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mardi 2 septembre 2025

Voyage Fleury Mayotte (5)

« [...] Pour cette cinquième lettre de la rafale, ce sera une page de géographie avec le souvenir des profs qui me l'ont faite aimer. 

Projecteurs allumés, l'avion roule sur le taxi-way ; dans les faisceaux de lumière crue, les petits lapins d'Orly en sont à la balade du petit matin, nullement effrayés par le grondement des réacteurs ; un, deux, trois... vingt petits cucus blancs puis la piste d'envol, plus large, ne permet plus de les voir dans les herbes. Décollage. Pavillons, lotissements, autoroutes, guirlandes de phares jaunes et de feux rouges se font plus petits, les tentacules de Paris se déroulent sous nos ailes. Collé au hublot, je me contorsionne pour voir l'oeil de la pieuvre, pardon de rabaisser ainsi la Dame de Fer si extraordinaire, la tour Eiffel reste hors de vue. 

Cap au sud-est. La lumière du jour levant nous inonde alors que, saupoudrée de givre, la campagne environnante sort à peine de la nuit. Est-ce le Morvan ? un lac sinon un étang providentiel miroite, j'en dessine la forme peut-être à identifier sur les cartes si la distorsion le permet. 

Songeur à l'idée que, comme à l'aller (1), un réacteur pourrait nous lâcher, j'apprécie d'autant plus ce voyage ; mon siège est dans le nez de l'appareil, seules dix places sur les trente-trois sont occupées (non fumeur), la liberté de mouvement en bénéficie, j'en profite après la sinueuse coulée de brouillard épousant le lit du Doubs... officiellement appelé « Saône » puis une mosaïque d'éclats : les étangs de la Dombes réfléchis dans le matin clair comme autant de débris de miroir. L'Ain, le Rhône, les calottes enneigées du Jura défilent, le commandant de bord annonce le lac de Genève et le Mont blanc à gauche ; à tribord, le lac du Bourget, le sillon du Grésivaudan. Les Alpes, un relief de chantilly pour omelette norvégienne... terrain de jeu pour Lilliputiens ! « Que c'est petit ! » disait la chèvre de monsieur Seguin (sans accent svp). Évasions vers le Cervin, l'Eiger, la Jungfrau... 

Hyères Côte d'Azur 2007 NASA ISS015 Domaine public

« Désirez-vous du thé ou du café ? », un cappuccino eût été de circonstance avec le Pô et les lacs italiens au programme. Petit déjeuner méthodique mais la tête est ailleurs. Cachés sous les frimas, le Piémont, Milan, le lac Majeur de Mort Schuman. Aussitôt après, la lumière méditerranéenne n'en paraît que plus éclatante ; de la Riviera aux îles d'Hyères la côte se découpe avec netteté, plus au large la mer brumeuse  se dérobe à la vue. Émotion pour mon fils aîné, pour la courbure vaporeuse du Golfe du Lion au loin ; dans l'alignement de Ventimille, un capuchon de neige : Aigoual ? Monts de Lacaune ? La courbure de la Terre est trompeuse ; par contre, ce trait blanc de corrector à l'horizon, sans risque d'erreur, les Pyrénées, et si c'est mon cœur qui interprète, tant pis, la géographie s'en accommodera ! 

Corse-photosat décembre 2001 NASA Domaine Public

La Corse resplendit au soleil, la Mer Thyrénienne est dégagée, le sillage d'un navire se distingue aisément, Bastia profite des premiers rayons, le Cap Corse, l'étang de Biguglia invitent aux vacances ; la montagne a pomponné ses sommets de poudreuse, après les Alpes, le Monte Cinto, le Rotondo prennent la pose, la mer leur offre un écrin magnifique. 

23 h 35, ce sera tout pour aujourd'hui. Dodo. Le vent de Nord-ouest a encore amené une averse. La nuit est calme, il fait bon (25,5°). Pas de rat mais quelques moustiques. 

Bonne nuit, à demain, votre fils JF.        

