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samedi 26 octobre 2024

PROVENCE du RHÔNE (9) Pour solde de tous contes (2)...

Old_vines_in winter_in_Châteauneuf-du-Pape 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Treephoto

Châteauneuf-du-Pape. Début des années 60 ; suite au pique-nique au Pont-du-Gard, endimanchés parce qu'un match du Championnat de France nous a assigné un club du Comité des Alpes (comme souvent pour les premières rencontres éliminatoires), avec de la marge avant le coup d'envoi, c'est l'occasion, en passant, d'aller saluer un cousin de loin, vigneron aussi au milieu d'un plateau incroyable de galets roulés. Seulement en passant. Rien alors sinon la mention « du-Pape », récente relativement puisque rien qu'à penser à l'histoire de la mule datant alors de plus d'un demi-millénaire ; rien sur des racines aussi profondes que celles des ceps sur un matelas de caillasses bouléguées. Et pourtant, Anselme Mathieu né en 1828 à Châteauneuf-Carcenier, décédé en 1895 dans le même village devenu Châteauneuf-du-Pape, motivé par la langue, la poésie, sut mettre en bouteilles son vin jusque-là vendu en fûts (mais peut-être plus pour être arrangé, en Bourgogne. Mathieu, vigneron-poète, appartient au groupe des Félibres, promoteurs, sous l'impulsion de Frédéric Mistral, du renouveau de la langue occitane : toujours quelques rimes sur les étiquettes de ce « Vin di Felibre ». C'est donc à partir d'ici que, toujours depuis notre voie lactée, nous croisons, semblant la plus éloignée de la galaxie, la première planète d'un système d'une voie plus vaste, le Félibrige. Plus sur le plancher des Hommes, cette fois-là, transition entre notre garrigue sèche et ce Midi du Rhône, saluant du même côté, de beaux ensembles de narcisses non loin des poteaux de rugby...  

Narcissus 2012 under the Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0 license. Author Kenneth Allen


Robert_Sabatier 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 France license. Author Oscar J. Marianez

Le village de Saint-Didier, à six kilomètres au sud-est de Carpentras, a longuement accueilli un autre auteur attachant, au portrait (je parle d'apparence, de photos) avant 2010 si proche de celui de Gallo, Robert Sabatier (1923-2012), Parisien pur jus mais avec toujours un accent du Sud, celui de Saugues (Haute-Loire) où il passait ses vacances auprès du grand-père Auguste, maréchal-ferrant ; dans les huit volumes du Roman d'Olivier (1), le troisième, Les Noisettes Sauvages (1974), parle de Saugues, du pépé, de la mémé, de l'oncle Victor, d'une communauté de petites gens à la campagne laissés pour compte dans la marche du monde... Une Provence rhodanienne (mais on peut en penser autant, bien qu'en plus dispersé, de tout un Sud désirable), plébiscitée par nombre d'artistes, de comédiens, de chanteurs... d'écrivains revenus, sinon venus d'autres horizons. 

Portrait_de_Picasso,_1908 Domaine public source Photo (C) RMN-Grand Palais Auteur anonyme


Un paragraphe de Sorgues nous parle d'un peintre au génie toujours prégnant, Pablo Picasso (1881-1973) ; en 1912, il y réside avec Eva Gouel (1885-1915, cancer). Sur un mur de la ville, il lui dédie « Ma Jolie », un tableau cubiste, ovale mais enlevé au public le jour où un marchand d'art fit enlever le revêtement mural. Le tableau (plutôt rectangulaire...) se trouve au Moma New-York. 

Le Pontet ; Théodore Aubanel (1829-1886) passe ses étés au mas du Grand Grangier appartenant à sa mère. 

Partager le Voyage: Teodor AUBANÈU, pas froid aux yeux et la main chaude (I)... 

Partager le Voyage: Teodor AUBANÈU, pas froid aux yeux et la main chaude (fin)...

Alors qu'il s'est lancé dans bien des évocations jusqu'à charnelles dans La Miougrano Entreduberto, la Grenade Entrouverte, que n'a-t-il pas su exprimer et partager le temps de l'amour, avec Zani, partie hélas en religion ? Les traditionnalistes, par contre, bien que prêtant d'autres intentions, ont tôt fait d'assimiler les mille graines rouge sang sous une même couverture aux mille filles que l'ogre du Petit Poucet va égorger par erreur. (à suivre).  

(1) c'est à Saint-Didier que Sabatier a écrit Les Fillettes Chantantes, sur l'adolescence d'Olivier. (1974 Albin Michel, 1985 Le Livre de Poche).  

Teodor_Aubanel Domaine public Auteur inconnu

mercredi 16 octobre 2024

PROVENCE RHODANIENNE (8) Pour solde de tous contes (1)...

Un huitième volet pour constater que les sept précédents auraient tout dit ? Serait-ce, au contraire, conclure avec des résidus sinon garder le meilleur pour la fin ? Il est vrai qu'après la géographie, l'Histoire, le Mistral, la mythologie, la religion, le roman, le gothique, les moutons, ânes, chevaux, les mules, malgré une présence plus marquée de Bosco et surtout de Daudet, c'est à peine si nous avons abordé le monde de la création, de l'art, l'unique dimension permettant de se dépasser, d'exalter l'homme jusqu'à un « H » majuscule si improbable tant sa nature profonde est vile... 

