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lundi 19 décembre 2022

ROSAS...

 Il est vrai qu'à la fin des années 60, nous devons être peu nombreux à penser que prononcer " ROSES " serait respecter l'identité catalane de la province espagnole à nos portes, de même nous disons "Figueras" pour le chef-lieu de la comarque de l'Alt Empordà, la ville où poussent les figuiers... c'est comme parler d'aller " en Espagne " et non en Catalogne... Il faut peut-être y voir, pour un pays centralisé qui dit "Roussillon" et non "Catalogne Nord", la négation du particularisme, la hantise de la sécession... une pensée à relativiser puisque dans l'autre sens ils doivent dire qu'ils viennent en France. 

Alors allons faire un tour en Espagne, quelques heures, avant tout pour des achats moins onéreux de l'autre côté de la frontière, sinon, en touristes, pour la journée. Ce que nous sommes loin d'évaluer est que dans ces années 60, le tourisme à plus grande échelle (séjours, investissements immobiliers) représente la moitié des entrées de devises ainsi que l'acceptation implicite de la dictature, Franco laissant entendre qu'une forte présence étrangère conforte le bien-fondé de sa gouvernance. 
Au village, le Club des Jeunes, parfois grâce au Foyer Léo Lagrange de Coursan, organise des sorties à Rosas, à Figueras. Que des garçons dans le car il me semble... Les filles seraient-elles encore très " encadrées " à la maison ? Les pays de l'Europe du Sud, méditerranéens, restent corsetés dans des valeurs traditionnalistes, machistes, que la religion conforte. Ce carcan, le tourisme de masse va le mettre à mal. Ainsi, sur la Costa Brava, pour un jeune homme, il est dit que vivre avant le tourisme, c'est une seule fiancée, rentrer avant dix heures le soir, intégrer pour plus tard que le divorce et l'adultère sont montrés de doigt... Avec le tourisme, la fiancée en hiver, celles, passagères, de l'été, la fête jusqu'au petit matin, la vie privée moins livrée au qu'en-dira-t-on...   
Roses_Fischerhafen  licence Creative Commons Attribution 3.0 (non transposée) Auteur Gordito 1869

Rosas, à l'origine un port de pêche, une jolie station balnéaire de plus en plus fréquentée. Au fil des années, aux locations va s'ajouter, à titre collectif ou individuel, la construction d'appartements ou de résidences secondaires. Chez nous, c'est la raison pour laquelle la politique essaie de retenir les estivants avant la frontière grâce au développement, suivant le plan Racine, des stations du Languedoc-Roussillon. 
Nous concernant, la journée à Rosas, en avril ou mai, c'est pour l'exotisme des palmiers, des filles locales auprès desquelles on se fait photographier. Aussi un repas dépaysant avec tapas ou la paella au restaurant, manière d'imiter les embourgeoisés du village, d'un certain âge, qui partent, parfois loin, pour une bonne table. On se groupe par affinité, on court les menus fichés à l'extérieur des établissements, on se croise, on échange de bons tuyaux. Ensuite ce sont les achats, cartes postales, cigarettes et cigarillos, allumettes de cire, menus objets d'orfèvreries usinées, castagnettes ou éventail à offrir... La promenade en bord de mer, le retour des chalutiers, des barques catalanes et après les cagettes de poissons pour la criée, c'est le retour. Fin de la sortie. 

Roses_Palmenpromenade  licence Creative Commons Attribution 3.0 (non transposée). Auteur Gordito 1869

Sources : en plus de sites divers dont wikimedia, le tourisme des années 60 à destination de l'Espagne : le cas des Français [article] Esther Sanchez, Histoire économie et société, année 2002, pages 413-430


dimanche 18 décembre 2022

BARCELONA...

Diapositive François Dedieu 1970

Diapositive François Dedieu 1970. 

Barcelone, c'est un petit voyage en caravane, un cauchemar quand on a dix-neuf ans, qu'on veut s'émanciper, rompre avec le modus vivendi familial, que la majorité légale est à 21 ans, que les parents n'ont pas confiance pour me laisser seul... Bien que parti contraint et contrit, quelques souvenirs agréables ont néanmoins survécu : le contraste entre l'ocre des rochers, le vert des pins, le bleu de la mer avec la Costa Brava, Sant-Feliu-de Guixols avec un restaurant local je crois, Badalona, l'entrée sur Barcelone parce qu'ils y élaborent l'anis del mono, l'anisette avec le singe sur l'étiquette, et bien sûr la capitale de la Catalogne même si la visite du port, des Ramblas (pourquoi disait-on " les Ramblas " alors que les plans mentionnent le singulier ?) n'est pas allée plus loin que la cathédrale. Voir le port, la colonne Colomb, juste une après-midi avant de s'en retourner vers la frontière. Du musée maritime, il me reste le souvenir de l'imposant bâtiment (ce n'étaient pas les Drassanes, le vaste arsenal royal qui aujourd'hui a bien agrandi la surface et les volumes). Où étaient les miens ? J'ai l'impression d'avoir visité les maquettes seul, pour être plus indépendant, sûrement... 

