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mardi 23 avril 2024

Marcel Scipion (1922-2013) / 4. Sale temps pour la Planète.

Sale temps pour la Planète ! Faut faire le dos rond, résister... 

fèves de la mi-avril / Fleury-d'Aude. 

Il faut des circuits courts, il faut retrouver le bonheur de manger ce que donnent un jardin sain et la ronde des saisons... Marcel Scipion et bien des auteurs, par ailleurs si commodément traités de régionalistes, à l'accent un peu moqué, au passéisme compassé, aux idées déconsidérées. Le candidat à la présidentielle de 1974, René Dumont (1904-2001), ça vous rappelle quelque chose ? Il prédisait dans sa campagne que l’eau trop gaspillée allait manquer « Je bois devant vous un verre d’eau précieuse ». Nous lui avons ri au nez, au sien et à celui de ceux, qui déjà alertaient de la mise en danger de la Planète, déjà avant 1980. Les années étaient alors, encore si Glorieuses ! Et nous, plutôt piteux non ? comme toujours... à clouer au pilori, à écraser au pilon celui qui a eu le tort de dire trop tôt « Le premier qui dit la vérité... » (Guy Béart 1930-2015).  

Mais l'homme ne vit pas que de nourriture terrestre. Aussi au risque de passer pour un ethnocentré (qu’importe, c'est moins grave que la consanguinité jacobine), autant, en guise de consolation, se laisser aller à apprécier notre penchant méditerranéen. Le littoral oui, la façade, mais le pays derrière aussi, comme si ce Sud n'offrait au touriste que sa surface, sa peau bronzée à l'interface de la mer, comme si la compréhension intime du Méridional, sa vérité profonde se trouvait dessous, sous la peau, avec l'arrière-pays qui en fait, s'aborde vite, dès la côte de la Clape, à Saint-Pierre-la-Mer, en direction de Fleury, le village. Ensuite, cela n'en finit pas de monter, l'altitude vient vite chez nous, la mer de vignes une fois traversée : Corbières, Pyrénées, Montagne Noire, (Avant-Monts oubliés) Espinouse, Cévennes, Monts de Vaucluse, Préalpes de Digne ou de Castellane, Alpes franco-italiennes (1), Maures, Esterel, avec une végétation qui rompt avec les garrigues et maquis... Une diversité, une variété de paysages que nous envient bien des coins aux paysages et climats plus homogènes... On y retrouve le caractère, l'âme sudistes, certes, avec ses variantes, mais aussi l'amour du pays, un amour pour son coin de terre banal, de partout, ici comme ailleurs, sous toutes les latitudes... C'est inconditionnel un amour, non ? « L'odeur de mon pays était dans une pomme... » Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945). Le mien d'amour était dans une grappe... de carignan... il l'est resté... 

Gabachs ou gavots, partout des montagnards de quand la montagne était belle. Et ces mots, cette langue qui se doit de résister tant qu'une domination d'un autre âge n'a de cesse que de l'effacer pour ne pas qu'il soit dit qu'elle a été soumise... tartuferie cynique des gens de pouvoir... trop Paris et franciliens...  

"Dijous ma finestro i a un ametlièr que fa de flours blancos coumo de papièr"... 
(Sous ma fenêtre pousse un amandier qui fait des fleurs blanches comme du papier)

Bombus_terrestris_queen_-_Tilia_cordata_-_Keila Estonia 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Ivar Leidus

Et ce n'est pas parce qu'entre la science, le réchauffement climatique et l'épuisement des nappes phréatiques, l'amandier pousse plus au nord qu'il en a perdu pour autant sa portée symbolique, une chose qu'ils ne prendront pas. Que deviendrait la promesse des fleurs si les pollinisateurs n'étaient plus ? Certes, la pensée réflexe, anthropocentrée à l'excès, fait aussitôt vrombir les abeilles domestiques. Ce n'est pas négatif en soi, mais comment alors, entendre le froufrou discret de la solitaire, de l'abeille sauvage ? On connaît le bourdon pourtant. Il n'est pas seul, les espèces se chiffrent autour du millier, seulement en France ! Oh ! elles sont solitaires, ne font pas de miel, tiennent un an et meurent suite à la ponte... Oui mais elles pollinisent... Sans elles, plus de cerises, d'abricots, de pommes, d'amandes, plus de tomates, d'olives... (2)

Avec la contestation d'une gouvernance toujours pour le système, le soutien aux agriculteurs s'est avéré massif. Un bémol pourtant... les déserts biologiques, les insecticides néonicotinoïdes, à l'excès, les pesticides chimiques, les monocultures (non aux mégabassines !), le fauchage précoce, l'appel aussi désespéré que discutable aux apiculteurs pour des abeilles qui s'empoisonnent et dégénèrent biologiquement, une réponse malheureusement comparable, en efficacité, à l'impuissance toujours plus marquée des antibiotiques chez les humains. 