Alphonse_Daudet Domaine public Auteur Étienne Carjat (1828-1906)

Alors oui pour un huitième volet. Et puisque avec Robert Miras et Hugues Aufray, nous avons évoqué la chanson, (rabaissée au niveau de chansonnette par des débineurs élitistes agacés, fermons la parenthèse), comme nous avions relevé le petit cabanon ou l'adieu à la « Venise Provençale », 1934, de Vincent Scotto (1874-1952), « Magali », 1962, de Robert Nyel (1930-2016), avec le refrain en provençal « ... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali... ». Quelles paroles ensoleillées encore ? Qui encore ? Et qui aidera à étoffer le peu me venant à l'idée ? 
Gilbert_Bécaud_in_Rome 1972 Domaine public Auteur inconnu.

D'une manière générale, Mireille Mathieu (1946), Michèle Torr (1947), plus subjectivement, « Les Marchés de Provence », 1957, de Gilbert Bécaud (1927-2001) et Michel Sardou (1947) au moins pour « Je viens du Sud » 1981 (si bien reprise par Chimène Badi). 

Pour le reste, terme si euphémistique pour désigner les artistes, surtout en lettres, qui ont marqué de leur présence cette Provence du Rhône, de naissance et de vie sinon par choix personnel, pardon pour de si maigres ressources, déficientes, si subjectives, loin d'être exhaustives, là seulement manière de dédouaner, devant suivre un fil conducteur, faire illusion. 

Considérant en gros le Comtat depuis les enclaves aujourd'hui dans la Drôme, d'abord, proche de Valréas, le village de Grignan, à cause de la comtesse éponyme (1646-1705), restée dans les mémoires pour les centaines de lettres adressées par sa mère, Madame de Sévigné, la marquise (1626-1696) (Mère et fille décédèrent toutes deux à Grignan) ; une correspondance d'une rare modernité, ouverte sur le siècle du Roi Soleil. 

Max_Gallo salon du livre Paris 14_mars_2009 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur ΛΦΠ

Max Gallo (1932-2017), atteint par la maladie de Parkinson, meurt à Vaison-la-Romaine. Sa vie, sa trajectoire peuvent se comparer à ce que la France a vécu. De parents pauvres immigrés du Piémont, à force de volonté, il illustre un ascenseur social qui ne progresse dans les étages qu'à condition de tirer soi-même sur la corde. Titulaire d'un CAP de mécanicien-ajusteur, il est passé au doctorat et à l'agrégation d'Histoire. Politiquement, suite à un moment communiste, il se révèle jusque dans les hautes sphères socialistes, auprès de Chevènement, de Mitterand, pour, finalement, soutenir Sarkozy en 2007... un passage peut-être sinon effectif entre les illusions de gauche et une réalité restée droitière... De l'auteur prolifique de plus d'une centaine d'ouvrages, romans, suites historiques, de l'académicien, je retiens le « vivre au pays », qui, dit-on, depuis le lycée où il était maître-auxiliaire, le faisait partir aux vacances pour une longue diagonale à destination de Nice, en vespa ! Et son séjour à Vaison, sa tombe à Spéracèdes auprès de ses parents, n'ouvrent-ils pas sur un questionnement à propos du Midi dans ses versions azuréenne sinon rhodanienne ? (à suivre)

dimanche 6 octobre 2024

PROVENCE RHODANIENNE (3), MONUMENTS et HISTOIRE...

Après la menace de Carthage, suite aux victoires et conquêtes de Rome sur plus de 500 ans, les villes de Nîmes, d'Arles connaissent leurs apogées.  Si les comptoirs maritimes sont le fait des Grecs, si les Ligures ont aménagé des oppida, si les Celtes se sont installés, les Arabes restent dans les mémoires pour leurs razzias jusqu'en France profonde (Autun), leur installation afin de faire de la mer Méditerranée une “ mare mauri “, une mer des Maures musulmane (installation jusqu'en 973) (1). Politiquement, en 1034, toute une bande Est du royaume de France est dans le Saint-Empire-Romain-Germanique. Et encore, pour les historiens et ceux qui s'entichent de cette matière, citons encore les Comtés d'Arles, de Provence, de Forcalquier, le Marquisat de Provence depuis Orange et presque jusqu'au cours de l'Isère au nord. Prolongeons avec le Comtat Venaissin jusqu'à la réunion à la France, la Révolution, jusqu'à la libération de l'occupation allemande... 

Pont_du_Gard  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author en LEU SONG (Flickr).

Concernant les monuments qui jalonnent cette Histoire, une synthèse schématique se présente d'autant plus simplement.
Les Romains avec les maisons, (marbres, mosaïques, fresques, statues... ), les riches villae au luxe plus encore exposé, régissant un domaine ; les tombes ; les monuments publics, eux, illustrent le faste de cette civilisation marquant notre Histoire : forums, arènes, temples, arcs de triomphe, théâtres antiques... aqueducs (Nîmes, Pont du Gard, Arles, Orange). 

