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mardi 5 janvier 2021

A la recherche du POUMAÏROL perdu (2) ...CHÂTEAUX PINARDIERS, CHANSONS A BOIRE /

 
 
Le diesel ronronne pépère, comme nos deux pépés qui haussent un peu la voix pour couvrir le bruit du moteur : 

"« Gastibelza, l’homme à la carabine,
Chantait ainsi :
« Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine ?
Quelqu’un d’ici ?.." 

A Narbonne, ils ont acheté des huîtres, des moules, du fromage, du pain, du gros qui ne sèche pas au bout d'un jour. Même la blanquette de Limoux est au frais avec le vin blanc sec et la sangria à faible degré..."A tu moderaciou, t'aven pas attendut dempèi lou temps !" "bien sûr qu'on ne les a pas attendus ces pères-la-vertu qui nous ressassent "avec modération, avec modération, gnagnagnagna..." dès qu'on se met une gorgée derrière le gargaillou", tempête Serge qui poursuit "Tu la connais celle du jeune homme qui dit à son père qu'il va réveillonner ? 

- Et non, répond Roger, au volant... 

- Surtout soyez prudents, dit le père... 

Bien sûr d'ailleurs j'y vais avec parcimonie et à bon escient... continue Serge...

- Hé, mefi quand même, avertit le père... l'Arménien encore ça va mais le Corse... 

-  haha !

"... Dansez, chantez, villageois ! la nuit gagne
Le mont Falù.
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou ! » reprend Roger manière de réagir... avant de remarquer "... Heureusement que tu as pris du congelé que je n'ai pas pensé à mettre le frigo en marche..." 

- Le cassoulet, oui mais finalement je n'ai pas pris le bourguignon, j'ai pris du civet de sanglier... 

R. : Ma chère ! Super ! 

- Il n'y en a pas pour faire bombance mais pour nous deux et avec ce qu'il y a à côté... et ce poulet rôti qu'on vient d'acheter... 

R. : Écoute, en cette saison, ça ne risque rien... même si on rapporte des restes... 

- On ne risque rien tu dis... Hé, on sait jamais... Tout ça me rappelle un air du brave oncle Noé... lui c'était sur la route de Perpignan : 

"Sur la routo de Perpigna, 
On y perd et on y gagno aïe aïe aîe,
On y perd et on y gaagno.../... 
Dintreren dins un castel, 
I avio tres pitchounetos aïe aïe aïe
I avio tres ptchouneetos... 
Nous invitaroun a soupa, 
A soupa e coucha 'm ellos..."  

- Et ce ne sont pas les châteaux qui manquent sur la route du Poumaïrol poursuit Roger... 

- Ne rêve pas trop !

- Et si justement au moins rêver puisqu'il ne faut pas prendre son rêve pour la réalité ! 
 
Château de Lebrettes, dessin d'après photo, convertimage.

S. : à droite le château de Levrettes, Lebrettes... 

- Le "v" prononcé "b" comme chez nos voisins du Sud pour Barcelona et Valencia sauf que là ça peut tourner au "lividineux"... 

S. : qu'est-ce que tu dis ? "le vit du noeud" ? tu donnes dans les pléonasmes ! 

R. : tais-toi va que ce n'est plus de notre âge... En attendant, qui s'attendrait à un château de la Loire ici ? Tu sais que Jo y a travaillé du temps où c'était une institution pour enfants disons... retardés ? 

Château Le_Terral wikimedia commons Ouveillan Author Flolma

S. : Et non, sinon tu fais allusion à ces châteaux magnifiques avec des tours coiffées d'ardoise, datant entre cent et cent-cinquante ans et qui, pour les propriétaires ne coûtaient parfois que le tiers d'une récolte ! A Fleury L'architecture de La Négly a quelque chose de cette époque...
 
