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lundi 11 septembre 2023

LES SAINTES-MARIES-de-la-MER (fin).

 Le 24 mai, Gitans, Tsiganes, Roms pour le moins de l’Europe entière (ils sont aussi en Amérique du Nord, en Russie...), viennent honorer Sara la Noire, leur sainte patronne, tolérée mais non reconnue par l’Église (la statue n’a droit qu’à la crypte), aussi mystérieusement apparue que le peuple tsigane. Camping-cars, caravanes stationnent par milliers. En minorité, les chevaux des gardians accompagneraient-ils l’immersion rituelle de Sara dans les vagues, les locaux n’apprécient pas cette « invasion » générant des désordres, vu le nombre. Malgré l’intérêt porté aux mystères du peuple du vent, la vieille tension nomade-sédentaire, le rejet réciproque perdurent ; la ségrégation est allée jusqu’à l’interdiction de leurs habits colorés, de leur langue, du nomadisme (chevaux abattus, roues enlevées), des métiers traditionnels (paille, osier, laiton, cuivre...), du mariage entre eux ; leurs noms ont été changés, les femmes stérilisées, les enfants enlevés pour une adoption de force (en Suisse jusqu’en 1973). L’horreur a culminé avec l’élimination génocidaire que  les nazis planifièrent (500.000 victimes ?). Néanmoins un peuple qui se sédentarise, se mêle de plus en plus aux Gadjés malgré les intégrismes religieux se manifestant par l’occupation non autorisée, souvent de complexes sportifs, une invasion que les municipalités démunies subissent. 

Pélerinage_des_gitans_pour_Sarah_la_Noire 2000 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author Fiore S. Barbato

Aux Saintes, chaque soir c’est la fête : on boit, on chante, une manade de guitares au galop accompagne une voix rauque de flamenco et si les robes ne se parent que moins souvent des gros lunares noirs, le taconeo (1) scande toujours le tempo andalou. Il y a longtemps que les Gipsy Kings (famille Reyes) participent d’autant plus qu’ils viennent d’Arles, tout à côté. Il y a vingt ans, le patriarche qui n’aurait pas pu vivre dans une “ maison-prison ”, parlait de sa vie à dresser des chevaux.  

Comme en écho à Magali, en 1983, Hervé Vilard est sensible à ces rapports gitans-gadjés. Sa Méditerranéenne n’est pas provençale mais gitane :

« ...Qui t’a donné ce déhanché, la majesté d’être nu-pieds au milieu des gitanes ?  »  

« ...Prends garde... ton frère nous regarde... Y a danger pour l’étranger... » 

Gardian_lors_du_pèlerinage_gitan 2000 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author Fiore S. Barbato

 Avec les gitans, une autre communauté marque la Camargue, celle des gardians. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, ces derniers rendent hommage à Folco de Baroncelli-Javon (1869-1943), dit « le marquis », manadier, gentilhomme-gardian, majoral du félibrige, écrivain. Ses cendres reposent sur les ruines du Mas du Simbèu (explosé par les Allemands en 1944) où vécut lou marquès. On lui doit les traditions camarguaises, le costume, le travail, les jeux gardians, la course, la reconnaissance des races de chevaux et taureaux de Camargue, la prise en compte de la richesse naturelle et culturelle du territoire. C’est encore lui qui fit accepter le pèlerinage gitan auprès de l’archevêque d’Aix.  

(1)  Le nom des grains de beauté s’applique aussi aux gros pois des robes gitanes. Le taconeo est le claquement des talons de la danseuse.

samedi 9 septembre 2023

LES-SAINTES-MARIES-DE-LA-MER (1).

Bac du Petit Sauvage sur le Petit Rhône 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Auteur sjdunphy
 

Dans les années 60, nous y sommes allés visiter des amis. Sur la route du bac du Petit Sauvage, pratiquement à l’arrêt, la Dauphine a glissé vers le fossé... Ne me demandez pas dans quelles circonstances : nous n’avons retenu que le mot de ma grand-mère Ernestine que nous avions emmenée : « Aro, i sen ! » (maintenant on y est). Il me semble qu’on s’en est sorti sans dommage.