Saint-Trophime_(Arles) 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Gzen92

L'art roman provençal (XIIe s.) marque un sursaut après des siècles de troubles (invasions barbares). Inspirées des basiliques romaines, des églises carolingiennes, les églises, fortifiées parfois (Les-Saintes-Maries-de-la-Mer), les cathédrales objets de pèlerinages autour de reliques : église et cloître Saint-Trophime à Arles, église de Saint-Gilles (portails), anciennes cathédrales d'Orange, de Vaison et de la Major à Marseille, cathédrale Notre-Dame-des-Doms à Avignon, abbayes de la même époque (Sénanque, Sylvacane). 

Carpentras Saint-Siffrein Façade 2010 Domaine public Auteur Véronique PAGNIER

L'art gothique, bien qu'austère et encore “ roman ” en Provence marque une période d'élan vers la lumière, vers le ciel où Dieu veille... l'ancienne cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras, l'église Saint-Pierre d'Avignon en témoignent ; de même, les papes et cardinaux du Comtat font appel à des architectes et artistes (fresques) de France, d'Italie, de Flandre, d'Allemagne, Avignon est alors le centre de cet art. 

Au XVIe siècle, bien qu'ouvrant vers la France entière le courant renaissance venu d'Italie, la Provence reste avant tout liée au gothique. 

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les hôtels particuliers des nobles en ville illustrent leurs réussites économiques (Aix-en-Provence, Avignon...).  


vendredi 4 octobre 2024

PROVENCE RHODANIENNE (2). Climat, paysage, mythologie et autres...

Deuxième paquet, le climatique. En premier lieu, le Mistral, lou manjo fango, maître vent, de couloir, catabatique un peu, si fort, qui dessèche si vite mais à qui nous devons un air sain, limpide, à l'origine d'une lumière unique, à part : les couleurs de Paul Cézanne, de Vincent Van Gogh en témoignent à jamais. D'un extrême à l'autre, presque à contresens, nous passons à la douceur rafraîchissante des airs marins l'été. 

Episode_cévenol ou méditerranéen 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Babsy

Quant aux vents qui accompagnent les dépressions mères des épisodes cévenols, s'ils viennent du large, ils s'enroulent finalement  en spirale, en volute, en crosse d'évêque que les reliefs arrêtent. 

Paysage de la_Crau (haies au fond) 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license. Auteur yves Tennevin from La Garde, France


À évoquer le maître vent, un mot sur les formations végétales : les cyprès (1), isolés ou souvent alignés pour protéger des souffles puissants, desséchants ou exhausteurs du froid que le Mistral porte. Les chênes-verts, les pins d'Alep ou parasol, les arbousiers, les oliviers, comptent également dans les sempervirens. 
Parmi les arbres à feuilles caduques, plantés pour l'ombre voire l'industrie du bois, les micocouliers et platanes. 
Entre les deux, afin de désigner les arbres dont les feuilles ne tombent que très tard, parfois aux portes du printemps, et seulement parce que l'adjectif intrigue et pose problème en orthographe, on peut dire “ marcescent ” pour le chêne pubescent, dit “ blanc ” en Provence... mais le même peut être dit “ noir ” en Périgord... peut-être parce qu'il est truffier ici ou là-bas truffier... 

La mythologie ? une prémisse de réponse au sempiternel questionnement sur notre réalité ici-bas. Jupiter lance les cailloux de la Crau sur les ennemis d'Hercule, le fils, traversant la Provence après avoir ouvert les Alpes. Le christianisme prend le relais en faisant échouer la barque des trois saintes, les Marie Jacobé, Salomé, Madeleine ; une barque déjà pleine de migrants, basse sur l'eau ; en débarquent aussi Marthe qui libèrera les Tarasconais de la monstrueuse Tarasque, les propagateurs Maximin et Lazare, Jacques dit “ le Majeur ”, Jean, Sidoine, les servantes Sara et Marcelle... Entre paganisme et christianisme, des histoires sans queues ni têtes, de dragons multiformes comme la Tarasque ours bœuf, tortue, crocodile, tête de lion aux oreilles de cheval et visage de vieillard... entre nous quel pastis lorsque ces légendes “ dorées ” font état de soixante-douze et non des douze apôtres classiques. 

Illustration Les_trois_Messes_Basses 1886 dans La Belle Nivernaise d'Alphonse Daudet Domaine public.  Auteur Louis Montégut 1855-1906


Lié à la mythologie, le religieux, les papes du Comtat Venaissin et surtout, à travers les auteurs dont Daudet avec les « Trois Messes Basses », une Lettre de son Moulin qui chaque année enchante mon Noël d'abord pour la neige que nous ne cessons de rêver, en notre Bas-Languedoc, ensuite pour le magnifique menu de réveillon : 

« Deux dindes truffées, Garrigou ? »
Et l'Élixir du Révérend Père Gaucher ?  

Le divinatoire avec les Prophéties de Nostradamus... Excusez-moi, Monsieur, je n'ai pas étudié cette leçon... 

Le pastoral avec les moutons, les transhumances et ses petits ânes gris si attachants. 

