En parcourant le dictionnaire topographique
de Sabarthès, en plus de nos villages, une curiosité subjective m’a aussi amené
à mieux connaître Sallèles, Ouveillan, en attendant la suite puisque le livre
reste une porte ouverte sur notre département. Pour Trausse, ce fut d’instinct
parce que, sur deux générations, une vieille amitié nous lie à ce coin du
Minervois.
Il me reste au moins un éclair, un flash de
ce voyage à vélo entre Fleury et Trausse, sur le porte-bagage paternel : l’eau,
l’eau du canal du Midi ou du fleuve Aude sinon d’un étang, avant la "cluse"
d’Argens. Nous devant, maman derrière. Le Cers, les kilomètres, moi dans un
panier, l’époque difficile (1), rien ne les aurait empêchés de rallier ce
clocher du Minervois. L’amitié appelait. Ils étaient jeunes.
Pour vous dire combien ce village continue
de compter pour nous, les souvenirs prendraient-ils le pas sur le présent, les
années passant, parce que les amis aussi partent et que la vie sépare ceux qui
restent. Reste l’espoir, néanmoins, qu’à un moment donné, deux vers partagés de
la "bonne chanson" (2) confluent pour renouer le fil rompu, pour ne pas repartir
aussi bêtement, chacun pour soi, dans le tourbillon de la vie (3).
Avec mon "vieux" copain, les voix se
répondent comme si c’était d’hier, même si elles font comme si ce n’était rien
d’échanger des dizaines d’années en quelques phrases à peine, en résumé, au plus
court, bouclées en deux ou trois phrases ! En attendant la revoyure, promise cet
été, cochon qui s’en dédie, les souvenirs affleurent...
Moi : Un panier de cerises chez ta tante
à Laure...
Lui : Non, tu te trompes, la terre ne leur
va pas...
Moi : Pourtant, et c’est ton père qui nous
avait amenés...
Lui : Tu es sûr ? parce que les cerises,
c’est à Trausse, même qu’on s’en est fait une spécialité et qu’on les fête
chaque année !
Moi : Une « espécialité » (4), tu dis ? Tu
fais référence peut-être à une traditionnelle fête des guines, non ? Mais
puisque tu le dis, nous viendrons les manger à Trausse, les cerises ! Tu sais
que mes parents parlent encore de ce panier que ton père avait descendu du
Minervois... »
Oui, félicitons-nous de ces manifestations
qui entretiennent la vie des villages : Trausse fêtera ses cerises le 31 mai,
pour la douzième année consécutive ! Une vitalité marquée aussi, pour les 500
habitants (ça se maintient, bon an mal an, même à 25 kilomètres de Carcassonne),
par le souci qu’ils manifestent pour une Calendreta, l’école associative
occitane. La langue, comme l’accent, au même titre que le vin... ou le Cers,
expriment assurément la résistance contre un pouvoir central jacobin. Ne nous y
trompons pas, le mépris, la vanité, l’ethnocentrisme de la capitale continuent
de peser parce qu’"ils" honorent et respectent les différences au-delà des
frontières autant qu’ils les dénigrent et les combattent en deçà... des Pyrénées
!
Aussi, merci à l’élu de Trausse qui prend
congé de ses administrés comme devraient le faire tous nos élus du Sud : «
Adiusiatz a totes ( au revoir à tous ).Le Maire J-F Saïsset ».
Mince, nous n’avons pas parcouru la fiche
de Sabarthès ? Ce sera pour lo cop que vèn, la prochaine fois, sans faute
!
(1) 1952, après les vendanges. Le pays se
ressent encore de la dernière guerre.
(2) j’aime ce titre du recueil de Verlaine
qui, au lendemain de ses fiançailles, croyait voir l’avenir lui sourire. Ce que
nous savons de sa vie témoigne, malheureusement, du contraire.
(3) comme dans la chanson.
(4) « La sardine Michaud est sur la
place...
- Es uno especialitat d’aïci ? » Yves, père
de mon «vieux copain » et copain de pension de mon père, lors d’une de ses
visites à Fleury, alors que l’appariteur annonçait l’arrivée du poissonnier au
village.
photos autorisées 1. Commons Wikipedia Canal du Midi à Ventenac Minervois (Peter Haas).
3. Flickr.com Fête de la cerise à Trausse.
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