Avec Vedène, petite ville rappelant, certainement à dessein, faut demander à Daudet, ce coquin de Tistet Védène, tourmenteur de la brave mule du pape, la défense du provençal, de l'occitan, atteint une portée fétide, ne serait-ce que d'un point de vue personnel ; la primauté initiale donnée au fondamentalisme religieux dans la défense de la langue va pousser Marius Jouveau (1878-1949), capoulié du Félibrige, à promouvoir auprès de Pétain une pédagogie “ fédéraliste ” au sein de la révolution nationale... Une seule circonstance atténuante pour ce courant réactionnaire concernant ceux qui ont survécu dans leur chair à l'horreur de la “ Grande Guerre ”... Jouveau a réchappé à cinq années de mobilisation (1915-1919).
L'engagement culturel de Robert Allan (1927-1998), poète d'expression occitane, se démarque de cette vieille France... rance.
Velleron. Une mention pour Jean Frisano (1927-1987) créateur de milliers de couvertures (Tarzan, westerns...).
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En Avignon, à l'image du Rhône et de la Durance, confluent bien des courants culturels voire traditionnels. De la grande musique contemporaine à la chanson, Olivier Messiaen (1908-1992), Fernand Sardou (1910-1976) Mireille Mathieu (1946-), aux écrivains Henri Bosco (1888-1976), Pierre Boulle (1912-1994) non sans citer des “ électrons ” plus divers tels Jules-François Pernod (1827-1916) à ne pas confondre bien qu'également dans l'absinthe, avec les Pernod de Pontarlier ; sinon, en politique, Bernard Kouchner (1939-).
Or, pour avoir couché sur le papier une comparaison osée sur la Voie Lactée et ses planètes deux à quatre fois moins nombreuses que ses soleils, la ville d'Avignon fait tourner autour du Félibrige une génération spontanée de poètes satellisés, de Félibres défenseurs d'une vieille langue antérieure au français, l'occitan dans sa déclinaison provençale.
Né en Avignon, Paul Giéra (1816-1861), notaire poète, se trouve à l'origine, avec Joseph Roumanille (1818 St-Rémy-1851) et Théodore Aubanel (1829 Avignon-1886) d'un mouvement fortement appuyé sur un catholicisme de rigueur. Un conservatisme certain marque donc le Félibrige (Aubanel en paya le prix fort) : concernant la date de la fondation, plutôt que de mettre en avant le 21 mai 1854, c'est Estelle, la sainte du jour, qui est retenue.
La Copa Santa Louis Guillaume Fulconis, la Copa santa, copa d'argent que Balaguer oferiguèt à Mistral 2011 under the Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Author Capsot |
Sainte, sainte, sainte : en fait, ce mot seul interroge et stigmatise cet attrait, cette dévotion soumise à la religion, à l'Église, un mot qui vient pratiquement parasiter les circonstances qui ont vu nos félibres offrir l'hospitalité au poète catalan Victor Balaguer, exilé par la reine Isabelle II pour motif politique. Touché par le geste, Balaguer va offrir une coupe en argent aux Provençaux ; mis au courant avant le banquet, Frédéric Mistral (1830 Maillane-1914) compose la Cansoun de la Coupo qui répondra avec brio au discours passionné de Balaguer. Mistral, fédéraliste, est avant tout solidaire du poète catalan... Ils vont se la passer, cette coupe, emplie du vin de Mathieu, le compagnon de Châteauneuf-du-Pape, en chantant... De là à conforter dans les esprits que cette coupe est sainte... La chanson n'a rien de bigot mais se retrouve corsetée par tout un protocole. Les félibres conviennent qu'il faut être debout pour certains couplets, assis pour d'autres, que les applaudissements sont bannis, bref des conventions d'ancien régime afin d'affermir un pouvoir, un ordre social aussi guindés que séculaires... Néanmoins, reprise dans les tranchées de 14-18, la chanson est considérée par certains en tant qu'hymne occitan.
En dehors du fait que les circonstances ont rapproché un temps la Provence et la Catalogne, entre les terriens conservateurs du Midi et le prolétariat ouvrier catalan, l'anarchisme même début XXe, le clivage est certain : hors le fédéralisme, l'alliance ne pouvait être que culturelle entre langues sœurs. Est-ce cette dichotomie qui a finalement profité au chant plus fédérateur Se Canto, attribué à Gaston Fébus (XIVe s.), composé alors que la langue en deçà et au-delà des Pyrénées était la même ? (à suivre)
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