Zut à la fin, le jardin est petit mais sera mieux fleuri ; et pour les bourdons et abeilles sauvages qui ne pondent pas sous terre, le centre creux des carabènes (arundo donax) pour abri leur sera proposé. 

(1) même si ma quête n'a pas abordé la Sainte-Baume, le Var, les Maures et l'Esterel... 

(2) Que deviendrait l'occitan si les pollinisateurs n'étaient plus ? Sauf que les frelons jacobins de la France une et indivisible bourdonnent tant ils espèrent, même s'ils n'osent le dire ainsi, l'étouffement final, bipolaires qu'ils sont à promouvoir chez les étrangers ce qu'ils garrottent intra muros. Alors les bourdons et abeilles solitaires se débattent, s'épaulent, se fédèrent, pour passer le flambeau... la bêtise d'orgueil  est intolérable, incompatible avec l'évolution des esprits une grande espérance, une délivrance à venir qui ne peut qu'aboutir, à terme, à long terme, un jour...   

dimanche 7 avril 2024

MARCEL SCIPION / 3. Le Clos du Roi.

D’abord un livre sauvé des flammes... Enfin, que ce ne soit maladroit et choquant de l’exprimer ainsi car c’est un homme coincé dans son camion que les flammes menacent. Sa vie se déroule à l’envers, en accéléré ; en dépit des souffrances il se sent serein, presque libéré, tant pis s’il ne peut revoir sa femme, ses enfants. La mort desserre son emprise, il lui arrive de préserver, de prolonger la vie, un sursis, ici, pour intimer à l'intéressé qu’il a une autre façon de garder ses abeilles et moutons, mais à jamais cette fois ! 

Marcel révèle que c’est une voix qui lui reproche de n’avoir pas travaillé son don d’écriture ; Marcel a la foi, il sait que la voix vient d’en Haut. Il doute néanmoins même si l’institutrice lisait déjà ses rédactions à la classe. L’orthographe, sûrement, qui le bloque... 

À partir d'une photo de l'agence Roger-Viollet (édition Rombaldi). pardon pour ce détournement... mais comme disait Pagnol, dans l'esprit, pour ce qu'il avait adapté et copié de Giono qui avait contre-attaqué en justice : « Je n'ai pas pu m'en empêcher ! ».  


Il faut surmonter la souffrance, lui changer les idées, Christiane Vivier, professeure et amie lui apporte crayons et cahiers ; elle corrige puis tape les textes, les lui montre. Il y démontrait un vrai plaisir d’enfant. L’écriture en tant que thérapie, pas pour faire un livre... Refaire surface, rééduquer longuement ses membres, se faire à la hanche artificielle, récupérer de ses deux pieds brisés, pour que l’homme blessé espère en son futur, que l’homme nouveau revienne à une vie nouvelle. 

Il va mieux et c’est plus difficile de le persuader de finir le projet presque à terme. C’est souvent l’entourage qui pousse au livre, objet vivant, unique en cela, comme il en est d’une bonne chanson, d’un bon film... Un homme nouveau, oui, bien qu’il soit déjà monté à Paris, que, de bouche à oreille il a brillamment participé au “ Magazine des Arts Traditionnels ” de France Inter... Une déception ? Non, cela n’enlève rien au mystère de l’écrit, dans sa genèse, sa finalisation, fantasmagorique, presque ! 

Petites abeilles de Mayotte sur des morceaux de papaye confite (2014)
2015... les photos datent de dix ans en arrière. Est-ce lié à la chimie de contrebande à hautes doses que l'Europe vend à l'Afrique et qui arrive à Mayotte avec les migrants clandestins ? Inquiétant...


Nicole Ciravégna (1925-2011) raconte qu’elle le présenta un jour à son amie France Vernillat (1912-1996), à la RTF (ORTF)  de 1952 à 1974, qui le fit parler de l’apiculture sauvage d’autrefois. Le récit, parfois truculent, passa aussi sur France Culture ; un an plus tard, la productrice descendit en Provence pour persuader Scipion d’enregistrer à nouveau. Plus hésitant, Marcel se fit désirer ; à force de discuter, après promesse d’un bon déjeuner, un accord fut conclu. Sauf, et c’est là un trait de son caractère, Marcel exigea « de la daube, de grosses pâtes coudées et des œufs à la neige » ; où et qui pour cuisiner ce menu atypique ? il est seulement indiqué qu’avec l’hydromel « il était rouge comme un piment » !  Lui, coutumier de la sieste, allait-il s’écrouler ? Le micro resta branché pour des paroles plus drôles, plus piquantes encore, diffusées ensuite dans “ La vie sur le vif  ”. 