R. : m'en parle pas, ils avaient un singe qui t'approche tranquille puis d'un coup t'arrache la croûte d'un bobo, la sale bête ! Sinon, bien sûr, les "châteaux pinardiers" favorisés par les périodes de crise, l'oïdium, le phylloxera... le malheur des uns faisant toujours la fortune des autres... Au village, les maisons dites "de maîtres" ont peut-être la même origine... La route de Saint-Pons... Après le pont sur l'Aude elle est parallèle à la Cesse, du moins jusqu'aux premières garrigues... 

S. : Oui, cesse de ressasser ! La Cesse, dernier affluent rive gauche de l'Aude... On va la remonter jusqu'à sa source au pied du plateau du Poumaïrol... Je me suis toujours demandé comment faisaient les poissons pour vivre dans ce qu'il faut vite appeler des rivières si souvent à sec l'été ou vidangées brutalement par un aigat ! Des situations extrêmes !

Note : un site qui mérite le détour... la passion de connaître, des heures et des jours de recherche, l'envie de partager et pas grand' chose en retour (je connais)... Prouvez-moi que j'ai tort... 

https://ouveillanpatrimoine.blogspot.com/2019/03/les-chateaux-de-la-richesse-viticole-de.html


vendredi 27 décembre 2019

LE RETOUR DU LOUP / des nouvelles fraîches et une chronique du passé.

DES NOUVELLES FRAICHES. 

On ne le sait pas trop mais comme pour l'ours dans les Pyrénées, la présence du loup fait toujours réagir les populations qui admettent d'autant plus mal la mort liée à la prédation si elle est liée au carnage de brebis désarmées. 
Glané sur le Net, ces jours-ci, après la publication " Les loups et le violoneux".    

https://www.20minutes.fr/planete/2678823-20191219-ariege-apres-deux-attaques-brebis-presence-loup-bien-confirmee

Canis_lupus_Hellbrunn wikimedia Commons Mariofan13
La présence du loup est avérée à Campagna-de-Sault, au-dessus des gorges de l'Aude (route du Capcir).

 Dans notre département, plus au nord et plus précisément dans le secteur de la Piège et du Razès (entre Lauragais et Mirepoix dans l'Ariège) où est actée la présence permanente d'un individu qui a donné lieu à 21 constats en 2016 (13 000 euros versés aux éleveurs concernés), 21 autres en 2017 (17 380 euros) et 23 l'an passé malgré un nombre de victimes recensés en recul, passant de 90 à 50 entre 2017 et 2018.

https://www.lindependant.fr/2019/03/06/aude-les-degats-du-loup-en-baisse-en-2018-mais-des-eleveurs-toujours-plus-remontes,8053187.php

Le 4 mai 2019 à Fourtou (source de l'Orbieu la rivière emblématique des Corbières), neuf brebis mortes, deux devant être euthanasiées, d'autres blessées dont celles qui n'y survivront pas. Dans le but de les déstresser, les bêtes ont été rentrées à la bergerie mais il faudra les sortir dès que possible appels du printemps et de l'herbe nouvelle obligent... surtout que l'article le dit bien, les coupables sont des chiens errants.   

https://www.ladepeche.fr/2019/05/12/une-attaque-de-chiens-decime-un-troupeau-de-brebis,8195249.php?fbclid=IwAR3JEYijo7Q1EKbFFYi84pX0tQAUGs7kkirRwh1DqkITbe7_i6VAJxEDAiI

Un autre écho encore plus en plaine, dans le Gard : 
"Le résumé : Depuis le début d'année, selon la FDSEA, 53 brebis ont été tuées dans les Costières. Dont 4 attaques cette semaine.
23 attaques ont été recensées sur le plateau des Costières de Nîmes. Un territoire improbable sur lequel la présence du loup est avérée depuis mai 2017, notamment grâce à cette vidéo. Les éleveurs réclament l'intervention des lieutenants de louveterie afin d'effectuer un "prélevement" du loup, autrement dit, que le loup soit abattu. En 2018 dans le Gard, le loup est à l'origine de la mort de 170 bêtes et de 50 attaques."

https://www.occitanie-tribune.com/articles/12695/aude-aude-video-les-eleveurs-ovins-crient-au-loup-a-generac 

DU RÉCHAUFFÉ...