Les monuments romains, l'art roman provençal, les églises fortifiées jalonnent un poids de l'Histoire pas encore abordé. Sur plus de 500 ans, suite aux victoires et conquêtes de Rome, les villes de Nîmes, d'Arles connaissent leurs apogées... Certes, il est instructif de se faire une idée, serait-elle globale, de tout ce patrimoine historique, pourtant, c'est un attachement plus attentionné et intime, rappelant pour qui le souhaite Joachim du Bellay, qui nous lie à une belle mais humble statue du cheval de trait à Mollégès, à l'ouest des Bouches-du-Rhône, vers le grand fleuve... 

“ Plus mon petit Midi que le monde romain... ” (à suivre)  

Cyprès cimetière Fleury

(1) N'incitent-ils pas à se recueillir, ces hospitaliers du vieux cimetière  ? À Fleury, l'alignement des cyprès du parking de la Salle des Fêtes est mis à mal, ce n'est pas une critique, seulement un constat et sûrement la nostalgie d'une époque où, sans jouer à Tarzan, de bout en bout, nous passions de l'un à l'autre sans mettre pied à terre. 

samedi 28 septembre 2024

PROVENCE RHODANIENNE...

 Avec un clin d'œil à René, Robert, cadets de Ginette, aînés de Jacqueline, puisque leur nom est lié au village du raphia autour d'un fromage de chèvre dans une feuille de châtaignier... sans oublier Francis, le poids-lourd sympa installé dans cette plaine qui me fait tant parler... 

S'il est un lieu de convergence de flux aussi puissants que divers, physiques, géographiques, climatiques, mythologiques, historiques, divinatoires, religieux, culturels, intellectuels, pastoraux, ruraux, c'est bien ce coin que l'appellation « Provence Rhodanienne » essaie de délimiter. 
Dans cette idée de circonscrire, d'y poser sa grille de lecture afin d'en dénicher le fil conducteur, à peine ressent-on le sentiment de mal étreindre que de ces flux, les ricochets débordent plus fort et plus loin encore, sans compter, toute modestie bue, le grain de sel que nous ne pouvons empêcher d'ajouter. Du calme... Soljenitsyne ne disposait-il pas des dizaines de paquets de fiches sur une grande table et autres plans de travail contigus avant d'en réunir le nécessaire sur le petit bureau où le chapitre se construirait ? (encore une fois... en toute modestie...). 
Considérons d'abord que le petit nombre de ces paquets, une petite dizaine seulement semble-t-il, devrait rassurer. Les deux premiers, déjà, n'en feront qu'un, pour la géographie physique. 

Mont Ventoux depuis Bédoin 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author BlueBreezeWiki

Le Rhône à Avignon 2011  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Txllxt Txllxt


Un pays que couronne le Ventoux, le Mont Ventoux, le “ Mont Chauve ” plutôt “ Géant de Provence ”, statique mais en apparence seulement. Un pays que limite le fort débit du fleuve, le Rhône, l'infatigable travailleur, créateur, entre terre et eau, du delta magique. La Durance il faut lui adjoindre, qui dans sa joute œdipienne lui tient tête, avec le dur, sec et pelé de la Crau en réponse au mou, mouillé et touffu de la Camargue. Et puis n'a-t-elle pas bousculé le grand fleuve au point de le pousser dans la faille de Nîmes et vers les étangs de Montpellier ? 

Fontaine-de-Vaucluse 2022 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Mathieu BROSSAIS

Banon 2009 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Jean-Marc Rosier  httpwww.cjrosier.com + httpwww.gordes-immobilier.com

Le relief encore, impliqué dans les apports liquides puisqu'une bonne part de ce qui s'infiltre sur le Plateau de Saint-Christol-Albion jusqu'à la Montagne de Lure exsurge à la Fontaine-de-Vaucluse, la vallée fermée. 
Relief toujours avec un arrière pays modeste, lui, dans sa quiétude, évoqué dans « La Femme du Boulanger », la mention de la diligence de Banon, pays de truffes et de lavandin, des vers à soie jadis et aussi, aujourd'hui, d'un fromage de chèvre dans une feuille de châtaignier. 
Un mot seulement pour le Luberon, parce que cher à Henri Bosco (son père y est enterré), sinon dénaturé par l'indécence des parvenus du plein-la-vue. 
Et encore les Alpilles, la Montagnette itou, en tant que petits reliefs mais si riches culturellement. 
Enfin la plaine qui a vu passer des peuples, des armées, carrefour nord-sud et est-ouest, d'une fertilité renommée. (à suivre). 
Fromage de Banon 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Coyau




vendredi 27 septembre 2024

Par la DURANCE vers l'ITALIE... (1)

1. Hannibal, le Rhône, les Alpes, Gaulois, Romains... 

Punique, la deuxième, cette énième guerre... Rome, Rome, Rome : sur les bancs du collège, seule Rome a droit de cité, d'être citée ; Carthage ne doit d'être mentionnée qu'en tant que puissance vaincue et détruite. « Delenda est Carthago », pour le plaisir rhétorique des racines latines, la formule scandée par Caton l'Ancien, au début sinon à la fin de ses discours, quels qu'en fussent les sujets : Carthage devait être détruite... Si Hannibal n'avait pas remonté les côtes ibériques puis le littoral du Golfe du Lion pour porter la guerre en Italie, le renom de ce célèbre général, relevé par ses éléphants, n'aurait jamais éclairé la destinée de Carthage. Mais pour aller au devant des Romains, trois barrières forment obstacle : un fleuve, le Rhône, des montagnes, les Alpes, et les Romains, débarqués à Marseille, qui ferment la route côtière, soutenus, sur le fleuve, par des tribus gauloises.  