Anecdotique mais symbolique : le pain à la maison... 


Un Clos dit “ du Roi ”, un vallon où emmener les moutons l'été à transhumer. Cuire son pain à la maison, mais pas pour rigoler (cinquante kilos de farine, quinze jours de miches pour la dizaine de personnes d'une famille élargie), faire ses patates, ses choux, son miel, sa médecine même avec les limites qu'on sait, son vin, distiller son marc en fraude, braconner les sangliers, le lièvre pour qui le grand-père a réservé trente choux terribles appâts à portée de fusil lors des nuits glacées de pleine lune à « couillonner » les gendarmes... Et tout ça conté presque au coin du feu, le même foyer que celui, passé, des quatre de la famille aux douze personnes avec la tante, tonton et leurs sept gosses, suite au décès de la mère de Marcel (il n'avait que six ans)... Oh c'est rustique, presque un cliché pour citadin mal à l'aise, rêvant d'un retour impossible à la nature... Pourtant Scipion est un vrai gavot, un paysan des Basses-Alpes plutôt Hautes (depuis 1970, la nouvelle appellation « Alpes-de-Haute-Provence » étant plus appropriée). Dans la postface du Clos du Roi, Nicole Ciravégna, elle-même professeure de Lettres et écrivaine, pour beaucoup dans l’écriture du livre, dit de Marcel qu’il est « un Pagnol de la montagne ».

Comment ne pas aimer Marcel Scipion quand il raconte la soupe de sa grand-mère, la solidarité qui fait partager le cochon entre voisins, l’équilibre ancestral pour la nature de la part de l’agriculteur chasseur, fustigeant ainsi ces repeuplements protégés ne pouvant que générer des malformations. Le gaspillage non plus il n’aime pas... (mon grand-oncle Noé, comme Marcel, ne gardait-il pas toujours le cuir des chaussures pour faire, par exemple les charnières des portes du jardin ou du poulailler ?). 

J’aime Marcel pudique, qui avoue sa sensualité : « C’est émouvant, une femme qui, dans l’amour, découvre qu’elle existe... ».

J’aime Marcel pas avare de certains secrets dont celui, pour reprendre des forces, de ceinturer nu le tronc d’un chêne : « C’est une source de vie, un chêne. Et qui sait vous donner une vigueur terrible. Je le sais. Je l’ai fait ». Étonnant comme on retrouve une pratique identique chez Henri Vincenot, pourtant loin dans le Morvan...  

Comment ne pas aimer Scipion lorsque dans son introduction, il présente ainsi sa démarche :
« Ces souvenirs, j’ai pris grand plaisir à les évoquer.
Puissent-ils, lecteur, “ t’agrader ” aussi. »
Un pays, c’est une langue aussi qui régente tout un état d'esprit !   

Presque, je laisserais en plan mes mots, là, tout de suite, par fringale, gourmandise, pour vite rouvrir les pages du Clos du Roi !  

vendredi 5 avril 2024

Marcel Scipion (1922-2013) / 2. La Montagne se meurt.


« Si vous mangez le pain blanc avant le pain noir c'est difficile d'y revenir ».

Serre_de_Montdenier, le pays de Scipion, vu_de_Majastres 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Sébastien Thébault

Les hameaux déchus de la montagne enrichissent la plaine comme la Durance enrichit la Crau. Les petits-fils auront-ils seulement à cœur de s’intéresser à la vie des leurs, avant ? Les descendants ne reviennent plus. Ce serait difficile de revenir en arrière ; si la ferme a l'électricité, l'eau provient d'une source... il n'y a pas de toilettes pas de salle de bains. 

Son hameau de Vénascle, à 950 mètres d’altitude, a été colonisé par les Belges. Son voisin qui ne vient jamais a acheté 800 hectares... 

Comme c'est le cas concernant nos vignerons du Midi, il tient à redresser un a priori tenace sur ces « fainéants » de méridionaux, qui, à partir de dix heures, discutent en groupes, ou jouent aux boules en buvant le pastis. Conçoivent-ils qu'en plein été, si la journée de travail commence à 4 heures, vers 11 heures, la journée dite “ de longue ” ou coupée en attendant que passe le gros de la chaleur, est loin de faire d'eux des oisifs ? 

Les Parisiens pourtant, tout comme chez nous les touristes en général, à l'exception de quelques énergumènes, Scipion ne leur fait pas mauvaise figure, plein de pitié qu'il est pour ceux qui vivent dans la capitale. Mais lui ne se trouve pas bien à Paris. 
« Il faut savoir ce que l'on aime... » La Montagne, J. Ferrat, 1967. 