S'il nous arrive de revenir en arrière pour des pages de livre, cela semble plus compliqué concernant un blog même pour l'auteur des articles. Aussi ai-je repris plaisir à ce que j'écrivais le 30 décembre 2013... Je compte sur votre indulgence ! 

A la fin du 19ème siècle, la présence du loup était encore banale. Dans ma famille la tradition orale en atteste.   

LE RETOUR DU LOUP (publié le 30 décembre 2013)


Si un froid précoce interdit la sortie des rousilhous, le redoux qui alterne vient contrarier, aussi, cette envie de neige des gosses, quand, le nez sous l’édredon, alors qu’il gèle à pierre fendre, on aime se faire peur avec les loups des contes. Des contes et de la vraie vie aussi, pour un passé pas si lointain même si les grandes forêts ont disparu de nos paysages depuis près de mille ans.

La cuisinière ronflait tandis qu’un Cers sifflant décembre harcelait de ses bourrasques la souche de la cheminée. Certainement inspiré par cette atmosphère hivernale, l’oncle Noé, accrochant le tisonnier sur la barre après avoir garni le foyer, raconta comment notre aïeule qui partait à pied jusqu’à Narbonne, eut à se défendre un jour, entre Le Pech de la Pistole et le four à chaux de Mader, avec pour seule arme son bâton, contre les loups. Il restait encore des loups dans la Clape à la fin du XIXème siècle (1).

A propos de mon arrière-arrière grand-mère, mon père confirma :

« .. / .... Mais avant, sur la droite et en tournant à l'ancien petit jardin cultivé jadis par Pantazi (un minuscule triangle où poussait un figuier) et en montant jusqu'au point culminant cet ancien chemin de Narbonne, pris parfois par mamé Babelle pour aller voir sa fille Marie (sœur de mamé Joséphine et de tante Pauline la muette) quand elle était malade à Narbonne – mon arrière grand-mère, qui m'a raconté en languedocien un épisode du Roman de Renart alors que la fièvre due à la rougeole me clouait au lit métallique vert adossé à la cheminée du « salon » dans la chambre où je suis né et où devait mourir en février 1976, mamé Ernestine, mamé Babelle donc, épouse Paul Palazy, y allait à pied ! ... / ... » (2)

Le loup est revenu aussi dans le Jura et les Vosges. Aussi, les lignes de Louis Pergaud n'en semblent que plus proches encore :

« ... /... Et puis ce fut la nuit étoilée dans laquelle la pleine lune peu à peu monta. Une grande torpeur glacée pesait sur le canton ; dans les profondeurs de l'horizon, la bise, en courant sur les paillettes de neige, soulevait comme des sillons d'une écume diaphane. Rien ne bougeait par la campagne et le long des maisons, les chiens de garde, qui d'habitude aboyaient rageusement à la lune, grattaient aux portes avec frénésie et cherchaient coûte que coûte à se réfugier le plus près possible de leurs maîtres.

Alors au cœur de la nuit, au fond de la plaine triste et déserte, longuement retentit le hurlement lugubre et désolé d'un loup ... ; et un autre lui répondit au loin ... et puis un autre encore et ce fut bientôt, sur toute la campagne, le grand concert tragique des vieilles nuits d'antan.

Dans ses antiques domaines d'où l'avait expulsé l'homme, le maître était revenu et son retour proclamait sur ceux des bois, des champs et des maisons le régime implacable et illimité de la terreur... / ... » (3)

(1) En France, si les derniers ont été tués dans les années 1930, depuis 1990, on assiste au retour du loup venant d’Italie. En 2001-2002, certains sont même arrivés dans les Pyrénées après être passés par les Cévennes, la Montagne Noire et les Corbières.

(2) Caboujolette / Pages de vie à Fleury d’Aude II / 2008.

