dimanche 27 septembre 2020

FONT-LAURIER, encore le même coteau / Fleury-d'Aude en Languedoc

En mars avec un soleil d'avril...
 (Suite du précédent article)

Mais je les emmène loin de Font-Laurier, une masure ou vivent des gitans. Du linge claque au vent sur une corde. Un parler ibérique rocailleux s'échappe de l'aire où des pierres et la cendre indiquent le foyer mais sur la route, nous passons vite ; dans le coin, nous restons loin. Surtout les gosses. Nous croyons percevoir les craintes et la méfiance du village à l'encontre de ceux qui lui sont étrangers. 

Les gitans bien qu'assez sédentarisés sont catalogués dans la liste des ramoneurs, rétameurs, aiguiseurs, vanniers, rempailleurs, marchands d'extraits de pernod, vendeuses d'aiguilles et de dentelles, diseuses de bonne aventure, peilharots (1)... Les villageois perplexes par rapport à une autre vie que la leur, fascinés aussi qu'ils sont par ce peuple du vent qui ne fait que passer, se butent et se défendent en leur taillant une réputation de voleurs de poules, de fruits et d'enfants, quand ce n'est pas pire. Et pourtant,comment ne pas se questionner quand depuis les coteaux, on entend l'annonce de l'appariteur pour l'arrivage de maquereaux sur la place du marché ou la présence de l'horloger de Lespignan au café Billès ? Manière de capter d'abord l'attention, l'annonce commence avec une chanson 

Gitans Wikimedia Commons scan old postcard Author Unknown early XXe
  

"D'où viens-tu gitan ?  
- Je viens de Bohême... 
- Et toi beau gitan ? 
- De l'Andalousie... 
- Et toi vieux gitan, d'où viens-tu ? 
- Je viens d'un pays qui n'existe plus..."
Les chevaux rassemblés le long de la barrière 
Le flanc gris de poussière 
Le naseau écumant 
Les gitans sont assis près de la flamme claire
Qui jette à la clairière, 
Leurs ombres de géants..."
 
Interprétée par Les Compagnons de la Chanson et aussi Dalida (1958). 

Chez les gens du voyage (Toulouse,1962) Wikimedia Commons Archives municipales de Toulouse Auteur André Cros
 
Oh ! comme j'imagine sans peine le feu sur l'aire de Font-Laurier, les chevaux au naseau écumant ! D'autant plus que passent encore, il est vrai, rarement, les vraies roulottes d'un petit cirque. 
Oh ! comme je me sens moi aussi, perplexe, fasciné mais me gardant bien de tout jugement abrupt, prudent et méfiant par rapport à une vox populi trop lapidaire, trop partagée par des "... braves gens qui n'aiment pas que, l'on suive une autre route qu'eux..." (Brassens Georges). 
 
J'ai eu la chance de vendanger avec eux. Menant rangée, rongeant mon frein, rechignant à faire ce travail de femme, je me laisse distancer et chaque fois, en souriant, en m'encourageant, le fils me fait une ou deux souches, sans sécateur et en moins de deux ! c'est pourtant dur la queue d'un raisin à couper à main nue ! 
 
Ils ne sont que deux gitans, le père et le fils. Les femmes ont dû se louer ailleurs... Ils travaillent, participent, rient avec tout le monde. D'ailleurs au village, à ma connaissance, ils ne font pas parler d'eux. 
 
"... Et toi vieux gitan, mon ami ? " demande le ténor des Compagnons pour savoir où il va partir (2). 
- Je suis bien trop vieux, moi je reste ici..." 
 
Au-delà de l'image bucolique de Derrière l'Horte, le coteau dominant le village qu'on désigne aussi en disant "Font-Laurier" ou encore "le chemin du phare", en plus de l'affaire criminelle qui, par le passé, marqua l'histoire du moulin de Montredon, plus communément connu comme étant "le moulin de Fleury, un fait divers sanglant viendra stupéfier le village. (à suivre) 

(1) Le peilharot est l'ambulant qui achète les vieux chiffons, les peaux de lapin. 

(2) Tapez "Les Gitans", la chanson est sur youtube.





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