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jeudi 25 novembre 2021

Depuis la CLAPE, HUGO et LAMARTINE, BRASSENS et FERRAT, VALÉRY et MACHADO...

 Tant pis si tout se mélange mais quelques jours après avoir publié l'article sur les Auzils, les marins perdus en mer, avec l'art poétique de Hugo, de Lamartine, propres à élever nos consciences, à cause d'un remords ou du moins la sensation de n'avoir pas tout dit, je dois évoquer une autre grande âme, une présence qui a pris forme avec ces quelques mots pourtant communs : " depuis la chapelle, le regard embrasse le Golfe jusqu'à la Côte Vermeille "

 Depuis la Clape et Gruissan, ne vous privez pas, en effet, du plaisir de suivre, au Sud cette fois, la courbure du Golfe, l'inflexion magique qu'aucune carte ne saurait rendre et qui finit avec les Pyrénées plongeant dans les eaux, à Cerbère pour la frontière, non pas des enfers, gardée par le chien féroce, mais celle, avec notre sœur latine, catalane, espagnole. Un peu avant, dans les gris-bleus nimbés de mauve qu'offre l'horizon, Collioure. 

 

Collioure sur la Côte Vermeille, comme symétrique à Sète par rapport à la Clape, à l'Allée des Naufragés et Notre-dame-des-Auzils. Pourquoi toujours chercher une coïncidence ? Pourtant, à Collioure, un cimetière aussi, non loin de la mer avec la tombe d'un immigré échoué là en 1939, pour cause de Guerre d'Espagne. Antonio Machado, l'illustre poète républicain y repose, presque par le pathétique d'une faveur parce que ses amis ont plaidé, le comparant à Valéry, pour qu'il ne finisse pas dans le camp d'Argelès... (en ce temps-là, l'asile concédé aux réfugiés républicains n'était pas digne de la patrie des droits de l'Homme...).

Jean Ferrat a chanté ces vers d'Aragon  :  

"... Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours..."

"Caminante", le poème le plus connu de Machado, rejoint incidemment le questionnement  troublant et l'appréhension qui sont nôtres face aux profondeurs de la mort, de la mer : 

"... Pero lo nuestro es pasar 
Pasar haciendo caminos
Caminos sobre el mar..." 
(...Mais notre destin est de passer, passer en faisant des chemins, des chemins sur la mer...) 

"... Caminante no hay camino sino estelas en la mar..." 
(... Toi qui marches il n'y a pas de chemin sinon des sillages dans la mer...)

Dignes et respectueux, des jeunes d'un voyage scolaire sur la tombe d'Antonio Machado au cimetière vieux de Collioure ; bien présentes aussi, les couleurs de la République Espagnole.

Évocation du dernier voyage, du bateau qui ne reviendra jamais... Encore une coïncidence...

On ne saurait le dire mais des sillons de mémoire savent graver la profondeur des chemins qui passent. Il n'est pas nécessaire de toujours relever cette intemporalité, cela agacerait à force. Et puis l'élévation de cette quête permet, entre autres raisons plus prosaïques, d'apprécier la vie et d'y voir du bonheur, à la vue, depuis la Chapelle des Auzils, de la courbure, de l'inflexion magnifique du Golfe du Lion, faucille d'or sur le bleu des flots pour une corne d'abondance qui, malgré bien des inquiétudes d'actualité, nous permet encore de rêver...

dimanche 21 novembre 2021

LES AUZILS, cimetière marin, fin et recommencement...

 Tous ne sont pas revenus. Comment ne pas s'émouvoir en pensant que nombre de ces marins perdus ont auparavant parcouru cette allée avec aux mains, les fleurs du souvenir, aux lèvres, la protection qu'un croyant demande avant de repartir ? Et pour finir, tout en haut, dans la chapelle, comment ne pas s'élever à l'idée des ex-voto, ces œuvres de longue patience, en signe de reconnaissance, pour remercier le Ciel d'en avoir réchappé. Une sincérité d'âme à laquelle il faut s'accrocher quand un monde pourri, trop facilement admis, s'immisce puisque ces ex-voto furent volés pour alimenter l'amoralité abjecte d'une minorité arrogante gavée de fric, des collectionneurs ne respectant rien. 

Cet ermitage devenu cimetière marin, nous l'avons abordé, à l'occasion de la sardo, le repas de fin de vendanges par Jean Camp avec le personnage de l'ermite et pour décor le chemin montant à la chapelle. Ensuite, tout au long des inscriptions du souvenir, comme une musique de fond, Oceano Nox, le poème de Victor Hugo, " Oh ! combien de marins, combien de capitaines...", nous a accompagnés.

