exporte... en Russie notamment... du moins en temps de paix... Ce n'est plus le vin des mineurs, des maçons, des Chtis, des sidérurgistes, des Bretons d'avant au pays de Bonnet Christian... 

Et quand on est d'ici, comment ne pas penser et soutenir les viticulteurs du village ? S'ils sont comme tout le présent, poussés et portés par le temps qui passe et qui a persisté, en moins d'un siècle, par de bonnes ou mauvaises mutations, à chambarder les méthodes quitte à vouloir prendre le dessus sur la loi naturelle, force est de constater qu'il faut rentrer dans le rang. A nous, aussi raisonnables qu'eux pour une culture raisonnée, de les accompagner... Avec les vignes en héritage, ils perpétuent une histoire d'au moins deux millénaires, une histoire qui se poursuivrait même à la marge, s'il fallait se remettre au blé (2). 

Ah qu'il était bon de solder l'été avec les vendanges et les trois litres de vin quotidiens (3) auxquels une journée d'homme donnait droit ! Banale nostalgie d'une jeunesse fringante loin derrière et pourtant seulement d'hier...  

(1) le nom du village de Quarante, pas loin d'en l'Hérault, à côté de Cruzy, viendrait de quarante martyrs. 

(2) En 1952, la vigne de Perrucho, entre les faubourgs et la garrigue de Caboujolette, aujourd'hui avec les tennis et le lotissement, était un grand champ de blé plus haut que moi, et avec des coquelicots, des bleuets... 

"Il n'y a pas de pays en France qui puisse être comparé pour l'abondance de ses récoltes en grains à la fertilité de la plaine de Coursan..." 1788, Balainvilliers "Mémoires d'un intendant du Languedoc" in "Canton de Coursan" Francis Poudou. 

(3) livrés avec la paye, la récolte une fois rentrée.  

mardi 10 juillet 2018

1918 – 2018. VOUS AVEZ DIT « RACISTE » ?



Ils osent, en 1918, parler d’une France « ethnographique » !

« … Il est peu d’États au monde dont l’unité nationale soit aussi solide que celle de la France ni qui se rattache par ses ancêtres à des races plus nombreuses et plus variées… ».

Pour un début, c’est fort ! Plus c’est gros mieux ça passe, plus c’est vrai plus c’est faux. Et si cette façon de pratiquer reste un principe premier de la politique, le moins que l’on puisse dire est que le nationalisme ne faisait pas alors dans la nuance…  

La mauvaise conscience semble flagrante, il s’agit, en effet, dans ce manuel de géographie par P. Foncin / librairie Armand Colin / 1918, du dernier volet d’une révision de la France (Relief du sol, Écoulement des eaux, Mers et côtes, Voies de communication, Agriculture, Industrie, Commerce, Défense terrestre, Défense maritime, Alsace-Lorraine, L’Algérie, Tunisie-Maroc, Colonies, Formation historique, et enfin Ethnographie !).

« … la France était habitée par une race de chasseurs sauvages au crâne allongé et étroit…/… puis vint une autre race analogue, mais plus intelligente, habitant des grottes…/… Plus tard parurent des envahisseurs à tête plus courte et plus large… »

Le fond insiste trop sur la forme des crânes pour ne pas annoncer les barbaries racistes à venir, la fureur raciale du Führer et, moins visibles alors pour cette unique raison, les pulsions malsaines toujours entretenues par des puissances se targuant par ailleurs de porter la civilisation aux peuples de la planète !

C’est un ton en dessous ensuite, pour les Ibères et les Ligures,

« … de taille médiocre, avaient les yeux et les cheveux noirs et la peau brune. Ils furent probablement refoulés par les Celtes… »

N’est-ce pas encore conforter la supériorité des Nordistes ou, pour se répéter, l’infériorité des Sudistes :

« … Les Provençaux, descendants des Ligures et les gascons (Vascons), descendants des Ibères, sont encore aujourd’hui, par leur tempérament et leur caractère, assez éloigné du type général celte… »

Après le bon Gaulois moustachu au cornes de vache sur le casque, et surtout parce qu’aujourd’hui, les Belges sont dans la mire des Bleus, concluons ce propos avec le petit florilège qui suit :

« … Les Celtes d’abord puis les Gallo-Kimris, enfin les Kimris-Belges, succédèrent aux ibères et aux Ligures dans tous les pays qui sont au nord de la Garonne. C’est surtout le type des Belges et des Kimris-Belges, aux cheveux rouges, à la taille énorme, au teint blanc et à la voix éclatante, qu’a dépeint l’antiquité classique… »



Pour les Bretons, c’est plus gentil. Demandez toujours ou plutôt zoomez la photo de la page pour savoir mais nous en resterons là avant d’aller chercher quelque chose sur le pédigrée de l’éminent auteur de ce traité de géographie, P. Foncin…

Le monde a-t-il changé ? Faut le dire vite… ces vieux démons pourraient encore ressurgir…    

PS : en rouge sur la carte : « limite approximative des grandes tailles et des tailles moyennes ». Seule note d’impartialité, les limites des parlers d’Oc.

Illustrations tirées du livre.