Au loin, le clocher-mur imposant de l’église des Saintes. Si proche de la côte, fortifiée, rappelant, plus bas sur le Golfe, la cathédrale de Maguelone, elle symbolise une résistance de longue haleine, conduite d’une main de fer par la chrétienté face aux razzias des Sarrasins. Édifiée aussi entre les XIe et XIIe siècles, c’est au XIVe qu’elle est transformée en forteresse dotée de meurtrières, d’un donjon, contre la menace des pirates barbaresques. Les habitants y trouvent refuge (un puits a été creusé) tandis que le toit bordé de créneaux et machicoulis permet aux défenseurs de contenir les assaillants.

Années 60, au transistor, on entend  : 

« ... Magali, Magali,
Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part
Parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare?
Magali... » Robert Nyel 1962.

Tout y est : le refrain en occitan "... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali...", les gitans, le soleil qui rend fou ; en prime, l'évocation de la grande steppe de la Crau, créée par la Durance, encore une fille folle de Provence. 

Années 1850, c’est ici que Frédéric Mistral vient faire mourir Mirèio venue implorer les Saintes. Une statue le rappelle. Par ailleurs, il note la présence des gitans au pèlerinage, celui des trois Maries s’étant substitué à un culte antique aux trois Matres de la fécondité. L’église recèle un autel païen du IVe siècle avant notre ère ; même le rite lié à Sara la Noire est antérieur à la dévotion témoignée par des gitans d’abord tolérés mais qui, depuis, enchantent un pèlerinage dont ils forment le principal attrait. 

Campement_gitan_aux_Saintes-Maries-de-la-Mer_en_1927 Domaine Public Wikimedia commons


vendredi 28 janvier 2022

...ASPERGES VERTES, AMANDIERS BLANCS...

Non, il n'y a pas de comparaison possible entre la flopée d'amis entre guillemets des réseau sociaux et les copains de toujours du réseau du cœur, du quartier, du village. Bien sûr que la vie, en plus de ceux qui s'aiment, sépare ceux qui ont fait un bout de chemin d'enfance ensemble. Pourtant, parfois, l'informatique permet de renouer avec certains de ses camarades d'école, de ses copains du quartier. 

Nous avons joué aux billes, refait le monde à la nuit tombante, et parlé des filles, aux abords du parc de Gibert, même en hiver quand plusieurs couches d'habits arrivent mal à empêcher la froidure du Cers de pénétrer...

"... Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l'oubli..."
chantait Montand dès le début des années 50.  

On a couru ensemble le coteau de Fontlaurier sans la peur mais sans trop approcher non plus la masure et le feu des gitans, sur l'aire devant. 

"... Chante gitan,
Ton château en Espagne.
C'est le chant des errants qui n'ont pas de frontière,
C'est l'ardente prière
De la nuit des gitans."
chantaient les Compagnons de la Chanson, et Dalida aussi (vers 1958). Je ne préméditais pas de raconter ces souvenirs en chansons mais comme elles accompagnaient et encadraient bien nos premières impressions et sensations ! 

Quelle magie quand on est gosse ! quelle impression de pays béni ce coteau de Fonlaurier ! En vis à vis, la colline du moulin, en limite le tracé ondoyant allant vers les quatre chemins, bordé tout le long, d'amandiers, de bouteilhetiers (azeroliers), de touffes de genêts, de mattes d'asperges. En haut une garriguette parfumée de thym. Tout au bout encore des moulins et le phare dans le souvenir des avions de l'Aéropostale !

Oui, il est entré loin en nous, ce coin qui nous a vu grandir. Nous y avons déterré les poireaux sauvages dans des vignes en larges terrasses, cueilli les asperges sauvages de ses hauts talus, goûté la magie de la fleur d'amandier qui réveille les abeilles pionnières et nos premiers émois d'adolescents... 

