mardi 4 janvier 2022

LE POUMAÏROL (10) Écho de la France profonde face à la morgue d'en haut...

 Roger et Serge, complices depuis des lustres, se jouent (légalement) des limites imposées par l'épidémie de covid. En décembre 2020 ils ont entrepris de monter voir un pays aussi montagneux que mystérieux, pour les filles de là-bas qui ont de toujours laissé un souvenir si pimpant aux hommes émoustillés de la plaine. Mais qui a bien pu entendre parler du Poumaïrol ? Sans l'existence et la disponibilité sur le Net de la revue FOLKLORE, même eux qui filaient d'habitude dans les Pyrénées ou vers la Catalogne, n'auraient jamais rien su de ce pays plus haut que les sources de la Cesse. Dans l'épisode précédent, ils étaient à Minerve, la cité cathare, avant d'évoquer la présence préhistorique des Hommes, avec les grottes et les dolmens. 

voir  https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/12/grottes-et-dolmens-avant-les-filles-du.html

Après les causses et les cañons datant du Jurassique et suite à un virage radical à 90 degrés vers la Montagne Noire, les compères montent droit vers le Poumaïrol. 

Roger : regarde de ton côté si tu ne vois pas comme des carrières de pierres... 

Serge : quel genre ? 

Fleury 1972. Diapositive François Dedieu.
 

Roger : très spéciales, ils en tiraient des meules pour le blé... la localité, plus loin, s'appelle Saint-Julien-des-Meulières. 

Serge : attends, je regarde sur le Net... Oh ! ils disent qu'ils en sortaient déjà vers 1100 : "du calcaire gréseux hérissé de petits grains de quartz" afin de ne pas écraser la farine... 

Roger : surtout que les fines particules de farine peuvent faire exploser le moulin : il suffit d'une étincelle et en frottant les pierres en font...

Serge : ... les meules sont difficiles à transporter : elles se cassent... L'activité a duré jusqu'au chemin de fer, quand, depuis La-Ferté-sous-Jouarre de bonnes meules de silex s'exportèrent dans le monde entier... 750 ans d'activité ici quand même avant qu'ils ne produisent plus que de la roche concassée pour les remblais des routes ou du rail. 

Roger : joli ! je les regarderai d'un autre œil, les meules du jardin public, à Fleury !  

Une rue de Cassagnoles, pour le charme de nos villages que nous nous devons de toujours apprécier, en se défendant de se lasser... wikimedia commons, Author Tybo2


Et oui, le paysage a changé, nous sommes passés de la vigne et garrigues aux prairies et forêts. Cassagnoles église et cimetière wikimedia commons Author Tybo2
 

Serge : à droite, quelque part, la Cesse de nouveau et la petite route à gauche, tu as vu ? Quel joli nom ! Cassagnoles ! 

Roger : et oui, ça fait cassole et cassoulet... comme celui qu'on mange ce soir... j'ai l'estomac dans les talons ! 

Serge : hop hop ! Et la tête, tu l'as pas dans tes chaussettes ? Tu n'avais rien trouvé, tu dis, sur le Poumaïrol ? Et bé, je te signale qu'à propos de cette route, on parle déjà d'eux et du plateau... 

Roger : d'elles ? des filles ? 

Avaient-ils des vignes sur Félines-Minervois ? Quel joli nom encore, entre nous ! Cette vue témoigne du passage net de la plaine à la montagne. Wikimedia commons Author Didierjeanbernardfourcade
 

Serge : comme tu y vas, ce qu'il y a de vrai, c'est que la vallée de la Cesse fait communiquer le Minervois et la Montagne Noire, qu'il n'y avait pas que les filles qui descendaient proposer leur force de travail... je lis qu'ils avaient des vignes dans le Haut-Minervois... ils remontaient la vendange, de nuit, avec les vaches, jusque dans leur montagne... ils ont mis la photo d'un pressoir et une autre d'un foudre... 

Roger : c'est sûr qu'en plein jour, avec la chaleur, au bout d'une vingtaine de kilomètres sinon plus, le moût fermenté bouillonne comme la marmite d'Astérix... 

Serge : je ne sais pas s'ils avaient des comportes mais ils ne devaient pas presser le raisin... 

Roger : tu me fais penser à Marcel Scipion, tu sais, celui qui a écrit "Le Clos du Roi"... 

Serge : Ah oui... pour les parigots, encore un pauvre auteur de terroir, régionaliste, comme ils disent de ceux qui ne sont pas montés à Paris se rabaisser à faire valoir puis se faire voler leur talent ! 

Roger : et passe encore, pour ceux qui, même sans le dire, gardent le Sud, le pays natal au cœur, parfois avec la demande d'y être enterré... 

Serge : les traîtres sont rares mais, comment il s'appelait (1) celui de Corrèze, monté à Paris, qui crachait sur sa campagne et sur le parler abâtardi des gens ? 

Roger : oui, je vois qui tu veux dire. Son nom ne me revient pas... et tant mieux finalement... tu te rends compte qu'il se vantait d'avoir publié les milliers de pages de son journal intime ! de son pipi caca quotidien ! 

Serge : encore un qui se prenait pour Proust ! Et dire qu'il a été invité aux journées de Lagrasse... 

Roger : Oh ! là aussi on a affaire à ces fanfarons puants boboïsés... ils sont à la culture ce que les sectes congrégationalistes sont à la religion... d'ailleurs je crois, à Lagrasse aussi... Et pour monsieur pipi caca, n'en parle pas au passé, je n'ai pas envie de vérifier mais je ne crois pas qu'il soit mort... Et puis, après m'être bouché le nez et retenu la respiration, laisse moi prendre du Marcel Scipion à plein poumon ! 

Serge : dis-moi, oui, pour Scipion... 

Roger : de mémoire alors. Un point commun déjà, il habite un hameau en Haute Provence, à une altitude comparable à celle du Poumaïrol. Un peu de vin pour la force ! même aux pays des sources pures ! C'était un elixir, surtout concernant les longs jours d'été où il faut rentrer les réserves pour l'hiver ! Une force cosmique il disait, le magnétisme des profondeurs de la Terre lié à celui du soleil... Avec un peu d'eau ajoutée, pas l'inverse, je me souviens de ce détail, c'est important... Une vingtaine de kilomètres à faire jusqu'aux vignes de la plaine, là où il y a le lac maintenant... 

Serge : Serre-Ponçon ? 

Roger : non bien plus bas, sur le Verdon, non loin de Moustiers, regarde sur la carte... 

Serge : oui je vois, le lac de Sainte-Croix... 

Roger : si tu le dis... Marcel achetait le raisin à un copain marié là-bas, un berger de chez lui devenu vigneron. Il devait y en avoir pas mal ; ils descendaient avec deux mulets ; c'est vaillant le mulet ; les chemins étaient si cabossés que les grains s'écrasaient et pissaient le jus ; ils devaient presser de suite ; il donne même la recette de la piquette, pardon d'une piquette, rosée, pétillante, je l'ai encore en tête parce qu'ils mettaient dix kilos de bon miel et qu'aujourd'hui... au prix où est le miel, le bon je veux dire, d'une bonne provenance parce qu'avec toutes les arnaques, le sirop de sucre qui n'est pas du miel... 

(1) un nom que je ne dirai pas maintenant qu'il m'est revenu. Indice, il y a le mot "vergogne" dedans, je n'invente rien, avec le "v" se prononçant "b" comme dit en occitan, la langue que le personnage en question abhorre...     

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