(3) L'arrivée du maître. - Paru dans Mélanges, pp, 15 à 20 ; puis dans Œuvres, t. Il, pp. 349-358. (Le mercure de France 1948) [source Sisyphe.com].
Disponible en e-book libre de droits (pour le lien, si nécessaire, me contacter par un commentaire). 

wikimedia Commons Illustration de 1764 Source Gallica

jeudi 7 novembre 2019

SARDO & CANSOUS / La sarde et les chansons des vendanges

Libations et chansons au dessert mais même dans les vignes des airs égaient parfois les vendangeurs. 

Marie Laforêt Mostra di Venezia 1994 Wikimedia Commons Auteur Gorup de Besanez
Quand la mort de la fille aux yeux d'or a récemment été annoncée, comment ne pas penser aux Vendanges de l'Amour ?

 https://www.youtube.com/watch?v=aj42vpjJBQU

Et, tant que nous y sommes, pourquoi ne pas se demander si d'autres chansons ne marquent pas un moment aussi important de l'année, de la vie même des hommes, au même titre que la moisson ? Entre parenthèses, avant la vigne, l'Aude comptait beaucoup pour la production de blé et à ce titre, la plaine de Coursan était particulièrement renommée.

Une vraie colle quand le net lui, répond aussitôt :
"Trois jours de vendanges", zut de l'opéra et ce n'est pas faire injure au genre que de demander les paroles faute de ne rien comprendre.

https://www.youtube.com/watch?v=k-3ZyRQgHb0

En suivant, "Vendanges à Porto" par Yvette Giraud (1916 - 2014)... pas de quoi faire le dégoûté mais ça fait rengaine, de celles que la profession se permettait, sur un 45 ou un 33 tours derrière un titre phare, comme "Les Lavandières du Portugal"... Sinon une belle voix grave et une belle carrière au Japon !

https://www.youtube.com/watch?v=_hPvM13Wy34

Avec les Zouilles, en 1989, c'est dur de couper les raisins, c'est dur dur dur aussi pour les portugaises même si la musique est pas mal...

https://www.youtube.com/watch?v=JhMeBxwVnP0

Et là, l'envie me démange d'aller en vendange même si ces paroles s'entonnaient plutôt au dessert d'un bon repas... Oh qu'ils étaient joviaux et rougeauds les convives. Jusqu'alors, m'interrogeant sur la forme de grappillage avec un petit panier percé, j'ai cru que c'était seulement leur état qui les mettait en joie, aujourd'hui je réalise seulement les idées égrillardes à peine cachées sauf qu'enfant nous n'avions pas les codes et que quand nous fûmes en âge, c'était passé de mode de s'échauffer par ce biais :

"...  Ninette, ma Ninette, vois ce beau raisin
Oh ! Fit la fillette, y en a plein la main ;
Que la grappe est belle, que les grains sont noirs
Le bon vin, dit elle, coulera du pressoir..." 

http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/paroles/petit_panier_le.htm

Chanson de vendange Wikimedia Commons Author L.L

Retour à l'ordi. En 2009, pour Gérald Genty, auteur-compositeur-interprète, "... j'en ai marre du sécateur (...) le premier qui regarde sa montre c'est toujours une sale rencontre..." On sent le vécu, les sous à la fin... parent éloigné "t'es porteur", parent proche "...sur le tracteur...". C'est gentil.

 https://www.deezer.com/fr/track/3766197?autoplay=true

Encore de la rengaine cent pour cent "tralalala" avec Lily Fayol (1914 - 1999). Franchement franchouillard...

https://www.youtube.com/watch?v=Owmg1GQn3yQ

Marie Laforêt encore en italien cette fois "la vendemmia dell' amor" : l'occasion de dire que les échanges semblent grippés... Qui sait ce qui a du succès en Italie maintenant, ou en Espagne (Y volvamos el amor) ? Dommage si cette réflexion alimente l'idée que l'Europe n'est que celle du pognon...

Luis Mariano redonne lui aussi dans la recette qui rapporte avec le rythme gnagna de ses "Vendanges à Madeira".

https://www.youtube.com/watch?v=x70hKIptyCE

Et pour ceux qui aiment le genre, "La Marche des Vendanges" d'Edouard Duleu (1909 - 2001).

 https://www.youtube.com/watch?v=3yLTZjK9aHM

Bouquet final avec les Petits Chanteurs à la...

