A partir du 23 septembre, plus aucune donnée sur le journal des vendanges
1939. Il faut attendre le 8 octobre pour comprendre que la récolte se poursuit
mais sur le journal pas plus d’indication de quantité que de qualité. Le bec
dans l’eau bien que toujours dans l’ambiance de ce moment fort que sont les
vendanges dans l’année, la vie et l’Histoire du midi viticole depuis près de
deux siècles, dussions-nous regretter la tendance au productivisme reléguant
dangereusement l’art de vivre au rang des inutilités oiseuses, je me suis
laissé aller à compter les pages d’une correspondance avec mon père à Fleury.
Plus de 2587
pages a minima, qui me font l’effet d’une consolation, d’un baume au cœur
pour insensibiliser la déchirure non cicatrisée de la séparation, pour tenter
de maîtriser positivement l’éloignement qui mine, l’absence qui fait mal.
Pour sûr, plutôt que de toujours relire les auteurs qui nous plaisent, ce
serait dommage de ne pas reprendre aussi cette chronique certes personnelle
mais, sur bien des points, à partager. Sur cette bonne intention, par
désœuvrement sans doute, je me suis demandé ce que donneraient ces 2587
feuilles côte à côte, 21 centimètres chaque fois… Cela donnerait une ribambelle
longue en tout de 543, 07 mètres. Et comme, par hasard je songeais devant un
plan de Fleury, que ce demi-kilomètre de papier ne suffirait pas pour faire le tour du
village (740 m.)… Dire qu’avec Toutou et la Moustelle, pour retarder encore le moment du coucher, nous le parcourions, la
nuit, jusqu’à quatre fois d’affilée, dans des discussions sans fin, sans
susciter le moindre souci chez les riverains… Il n’y a pas à dire, la vie était
plus simple et plus tranquille alors…
Sinon, en cette période de vendanges où le pain quotidien comptait
beaucoup pour les efforts à fournir, ce désœuvrement me fait aligner ces 2587 feuilles
A4 pour rallier toutes nos boulangeries des années 60 qui travaillaient plus encor grâce à l'afflux des vendangeurs surtout espagnols.
En partant du haut de la Terrasse, vestige du château, l’itinéraire
commence étrangement par un passage couvert. Un étage de la maison d’Henri,
nichée dans le coude et dessus, couvre la ruelle qui, n’en étant pas à cela près, décrit un
coude à quatre-vingt-dix degrés à droite. En face c’est chez Maryse et Gérard.
Au niveau de leur pas de porte en regardant vers la chapelle des Pénitents dont la cloche muette semble toujours vouloir nous dire quelque chose,
encore des prénoms : Jean-Pierre, Francis, Josette, Régine, deux Louis, un
Roland.
Sur la Placette Alain et Christine, la Boulangerie-Pâtisserie d’Aimé
Monestier. Continuons de descendre mais de suite à gauche passons sous ce
porche qui ne peut pas mieux évoquer le Moyen-âge, sans les colombages mais les
poutres qui soutiennent toujours une habitation ne manquent pas d’allure. Et
là, la deuxième boulangerie du parcours, Théron le boulanger. Avait-il pris la
suite d’un Soriano ? Encore des prénoms qui flottent bien que flous :
Christian, Viviane ? A côté, Françoise… cette rue sur laquelle donne le
haut de la perception retourne vers le vieux village au niveau de la tour
Balayard (rue de la Tour, justement).
Et là, dans ces années 60, entre le
linge, les radios, les cris, les rires, les discussions bruyantes, les odeurs
de cuisine, comme couleur locale, ce ne peut être que le Sud ! Et quelle
ribambelle de garçons et de filles au cœur du village, le long de ruelles
tortueuses qui ont valu au quartier d’être surnommé « médina » :
Guy, José, un Gérard, un René, car d’autres suivront, Eliane, Francis, deux ou
trois Christian, peut-être deux Paulette, Michel, Georges, Pierre, Serge…(à suivre).
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