FÊTE DU FÉLIBRIGE à Ouveillan.
Au mois d’août 1925, paraissait le numéro 91 de La Cigalo Narbouneso IXe année, uniquement consacré à le fèsto felibrenco d’Ouvelha du dimanche 28 juin (1).
« ... Coumèncet la vèlho per uno grando retrèto as flambèus... »
Cette fête a commencé la veille par une retraite aux flambeaux sur les airs de la Philarmonique avant que toute l’assemblée ne communie sur la place en chantant La Coupo Santo (2) accompagnée par l’Orfeoun l’Aveni.
« ...Lou lendema, de toutis lous caires, arribèt un fum de mounde... /... A 10 ouros, la courde l'oustal es claufido de mounde... /... mes ço de pus bèl es uno tièiro d'uno quaranteno de jouvencèlos pourtant la cofo narbouneso... /... S'arribo enfin a la Coumuno.../... la Marselheso restountits...»
A dix heures le lendemain, la Liro et la Filarmonico escortent une file de jouvencelles portant la coiffe narbonnaise. C’est tout un cortège qui les suit par les rues jusqu’à la commune (la mairie) où la Marseillaise retentit.
«.../... Gentos donos e cars felibres, es ame un grand gaudj que lou conse e la municipalitat saludoun vostro vengudo...»
S’ensuit un bref discours de bienvenue du maire M. Malardeau qui, honorant un passé glorieux, en appelle aux aïeux qui bataillèrent pour sauver leurs coutumes, les libertés et leurs terres. Il salue les Félibres, défenseurs du terroir, des traditions, des droits et du parler. Cette fête les fait communier avec les anciens faidits.
«.../... Uno patrio qu’a d’amaires tant fidèls pod pas mouri... »
Pour lui, une patrie aimée ne peut mourir et ce n’est pas parce qu’elle fut vaincue qu’il ne faut pas garder foi en l’avenir car elle resplendira à nouveau.
Le docteur Paul Albarel remercie de l’accueil. Son lyrisme embraye aussitôt sur un ton militant et exclusif.
«... Es ame plase que beurem ensemble "lou vin pur de noste plant".../...
Il reprend à plaisir l’image de la vigne profondément enracinée, symbole nouveau (3) en faveur de « la race du Midi (4)» qui ne boit que du « vin pur de notre plant » ... Les luttes pour le vin pur et contre les produits frelatés marquent aussi la résistance du Sud contre la chimie et les tricheurs, les vins arrangés, frelatés pour le plus grand profit d’une finance toujours assimilée au Nord, au pouvoir parisien "jacobicentripète". Maintenant, lorsque l’édile insiste en parlant de sève sans mélange, non abâtardie, nous devons rester convaincus qu’il parle bien du vin et non du peuple qui le produit. Sa réponse conclut avec le souhait de voir conserver l’héritage et la langue de ceux qui labouraient ou avaient à se battre « comme des lions ».
Ensuite, c’est la messe avec le sermon de l’abbé Salvat, professeur au petit séminaire de « Castel-nau-d’arî » et « vaillant félibre » qui, se référant à Frédéric Mistral insiste avant tout sur la religion, la religion, la religion...
La religion, dernier rempart contre la « racaille » des Barbares submergeant Rome, la religion protégeant le petit contre le gros quand, en 1496, le fonctionnaire des impôts a eu la main trop lourde. Le recteur se dépouillant des biens de l’Eglise, en 1576, pour éviter que le pays ne soit ruîné (6).
Midi. Le compte-rendu fait état «... das badals que lous estoumacs truls fan espeli...» (des baillements que les estomacs creux font éclore (5)).
Approchons-nous de la table !
(1) réf du numéro complet :
https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1925_0091/v0005.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::9bf868ba-aee4-4f98-bc3e-f6506f983e1f.selectedTab=thumbnail
(2) Connoté religieusement, ce chant imposé par Mistral et qui reste emblématique de la Provence était considéré comme l’hymne de l’Occitanie au sens large puisque les Catalans y sont associés. Aujourd’hui, « Se Canto » est plus fédérateur.