(1) après seulement 45 minutes de vol (aux abords du cap d'Ambre, Nord de Madagascar), un des quatre réacteurs d'un même B747 a cessé de tourner, le commandant de bord a annoncé le retour sur La Réunion, ce qui a nécessité le largage dans l'océan de 90 ou 100 tonnes de carburant. Pour nous, une soirée et nuit à l'Hôtel des Mascareignes alors mis en avant en tant que littoral tropical...    

vendredi 27 septembre 2024

Par la DURANCE vers l'ITALIE... (1)

1. Hannibal, le Rhône, les Alpes, Gaulois, Romains... 

Punique, la deuxième, cette énième guerre... Rome, Rome, Rome : sur les bancs du collège, seule Rome a droit de cité, d'être citée ; Carthage ne doit d'être mentionnée qu'en tant que puissance vaincue et détruite. « Delenda est Carthago », pour le plaisir rhétorique des racines latines, la formule scandée par Caton l'Ancien, au début sinon à la fin de ses discours, quels qu'en fussent les sujets : Carthage devait être détruite... Si Hannibal n'avait pas remonté les côtes ibériques puis le littoral du Golfe du Lion pour porter la guerre en Italie, le renom de ce célèbre général, relevé par ses éléphants, n'aurait jamais éclairé la destinée de Carthage. Mais pour aller au devant des Romains, trois barrières forment obstacle : un fleuve, le Rhône, des montagnes, les Alpes, et les Romains, débarqués à Marseille, qui ferment la route côtière, soutenus, sur le fleuve, par des tribus gauloises.  


Hannibal's_army_crossing_the_Rhone 1878 Domaine public Auteur Henri Motte (1846-1922).

Pour passer le Rhône, il y a le débit du fleuve mais aussi, de l'autre côté, ces tribus gauloises alliées aux Romains, qui défendent la rive. La configuration du lit et des îles ne pouvant être celle de 2250 ans en arrière, il est admis que, suite au passage préalable de Hannon, un des commandants d'Hannibal (chargé de redescendre attaquer l'ennemi sur l'autre rive), la traversée fut possible entre les confluences avec l'Ardèche au nord et la Durance au sud, en gros, entre Pont-Saint-Esprit et Avignon. 

Vue_sommets_Alpes 2017 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Chabe01

Quant au passage des Alpes, autant l'empreinte laissée par Hannibal et ses éléphants reste forte dans les esprits, autant le mystère demeure concernant l'itinéraire et le passage d'un col donnant sur la Gaule Cisalpine, la plaine du Pô habitée par des Celtes, des Gaulois... l'Italie n'était pas si romaine encore que cela... 

L'Occitanie, les rivières qui vont vers le fleuve et la Méditerranée, les flux de tant d'écrivains provençaux, l'Histoire que parasitent sensations et souvenirs personnels, ouvrent le champ des possibles pour cette part du Midi, du Sud, faisant passer du climat des cigales aux eaux vives et aux neiges des montagnes. La grande aventure du train y prend aussi sa part, notamment grâce à ce magnifique auteur qu'est Henri Vincenot (1912-1985), bourguignon, pas occitan pour vingt sous sans que cela accrochât quelque part, au contraire... Les personnages emblématiques sont universels, sont à tout le monde, surtout parce qu'ils s'ouvrent aux autres, sans distinction, ce qui ne peut que valider l'ouverture en grand, à l'opposé d'un repli sur soi mortifère ou consistant à tout ramener à soi (Paris, si tu nous lis...). À force de pression, nous en sommes arrivés à ingérer des propositions lapidaires de « France périphérique », de « diagonale du vide », pire, de « “ désert ” français » ! Nos chers professeurs de géographie auraient-ils contribué à imposer ces décrets laconiques (à corps défendant, j'espère), sans contrebalancer, avec l'évocation des petites villes, de tous ces foyers si nombreux de vie sociale, artistique, intellectuelle, de culture populaire, ces partis pris restent banals et boiteux ? À nous de ne pas rabâcher tels des zombies !  (à suivre). 

dimanche 21 août 2022

La GEOGRAPHIE modèle les HOMMES.

Juste une poignée (18 août 2022)

Vision depuis l'embouchure de l'Aude ; fin de ce panorama en partant des Pyrénées plongeant dans la mer, avec le Lauragais et le Tarn, avant le demi-tour vers le sud pour cette pêche aux tenilles... alors les pensées et l'imaginaire se tournent vers le nord du Golfe, la Provence, son haut-pays et au-delà...  