"Quand nous jouions à la marelle
Cerisier rose et pommier blanc
J'ai cru mourir d'amour pour elle
En l'embrassant..."
chantait André Claveau, toujours dans ces années 50.

Alors quand un copain de toujours, après les soixante et quelques années qui nous voient survivre aux rouleaux et remous de leurs vagues, publie, du premier bouton au diadème entier de la ramure, son premier amandier fleuri de 2022, sa première botte d'asperges, tous ces souvenirs reviennent fort : ce paysage, ses couleurs, son relief particulier, ce ciel toujours aussi bleu, l'ambiance de la vie d'alors... 

Merci Loulou de mon quartier pour ton partage sur l'Internet... On boira un coup, lou cop qué vèn, la fois prochaine, on revivra Fontlaurier, les gitans, les filles qui nous faisaient jouer à la marelle, la fleur d'amandier messagère des jours meilleurs, tant qu'on peut encore faire la nique à "la nuit froide de l'oubli"...    


Photo Loulou Jourdain (12 janvier 2022) Merci Loulou.

Photo Loulou Jourdain (12 janvier 2022) Merci Loulou.

Asperges sauvages 24 janvier 2022. Photo Loulou Jourdain aimablement prêtée comme celles qui précèdent. 


lundi 28 septembre 2020

LES MOULINS, FONT-LAURIER, LES COLLINES SANGLANTES ! / Fleury-d'Aude en Languedoc


Source Geoportail
 

Nous sommes Derrière l'Horte. Avec les majuscules, c'est le nom gardé par le cadastre. "Hortus", "huerta" chez nos voisins. C'est le jardin sûrement, hors le rempart, pour avitailler avant tout le château du baron, du duc ou du cardinal de ces époques d'Ancien Régime. 

L'eau est accessible, à la source du Bouquet à laquelle on descendait, encore dans les années 50, par quelques marches. Et sous ces abords du village, dans la quartier de l'avenue de Salles, passe l'aqueduc souterrain, celui qui draine l’Étang de Fleury, datant peut-être d'une période préromaine (ligure ?) (1). 

Colline de Montredon ce matin, moulin de Fleury.

Ce coteau presque ordinaire et pourtant unique, si cher à mon enfance s'inscrit entre deux moulins, celui de Salles, dominant le passage du Four à Chaux et celui de Fleury, plus précisément sur la colline de Montredon (2) dont certains ont entendu parler à propos d'un drame criminel au XIXe siècle, du crime passionnel d'un garçon-meunier (un descendant du meunier nous a livré une autre version du garçon meunier finalement accusé à tort) (3). 

Et entre les deux moulins en lien tous deux avec le meunier Bouzigues du crime jugé en 1851, la masure de Fontlaurier, peut-être avec seulement un toit en terrasse, où habitait une partie de la famille des gitans de Fleury. 



Ce qui reste de l'habitation des gitans.
 

Que s'est-il passé entre eux ? Une dispute sanglante puisqu'elle s'est finie à coups de couteau. Il se dit que, quelques années plus tard, la victime ou une des victimes, le père de celui qui m'aidait à couper les raisins aurait exhibé les cicatrices de son ventre à narbonne, en pleine rue. Enfin... ce qui se dit, à prendre avec des pincettes et en se retenant d'en rajouter... Une visite aux archives nous en apprendrait davantage et avec plus de certitude... Depuis, les caraques de Fleury sont partis, on les appelait ainsi alors...     

(1) tapez "affluent" pour les articles à ce sujet. 

(2) la mairie vient d'acquérir la colline et ses abords. 