On monte chez les rares paysans qui restent. 
Une fois, des randonneurs s'exclament : 

« Regarde, il la prend par derrière ! 
— Et comment voulez-vous qu'il fasse, réagit Scipion, à propos du bélier dans ce que les gênes ont commandé à la bête de faire. » 
Les échanges profitent à tous ; il leur vend du miel, ils sont contents, cela lui a donné des contacts avec toutes sortes de gens, même hauts placés. 

Haute vallée_de_l'Ubaye,_Maurin, hameau de Maljasset, 2013 the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Anabase4

Plus gravement, Marcel Scipion s’inquiète de la montagne qui se meurt, des gouvernants qui laissent faire. « La vallée de l'Ubaye je n'y étais plus allé depuis vingt ans, les hameaux abandonnés, les maisons, quelques estivants de Marseille et d'ailleurs. Faut l'aider, la montagne, permettre de vivre de la terre, la montagne réservoir de produits naturels qui permettraient aux hommes des villes, anémiés, détraqués, de se remettre. Faut un certain courage à vivre là. Il faut des paysans mais instruits c'est mieux. Le député est un avocat, les élus ne sont pas des ruraux... il faut que les agriculteurs s'impliquent parce qu'ils savent... restructurer, aménager la montagne... (pardon pour les répétitions mais c'est de l'oral retranscrit). 

Un demi-siècle en arrière, rien que pour la montagne, Scipion n'aurait pu se figurer la perte des prairies, des fleurs sauvages, les dégâts induits par la suppression des haies et bocages... Ah ! le remembrement, une sacrée bonne idée ! Et pour ses abeilles, pouvait-il anticiper le varroa, le frelon asiatique, tout ce que le mondialisme apporte de “ si bon ” et ce, de plus en plus...  

Cette prise de conscience ne date pas d'hier. Il y a bien cinquante ans qu'elle s'est formée. Avec le témoignage de Scipion, l’inquiétude dépasse ce qui n’était qu’extravagance de nantis au début, et qui, petit à petit est devenu une obligation sans quoi nous allons à une catastrophe de plus en plus annoncée. Opposants systémiques, ne racontez pas d'histoires, la nature n'opère pas d'elle-même des changements aussi rapides et brutaux ! 

Pelotes de chanvre filées en 1826, musée de St-Paul-sur-Ubaye 2006 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur JYB Devot

De timide, le changement de cap devrait se préciser avec moins de bagnole, moins de produits venus de l'autre bout du monde. Fichtre, des fraises du Chili en décembre ! surréaliste ! Plus de proximité, finie l'obsolescence programmée (un moyen de museler un capitalisme aussi fou que meurtrier). 

Cinquante ans ont passé... S'il faut en arriver à un siècle de tergiversations, ce n'est plus la peine, c'est foutu...  

mercredi 3 avril 2024

Marcel Scipion (1922-2013) / 1. Abeilles et Abeille sauvage.

Un paysage sans légende reste presque muet. Une des combines pour le faire parler, chanter jusqu'à prendre vie, est d’en laisser le soin aux peintres, aux musiciens, aux artistes et plus spécialement, parce qu’ils sont plus abordables, aux écrivains du cru. Avec Daudet, Mistral, Artaud, d’Arbaud, Bosco, Giono, Char, Pagnol, Arène... pardon de ne pouvoir aller plus loin, Scipion a pris sa part en faveur de sa Haute-Provence, à cheval entre les climats méditerranéens et alpins.

À parler de Marcel Scipion, ici, une interprétation prenant quelques libertés avec Radioscopie de Jacques Chancel (1928-2014), émission du 2 février 1978. Et si, par hasard, nous fredonnions, il y a peu « Il est né parmi les abeilles, un bel enfant de miel et d'orgeat... », ce même hasard vient nous rappeler la montagne en deuil avec les os retrouvés de ce pauvre pitchoun de deux ans ½... au pays de l'avion sacrifié par un copilote suicidaire...    

Lavandula_fields the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Neptuul

En hiver, Marcel Scipion et son troupeau sont au bord de la mer (il va vers Fréjus), puis dans le printemps de Provence ; dans les lavandes avant l’invasion des touristes (pas encore chinois ou japonais, venus de si loin...), puis la Haute-Provence, la montagne, les près des Pré et Alpes tout court, en transhumance avant le 14 juillet justement, avant le grand tralala des vacanciers : il était berger de moutons, il est (présent de narration) berger d’abeilles pour une apiculture pastorale jusqu'à Gap, Briançon.

