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mercredi 16 octobre 2024

PROVENCE RHODANIENNE (8) Pour solde de tous contes (1)...

Un huitième volet pour constater que les sept précédents auraient tout dit ? Serait-ce, au contraire, conclure avec des résidus sinon garder le meilleur pour la fin ? Il est vrai qu'après la géographie, l'Histoire, le Mistral, la mythologie, la religion, le roman, le gothique, les moutons, ânes, chevaux, les mules, malgré une présence plus marquée de Bosco et surtout de Daudet, c'est à peine si nous avons abordé le monde de la création, de l'art, l'unique dimension permettant de se dépasser, d'exalter l'homme jusqu'à un « H » majuscule si improbable tant sa nature profonde est vile... 

Alphonse_Daudet Domaine public Auteur Étienne Carjat (1828-1906)

Alors oui pour un huitième volet. Et puisque avec Robert Miras et Hugues Aufray, nous avons évoqué la chanson, (rabaissée au niveau de chansonnette par des débineurs élitistes agacés, fermons la parenthèse), comme nous avions relevé le petit cabanon ou l'adieu à la « Venise Provençale », 1934, de Vincent Scotto (1874-1952), « Magali », 1962, de Robert Nyel (1930-2016), avec le refrain en provençal « ... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali... ». Quelles paroles ensoleillées encore ? Qui encore ? Et qui aidera à étoffer le peu me venant à l'idée ? 
Gilbert_Bécaud_in_Rome 1972 Domaine public Auteur inconnu.

D'une manière générale, Mireille Mathieu (1946), Michèle Torr (1947), plus subjectivement, « Les Marchés de Provence », 1957, de Gilbert Bécaud (1927-2001) et Michel Sardou (1947) au moins pour « Je viens du Sud » 1981 (si bien reprise par Chimène Badi). 

Pour le reste, terme si euphémistique pour désigner les artistes, surtout en lettres, qui ont marqué de leur présence cette Provence du Rhône, de naissance et de vie sinon par choix personnel, pardon pour de si maigres ressources, déficientes, si subjectives, loin d'être exhaustives, là seulement manière de dédouaner, devant suivre un fil conducteur, faire illusion. 

Considérant en gros le Comtat depuis les enclaves aujourd'hui dans la Drôme, d'abord, proche de Valréas, le village de Grignan, à cause de la comtesse éponyme (1646-1705), restée dans les mémoires pour les centaines de lettres adressées par sa mère, Madame de Sévigné, la marquise (1626-1696) (Mère et fille décédèrent toutes deux à Grignan) ; une correspondance d'une rare modernité, ouverte sur le siècle du Roi Soleil. 

Max_Gallo salon du livre Paris 14_mars_2009 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur ΛΦΠ

Max Gallo (1932-2017), atteint par la maladie de Parkinson, meurt à Vaison-la-Romaine. Sa vie, sa trajectoire peuvent se comparer à ce que la France a vécu. De parents pauvres immigrés du Piémont, à force de volonté, il illustre un ascenseur social qui ne progresse dans les étages qu'à condition de tirer soi-même sur la corde. Titulaire d'un CAP de mécanicien-ajusteur, il est passé au doctorat et à l'agrégation d'Histoire. Politiquement, suite à un moment communiste, il se révèle jusque dans les hautes sphères socialistes, auprès de Chevènement, de Mitterand, pour, finalement, soutenir Sarkozy en 2007... un passage peut-être sinon effectif entre les illusions de gauche et une réalité restée droitière... De l'auteur prolifique de plus d'une centaine d'ouvrages, romans, suites historiques, de l'académicien, je retiens le « vivre au pays », qui, dit-on, depuis le lycée où il était maître-auxiliaire, le faisait partir aux vacances pour une longue diagonale à destination de Nice, en vespa ! Et son séjour à Vaison, sa tombe à Spéracèdes auprès de ses parents, n'ouvrent-ils pas sur un questionnement à propos du Midi dans ses versions azuréenne sinon rhodanienne ? (à suivre)

mercredi 22 mars 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (5) / ratés existentiels

Un avion l’emporte vers « la fille qui l’accompagne » et leur fils, loin d’un passé qui le rattrapait et qui, parce que les circonstances sont très particulières, continue de lui coller aux basques. 