Barcelona_Cristobal_Colón  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International. Auteur AmeAleCV

Barcelone, quelques années plus tard, comme guide, en voyage éducatif organisé, plutôt que de suivre les cours de droit... Cinquante ans plus tard, le malaise demeure, j'ai du mal à parler du jeune homme mal dans sa peau, menteur, dissimulateur, fils peu digne, toujours dans une fuite en avant de plaisirs ponctuels... Pourquoi ? A qui les torts ? Pour masquer la mauvaise conscience me poursuivant, plutôt parler de Barcelone, la capitale qui le vaut bien avec, pour commencer, une référence extrême à l'Histoire, non loin de L'Escala, le site gréco-romain d'Empuriès aujourd'hui aménagé avec un musée (Ampurias dans les années 60, plus sauvage, avec une harmonie poétique plus marquée entre les ruines, les grands pins et le bord de mer). 

Diapositive François Dedieu 1970. 

Avec les jeunes et les accompagnateurs, nous logions dans les hôtels historiques des Ramblas, du centre, avec un ascenseur, des faïences, des boiseries début de siècle mais, me concernant, dans le désintérêt total de tout ce qui pouvait lier au passé, à l'Histoire. Pourtant, depuis la terrasse du Corte Inglés, une sorte de Dames de France puissance quatre, le débouché de l'avenue portant le nom de Franco,ou caudillo ou généralissime, en direction de Madrid, du moins d'une Castille conservatrice, me laissait songeur à siroter un café. Et en bas était-ce la Place de Catalogne ou avait-elle été débaptisée ?   

Au programme, le musée Picasso, période rose, période bleue, la Sagrada Familia et les maisons Gaudi, la colline de Monjuich avec la reconstitution des habitats espagnols, la présence d'artisans animant des métiers anciens. A l'extérieur la visite du monastère de Montserrat, site d'un pèlerinage à la vierge noire dans une montagne découpée en dents de scie... Les Bénédictins entretenaient une chorale réputée de petits garçons (à l'époque seuls les mécréants auraient pu émettre des soupçons sur des déviances potentielles... sauf que quand l'Internet fonctionne, nous apprenons que des scandales sexuels secouent l'abbaye... Ces poursuites légitimes devant la justice le sont-elles concernant la dénonciation de rapports homosexuels ? Quand donc le mariage leur sera-t-il permis ?).   
Au début de ces années 70, l'ambiance n'est pas plombée par les vols à la tire, la violence généralisée et la drogue émerge à peine au grand jour, aussi une sortie de nuit au barrio chino ne pose pas problème (les Catalans disent " barri " pour " quartier " sauf que sous Franco, le fait catalan est autoritairement interdit... une interdiction loin d'être théorique puisque dans les dernières années du régime, des opposants politiques ont encore été condamnés à mort). Qui s'en douterait dans ce quartier chaud où déferlent les marins américains. Ils se défoulent des jours en mer trop nombreux et quand l'un d'eux me tape amicalement sur l'épaule, je me retrouve invité devant une assiette de caracoles et un cuba libre. Lui n'en est pas à son premier mais l'esprit encore clair, il explique que la moitié des gars s'amuse tandis que l'autre, matraque à la main, casque MP sur la tête contient les bagarres et contraint au retour quand c'est l'heure, à charge de revanche, le soir d'après. Je l'ai suivi mon copain d'un soir, de Norfolk il m'a dit. Un flux de braillards débraillés bien encadrés descend vers le port où attendent les chaloupes. Je le perds de vue mais il n'était pas loin de celui qui serre sur sa poitrine une poupée en robe de flamenco en pensant à la fiancée laissée de l'autre côté de l'océan. La chaloupe s'éloigne en ballottant. Cette nuit, personne ne s'est jeté à l'eau pour échapper au bateau-prison... 

Barcelona_August_2014_-_Castell_de_Montjuic Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International Auteur Mummelgrummel


Depuis le fort de Monjuic d'où la gueule des canons surveille la mer, la vue est superbe sur le port de Barcelone où attend le ferry pour les Baléares ou Gênes ou Tanger (années 2000) même sans les navires de guerre de l'oncle Sam. En attendant de prendre le bateau un jour, se faire un petit resto... Au fait quelle est l'alcoolémie autorisée au volant en Espagne ?  