(3) Qu’aurait exprimé leur lyrisme, un siècle auparavant, quand les céréales représentaient la principale culture du Languedoc ?
(4) Attention au mot « race » avec un sens et un usage différent de ce qu’il est aujourd’hui, depuis qu’il est prouvé qu’il n’existe qu’une seule race humaine.
(5) Dans Le Tresor dòu Felibrige, Mistral précise : « ... "Espeli" peut se rapporter au lat. expellere, expulser...».
(6) Comme par hasard, le bon abbé ne pipe mot de la Croisade contre des Albigeois chargés d’hérétisme, d’extrémisme, alors que le catharisme, simple dissidence qu’il ne faut pas rapprocher du bogomilisme et du manichéisme orientaux, se définissait avant tout comme NON VIOLENT. Rien non plus sur l’Inquisition, les tortures, les bûchers qui suivirent la croisade. Les exemples de l’abbé Salvat, trop ponctuels (1496) ou peu probants concernant les guerres de religion qui voyaient la population souffrir et des exactions d’un camp et des réquisitions des leurs (1576) relèvent d’une propagande grossière.
photos personnelles :
1 & 2 Monument aux Morts "pacifiste" de René Iché (1897-1954). Le site de la mairie d'Ouveillan estropie son nom ! Es uno vergougno ! c'est une honte !.. Doit-on faire le parallèle avec la réduction annoncée du nombre des fonctionnaires, notamment territoriaux ?..
3 & 4 Si la mairie est peut-être à un autre endroit depuis, la cave coopérative ne date que de 1936. Contrairement à de nombreuses autres, désaffectées et même détruites, comme celles de Vinassan et de Lespignan (récemment), elle reçoit la vendange sur un large secteur (jusqu'à Narbonne) et est médiatiquement connue pour des vendanges du cœur solidaires.
Au mois d’août 1925, paraissait le numéro 91 de La Cigalo Narbouneso IXe année, uniquement consacré à le fèsto felibrenco d’Ouvelha du dimanche 28 juin (1).
« ... Coumèncet la vèlho per uno grando retrèto as flambèus... »
Cette fête a commencé la veille par une retraite aux flambeaux sur les airs de la Philarmonique avant que toute l’assemblée ne communie sur la place en chantant La Coupo Santo (2) accompagnée par l’Orfeoun l’Aveni.
« ...Lou lendema, de toutis lous caires, arribèt un fum de mounde... /... A 10 ouros, la courde l'oustal es claufido de mounde... /... mes ço de pus bèl es uno tièiro d'uno quaranteno de jouvencèlos pourtant la cofo narbouneso... /... S'arribo enfin a la Coumuno.../... la Marselheso restountits...»
A dix heures le lendemain, la Liro et la Filarmonico escortent une file de jouvencelles portant la coiffe narbonnaise. C’est tout un cortège qui les suit par les rues jusqu’à la commune (la mairie) où la Marseillaise retentit.
«.../... Gentos donos e cars felibres, es ame un grand gaudj que lou conse e la municipalitat saludoun vostro vengudo...»
S’ensuit un bref discours de bienvenue du maire M. Malardeau qui, honorant un passé glorieux, en appelle aux aïeux qui bataillèrent pour sauver leurs coutumes, les libertés et leurs terres. Il salue les Félibres, défenseurs du terroir, des traditions, des droits et du parler. Cette fête les fait communier avec les anciens faidits.
«.../... Uno patrio qu’a d’amaires tant fidèls pod pas mouri... »
Pour lui, une patrie aimée ne peut mourir et ce n’est pas parce qu’elle fut vaincue qu’il ne faut pas garder foi en l’avenir car elle resplendira à nouveau.