"... s'il picole c'est qu'il doit boire, pinot pinot pinot noir... buvons à sa santé et à celle des cocus pinot pinot pinot..."  

Comment ? les petits chanteurs ?? oui mai à la Gueule de Bois fallait préciser, genre barbus...

https://www.youtube.com/watch?v=uG907s1tn9A

Alors est-ce sain d'abonder pour un florilège pas en rapport avec les Vendanges de l'Amour" (1964) de Marie Laforêt (1939 - 2019) ?  Le seul rapport n'est-il pas avec l'adolescence ? Et puis cet esprit famille à l'époque... L'oncle Noé notre vedette avait ses airs de vendanges : 

« Lous anciens rasclaboun,                  « Les anciens raclaient,
Nous autris rasclan,                                 Nous autres raclons,
Lous joubés ba saboun,                           Les jeunes le savent
Elis rasclaran,                                          Eux ils racleront… »

Ah ! L’envie me démange
D’aller en vendange… etc… »

Air connu... Par contre, pour Michaëla, on en sait moins... Il semblerait que ce soit Micaëlla mia, chanson napolitaine  1910, paroles F.L. Benech / musique Léo Daniderff ? (3) :

"... Quelques paroles (j’ignore la suite) de Michaëla  (et non Manuela, 1er succès de Julio Iglesias).

« … Quel est donc ce billet                       
Entre tes seins caché                                  
Michaëla ?                                                 
Et, pâle de fureur,                                     
Antonio le pécheur                                    
LuT (1)  ce mot  
Qui lui brisa le cœur :
« Michaëla la brune,
Ce soir au clair de lune,
Comme par le passé,
Nous irons nous griser
De baisers… »

L'oncle Noé à droite.
Et  pour finir comme les barbus de tout à l'heure :
« J’ai mal occu… j’ai mal occu…
J’ai mal… occupé ma jeunesse :
J’ai troP (2) été, j’ai troP été,
J’ai trop été dissipateur »

 (Caboujolette / 2008 / François Dedieu).


(1) Il faut bien prononcer le “T”, comme dans “luth”.
(2) bien faire entendre la liaison.  
(3) voir https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/09/vendanges-ambiance-fleury-daude-en.html
Cela parait futile mais papa aurait aimé l'évocation de cette piste pour cette chanson marquant nos pages de vendanges à Fleury... Il n'empêche, pour être heureux, chacun se doit de chercher et de cumuler ses petits bonheurs, ses bonnes émotions, comme des perles de couleur pour un collier ou un bracelet...  



 


 

mardi 22 octobre 2019

ÉCHOS DE VENDANGES ET PREMIÈRES SENTEURS DE CAVES / Les vendanges à Fleury.

Norbert et Mignon
Suite du carnet de 1939 :  

"... Dimanche 22 octobre (St Mellon). Aujourd’hui nous pressurons pour tante, puisque, cette année, du fait que l’oncle Noé est mobilisé du côté de Nice et Biot, nous vendangeons et pressurons ensemble. Tante demandait chaque jour à Norbert, à la vigne, si son père avait écrit. Mon cousin Norbert, à 15 ans, avait dû conduire le cheval et rentrer chaque jour la récolte vendangée et il s’en tirait, ma foi, très bien. Il faut dire que Mignon, leur cheval, d’un âge canonique, se montrait fort docile. Il n’empêche que le charretier était quand même bien jeune. C’est quand il revenait d’un voyage de comportes dans l’après-midi que tante Céline demandait des nouvelles. Presque toujours une lettre était là. Le soir, elle répondait, revivant l’époque déjà lointaine de ses dix-sept ans, quand elle allait se marier, pour le meilleur et pour le pire, avec son cher Noé qui revenait alors la voir, le plus souvent possible, depuis sa caserne de Lunel où il effectuait le service militaire..."
Caboujolette / 2008 / François Dedieu.  