Hannibal's_army_crossing_the_Rhone 1878 Domaine public Auteur Henri Motte (1846-1922).

Pour passer le Rhône, il y a le débit du fleuve mais aussi, de l'autre côté, ces tribus gauloises alliées aux Romains, qui défendent la rive. La configuration du lit et des îles ne pouvant être celle de 2250 ans en arrière, il est admis que, suite au passage préalable de Hannon, un des commandants d'Hannibal (chargé de redescendre attaquer l'ennemi sur l'autre rive), la traversée fut possible entre les confluences avec l'Ardèche au nord et la Durance au sud, en gros, entre Pont-Saint-Esprit et Avignon. 

Vue_sommets_Alpes 2017 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Chabe01

Quant au passage des Alpes, autant l'empreinte laissée par Hannibal et ses éléphants reste forte dans les esprits, autant le mystère demeure concernant l'itinéraire et le passage d'un col donnant sur la Gaule Cisalpine, la plaine du Pô habitée par des Celtes, des Gaulois... l'Italie n'était pas si romaine encore que cela... 

L'Occitanie, les rivières qui vont vers le fleuve et la Méditerranée, les flux de tant d'écrivains provençaux, l'Histoire que parasitent sensations et souvenirs personnels, ouvrent le champ des possibles pour cette part du Midi, du Sud, faisant passer du climat des cigales aux eaux vives et aux neiges des montagnes. La grande aventure du train y prend aussi sa part, notamment grâce à ce magnifique auteur qu'est Henri Vincenot (1912-1985), bourguignon, pas occitan pour vingt sous sans que cela accrochât quelque part, au contraire... Les personnages emblématiques sont universels, sont à tout le monde, surtout parce qu'ils s'ouvrent aux autres, sans distinction, ce qui ne peut que valider l'ouverture en grand, à l'opposé d'un repli sur soi mortifère ou consistant à tout ramener à soi (Paris, si tu nous lis...). À force de pression, nous en sommes arrivés à ingérer des propositions lapidaires de « France périphérique », de « diagonale du vide », pire, de « “ désert ” français » ! Nos chers professeurs de géographie auraient-ils contribué à imposer ces décrets laconiques (à corps défendant, j'espère), sans contrebalancer, avec l'évocation des petites villes, de tous ces foyers si nombreux de vie sociale, artistique, intellectuelle, de culture populaire, ces partis pris restent banals et boiteux ? À nous de ne pas rabâcher tels des zombies !  (à suivre). 

dimanche 29 octobre 2023

Encore DAUDET Alphonse... sur la Camargue, pour toujours.

Qui essaie de cultiver un art se nourrit de tout ce qui s'est fait avant lui comme un arbre se nourrit des couches de feuilles mortes des saisons passées sans lesquelles il lui serait impossible de pousser...

Arles 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Chensiyuan

Arles est à l’entrée du delta, sur le bras principal du fleuve alors que le Petit Rhône, lui, en amont de la ville, est déjà parti divaguer vers l’ouest, vers Saint-Gilles. Dans sa  lettre ” « En Camargue », Alphonse Daudet nous livre quelques impressions liées au delta d’un temps où le vapeur assurait le service dès le matin :

«... Avec la triple vitesse du Rhône, de l’hélice, du mistral, les deux rivages se déroulent. d’un côté c’est la Crau, une plaine aride, pierreuse. de l’autre, la Camargue, plus verte, qui prolonge jusqu’à la mer son herbe courte et ses marais pleins de roseaux... /... 

Camargue 2017 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Jac. Janssen from Baarlo lb. NL


Saladelles de l'Étang de Vendres 2016

Les terres cultivées dépassées, nous voici en pleine Camargue sauvage. À perte de vue, parmi les pâturages, des marais, des roubines, luisent dans les salicornes. Des bouquets de tamaris et de roseaux font des îlots comme sur un mer calme. pas d'arbres hauts. L'aspect uni, immense, de la plaine, n'est pas troublé... /... Comme de la mer unie malgré ses vagues, il se dégage de cette plaine un sentiment de solitude, d'immensité, accru encore par le mistral qui souffle sans relâche, sans obstacle, et qui, de son haleine puissante, semble aplanir, agrandir le paysage. Tout se courbe devant lui. Les moindres arbustes gardent l'empreinte de son passage, en restent tordus, couchés vers le sud dans l'attitude d'une fuite perpétuelle... »

Et sur le Vaccarès, l’étang le plus grand et le plus emblématique de la Camargue :