Le docteur Paul Albarel remercie de l’accueil. Son lyrisme embraye aussitôt sur un ton militant et exclusif.
«... Es ame plase que beurem ensemble "lou vin pur de noste plant".../...
Il reprend à plaisir l’image de la vigne profondément enracinée, symbole nouveau (3) en faveur de « la race du Midi (4)» qui ne boit que du « vin pur de notre plant » ... Les luttes pour le vin pur et contre les produits frelatés marquent aussi la résistance du Sud contre la chimie et les tricheurs, les vins arrangés, frelatés pour le plus grand profit d’une finance toujours assimilée au Nord, au pouvoir parisien "jacobicentripète". Maintenant, lorsque l’édile insiste en parlant de sève sans mélange, non abâtardie, nous devons rester convaincus qu’il parle bien du vin et non du peuple qui le produit. Sa réponse conclut avec le souhait de voir conserver l’héritage et la langue de ceux qui labouraient ou avaient à se battre « comme des lions ».
Ensuite, c’est la messe avec le sermon de l’abbé Salvat, professeur au petit séminaire de « Castel-nau-d’arî » et « vaillant félibre » qui, se référant à Frédéric Mistral insiste avant tout sur la religion, la religion, la religion...
La religion, dernier rempart contre la « racaille » des Barbares submergeant Rome, la religion protégeant le petit contre le gros quand, en 1496, le fonctionnaire des impôts a eu la main trop lourde. Le recteur se dépouillant des biens de l’Eglise, en 1576, pour éviter que le pays ne soit ruîné (6).
Midi. Le compte-rendu fait état «... das badals que lous estoumacs truls fan espeli...» (des baillements que les estomacs creux font éclore (5)).
Approchons-nous de la table !
(1) réf du numéro complet :
https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1925_0091/v0005.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::9bf868ba-aee4-4f98-bc3e-f6506f983e1f.selectedTab=thumbnail
(2) Connoté religieusement, ce chant imposé par Mistral et qui reste emblématique de la Provence était considéré comme l’hymne de l’Occitanie au sens large puisque les Catalans y sont associés. Aujourd’hui, « Se Canto » est plus fédérateur.
(3) Qu’aurait exprimé leur lyrisme, un siècle auparavant, quand les céréales représentaient la principale culture du Languedoc ?
(4) Attention au mot « race » avec un sens et un usage différent de ce qu’il est aujourd’hui, depuis qu’il est prouvé qu’il n’existe qu’une seule race humaine.
(5) Dans Le Tresor dòu Felibrige, Mistral précise : « ... "Espeli" peut se rapporter au lat. expellere, expulser...».
(6) Comme par hasard, le bon abbé ne pipe mot de la Croisade contre des Albigeois chargés d’hérétisme, d’extrémisme, alors que le catharisme, simple dissidence qu’il ne faut pas rapprocher du bogomilisme et du manichéisme orientaux, se définissait avant tout comme NON VIOLENT. Rien non plus sur l’Inquisition, les tortures, les bûchers qui suivirent la croisade. Les exemples de l’abbé Salvat, trop ponctuels (1496) ou peu probants concernant les guerres de religion qui voyaient la population souffrir et des exactions d’un camp et des réquisitions des leurs (1576) relèvent d’une propagande grossière.
photos personnelles :
1 & 2 Monument aux Morts "pacifiste" de René Iché (1897-1954). Le site de la mairie d'Ouveillan estropie son nom ! Es uno vergougno ! c'est une honte !.. Doit-on faire le parallèle avec la réduction annoncée du nombre des fonctionnaires, notamment territoriaux ?..
3 & 4 Si la mairie est peut-être à un autre endroit depuis, la cave coopérative ne date que de 1936. Contrairement à de nombreuses autres, désaffectées et même détruites, comme celles de Vinassan et de Lespignan (récemment), elle reçoit la vendange sur un large secteur (jusqu'à Narbonne) et est médiatiquement connue pour des vendanges du cœur solidaires.
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