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jeudi 11 septembre 2025

De RIVESALTES à VERSAILLES

Non, pas un itinéraire avec ou sans péage sur le web. C'est seulement que lors de l'évocation de Rivesaltes par mon pauvre papa, outre mon sentiment qui continue à se nourrir de toutes ses missives et écrits, cette halte me ramenant forcément vers mes 37-38 ans, m'a fait l'effet d'un coup de bambou. 

Oui, je ne gardais que de belles images de cette allée Joffre (une promenade, un mail comme appelé par mon père) empruntée pour rejoindre la gare en haut ; tout du long, l'opulence des platanes, en bas la statue équestre du maréchal, autour, la splendeur des palmiers phénix. Hélas, parti cliquer pour retrouver quelque chose de ces chers souvenirs, me faisant tristement revenir à la réalité, ce que j'en ai vu m'a complètement stupéfié. Perdues les majestueuses ramures des vieux platanes, disparus les palmiers phénix avec leur cachet d'un Sud presque subtropical, partout du dallage et seulement de jeunes arbres en remplacement. Si Joffre sur son cheval en appelle toujours à une page grave de notre Histoire, le site, lui, ne veut plus rappeler son pays de naissance. Et moi, égoïstement, je perds sous les ombrages, à la rentrée, parce qu'un jour je finis avant midi, ce marchand qui proposait quatre ou cinq variétés de figues, sinon le cadre des premières fèves du marché courant février, perspective de renouveau sous les longs rameaux nus de l'hiver, souvent agités avec leurs pompons par les coups de tramontane. 

Trop long. Impossible de partager cette détresse dans le post d'hier où seule la vue générale restait capable de ne pas me chambouler l'intérieur. Certes, on y voit l'Agly si beau de son eau en pays sec, et c'est mentir un peu sinon rester déraisonnablement optimiste : le fléau de la sècheresse chronique fait qu'à plusieurs reprises, le fleuve n'a plus coulé. Comment cela ne rappellerait-il pas les déconvenues, ce ver venu manger le cœur des palmiers, les platanes anéantis par le chancre doré mais n'était-ce pas le long du Canal du Midi, et non à l'intérieur des terres ? Alors, pourquoi à Rivesaltes ? Malades ? Incurables ? Trop vieux pour être soignés ? Pas la version de qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, espérons ?     

Ils vont bien les architectes des Bâtiments de France qui assurent à propos des allées, initialement “ cours Napoléon ”, inscrites au patrimoine départemental « sans que leur aspect ne soit changé » alors qu'il faudra plus d'un siècle pour des arbres sublimes. 

C'eût été lourd d'exprimer tout ça en légende de la photo en dépannage mais cela fait si mal que la muse s'en est mêlée : 

« Ô Rivesaltes, par ce matin fané 
Pourquoi ton souvenir m'obsède-t-il ainsi ? » 

Éditions Lys Versailles “ reproduction interdite ”... hum... 

Haro sur l'écrivaillon ! « Plagiat » vous écrierez-vous ! Non, seulement les premiers vers détournés d'Albert Samain sur Versailles. Vers 1900 il écrit qu'elle succombe, « ...comme un grand lys tu meurs, noble et triste... », que Louis ne parcourt plus ses jardins. Le poème du recueil « Le Chariot d'Or » compte quatre sonnets à la suite mais notre étude collégiale s'arrêtait au premier quand 

« l'onde épuisée au bord moisi des vasques
S'écoule, douce ainsi qu'un sanglot dans la nuit. » 

Éditions Lys Versailles “ reproduction interdite ”... hum... 

À mon corps défendant, manière de plagier Esaïe dans l'esprit, mais pas à l'insu de mon plein gré comme aurait dit Richard, les voies des ressentis et vibrations étant impénétrables, je ne m'attendais pas à ce que mon ordinateur neuronal associât Rivesaltes à Versailles parce que la visite du parc m'avait jadis (1968) impressionné, que les mots du poète en avaient pris plus de substance, que des nombreuses cartes postales gardées, par leur grande qualité, celles de la résidence royale restent de mes préférées.   