(3) tapez "meunier" pour les articles à ce sujet.     

dimanche 27 septembre 2020

FONT-LAURIER, encore le même coteau / Fleury-d'Aude en Languedoc

En mars avec un soleil d'avril...
 (Suite du précédent article)

Mais je les emmène loin de Font-Laurier, une masure ou vivent des gitans. Du linge claque au vent sur une corde. Un parler ibérique rocailleux s'échappe de l'aire où des pierres et la cendre indiquent le foyer mais sur la route, nous passons vite ; dans le coin, nous restons loin. Surtout les gosses. Nous croyons percevoir les craintes et la méfiance du village à l'encontre de ceux qui lui sont étrangers. 

Les gitans bien qu'assez sédentarisés sont catalogués dans la liste des ramoneurs, rétameurs, aiguiseurs, vanniers, rempailleurs, marchands d'extraits de pernod, vendeuses d'aiguilles et de dentelles, diseuses de bonne aventure, peilharots (1)... Les villageois perplexes par rapport à une autre vie que la leur, fascinés aussi qu'ils sont par ce peuple du vent qui ne fait que passer, se butent et se défendent en leur taillant une réputation de voleurs de poules, de fruits et d'enfants, quand ce n'est pas pire. Et pourtant,comment ne pas se questionner quand depuis les coteaux, on entend l'annonce de l'appariteur pour l'arrivage de maquereaux sur la place du marché ou la présence de l'horloger de Lespignan au café Billès ? Manière de capter d'abord l'attention, l'annonce commence avec une chanson 

Gitans Wikimedia Commons scan old postcard Author Unknown early XXe
  

"D'où viens-tu gitan ?  
- Je viens de Bohême... 
- Et toi beau gitan ? 
- De l'Andalousie... 
- Et toi vieux gitan, d'où viens-tu ? 
- Je viens d'un pays qui n'existe plus..."
Les chevaux rassemblés le long de la barrière 
Le flanc gris de poussière 
Le naseau écumant 
Les gitans sont assis près de la flamme claire
Qui jette à la clairière, 
Leurs ombres de géants..."
 
Interprétée par Les Compagnons de la Chanson et aussi Dalida (1958). 

Chez les gens du voyage (Toulouse,1962) Wikimedia Commons Archives municipales de Toulouse Auteur André Cros
 
Oh ! comme j'imagine sans peine le feu sur l'aire de Font-Laurier, les chevaux au naseau écumant ! D'autant plus que passent encore, il est vrai, rarement, les vraies roulottes d'un petit cirque. 
Oh ! comme je me sens moi aussi, perplexe, fasciné mais me gardant bien de tout jugement abrupt, prudent et méfiant par rapport à une vox populi trop lapidaire, trop partagée par des "... braves gens qui n'aiment pas que, l'on suive une autre route qu'eux..." (Brassens Georges). 
 
J'ai eu la chance de vendanger avec eux. Menant rangée, rongeant mon frein, rechignant à faire ce travail de femme, je me laisse distancer et chaque fois, en souriant, en m'encourageant, le fils me fait une ou deux souches, sans sécateur et en moins de deux ! c'est pourtant dur la queue d'un raisin à couper à main nue ! 
 
Ils ne sont que deux gitans, le père et le fils. Les femmes ont dû se louer ailleurs... Ils travaillent, participent, rient avec tout le monde. D'ailleurs au village, à ma connaissance, ils ne font pas parler d'eux. 
 
"... Et toi vieux gitan, mon ami ? " demande le ténor des Compagnons pour savoir où il va partir (2). 
- Je suis bien trop vieux, moi je reste ici..." 
 
Au-delà de l'image bucolique de Derrière l'Horte, le coteau dominant le village qu'on désigne aussi en disant "Font-Laurier" ou encore "le chemin du phare", en plus de l'affaire criminelle qui, par le passé, marqua l'histoire du moulin de Montredon, plus communément connu comme étant "le moulin de Fleury, un fait divers sanglant viendra stupéfier le village. (à suivre) 

(1) Le peilharot est l'ambulant qui achète les vieux chiffons, les peaux de lapin. 

(2) Tapez "Les Gitans", la chanson est sur youtube.