Barcelona_Marina_from_Montjuic  Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur Tony Hisgett from Birmingham UK

samedi 13 août 2022

"La Terre est bleue comme une orange" Paul Eluard.

 Alors, les pieds tanqués dans ce Golfe du Lion en partage, à tirer en arrière ce tenillier des temps nouveaux, ridicule au point de ressembler à une épuisette de gosse, du genre pousseux, contraint qui plus est par un règlement draconien interdisant de se harnacher, parce qu’à force de ne pas aller contre le pillage des professionnels, les autorités l’ont plus facile (comme pour les impôts) de frustrer le vulgum pecus. Oublions. Si labourer le sable est presque un crime aujourd’hui, la lente progression n’évoque pas que la dure condition des travailleurs de la mer si bien nommés par Victor Hugo, dont Yves le pêcheur. 


En effet, pour le plaisir d’une poêle de haricots de mer, libre à nous de voir, jusqu’à l’horizon, celui à poursuivre dans une quête pas si vaine que cela puisque le regard porte au large vers les profondeurs de nos pensées. La beauté de la planète de vie, la présence éphémère des Hommes, l’éternité de la mer. Le ciel offrant son bleu lumineux à la Méditerranée, ces ronds de chaleur qui tournent dans nos yeux tels ces cieux de Van Gogh et, dans le Golfe, ces éclats, ces reflets, bordés de boucles claires d’écume, où dansent des voiles, de plaisir certes, mais toujours aussi blanches.

La Terre ? la terre ?  majuscule ou non ? Bien sûr que si... c'est un élève qui me l'a appris, il y a près de trente ans... leçon inoubliable... un prof se doit de rester modeste... Quant à Eluard, trêve de surréalisme, à propos de notre planète il faut la majuscule ! 

Et tout au bout là-bas, toujours dans un bleu mais qu’un temps de mer idéal estompe et teinte de gris, la pointe des Pyrénées au cap Béar sinon Cerbère et peut-être, déjà en Catalogne, le cap de Creus. L’Espagne voisine, cousine, qui nous est chère pour le dépaysement qu’elle procure, l’authenticité due à un régime politique sévère, asservie qu’elle est par la dictature franquiste (jusqu’en 1975), comme elle le fut, de longs siècles durant, par la noblesse alliée à l’Eglise. Avant de profiter, plus loin, de la Costa Brava, de Barcelone et d’incursions plus lointaines, le rapprochement initié par la forte présence espagnole dans nos départements du sud vaut une prise de contact pour tâcher de savoir qui est l’autre plutôt que de le côtoyer sans se soucier de son altérité. Les premiers pas se font du côté de Port-Bou, Rosas, Figueras, et bien sûr La Jonquera, le Perthus.  

Par dessus la ligne de crête, le peintre Dali, le sculpteur Maillol et les fauves à Banyuls (Matisse, Derain, Braque...), le passeur, berger des abeilles d’Armand Lanoux, Antonio Machado venu finir de tristes jours d’hiver à Collioure, pourtant un si beau site, inspirant, entre autres, les cubistes... Toujours, sous le « clocher d’or » mais aux beaux jours, Charles Trénet, pour la sardane. Toute cette Côte est Vermeille avec Port-Vendres, Banyuls, Cerbère.

Au pied des Albères, Le Boulou, Amélie pour les bains, Céret pour les cerises, le sillon du Tech, les artistes Manolo et Picasso, à Thuir, la plus grosse cuve du monde, Pablo Casals à Prades, la vallée de la Têt, les pêches de l’été qui se vendaient jusque chez nous, sur la plage du camping sauvage, par cageots (on ne disait pas « plateau »).

Pyrène, Cerbère, une mythologie sur laquelle règne le mont Canigou qui s’éclaire chaque année des feux de la Saint-Jean. Il ne domine pas que le Roussillon, l’Empurdan : on le voit depuis la Costa Brava, depuis nos rivages méditerranéens, du haut du Mont Aigoual et, par temps clair, depuis Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille ! Bonne Mère !   

Le Conflent : à deux pas de Villefranche, la vieille ferme des parents d’une amitié aux heures comptées... Que reste-t-il des pages qui se tournent ? Les mots sur le papier sont moins volatiles que les électrons octets, bits et pixels... pardon de tout mélanger mais de simples hectares me donnent déjà à réfléchir... 

"... Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté." Paul Eluard. 

Alors, sans la Terre majuscule, où serait la terre minuscule, marron, de la planète Bleue ? Orange il a dit le poète ? sûrement pour le fruit venu d'ailleurs, rare, précieux, unique cadeau que le Père Noël portait...