ABEILLES et ABEILLE SAUVAGE..
Il dit  « l’abeille a deux bouts dont un pique », il suffit de la prendre par le bon bout. Lui, ses semblables, il les prend par le bon bout, celui qui ne pique pas. D’ailleurs, lui ne pique par aucun des deux bouts, tel l’abeille sauvage ; comme elle, il résiste seul, ce fut le cas pour son année de soins, en 1975, suite à un accident avec le camion rempli de ruches, là encore il ne lui est pas venue l’idée de piquer, pas même le destin ; au contraire, il loue les rencontres qui le tirent de l’isolement, de l’épreuve à assumer seul ; il est apprécié, on ne va pas le laisser tomber, on va l'aider à résister ; une amie auteure l’incite alors à écrire tout ce qu’il aime raconter, une seconde professeure de français aussi, contribue à faire éclore un livre de vie et de bonheur « Le Clos du Roi ». 
 
Bombus_terrestris_queen_-_Tilia_cordata_-_Keila Estonia 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Ivar Leidus

Comme l’abeille sauvage qui visite tant de fleurs, mais contrairement à elle qui ne fait pas de miel, Marcel pollinise en chacun de nous, l’envie d’une vie simple, propre, libre. Les moutons aussi, il a gardé, avec sa chienne Finette et deux musettes dont celle pour les livres... oh ! prêtés du presbytère sinon loués, parce qu’achetés, c’était cher. Il n'empêche, Chancel relève que le Certificat d'Études mène à la littérature... 

À travers les croyances, le radiesthésiste qui lui retrouve le troupeau, le sourcier qui trouve l’eau, les remèdes de grand-mère, le docteur qu’il fallait quérir à pied (il venait à cheval mais descendait au-dessus du précipice et ne passait qu’en s’accrochant à la queue de l’animal que les autres tiraient) avec les histoires de bergers, la vie en 35-36, les efforts à fournir, si positifs tant que la santé y est, le plaisir du pain cuit au four, du sucre dans le café, du chocolat pas souvent, d'un bout de viande au gril, moins souvent encore, plutôt réservée aux malades), c’est toute une vie pastorale, champêtre, libre avant toute chose. Une liberté pouvant s'évaluer : « J'ai vu l'Afrique, la liberté je la trouve avec mes abeilles dans les contrées où je mène mes abeilles, dans le calme de la Haute-Provence ».

À suivre l’entretien (radioscopie du 2 février 1978) avec Jacques Chancel, Scipion relève déjà les penchants négatifs de notre espèce : l’Homme (1) jamais content, les routes toujours plus couvrantes pour les touristes, alors qu'elles devraient l'être avant tout pour le sel des moutons, le ravitaillement des bergers... Il dit que les gens qui descendent dans les villes pour gagner, perdent plutôt bien des valeurs. Les hameaux déchus de la montagne enrichissent la plaine comme la Durance enrichit la Crau. Les petits-fils auront-ils seulement à cœur de s’intéresser à la vie des leurs, avant ? Les descendants ne reviennent plus. Ce serait difficile de revenir en arrière ; si la ferme a l'électricité, l'eau provient d'une source... il n'y a pas de toilettes, pas de salle de bains. 

« Si vous mangez le pain blanc avant le pain noir c'est difficile d'y revenir (2) ». 

Son hameau de Vénascle, à 950 mètres d’altitude, a été colonisé par les Belges. Son voisin qui ne vient jamais a acheté 800 hectares... (à suivre)

(1) Avec la majuscule, la Femme se retrouve impliquée... 
(2) c'est dit en 1978, de nos jours le propos serait pour le moins, plus nuancé.

 

mardi 4 janvier 2022

LE POUMAÏROL (10) Écho de la France profonde face à la morgue d'en haut...

 Roger et Serge, complices depuis des lustres, se jouent (légalement) des limites imposées par l'épidémie de covid. En décembre 2020 ils ont entrepris de monter voir un pays aussi montagneux que mystérieux, pour les filles de là-bas qui ont de toujours laissé un souvenir si pimpant aux hommes émoustillés de la plaine. Mais qui a bien pu entendre parler du Poumaïrol ? Sans l'existence et la disponibilité sur le Net de la revue FOLKLORE, même eux qui filaient d'habitude dans les Pyrénées ou vers la Catalogne, n'auraient jamais rien su de ce pays plus haut que les sources de la Cesse. Dans l'épisode précédent, ils étaient à Minerve, la cité cathare, avant d'évoquer la présence préhistorique des Hommes, avec les grottes et les dolmens. 

voir  https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/12/grottes-et-dolmens-avant-les-filles-du.html

Après les causses et les cañons datant du Jurassique et suite à un virage radical à 90 degrés vers la Montagne Noire, les compères montent droit vers le Poumaïrol. 

Roger : regarde de ton côté si tu ne vois pas comme des carrières de pierres... 

Serge : quel genre ? 

Fleury 1972. Diapositive François Dedieu.
 

Roger : très spéciales, ils en tiraient des meules pour le blé... la localité, plus loin, s'appelle Saint-Julien-des-Meulières. 