Les saladelles, symptômes ô combien lancinants de cette langueur méridionale, de cette nostalgie plus saudada portugaise, plutôt añoranza ibère, mâle, rauque, cambrée, arquée sur l’être qui manque, plus couteau dans la plaie que proche du mal à vivre des spleens nordiques. Ce mal insidieux, instillé par des rafales folles, qui déboussole, fait perdre la raison, ronge jusqu’à détruire à force de colères, de révoltes, ferments d’autant de folies, passagères des vents fougueux que le ventre chaud de la mer attire. Le caractère des Languedociens s’en ressent, c’est sûr.   
Sous les trains de nuages qui courent vers le Golfe, les saladelles, en faisceaux, en réseaux de tiges s’accommodent du Cers furieux passant à travers. L’été passé, il s’est interdit de penser, tant il se trouvait ridicule, en s’arrêtant, pour des photos, à ces mêmes tamaris qui le virent arriver jadis. Pourquoi revenir sur ces pages de vie si ancienne ? Il venait alors conter fleurette à la fille du régisseur d’un domaine qu’il avait connue en embouteillant  du gris de gris. Lydie, elle s’appelait. Elle avait le chic pour coller les étiquettes bien droit. Elle ne pouvait guère rester plus d’une demi-heure. Si quelques bribes de mémoire lui sont revenues en chargeant les photos, le déclic des vendangeuses revient en analepse sur le lycéen qu’il fut. Les tamaris sont témoins de baisers seulement : c’est vrai qu’elle ne lui laissa pas caresser ses seins, le jour où il essaya de les toucher, effleurant seulement, pour être moins bête, comme disaient les copains, et surtout pour contredire sa stratégie de chevalier servant ne valant pas tripette si rien ne transcendait la rencontre. Il aurait dû lui chanter :

«... Ma mignonne mignonnette, emmène-moi dans ton lit ! couche-moi dans ta couchette : il doit faire bon dans ton nid. J’ai tellement voyagé, j’ai tellement connu de dames. Je suis très très fatigué... Tu apaiseras mon âme  Chante chante rossignol trois couplets en espagnol, tout le reste en anglais... » 

https://www.youtube.com/watch?v=k0ii2LoVXQ4 « Le rossignol anglais » Hugues Aufray. 1965. 


Elle lui tapa la main d'une claque catégorique. Le platonique ne mène à rien. Les remords valent mieux que les regrets. Au fait, au cinquième soir, quand elle lui dit qu’elle ne viendrait plus, il en conclut que finalement, une sainte nitouche aux petits seins ne valait pas, après la journée de vendanges, dix-huit kilomètres à vélo, même en fredonnant pour elle, pédalage aidant « Les filles sont jolies quand le printemps revient... »

https://www.youtube.com/watch?v=-mR4h0-4H88 « Dès que le printemps revient » H. Aufray (Scopitone ! 1964)

Elle devait rejoindre sa pension. Ils échangèrent quelques lettres, amicales, sans plus, jusqu’à celle qui parlait du garçon rencontré à la fête du village. Vexé, défait de devoir encore endosser le rôle de confident transi, il ne répondit pas. Le fil était coupé. Cette quatrième ou cinquième et ultime lettre doit être rangée dans la boîte à biscuits.
Poursuivra-t-il pour autant cette introspection intime ? Rien n’est moins sûr.  
 

Une ligne droite dans le sable, la frontière du Soudan. Les premières lueurs vont bientôt fondre sur Harar, loin au levant, sur l’aventurier trafiquant qui ne veut plus savoir quel grand poète il fut. Sur l’Erta Alé aussi, naissance d’un nouveau monde. 

Une autre campagne, (est-ce un camping aujourd’hui ?) porte ce nom de « Domaine du Nouveau Monde », avec ses vignes des sables, au pays des roselières et des saladelles bleues. Pour dire que ce lido, le rattachement de l’île de la Clape sont dus au travail obstiné de l’Aude dans son delta originel. Fleuve bien né, de la race des grands, en toute modestie petit frère du Rhône au Nord, de l'Èbre plus au Sud. 


Les saladelles, appelées aussi et ce, sans aucun lien entre espèces de fleurs,  "lavandes de mer", "immortelles bleues", porteraient-elles aussi, dans les terres gagnées par l’Aude, le nom de « vendangeuses » ? Les siennes de « vendangeuses », il les associe aux filles du Sud. Miréio l’Arlésienne, partie aux Saintes-Maries-de -la-Mer prier qu’on lui laisse Vincens son amoureux. C’est dans la sansouire aux saladelles que l’insolation va la mener à la mort. Bien sûr, le delta de l’Aude n’est pas celui du Rhône ni celui du Pô, mais entre les villages et les grands domaines, tant d’histoires d’amour ont dû fleurir aussi ! Et avec un brin d’imagination, il s’approprie la Camargue de Magali.

https://www.youtube.com/watch?v=ScccxoEgF2U / Magali / Robert Nyel 1962.

«... Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part, parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare ? ».. Et le soleil, allié des souffles puissants, si dangereux «...E lou souleu de la Camargo mi fa tan mau au foun d'au cor... Sous le soleil de la Provence ma tête est prête à éclater... ».