«... le Vaccarès, sur son rivage un peu haut, tout vert d’herbe fine, veloutée, étale une flore originale et charmante : des centaurées, des trèfles d’eau, des gentianes, et ces jolies saladelles bleues en hiver, rouges en été, qui transforment leur couleur au changement d’atmosphère, et dans une floraison ininterrompue marquent les saisons de leurs tons divers... »  

Étang_de_Vaccarès martelhières 1964 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Dr Mary Gillham Archive Project

Va pour les centaurées, les gentianes maritimes mais pour les saladelles, monsieur Daudet, vos détails ne peuvent que laisser interdit un natif du delta (serait-ce celui de l’Aude) : même pour la variante audoise de la saladelle (limonium narbonense) la couleur varie du bleu au mauve pour une floraison en fin d’été ! Alors seuls des Parisiens peuvent se pâmer en imaginant des saladelles rouges, en été qui plus est ! 

S’il s’agit peut-être d’une confusion avec les salicornes qui rougissent mais en hiver, ce qui est sûr est qu’Alphonse Daudet, aspiré par la capitale (nous parlions de Pergaud, dernièrement, monté lui aussi à Paris), ne peut éviter l’écueil du détail inexact !
S’il a su parler néanmoins de Nîmes, de la Provence rhodanienne, parce qu’il y a passé les neuf premières années de sa vie (et peut-être trois ans comme répétiteur au collège d’Alès après la ruine de son père alors que la famille était installée à Lyon), il n’est plus du Midi... les dernières lignes des Lettres de mon Moulin en attestent :

«... Et moi, couché dans l’herbe, malade de nostalgie, je crois voir, au bruit du tambour qui s’éloigne, tout mon Paris défiler entre les pins...
Ah ! Paris... Paris !... Toujours Paris ! »

Si l’erreur est humaine, perseverare diabolicum se doit-on d’ajouter même si, pour tout ce qu’il a su offrir de beau, notamment dans ces Lettres de mon Moulin, on ne peut que pardonner. Vivre c'est aimer. Merci, monsieur Daudet ! 

mercredi 25 octobre 2023

ODE AU-DELÀ DU DELTA... / Rhône, Aude, Llobregat, Èbre

 « ... Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »

Sensation, Arthur Rimbaud (1854-1891).

Le Rhône embrasse ses îles et pousse les terres de Camargue vers le sud, et pas seulement dans sa propre limite. La situation climatique, entre hautes pressions au nord et la situation dépressionnaire due à la Méditerranée, mer chaude, une situation à l’origine de violents transports d’air entre les deux états ; le Mistral, les Cers, liés aux couloirs rhodanien, audois, de l’Èbre en Catalogne, en forment les porte-bannières tandis que, plus généralistes, les tramontanes, comme le nom l’indique, descendent des montagnes. Transports d’alluvions aussi, tirées des montagnes, venues combler les avancées de la mer. La géographie, en effet, duplique le schéma camarguais d’engraissement avec ses lagunes et lidos, d’érosion, aussi, de la côte. 

Du Rhône à l'Èbre.  Atlas Classique, Schrader & Gallouédec Hachette 1953


A quatre cents kilomètres, chez nos frères de Catalogne, c’est l’Èbre qui avance ses bras dans cette même Méditerranée Occidentale. Entre les deux, le Llobregat comme épongé par Barcelona (1) mais réservant encore des espaces naturels intéressants. Et, pardon de le mettre en avant « parce que c’était lui, parce que c’était moi », si présent dans ce qu’il a de sanguin, de sudiste, d’occitan, le fleuve qui continue d’échapper aux hommes venus le dompter, l’Aude qui rendit l’île de la Clape au continent, la “ rivière ”, redoutée mais familière des Pérignanais de toujours, l’Atax d’un delta aussi caché que mystérieux... 

(1) si quelqu’un peut préciser pour le Riu Fluvia (Golfe de Roses) ainsi que le Riu Tèr d’une trilogie catalane lexicale : Têt, Tech, Tèr... Sinon on parle du Mistral, du Cers du Rhône à l'Aude, de Mestral, Magistrau, des Cerç ou encore Çerç, de Tarragona à l'Ébre. 

samedi 9 septembre 2023

LES-SAINTES-MARIES-DE-LA-MER (1).

Bac du Petit Sauvage sur le Petit Rhône 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Auteur sjdunphy
 

Dans les années 60, nous y sommes allés visiter des amis. Sur la route du bac du Petit Sauvage, pratiquement à l’arrêt, la Dauphine a glissé vers le fossé... Ne me demandez pas dans quelles circonstances : nous n’avons retenu que le mot de ma grand-mère Ernestine que nous avions emmenée : « Aro, i sen ! » (maintenant on y est). Il me semble qu’on s’en est sorti sans dommage.

Au loin, le clocher-mur imposant de l’église des Saintes. Si proche de la côte, fortifiée, rappelant, plus bas sur le Golfe, la cathédrale de Maguelone, elle symbolise une résistance de longue haleine, conduite d’une main de fer par la chrétienté face aux razzias des Sarrasins. Édifiée aussi entre les XIe et XIIe siècles, c’est au XIVe qu’elle est transformée en forteresse dotée de meurtrières, d’un donjon, contre la menace des pirates barbaresques. Les habitants y trouvent refuge (un puits a été creusé) tandis que le toit bordé de créneaux et machicoulis permet aux défenseurs de contenir les assaillants.