Versailles ? oui, plus qu'un Paris trop trépidant. Rivesaltes ? non, j'en porte désormais le deuil comme celui de ma jeunesse. Rivesaltes, c'est fini, je ne crois pas que j'y retournerai un jour...

lundi 27 septembre 2021

LES VENDANGES EN CHANTANT ! / Fleury-d'Aude en Languedoc.

 Automne, beauté mélancolique, nostalgie esthétique... Pour ne plus soupirer sur le temps qui passe et donnera à terme sur l'hiver de la vie, les vendanges ont tout pour nous consoler. Chaleur dans les cœurs et dans les températures même si une fraîche rosée peut mouiller les pampres au lever du soleil. 

Avec cette joie qui demeure lorsque les humains se retrouvent en accord avec la terre nourricière... ce doit être moins vrai aujourd'hui avec le productivisme qui a engendré, entre autres maux, les glyphosates. Mais gageons que ceux qui ont encore la chance de couper les raisins à la main (Christine, une gentille correspondante démarre avec le sourire son deuxième mois de vendanges !), en récoltent en retour une bouffée de jouvence ou du moins un ressenti de cet ordre régénérant et l'organisme et le moral avant d'aborder la "mauvaise" saison... 

Étonnamment, il y a moins de poèmes "positifs" sur cet aspect de l'automne, du moins de la fin de l'été, de la rentrée, que ceux abondant dans la mélancolie.

" L’odeur des vignes monte en un souffle d’ivresse : 
La pesante douceur des vendanges oppresse
Parmi la longue paix des automnes sereins..."
 

L’Odeur des Vignes

Renée Vivien
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"Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles... /
... Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant..."
 
L’âme du vin - Charles Baudelaire  

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"Je l'ai rencontrée un jour de vendange, 
La jupe troussée et le pied mignon..."
 
Trois jours de vendanges. Alphonse Daudet. 
  
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Eva Gonzalès - Nature morte aux deux pêches avec raisins. Wikimedia commons

"... Pose les fruits choisis sur des feuilles de vignes : 
Les pêches que recouvre un velours vierge encor, 
Et les lourds raisins bleus mêlés aux raisins d'or..." 

Le repas préparé. Albert Samain. 

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Mais il y a des airs pour chanter la vie et tous les amours qui s'y attachent... Théodore de Banville lui-même s'y est essayé  : 

Allons en vendanges,
Les raisins sont bons !
Chanson.

Chanson à boire

Théodore de Banville
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 LE PETIT PANIER

Chanson - Paroles et musique de Louis Lust 1903

Créée par Mayol

Ah ! l'envie me démange
D'aller en vendange
D'aller en vendange
Et de grappillonner 
Et de grappillonner
Dans ton p'tit panier
 
 Grappillonner ! Ah quel joli verbe ! Trois doubles consonnes qui apportent mignonnement à "grappiller" (en occitan, du moins dans notre variante locale, on emploie le terme rasima, joli aussi parce qu'il a le raisin pour racine... (La rasimado est ce qu'on a grappillé dans l'Aude / Tresor dou Felibrige, Frédéric Mistral).
 
LA FIN DES VENDANGES
 Thème provençal Robert Gadiollet
 

.../... Voici les vendanges faites,
Le raisin est au pressoir,
Et tous les cœurs sont en fête.
Nous chanterons jusqu'au soir.
Oui, tous les cœurs sont en fête;
Nous chanterons jusqu'au soir.

 

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PLANTONS LA VIGNE (Champagne 1576)

 

"... De grappe en cueille
La voilà la jolie vigne
Vigni, vigna, vignons le vin,
La voilà la jolie vigne au vin,
La voilà la jolie vigne..."

 

Chanson qui me rappelle la fête des écoles quand les filles interprétèrent..."... Quand je vois rougir ma trogne, je suis fier d'être bourguignon...". Les mentalités d'alors étaient à des lieues de ressasser comme aujourd'hui "avec modération avec modération"... l'époque ne jugeait pas la liberté ou non de boire... ad libitum... enfin... à volonté. 

