"... Mercredi 11 octobre (Ste Clémence). Reste
le vin blanc, gardé pour la fin, comme chaque année, car il faut le pressurer
tout de suite. La vigne du Baous lui est réservée. On l’atteint en prenant la
route de Marmorières et en prenant ensuite à droite pour suivre, prétend-on,
l’ancien chemin de Narbonne que devait prendre mon arrière-grand-mère, mamé Babelle,
maman de mamé Joséphine, tante Pauline et tante Marie, épouse de Gérard
Rossignol, lorsque cette dernière était souffrante à Narbonne. Et dire qu’elle
y allait à pied !
Pour d’autres, le Baous, c’est la
« Carrieiro Blanco », peut-être parce que le calcaire y est partout
présent mais sous forme de lauzes.
Alors que les raisins noirs sont depuis
longtemps dans une cuve ou un foudre, nous nous intéressons aux quelques
rangées de cépages blancs qui restent : la clairette, le picpoul aux
petits grains chétifs, le malvoisie venu nous apporter ses grappes divines
depuis la lointaine Grèce. Ce mélange nous donne un vin blanc qui fait
l’admiration des connaisseurs. et qui n’a pour rival que le muscat de derrière
la maison, un muscat comme jamais je n’en dégusterai un d’aussi bon. Il faut
dire que ses grappes sont cueillies très mûres, alors que les guêpes ont déjà
profité de nombreux grains. Le nombre de litres sera particulièrement limité
quand mon père aura soigneusement
calculé la quantité d’alcool à 90°, à ajouter pour muter l’ensemble et pour
qu’aucun goût alcoolisé ne ressorte à la dégustation, ce qui est rarement le
cas quand on vous sert de la carthagène…"
Caboujolette / 2008 / François Dedieu
Clairette,
picpoul, muscat... des cépages déjà mentionnés par Claude-Joseph Trouvé
pour les années 1803 - 1820. Concernant le muscat, les villages
d'Ouveillan, Pouzols et Sainte-Valière sont les plus réputés.
Concernant
la fabrication des comportes à Rivel, si Jean Girou, auteur de
L’Itinéraire en terre d’Aude (1936), note, à propos de l'activité « …
Région industrielle qui va
de Rivel à Mazamet… » il n'a pas un mot, par contre, pour le village des
comportes.
Quelques échos complémentaires chez Charles, Paul,
Auguste Ditandy (1826 - 1902), inspecteur d'académie à Carcassonne de
1872 à 1878.
"... Il est peu de familles de cette commune
dont quelque membre n'ait exercé jadis, la profession de sémalier.
Citons l'illustre Fillol lui-même et à ses côtés les Saliniés ou
Courals, les Bergès,les Jean de la Jeanne, les Olive dits Pétrins, etc,
tous hommes de forte trempe, de haute stature, d'une force et d'une
souplesse peu communes,qualités essentielles pour faire, comme on dit,
un rude sémalier, enlevant journellement ses huit comportes ordinaires.
Le
sémalier, debout au chant du coq, débute par l'assemblage des douves ;
il fonce ses cuves après son déjeuner et procède sur le soir à leur
toilette par le polissage. Quelques grands coups de massue, frappés en
cadence, achèvent le cerclage : cette ceinture en lattes de châtaignier,
rehausse la blancheur de la sémal. Dès lors, elle est complète : elle
ira briller dans cet état sur la place de Quarantan, aux foires
d'Azillz, d'Alzonnz, de Caunes, de Lézignan, de Peyriac et de
St-Maurice-de-Mirepoix.
Rivel Les contreforts du Pays de Sault Wikimedia Commons Auteur Lucas Destrem |
C'est au plus fort de l'hiver,
dans les quartiers les plus reculés de la forêt, que les sémaliers
exécutent leurs grands travaux. ils s'abritent la nuit dans une cabane
faite en écorce de sapin, recouverte de branches sèches et de mousse.
Après leur frugal repas, où les pommes de terre ont toujours les
honneurs de la table, ils s'étendent tout bonnement sur de la paille ; à
leurs pieds brille un immense brasier qui les réchauffe jusqu'à l'heure
de leur réveil.
Jadis, auprès des Rivelois, fiers de
la renommée de leur industrie, nul n'était réputé bon sémalier,
connaissant à fond son métier, s'il n'avait hiverné plusieurs années
consécutives au milieu des sapins, occupé à façonner un nombre déterminé
de "charges de douves ou douelles, destinées à la fabrication des
comportes.
[...] Moins empressés à l'office du soir,
ils se réunissaient par bandes à l'hôtellerie du Cheval-Blanc, à celle
du Lion-d'Or, où quelque bon quartier de mouton mitonnait pour eux dans
une ample ration de haricots parfumés à l'ail et au jambon..."
Passons
sur le lyrisme parfois trop poussé et revenons sur ce qui est digne
d'intérêt. Dans ses "Lectures variées sur le département de l'Aude",
Ditandy n'a pas fait que lire sur Rivel et les Rivelois. Ceux qui
connaissent les lieux pourront vérifier s'il dit juste quand il nomme
huit sources ou fontaines pour nous apprendre que le dimanche, les
sémaliers ne buvaient pas d'eau !
"Les verres se heurtaient sur
la nappe rougie [...] Adieu, ce jour-là, le pain aigre de maïs, qui,
sous le nom de tougno, a fait de tout temps la principale nourriture des
ménages peu fortunés ! Avec quelles délices ils mordaient dans le pain
blanc du boulanger !.."
Note : à propos de Rivel, je voulais voir le site belcaire over-blog.com que tenait Jean-Pierre. J'apprends, même si des posts trop vagues le laissaient deviner, qu'il est décédé... "parti si vite" à cause d'une maladie rare à laquelle on venait à peine de donner un nom. C'était un passionné et si vous aimez l'Aude et l'Ariège, avec lui vous serez servis, c'est un blog d'une richesse foisonnante même si les sémaliers de Rivel n'y figuraient pas encore.
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