Années 60, au transistor, on entend  : 

« ... Magali, Magali,
Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part
Parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare?
Magali... » Robert Nyel 1962.

Tout y est : le refrain en occitan "... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali...", les gitans, le soleil qui rend fou ; en prime, l'évocation de la grande steppe de la Crau, créée par la Durance, encore une fille folle de Provence. 

Années 1850, c’est ici que Frédéric Mistral vient faire mourir Mirèio venue implorer les Saintes. Une statue le rappelle. Par ailleurs, il note la présence des gitans au pèlerinage, celui des trois Maries s’étant substitué à un culte antique aux trois Matres de la fécondité. L’église recèle un autel païen du IVe siècle avant notre ère ; même le rite lié à Sara la Noire est antérieur à la dévotion témoignée par des gitans d’abord tolérés mais qui, depuis, enchantent un pèlerinage dont ils forment le principal attrait. 

Campement_gitan_aux_Saintes-Maries-de-la-Mer_en_1927 Domaine Public Wikimedia commons


lundi 4 septembre 2023

LA PETITE CAMARGUE.

Camargue,_Petite_Camargue_et_Parc_naturel_regional Author ChrisO, revision by Ulamm (talk)

Parler de la Petite Camargue, c’est aussi considérer les paysages de lagunes tout au long du Golfe du Lion et si nous nous en tenons aux fleuves remarquables à l’origine de deltas gagnant sur la mer, entre la puissance du Rhône et la longueur de l’Èbre, l’Aude, nonobstant sa modestie initiale, mérite une mention. Le Rhône, hors catégorie, transporte 20 millions de tonnes de sédiments, l’Èbre 3 millions de tonnes, l’Aude, un des fleuves les plus travailleurs de France, 4 millions de tonnes. Ces apports respectifs ont créé et façonné des deltas : 2000 km2 pour le Rhône (Camargue et Petite Camargue), 370 km2 pour l’Aude de part et d’autre de l’ancienne île de la Clape, 300 km2 pour l’Èbre en Catalogne. 

Vignes_et_chapelle_en_Petite_Camargue the Creative Commons Attribution 2.0 Generic Auteur tristanf

Rien ne distingue la Petite de la Camargue elle-même ; géographiquement, c’est toujours le delta du grand fleuve, un de ses bras venant jadis jusqu’à l’Étang de l’Or, donc aux abords de Mauguio ; naturellement, de la Haute à la Basse, des Costières du Gard aux dunes de l’Espiguette, du sec aux eaux douces jusqu’au salé de la Méditerranée en passant par le saumâtre et partout ce qui nous reste du merveilleux offert par les oiseaux, migrateurs ou sédentaires des zones humides ; humainement, puisque les Hommes ont accordé leurs moyens de subsistance à ce que permettait la Nature : en gros, du nord au sud, asperges, pêches, abricots, raisins, blé, riz, avant l’élevage des moutons s’opposant à celui, plus typique, des chevaux blancs et des taureaux noirs... Parce que la Naciou Gardiano, la Nation Gardiane marque de ses rites les sables, les lagunes, non seulement de la Camargue mais de tout le Golfe du Lion occidental, y compris les étangs du Roussillon ; les murs blancs de chaux, les toits de sagnes, les roseaux et canisses, les cabanes, maisons si on veut, entre terre, eau et ciel se déclinent jusqu’au delta de l’Èbre, de même que les manades respectueuses de l’interpénétration, de l’osmose entre humains, nature et éléments. 

samedi 2 septembre 2023

AIGUES-MORTES.

Une impression d’abord : des étangs paisibles essaient, non sans peine, de contenir les colères du Vidourle et du Vistre ; l’homme entrepreneur, entremetteur, a, de sa patte, de ses canaux creusés, marié ces eaux grâce au vieux Canal de Bourgidou vers le Petit Rhône et, plus récent, le Canal du Rhône à Sète. Quant au chenal maritime du Vistre, c’est la mer qu’il joint au Grau-du-Roi... Ne dit-on pas que Saint-Louis voulait un port pour ne plus dépendre des marines italiennes ? Entre la Provence à l’Est, l’Empire à Marseille, le roi d’Aragon à Montpellier, Raymond VII de Toulouse à Agde plus au sud, il ne dispose que de ce débouché étriqué. Aux tractations et échanges avec les moines, succèdent, pour garder la possibilité d'embarquer, l’utilisation du Grau Louis suite à l’ensablement du chenal (sur la Grande-Motte aujourd’hui) ; suivent aussi les constructions des tours Carbonnière (en dehors de la ville) puis de Constance. Des franchises incitent une population dont des marchands à s’installer. En 1270 Louis IX embarque pour sa seconde croisade (la huitième) : elle lui sera fatale. Après lui, le fils s’attellera à la construction des remparts (terminés trente ans plus tard par Philippe IV le Bel qui y fera soumettre les Templiers à la question)...  