Papé Jean, l'oncle Noé... lançant un pas de danse on dirait et mamé Ernestine qui en rit sous sa caline... Photo de François Dedieu prise dans la plaine, à la Barque Vieille peut-être.

Dans la famille alliée pour rentrer les récoltes de papé Jean et de l'oncle Noé, les vendanges continuaient en octobre et avec les amis venant parfois aider, le nombre influait sur une ambiance retrouvant des éclats et élans comparables à ceux des grands repas : plaisanteries, moqueries, rires et chansons. En vedette chez nos seniors, l'oncle Noé, par exemple, déployait toute sa malice pour piquer les convenances en entonnant 

 

"J'ai mal au cul, j'ai mal au cul, j'ai mal occupé ma jeunesse..."

 

Et cette fois, monsieur Petiot, pas le terrible docteur non, le correspondant de guerre de la Creuse (patates et lard contre du vin), venu vendanger avec sa femme, se leva médusé par ces mots crus... sidéré même parce que l'oncle en rajoutait : 

 

"... j'ai trop pété, j'ai trop pété... j'ai trop été dissipateur "

 

Ouf, monsieur Petiot put s'en remettre et replonger sereinement sa tête, ses doigts et sa serpette dans les grappes... 

 

 


vendredi 24 septembre 2021

AUTOMNE ou bouquet final de l'été ?

Certes, l'équinoxe du 22 septembre cette année marque l'entrée de l'automne et météorologiquement la saison commence dès le début du mois, alors certains se laissent déjà glisser vers l'hiver. D'autres résistent, préfèrent rester en été et vivre un prolongement de la belle saison. 

Amis, je veux bien partager sereinement avec vous la nostalgie poétique liée à l'automne sauf que, si on en reste aux esthètes pessimistes, l'ambiance mortifère doit être combattue. J'ose seulement espérer que ces poètes ont pu écrire des vers dans une perspective à terme plus rose, de renouveau, de printemps, de renaissance...  

Onze extraits... pardonnez le saucissonnage et surtout allez vite apprécier ces poèmes dans leur intégralité...

heremoana125399556877_art heremoana.vefblog.net

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux.../...

Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises

Guillaume Apollinaire, Alcools

Voici que la saison décline...
/... Août contre septembre lutte ; 
.../... Et comme un blanc flocon de neige 
Petit à petit l'été fond. 

Victor Hugo.

Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets,
Là-bas tord la forêt comme une chevelure...
 
Albert Samain. 

 Matins frileux
Le temps se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes... 

Émile Verhaeren Automne.

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent...

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Les sanglots de l'automne flickr.com 10517838263_68b07c88a1_b

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne... 
 
Paul Verlaine. Chanson d'automne. 
 
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !...
 
Charles Baudelaire Chant d'automne. 
 

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Alphonse de Lamartine L'automne. 

Voici venu le froid radieux de septembre... 
Anna de Noailles L'automne. 
 
Forêt vosgienne près de Barr, Bas-Rhin wikimedia commons Author Tristan from Luxembourg
 
Et les deux extraits d'Outre-Rhin reçus récemment :  

Im Nebel ruhet noch die Welt, 
Noch träumen Wald und Wiesen...
 
(Dans le brouillard repose encore le monde 
Rêvent encore la forêt et les prairies...)

Eduard Mörike. Septembermorgen. 


Der dunkle Herbst kehrt... 
(Le sombre automne s'installe...)

Georg Trakl. Der Herbst des Einsamen. 
 
Mont Sainte-Odile forêt brouillard wikimedia commons Author Vassil

C'est beau oui... mais sans moi pour le moment... j'aime trop la chaleur au moins psychologique et souvent dans les températures des vendanges puis la douceur d'octobre... Mon âme exige en prime de fêter la Saint Martin avant  de se conformer au repos hivernal... Il est vrai qu'il est plus aisé de le dire depuis le Golfe du Lion... 
 
Note importante : Toutes les photos, autorisées ou libres, font référence à leurs auteurs.