Suite du journal des vendanges 1939 :
"... Mardi
10 octobre (St Paulin). Le
Mourre, (sur la route des Cabanes), une vigne où, une fois, le riche cousin
Charles Douarche, boulanger « industriel » et propriétaire d’un grand
hôtel luxueux à Rabat, s’est arrêté pour dire bonjour en ajoutant « Ne
loupez pas la vente ». Le Mourre est donc vendangé de même que les quatre
rangées voisines du cimetière (1). Baurène aussi y passe, vigne curieuse présentant
toujours un vide, nommé volcan, où les souches refusent de vieillir.
(1) Vigne ensuite vendue à Sagné et qui va finalement
disparaître lors de l’agrandissement du cimetière (la vue des Cayrols de l'autre jour laisse imaginer les vignes qui arrivaient alors jusqu'aux murs du cimetière).
Nous parlions "semal", "coustal", "comportes" et il est intéressant de se demander où elles étaient fabriquées, commercialisées. Sinon, c'est la forte et profonde empreinte de l'univers de la vigne et du vin qui m'a poussé à publier la photo du charrieur de dix-huit ans que j'étais alors, comme si, sans que j'en aie la moindre idée, le monde du raisin m'inscrivait dans un lignage remontant au moins à Bacchus et Dyonisos ! Mais à cet âge-là, qu'est-ce qu'on s'en fout, on ne se doute même pas... Il en faut des années pour que la symbolique du moût et de la terre nous rattrape. Celle du bois aussi parce qu'il ne faudrait pas charrier non plus, ce sont les comportes qui nous intéressent !
Papé Jean à la vigne du Mourre |
C’est sous le titre de « Tinettes ou
comportes » que Claude-Joseph baron Trouvé ou plutôt baron tout trouvé de
la noblesse impériale napoléonienne et Préfet de l’Aude en 1803 présente son Essai historique sur les états généraux de
la province de Languedoc, 2 volumes, 1818-1819. Il semble avoir préféré
cette responsabilité loin en province aux ors de l’Empire. D’ailleurs, en 1815
il ne voudra pas suivre le retour suicidaire de l’usurpateur, ce qui lui vaudra
de rester préfet de l’Aude un temps avant sa destitution par l’administration
de Louis XVIII.
Venons en au fait ! « On
désigne sous le nom de comporte une petite cuve ou vaisseau de bois qui n’est
point couvert, de forme ovale, plus large par le haut que par le bas, et ayant
une espèce de corne de chaque côté pour le porter… ». Précision de l’auteur :
la comporte est aussi utilisée pour le transport du savon noir dans les
fabriques.
C’est à Rivel qu’on les fabrique !
dans l’Aude ! Pas loin de Puivert dont l’histoire est liée à d’autres
barons du Nord (et aussi à la rupture catastrophique d’un barrage). Pas loin non
plus de Sainte-Colombe-sur-l’Hers dont l’histoire est restée liée à un fameux…
cassoulet ! Bref, au point de lire sur les anciennes cartes de géographie « Rivel de las semals » même si la fabrication se fait ailleurs
(Nébias, Roquefeuil, Quillan).
C’est le bois de sapin qui est utilisé. Les
forêts voisines y pourvoient à hauteur de 200 arbres chaque année qui doivent
se fendre droit (comme pour les bardeaux). Monsieur le préfet ajoute que cette
activité peut se faire dans les zones difficiles d’accès et d’où les fûts (pour le bois de construction),
difficiles à traîner, ne sortiraient qu’à bas prix ; les semaliers, en
effet, font les douves sur place (en languedocien de Fleury je crois avoir
entendu le terme « douelos » peut- être avec deux « l »).
Les 15 qui font ce travail se chargent de tailler aussi les douves cornalières
et les cerceaux de fer :
« … On appelle douve cornalière celle
à laquelle, de chaque côté, tient naturellement une branche de sapin qui forme
la corne… »
Au village, ce sont 20 ouvriers semaliers
qui les assemblent et les cerclent. Ils en fabriquent plus de dix-mille par an.
L’unité de vente en gros est la « charge » qui correspond à 16
comportes ordinaires ou 12 comportes charretières ou 20 si elles sont destinées
au transport du savon noir.
Les comportes sont vendues dans l’Aude,
les Pyrénées Orientales, l’Ariège, la Haute-Garonne, le Tarn et l’Hérault.
A leur couleur claire, on remarque au moins deux comportes neuves. |
Alors pre semple (contraction de par exemple) si je m'attendais ! Un grand merci au baron Trouvé pour cet
essai et certainement davantage que ce paragraphe sur les comportes de Rivel
page 627 ! Avec les sapins des Pyrénées audoises, c’est le moût et la
terre des semals lancées depuis l’épaule dans ma rangée de charrieur que je retrouve.
Je me suis même demandé si ce n’était pas désagréable d’avoir les mains
empéguées pendant des heures… Et bé non, je crois que plutôt qu’une grimace, c’était plutôt un
sourire ! Les vendanges, un souvenir magnifique malgré les efforts et la
fatigue… Et puis il y avait les vendangeuses ! ça compte quand on a
dix-huit ans et qu'on préfère un sourire à une grimace !
Source :
https://books.google.com/books?id=VF4bAQAAMAAJ&pg=PA627&lpg=PA627&dq=les+semaliers+de+Rivel&source=bl&ots=FoDg3Auq-8&sig=ACfU3U27hzGntsd0mg3NtxZeCQt8u4UpDw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjose60_pDlAhUIAWMBHXbtCiEQ6AEwBnoECAQQAQ#v=onepage&q=les%20semaliers%20de%20Rivel&f=false
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