Dans son roman, Les Vignes de Sainte-Colombe, Christian Signol n'hésite pas à présumer de la psychologie féminine lors d'un épisode de caponage : 

"... Charlotte ne put s'empêcher de penser à ce jour où, à treize ans, parmi les enfants qui jouaient à imiter les adultes, elle avait été mascarée pour la première fois par un fils de montagnard qui ne savait pas qui elle était. Ce qu'elle avait appris ce jour-là, elle ne l'avait jamais oublié, et elle se disait parfois que le meilleur de sa vie se trouvait sans doute entre deux ceps de son domaine, du jus de raisin plein la bouche, maintenue par des bras vigoureux, les yeux grand ouverts sur le feu du soleil et le regard de l'homme. Elle se demandait si ce moment, ce souvenir, ne serait ps le seul qu'elle emporterait, à l'heure de quitter cette terre... " 





samedi 12 octobre 2019

BROUETTE & MOTEUR BERNARD / Les vendanges à Fleury.

"... Jeudi 12 octobre 1939 (St Séraphin). Nous faisons un saut à Roques, vigne minuscule de l’oncle Noé, « St-Géniès-le-Haut » pour le cadastre, pour son vin blanc à lui. Et il sera temps pour moi, dès demain, d’aller à Carcassonne et d’entrer en classe de première..."


Au travers des témoignages dont nous disposons c'est le manque de main-d’œuvre qui pose problème quand on vendange en famille, d'ailleurs les vendanges se prolongeaient en octobre. En bien si le soleil apportait du degré, en mal si les fortes pluis d'automne s'en mêlaient. Noé, mon grand-oncle et le grand-père Jean, deux petits vignerons tenant mort et fort ("opiniâtrement" nous livre Dicod'Oc Lo Congres pour "fort e mort") à l'appellation "propriétaire" (une plaque bleue sur le chariot en attestait !) ont accueilli la brouette de charrieur avec enthousiasme. 
    
"... Vendanges 1954. « Voici le calme revenu, aussi je ne veux plus tarder à venir bavarder un moment avec vous. Nous avons fait de bonnes vendanges avec du temps frais cette année, il nous est arrivé souvent de battre le record le premier jour des vendanges nous avons fait dans la matinée 24 comportes, mais cette année nous avons fait l’achat d’une brouette pour charrier, ce qui fait que ton père et Noé ont conduit la rangée et Jojo charrié et chargé la charrette tout seul, vous pouvez croire que Jojo était fier de conduire la brouette, c’est en effet pas fatiguant et cela économise un homme ce qui ne faisait pas rire les ouvriers, car il y a beaucoup de propriétaires qui en ont acheté, et je crois bien que l’année prochaine tout le monde en aura, elle nous a coûté 11.000 f

Le jour que nous avons reçu ta lettre nous étions allés finir Aigos Claros, et nous nous sommes arrêtés à la maison pour dîner tous ensemble, ce qui fait que c’est Noé qui nous a lu de vive voix ta lettre, et le soir nous sommes allés aux Traoucats… » 
Tante Céline. 

De gauche à droite, Ernestine et Jean mes grands-parents, Céline et Noé, grands tante et oncle.

Encore la fameuse brouette articulée et mamé qui vient de faire cuire la viande sur le gril... les vendangeurs ont besoin de force !

11000 F de 1954 correspondent à un pouvoir d'achat de 250 euros de 2018 selon plusieurs occurrences, celle de l'INSEE indiquant 24626 € n'étant évidemment pas prise en compte... je n'en dirai pas plus, cela polluerait nos échos de vendanges !      

Pour monter les comportes aussi les moteurs pouvaient aider à la manœuvre : 


"... Le « gros entonnoir » dont tu parles pour verser la vendange dans la cuve ou le foudre, c’était la « trémie », la tremèjo, théoriquement « tremuèja ».