Saint-Felix-Lauragais wikimedia commons Auteur Asabengurtza

Le Lauragais de la polyculture, des volailles de grain, d’une humanité paysanne des années (50-60) si bien retracée par Sébastien Saffon (roman " Ceux de la borde perdue "). Loraguès aussi d’un cassoulet historique à Castelnaudary. Seuil de Naurouze, pays de cocagne pour le pastel où les moulins tournaient au vent marin devenu d’autan à l’intérieur des terres... Les rigoles de la Montagne Noire qui alimentent le Canal du Midi.

Ce tour d’horizon se termine avec le Tarn « en haut », la vallée du Thoré pour ses laines et le cuir, Mazamet connue internationalement pour sa renommée industrielle et Laurent Jalabert, champion cycliste... Castres pour son rugby et Jaurès, Lautrec, un patronyme que nous retrouverons, plus proche de notre village alors que là-bas, c'est pour un ail rose si doux en bouche.

Libre de plonger dans un panorama sans fond, dans de l’eau pourtant peu profonde, c’est inouï d’être ainsi emporté dans une exploration à côté, plus pittoresque et enrichissante qu’une vacuité de plage à cocotiers... non, je suis partial : à Mayotte aussi une culture ancienne est plus que respectable... " Chaque homme est une histoire universelle " disait Jules Michelet !

Comme le cheval dans la vigne, à un moment donné, au bout de la rangée, il faut tourner dans l’autre sens, surtout si l’instinct dit de revenir sur un possible banc de coquilles, reprendre le piétinement, s’aider de lents zigs et zags pour soulager les reins attelés à la lame qui fait geindre le sable. Tourner le dos aux Pyrénées bleues, au voyage en Espagne. 

Vers un nord toujours du Midi, quelque part à tribord, ce sont les collines de Pagnol, si cousines, par la géologie, par nature, de notre Clape. Avec la Provence, l’occitan vient, de son accent, de ses consonances, confluer avec la langue française même si le mariage entre la Durance et le Rhône n’a pas tenu, à cause des humains, pour l’économie mettant à mal la géographie (détournement des eaux), pour l’ethnocentrisme du français, langue du Jacobin dominant (qu’en est-il, chez nous encore, du romand dit francoprovençal ?). Et pourtant, ce n’est pas une ligne de crête des Alpes, montagne si présente pour l’Europe jusqu’aux Carpates de même nature, qui couperait l’entité occitane puisque la langue est officielle sur l'autre versant, dans les vallées italiennes !

Comme en pendant à l’Espagne, le cousinage avec l’Italie, le brassage avec l’immigration aussi, jusque chez nous bien que plus marqué de l’autre côté du Rhône, au point de figurer dans la littérature, la filmographie, je pense à Manon et aux charbonniers de Jean de Florette ; à Nice, les réseaux sociaux n’ayant pas que du mauvais, Bébert de Garibaldi, par ses dialogues avec sa mémé toujours en lui, fait beaucoup pour garder un parler niçard qui nous reste familier !

Et ce cinéma italien, aussi proche des méridionaux qu’il est distant avec l’Europe nordiste ! « Le Voleur de bicyclette » ou « La Strada », d’un néoréalisme touché par la vie difficile des pauvres, à la télé, parce qu’au cinéma la programmation préférait  divertir avec les péplums puis les westerns-spaghettis. 

La Durance vers Oraison wikimedia commons Auteur Wikicecilia

Pour passer en Italie, sur la route, Manosque de Jean Giono, Sisteron de Paul Arène... Le barrage de Serre-Ponçon (1), Briançon... Il est intéressant de constater que le Sud qui nous anime ne se limite pas à la façade méditerranéenne, Après les Pyrénées, les Alpes, pour Emilie Carles, Marcel Scipion et toujours la Durance descendant de là-haut.  05 Hautes-Alpes, 04, Alpes-de-Haute-Provence, oh la jolie appellation qu’on dit devoir à Jean Giono de Manosque. « L’eau vive », le film, on lui doit aussi. Comment ne pas se surprendre à fredonner « Ma petite est comme l’eau... » mise en musique et en chanson par Guy Béart. Comme la Durance « domptée » est emblématique des hommes triturant la nature à leur profit. En rejoignant Nyons par l’ancienne nationale venant de Gap, serait-ce en passant par la Drôme provençale, l’eau vive de l’Eygues fredonne de même en moi... 

(1) après une longue sécheresse, le lac a enfin vu son niveau au plus bas remonter de 20 centimètres (août 2022).