Serge : attends, je regarde sur le Net... Oh ! ils disent qu'ils en sortaient déjà vers 1100 : "du calcaire gréseux hérissé de petits grains de quartz" afin de ne pas écraser la farine... 

Roger : surtout que les fines particules de farine peuvent faire exploser le moulin : il suffit d'une étincelle et en frottant les pierres en font...

Serge : ... les meules sont difficiles à transporter : elles se cassent... L'activité a duré jusqu'au chemin de fer, quand, depuis La-Ferté-sous-Jouarre de bonnes meules de silex s'exportèrent dans le monde entier... 750 ans d'activité ici quand même avant qu'ils ne produisent plus que de la roche concassée pour les remblais des routes ou du rail. 

Roger : joli ! je les regarderai d'un autre œil, les meules du jardin public, à Fleury !  

Une rue de Cassagnoles, pour le charme de nos villages que nous nous devons de toujours apprécier, en se défendant de se lasser... wikimedia commons, Author Tybo2


Et oui, le paysage a changé, nous sommes passés de la vigne et garrigues aux prairies et forêts. Cassagnoles église et cimetière wikimedia commons Author Tybo2
 

Serge : à droite, quelque part, la Cesse de nouveau et la petite route à gauche, tu as vu ? Quel joli nom ! Cassagnoles ! 

Roger : et oui, ça fait cassole et cassoulet... comme celui qu'on mange ce soir... j'ai l'estomac dans les talons ! 

Serge : hop hop ! Et la tête, tu l'as pas dans tes chaussettes ? Tu n'avais rien trouvé, tu dis, sur le Poumaïrol ? Et bé, je te signale qu'à propos de cette route, on parle déjà d'eux et du plateau... 

Roger : d'elles ? des filles ? 

Avaient-ils des vignes sur Félines-Minervois ? Quel joli nom encore, entre nous ! Cette vue témoigne du passage net de la plaine à la montagne. Wikimedia commons Author Didierjeanbernardfourcade
 

Serge : comme tu y vas, ce qu'il y a de vrai, c'est que la vallée de la Cesse fait communiquer le Minervois et la Montagne Noire, qu'il n'y avait pas que les filles qui descendaient proposer leur force de travail... je lis qu'ils avaient des vignes dans le Haut-Minervois... ils remontaient la vendange, de nuit, avec les vaches, jusque dans leur montagne... ils ont mis la photo d'un pressoir et une autre d'un foudre... 

Roger : c'est sûr qu'en plein jour, avec la chaleur, au bout d'une vingtaine de kilomètres sinon plus, le moût fermenté bouillonne comme la marmite d'Astérix... 

Serge : je ne sais pas s'ils avaient des comportes mais ils ne devaient pas presser le raisin... 

Roger : tu me fais penser à Marcel Scipion, tu sais, celui qui a écrit "Le Clos du Roi"... 

Serge : Ah oui... pour les parigots, encore un pauvre auteur de terroir, régionaliste, comme ils disent de ceux qui ne sont pas montés à Paris se rabaisser à faire valoir puis se faire voler leur talent ! 

Roger : et passe encore, pour ceux qui, même sans le dire, gardent le Sud, le pays natal au cœur, parfois avec la demande d'y être enterré... 

Serge : les traîtres sont rares mais, comment il s'appelait (1) celui de Corrèze, monté à Paris, qui crachait sur sa campagne et sur le parler abâtardi des gens ? 

Roger : oui, je vois qui tu veux dire. Son nom ne me revient pas... et tant mieux finalement... tu te rends compte qu'il se vantait d'avoir publié les milliers de pages de son journal intime ! de son pipi caca quotidien ! 

Serge : encore un qui se prenait pour Proust ! Et dire qu'il a été invité aux journées de Lagrasse... 

Roger : Oh ! là aussi on a affaire à ces fanfarons puants boboïsés... ils sont à la culture ce que les sectes congrégationalistes sont à la religion... d'ailleurs je crois, à Lagrasse aussi... Et pour monsieur pipi caca, n'en parle pas au passé, je n'ai pas envie de vérifier mais je ne crois pas qu'il soit mort... Et puis, après m'être bouché le nez et retenu la respiration, laisse moi prendre du Marcel Scipion à plein poumon ! 

Serge : dis-moi, oui, pour Scipion... 

Roger : de mémoire alors. Un point commun déjà, il habite un hameau en Haute Provence, à une altitude comparable à celle du Poumaïrol. Un peu de vin pour la force ! même aux pays des sources pures ! C'était un elixir, surtout concernant les longs jours d'été où il faut rentrer les réserves pour l'hiver ! Une force cosmique il disait, le magnétisme des profondeurs de la Terre lié à celui du soleil... Avec un peu d'eau ajoutée, pas l'inverse, je me souviens de ce détail, c'est important... Une vingtaine de kilomètres à faire jusqu'aux vignes de la plaine, là où il y a le lac maintenant... 