L'heure n'était pas à relever l'exotisme des ports, des mers, des destinations lointaines quand, sortant de sa fatalité pourtant si ordinaire, la mort et ses jeux trop cruels pèse, telle un couvercle, sur le for intérieur. 
Une fois que le silence seul des consciences sied à la solennité du lieu, les mots immortels des grands poètes sont à même de cristalliser un liant permettant aux êtres que nous sommes, confrontés à la marche du temps, de s'épauler, de communier. C'est dans ce cadre que la Pensée des Morts de Lamartine a rejoint notre méditation. 

Ensuite, loin d'émaner d'un hasard, les coïncidences, ces particules d'énergie mentale, récoltées ou fabriquées, savent se rappeler au souvenir, se percuter, se conjuguer. Alors entre en scène Georges Brassens, toujours marqué par la mort trop présente et par le "grave danger" que portent les religions. Il nous chante la partie objective du long poème de Lamartine. 
 
Pour finir et peut-être parce que cette suite de coïncidences encourage à poursuivre dans cette voie, puisque, depuis la chapelle, le regard embrasse le Golfe depuis la Côte Vermeille jusqu'à Sète, après Brassens qui repose dans le cimetière des pauvres, côté étang, Paul Valéry qui, par la grâce de son poème (du moins le début et quelques passages moins hermétiques pour le commun des mortels), a fait renommer "Cimetière marin" celui des riches. Depuis ses allées en pente, le regard plonge vers les flots, "la mer fidèle", "toujours recommencée"...  
  
Sète tombe Valéry (cimetiere_marin)  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Fagairolles 34
        
"Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !..." 

... Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose...
 
... Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux ! ...

... Le vent se lève!. . . Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs ! "

Le Cimetière Marin, Paul Valéry (1920). 

Et qu'est-ce que cela peut bien nous faire si l'expression "cimetière marin" est inappropriée ? Au contraire c'est parce qu'elle s'est libérée des chaînes du rationnel, du systématique, du cartésien, qu'elle peut nous emporter dans une fantasmagorie poétique propre à chaque être prédéterminé mais partagée dans sa dimension " D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?"

Sète Hérault Quartier de la Corniche Photo Christian Ferrer Wikimedia Commons  CC BY-SA 3.0

 

"... Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et, de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture [...] 

[...]  Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche, [...] 

[...] Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien  [...]"

"Supplique pour être enterré sur la plage de Sète", Georges Brassens, juillet 1966. 

Le Krusenstern (quatre-mâts barque russe, 1926) passe devant le Théatre de la Mer (anciennement Fort Saint Pierre, 1743) et le Cimetière Marin. Sète, Hérault, France. Author Christian Ferrer wikimedia commons CC BY-SA 3.0

Les noyés de la tempête de 1797, m'a précisé une fidèle lectrice, ont été enterrés sur place, dans le sable, en deçà et au-delà des caps des Frères et de Leucate...

Paul Valéry, Georges Brassens, Sète, après le gris et le glauque des corps dans les tempêtes, les mêmes bleus de la mer et du ciel, le vert sombre, les pierres blanches de l'Allée des Naufragés aux Auzils, au bord de la Clape pour s'élever plus haut que la mort, toujours plus haut dans l'éclat sans égal d'une Méditerranée sublimée. 

Notre_Dame_des_Auzils wikimedia commons Auteur ville-gruissan.fr


 

samedi 13 novembre 2021

GRUISSAN, les AUZILS, l'Allée des Naufragés... (2)

Par un temps gris ce jour-là pourtant en juillet (il va pleuvioter vers dix heures), en remontant l'Allée des Naufragés, dans la paix des cyprès et des pins, une sérénité que même la présence du grand soleil méditerranéen favoriserait, au souvenir des marins perdus en mer ou à l'escale,Victor Hugo nous accompagne encore.


 "... On demande: « Où sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont’ ils délaissés pour un bord plus fertile ? »
Puis, votre souvenir même est enseveli. ..."


"... Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli. ..."

"... Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l’orage est vainqueur, ..."
 

"... Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur cœur ! ..."

"... Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l’étroit cimetière où l’écho nous répond..." 


"... Pas même un saule vert qui s’effeuille à l’automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l’angle d’un vieux pont !..."

 


"... Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots ! que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !

Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous !"

Victor Hugo
Les Rayons et les ombres, 1840


  Pour compléter cette visite, le carnet de randonnée du site ami... mais remarquable http://www.maclape.com/articles/auzils/auzils.html