Les chenaux envasés, la malaria due aux marécages, la concurrence des autres ports causèrent la mort lente de la ville qui ne survécut qu’en tant que place forte et que grâce à l’exploitation des salins. 

Aigues-Mortes,_France_2022  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Gilbert Bochenek

La petite ville fortifiée de Camargue, même qualifiée de « Petite », en souvenir du bras de Saint-Gilles faisant aboutir une part du Rhône plus à l’ouest, dans l’Étang de l’Or (Mauguio), reste liée à bien des persécutions : les fortifications ne restent pas cantonnées à la défense passive, les remparts, les tours expriment aussi les violences que la force peut générer :

* l’emprisonnement et la torture des Templiers par Philippe le Bel (1307).

* le massacre par les Armagnacs de nombreux Bourguignons, alors alliés aux Anglais (janvier 1421) ; malgré l’hiver, les cadavres empestent ; la crainte d’une épidémie les fait jeter et empiler entre des couches de sel dans la tour sud-ouest dite « Tour des Bourguignons » !

*  l’emprisonnement de femmes dites hérétiques suite à la Révocation de l’Édit de Nantes (1685), dont Marie Durand, fille de pasteur, enfermée pour 38 ans alors qu’elle n’en a que 19.

* Plus grave encore car, plus récent, datant de 1893, aux Salins-du-Midi, dans un contexte de chômage et de tensions entre les Aiguesmortais, les “ Ardéchois ” (paysans de l’intérieur), les trimards (vagabonds embauchés) d’une part et les Italiens (Piémontais) de l’autre, le massacre de sept de ces derniers par les trois autres groupes malgré la présence des gendarmes (une cinquantaine d’Italiens en garderont des séquelles à vie). S’ensuivit un scandale judiciaire puisqu’un acquittement général fut prononcé par un tribunal éloigné, côté atlantique.

Aujourd’hui, loin d’être racornie par un passé aussi lourd, Aigues-Mortes vit un présent de gros bourg du Midi avec une place ombragée où les locaux se retrouvent sans se formaliser des touristes dans les rues. François-René de Chateaubriand (1768-1848) n’y vit qu’ « un vaisseau de haut bord échoué sur le sable où l’ont laissé Saint-Louis, le temps et la mer », une vision en accord, il me semble, avec le caractère triste et austère du personnage, sinon, c'est que la ville donnait alors une impression morose.  

AIGUES-MORTES 2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Hyppolyte de Saint-Rambert

mardi 29 août 2023

LE-GRAU-DU-ROI.

Bien que le Rhône forme la limite administrative, le repère géographique par excellence, avec Nîmes à l’intérieur des terres, Le-Grau-du-Roi, Aigues-Mortes sont déjà dans l’aire provençale.

Avec la station balnéaire du Grau-du-Roi, nous passons de l’Hérault au Gard.

En gros, là où, à la latitude de Montpellier, la géographie vient plaider pour Charles Trénet qui aurait pu honorer en particulier « son » Golfe du Lion plutôt que de diluer son sentiment pour « ...les golfes clairs... », sous l’appellation de mon point de vue impropre de « golfe », sont-ce des baies ? des anses ? des culs-de sac marins ? Le fait est que bien que ne pouvant se comparer en aucune façon au Golfe ouvert du Lion, les cartes témoignent du ridicule induit par les appellations « Golfe d’Aigues-Mortes », « Golfe des Saintes-Maries ou de Beauduc », qui plus est sur une côte dépendant entièrement du pouvoir des eaux, tant celles du delta du Rhône, à l'ouest, gagnant sur la mer que celles des courants marins à l’effet contraire. Pour celui d’Aigues-Mortes, la raison historique prévaudrait puisque c’est de cet unique port royal (théorique car déjà dans les terres) que Louis IX embarqua lors des Croisades et que Le-Grau-du-Roi, bien que lié à Henri IV, n’existe en tant que commune que depuis 1879. Concernant Beauduc, demeure le mystère... Anonymes presque, ces golfes ne pouvant répondre aux critères qui font la renommée de baies incomparables... Guanabara, Along, Diego... trop ouverts, golfes sans la célébrité liée à ceux de Napoli ou de Salerno... mais non sans charme... au moins reconnaissons leur ce mérite. Il est vrai que certaines bizarreries plus marquantes jalonnent la géographie, dont le nom des cours d’eau « usurpés » malgré la longueur ou le débit, c'est le cas notamment de la Seine, de la Saône, pour rester dans l'hexagone.    

Le Grau : au début étaient des cabanes de pêcheurs aiguemortains avant qu’un grau naturel ne vienne crever le cordon de sable plus à l’ouest du débouché initial d’Aigues-Mortes. Malgré les aménagements touristiques suite au plan Racine, la localité a su garder son cachet camarguais. 

photo autorisée Auteur Hyppolyte de saint-Rambert


Les images cartes postales du Grau-du-Roi sont celles du chenal maritime du Vidourle avec un bateau de pêche, chalutier ou thonier, sinon une passe de jouteurs. Au second plan, le quai, puis, derrière, le phare qui, faute d’avoir gardé la haute main sur les bateaux au large, chaperonne toujours ses abords. (à suivre)