Serge : Serre-Ponçon ? 

Roger : non bien plus bas, sur le Verdon, non loin de Moustiers, regarde sur la carte... 

Serge : oui je vois, le lac de Sainte-Croix... 

Roger : si tu le dis... Marcel achetait le raisin à un copain marié là-bas, un berger de chez lui devenu vigneron. Il devait y en avoir pas mal ; ils descendaient avec deux mulets ; c'est vaillant le mulet ; les chemins étaient si cabossés que les grains s'écrasaient et pissaient le jus ; ils devaient presser de suite ; il donne même la recette de la piquette, pardon d'une piquette, rosée, pétillante, je l'ai encore en tête parce qu'ils mettaient dix kilos de bon miel et qu'aujourd'hui... au prix où est le miel, le bon je veux dire, d'une bonne provenance parce qu'avec toutes les arnaques, le sirop de sucre qui n'est pas du miel... 

(1) un nom que je ne dirai pas maintenant qu'il m'est revenu. Indice, il y a le mot "vergogne" dedans, je n'invente rien, avec le "v" se prononçant "b" comme dit en occitan, la langue que le personnage en question abhorre...     

dimanche 7 juin 2020

MARCEL SCIPION, Le Clos du Roi.


Un Clos dit “ du Roi ”, un vallon où emmener les moutons l'été à transhumer. Faire son pain mais pas pour rigoler (50 kilos de farine, 15 jours de miches pour la dizaine de personnes d'une famille élargie), faire ses patates, ses choux, son miel, sa médecine même avec les limites qu'on sait, son vin, distiller son marc en fraude, braconner les sangliers, le lièvre les nuits glacées de pleine lune malgré les gendarmes... Et tout ça conté presque au coin du feu... Oh c'est rustique, presque un cliché pour citadin mal à l'aise, rêvant d'un retour impossible à la nature... 

Pourtant cette prise de conscience ne date pas d'hier. Il y a bien 50 ans qu'elle s'est formée. Une extravagance de nantis au début mais qui petit à petit devient une obligation sans quoi nous allons à la catastrophe de plus en plus annoncée. De timide, le changement de cap devrait se préciser avec moins de bagnole, moins de produits, finie l'obsolescence programmée, il faut des circuits courts, il faut retrouver le bonheur de manger ce que donne un jardin sain... On ne parle de sa vie que parce qu'il y a eu rupture ; Marcel Scipion et bien des auteurs bêtement traités de régionalistes ont pris conscience de la mise en danger du planétaire, de l'universel, déjà avant 1980.  

Mais l'homme ne vit pas que de nourriture terrestre. Aussi au risque de passer pour un ethnocentré (je m'en fous c'est moins grave que le nombrilisme jacobin), je me laisse aller à apprécier notre penchant méditerranéen. Le littoral oui mais l'arrière-pays surtout, qui aborde vite l'altitude, chez nous, Corbières, Pyrénées, Montagne Noire, Espinouse, Cévennes, Monts de Vaucluse, Préalpes de Digne ou de Castellane avec une végétation qui rompt avec les garrigues et maquis. 

Gabachs ou gavots, partout des montagnards de quand la montagne était belle. Et ces mots, cette langue qui se doit de résister tant qu'une domination d'un autre âge n'a de cesse que de l'effacer pour ne pas qu'il soit dit qu'elle a été soumise... 
"Dijous ma finestro i a un ametlièr que fa de flours blancos coumo de papièr"... 
Et ce n'est pas parce qu'entre la science, le réchauffement climatique et l'épuisement des nappes phréatiques, l'amandier pousse plus au nord qu'il en a perdu pour autant sa portée symbolique.  


mercredi 6 décembre 2017

LA GNÔLE DE L’ANCIEN COMBATTANT / Accents du Sud



 


Dans le Clos du Roi, Marcel Scipion (1922-2013), le berger d’abeilles qui raconte si bien la vie en Haute Provence, parle de la distillation clandestine de la gnôle. Une façon de faire, un vocabulaire qui nous sont familiers et, de fil en aiguille, en prolongement, à propos de son père, une réaction d’ancien combattant de la Grande Guerre face aux commémorations. 

« … avec un bigot, fourche de fer aux dents courbes, on retirait dans des seaux toutes les grappes asséchées qui prennent alors le nom de « raque »… » (1)      

Dans les années trente, c’était déjà interdit de distiller à la maison mais son père attendait pour ce faire la Toussaint ou le 11 novembre quand tout le monde est occupé avec les fleurs du cimetière.