Papé Jean, se voulant un peu plus moderne, voulait éviter de tourner la « grue » à la main pour soulever les comportes. On ne s’en servait plus que pour descendre sur le chariot, en vue de la journée de travail du lendemain, les comportes vides classées par piles de quatre, l’une dans l’autre. Il fallait alors, pour éviter le basculement, faire faire à la corde un crochet autour d’une poignée, crochet présenté en sens inverse de l’autre côté de la pile. Ainsi, le tout descendait bien droit, sans danger pour le « receveur ». Pour monter les comportes, papé avait « inventé » une machine révolutionnaire. En bas, dans notre cave, Isidore Barthe, le maçon, était venu sceller dans le mur deux gros fers peints en rouge, éloignés d’un mètre cinquante environ, et portant un axe solide roulant sur coussinets et muni de chaque côté d’une roue de 60 cm de diamètre. Celle de gauche était normale. Sa circonférence recevait une belle courroie issue du moteur Bernard, bleu, placé tout en bas. Celle de droite était spéciale ; beaucoup plus large que l’autre (dans les dix-huit centimètres), elle était munie d’un double tour en fer qui formait un vide permettant de recevoir une large courroie flottante. Quand le moteur tournait, cette dernière restait immobile. Elle rejoignait, au-dessus du plancher, la même roue à gorge sur un nouvel axe semblable. Enfin, un dernier dispositif permettait, en tirant une solide corde toute neuve, d’appliquer une troisième roue à gorge, beaucoup plus petite, sur la courroie qui, ainsi tendue, faisait tourner l’axe du haut sur lequel s’enroulait le câble de corde qui faisait monter la comporte « en un temps record ». Tout était dans la force de la main gauche  paternelle, qui permettait à sa main droite de tirer la comporte pleine par la poignée. Alors cessait la traction, le moteur, en bas, ne rencontrant plus de résistance, s’emballait joyeusement, et en moins de deux le « voyage » avait disparu dans le foudre.

Mon père avait acquis à cet exercice assez périlleux une remarquable dextérité. Ils avaient étudié le mécanisme avec Maurice Lande le mécanicien (chez qui Henri avait travaillé quand l’atelier de Lande se situait au fond de l’impasse voisin du bureau de tabacs). Les deux pompes à essence s’élevaient devant le portail, où l’on pouvait lire : Essence ENERGIC / Huile ENERGOL. 

Le garage dont la cour permettra, plus tard, d'entrer au cinéma Balayé.

Pourtant, un jour, nous avons frisé la catastrophe. L’oncle Pierre était sur le chariot qui venait d’être placé sous la grande trappe, et il accrochait méthodiquement les comportes pleines de vendange. Tout allait bien, quand sans doute une fausse manœuvre de son neveu – mon père qui était à la commande de la roue mobile presse-courroie – faillit tourner au drame. J’avais une douzaine d’années et je me revois encore, le cœur anxieux, regardant de tous mes yeux l’oncle Pierre qui essayait, avec un long pieu solide, de repousser cette satanée comporte vers le plancher, alors que seul un côté restait accroché, que mon père tenait l’autre bano ou poignée de sa main droite, au risque d’être entraîné en bas, tandis que la gauche maintenait ferme le patinage de la grosse courroie, permettant un équilibre des plus instables pour la charge. Finalement, celle-ci fut quand même hissée près de la trémie salvatrice, le moteur bondit d’allégresse. Nous l’avions échappé belle.

Au fond, si l’oncle Pierre n’avait pas mis sa grande force pour compléter celle de mon père, cette comporte pleine eût chuté à grand fracas, se serait disloquée et les trois-quarts de son contenu eussent été perdus. Ce n’aurait pas été tellement tragique. Mais à l’époque nous évitions le moindre gâchis.

L’année suivante, le petit moteur « Bernard », trop nerveux et peu puissant, fut remplacé par son grand frère, même marque, même modèle, mais deux ou trois tailles au-dessus, celui qui nous servait pour l’arrosage des vignes, et qui se révéla beaucoup plus pondéré. Il dominait tranquillement sa tâche élévatrice et fit de ce travail saisonnier un jeu d’enfant..."

Caboujolette 2008 François Dedieu.