« … le 11 novembre. C’était même ce jour-là que préférait mon père : il disait qu’il avait l’esprit plus tranquille du côté des gendarmes, car brigadier compris, ils sont tous ce jour-là devant les monuments aux morts. Mon père, en bon poilu de Verdun qu’il était – il avait fait quatre ans de tranchée – s’abstenait de participer à ces fanfaronnades qu’il jugeait inutiles ; il préférait en profiter pour faire sa goutte… »

(1) la raco, la rafle tirée, à Fleury, avec le bigos, le préfixe indiquant que les dents sont au nombre de deux. 

 


lundi 4 décembre 2017

APPELS DU SUD / Faire la fête au cochon !



   

Hier, sans plaisir aucun mais parce que la résistance s’impose comme un devoir quand la démocratie se retrouve peu à peu confisquée par un appareil d’État autoritariste qui fait de plus en plus penser aux tristes « organes » de feue l’URSS, ferraillant contre la mercenaire de l’Éducation piètrement Nationale, à Mayotte comme en Navarre, faute d’une piste sur le Net, je tenais à retrouver dans ma paperasse le nom de ce Directeur de l’Enseignement de 1994 qui, lui, n’avait obtenu que la Lozère pour s’être certainement plus dévoué au peuple qu’à sa coterie. Rien pour le moment mais des trouvailles annexes, sur un cahier d’écolier, un agenda en guise de bloc-notes, des enveloppes, des papiers tous formats.

C’est comme passer un aimant sur des notes en vrac pour s’étonner ensuite des idées qui s’agrègent telles des limailles.

Et nous sommes en décembre, moi en short, torse nu, et là-haut en Europe, la magie de l’hiver avec la neige avant Noël… Les Corbières sont blanches ; la couche atteint cinquante centimètres nous dit Viviane sur le Plateau de Sault… Je pensais depuis quelque temps à Robert Reverdy de Pouzols-Minervois, artiste, poète à ses heures, qui aimait le pays et ses gens. Et je tombe sur ce coup de gueule (avec l’accent siouplèt !) du cuisinier Arnaud Daguin à la radio sur les paysans qui nous nourrissent mais crèvent de faim et sur ces cochons des temps modernes qui nous reviennent quatre fois plus cher que le prix trop modique pour être sincère !   


Et dans mes notes, un mot de tonton Stanislav de Tchéquie « Le cochon, s’il te voit tous les jours, il t’aime ! ». Alors on voit le tableau idéalisé d’une vie d’avant. Idéalisé car qui accepterait pour revenir à une nourriture plus saine, sans parler du travail d’élevage, de se faire tueur, saigneur. Dans le Clos du roi, Marcel Scipion le traduit bien :

« … Mon père, lui, n’avait jamais eu assez de force pour planter le couteau et trancher la veine jugulaire, ou plutôt, il avait trop de cœur : alors il demandait aux autres de faire ce sale travail… »

Robert Reverdy nous raconte aussi la fête du cochon, fête des hommes plutôt, d’une époque où la viande représentait un luxe, un apport très apprécié alors que les menus ordinaires restaient frugaux, sains mais frugaux…   

La fête du cochon.

C’était assurément le plus bel animal
Des cochons élevés au hameau de Laval ,
Bien nourri par les soins de sa propre maîtresse
Son embonpoint marquait l’épaisseur de sa graisse
Deux-cent-trente kilos ! quel remarquable poids
Aussi pour le saigner la lame entra trois fois.
Comme dans un étau, de peur qu’il se débatte
De vigoureuses mains tenaient ses quatre pattes.
Son corps roula pourtant sur les pieds d’un témoin
Alors un peu plus fort on lui serra le groin
A ce moment fatal l’œil vif devint féroce :
Quand le sang coule à flot, la douleur et atroce.
De grâce ! grogna-t-il dans un cri déchirant ;
Cet appel fut perçu par les porcs de Quillan.
Le maître du logis dit pour toute réplique
«  Ta succulente chair va devenir magique
Pour régaler ce soir l’appétissante faim
De mes nombreux convives invités au festin… »
Et c’est pourquoi l’on vit plus de trente personnes
S’attabler tout autour du cousin de Narbonne
La fête du cochon maintient par tradition
L’amitié des amis, aux parents, l’affection.

2 février 1956. Robert Reverdy. 

  


Note :  Laval est un hameau proche de Quillan, sur la route du Col de Saint-Louis, l'ancienne frontière avec le royaume d'Aragon puis d'Espagne où se faisaient les échanges (voir les articles sur les meuniers de Limoux). A ce propos, une thèse prétend que l'expression "Catala bourrou, Gavach porc" n'aurait rien de moqueur et serait simplement liée à ce commerce.  

Photos autorisées :
1. photo PxHere.  
2. Commons wikimedia. Quillan depuis le château 2014 Author Tournasol7