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dimanche 23 avril 2023

NOS CLASSES AVANT. La polycopieuse.

Automatic_Cyclostyle_French_ad_OM domaine public wikimedia commons
Pas si antiques, les nôtres, plus pratiques, maniables mais plus proches par le fonctionnement de celle-ci que des photocopieuses actuelles. 

L’association, la MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) a utilisé une polycopieuse à alcool pour publier un journal sur la vie de la commune.

Avec les moyens actuels, ils ont numérisé deux numéros de  « MON VIAS » 1972, une publication alors offerte aux trois jeunes gens devant assumer leur temps sous le drapeau, le service militaire.

Figurent aussi les naissances, les décès, le cochon gagné au loto par Barthélémy Galibert dit « Mimi » (1905-1976) ainsi que le fémur cassé d’Isabelle, en descendant du train. Le bulletin indique aussi les épiciers, le poste d’essence de service par roulement, le dimanche. 

Un_fourgon_Citroën_Type_H_(4) Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Jean-Pierre Bazard

vélomoteur Mobylette Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur A1AA1A

« Vends fourgon HY 72 surélevé de 1965 ; vends vélomoteur marque MOBYLETTE » : des petites annonces sans plus de précisions mais à une époque où tout le monde se connaît. Un mot sur le mauvais temps qu’il a fait... onze jours de pluie dans le mois de janvier et des inondations suite aux crues de l’Hérault, de la Maïre, du Libron (les bâches sur le Canal du Midi ont dû se déplier et se replier quelques fois)... d’un extrême à l’autre avec la grave sécheresse de cette année...

Et ces 45 de la Boule Joyeuse partis à Montady non pas pour un concours de pétanque (on ne joue pas en février... et puis, le temps qu’il a fait... ) mais pour le banquet de fin d’exercice ; entre la langouste et les champignons à la provençale, le vice-président eut du mal à faire le bilan... modération et alcool au volant ne préoccupaient pas grand monde alors...

Au foot, en attendant des jours meilleurs, ils partent de si loin qu’ils ne peuvent que progresser.

Le goûter des anciens (le paragraphe est titré « Chez nos vieux », un mot qui ne faisait pas peur), les jours ouvrables pour la buvette à la coopé, la mutuelle de Béziers qui tous les premiers mardis du mois vient encaisser les cotisations, les prisonniers de guerre qui se félicitent de pouvoir communiquer si nécessaire, grâce au journal ; le comité des fêtes avec le programme de carnaval (élection de la miss, bals avec les orchestres Salvador et Didier Clapton, cavalcade), le St-Hubert Club qui a lâché lièvres et perdreaux pour repeupler ainsi que des faisans à tirer.

Le journal comprend six pages consacrées à l’Histoire du village avec les noms des lieux par rapport aux cultures, les épidémies de peste et l’évocation des « ventres bleus » bien que, étrangement, seulement pour les voisins Portiragnais...

En illustration, une scène humoristique sur la sortie de l’animal totémique... on dirait la tête d’un cheval bien mobile au bout d’un long cou sortant de la carcasse. Les animaux totémiques étant caractéristiques du département de l’Hérault, nous aurons l’occasion d’en reparler...

Dans le numéro de mars, un paragraphe sur la sortie d’un jour à la neige, en car : un fait marquant cette découverte alors. Le club ping-pong, le club photo, une rubrique sur la langue occitane...

Ce regard sur un demi-siècle en arrière, s’il représente un témoignage précieux, est d’autant plus plaisant pour qui l’a vécu. Malheureusement, je n’ai pas grand chose à produire sur ce que nous faisions au village, une paire de sorties au ski ou en Espagne, du ping-pong (on disait comme ça) mais nous ne pouvons que nous reconnaître dans ces pages de vie à Vias même si, entre le foot et le rugby, la situation est tout à fait à l’opposé à Fleury !  

Et puis la polycopieuse à manivelle, cette odeur d’alcool à brûler...  

«... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l’encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été... »         Automne, René-Guy Cadou (1920-1951).  

 La mauvéine pour l’encre même s’il était possible de reproduire des couleurs basiques. La machine de l’école, pas chère, pratique, même si les enseignants de la méthode Freinet avaient pour principe l’impression d’un texte individuel comme base du travail (nous en aurons un joli exemple à propos de Salles-d’Aude, les villages voisins devant apparaître dans le tome 4 de notre cycle)

Je ne l’ai pas été longtemps mais que le métier d’instituteur peut être attachant (espérons qu’il le reste autant pour nos professeurs des écoles). France Inter, émission le 7-9 du vendredi 21 avril avec le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye : le journaliste a rappelé qu’en 1980 un enseignant débutait à 2 fois le SMIC avec une licence et aujourd’hui 1,3 fois le SMIC avec un master. Il a ajouté que l’année passée 4 000 postes au concours n’avaient pas été pourvus (source Agoravox avril 2023).

dimanche 18 décembre 2022

BARCELONA...

Diapositive François Dedieu 1970

Diapositive François Dedieu 1970. 

Barcelone, c'est un petit voyage en caravane, un cauchemar quand on a dix-neuf ans, qu'on veut s'émanciper, rompre avec le modus vivendi familial, que la majorité légale est à 21 ans, que les parents n'ont pas confiance pour me laisser seul... Bien que parti contraint et contrit, quelques souvenirs agréables ont néanmoins survécu : le contraste entre l'ocre des rochers, le vert des pins, le bleu de la mer avec la Costa Brava, Sant-Feliu-de Guixols avec un restaurant local je crois, Badalona, l'entrée sur Barcelone parce qu'ils y élaborent l'anis del mono, l'anisette avec le singe sur l'étiquette, et bien sûr la capitale de la Catalogne même si la visite du port, des Ramblas (pourquoi disait-on " les Ramblas " alors que les plans mentionnent le singulier ?) n'est pas allée plus loin que la cathédrale. Voir le port, la colonne Colomb, juste une après-midi avant de s'en retourner vers la frontière. Du musée maritime, il me reste le souvenir de l'imposant bâtiment (ce n'étaient pas les Drassanes, le vaste arsenal royal qui aujourd'hui a bien agrandi la surface et les volumes). Où étaient les miens ? J'ai l'impression d'avoir visité les maquettes seul, pour être plus indépendant, sûrement... 

Barcelona_Cristobal_Colón  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International. Auteur AmeAleCV

Barcelone, quelques années plus tard, comme guide, en voyage éducatif organisé, plutôt que de suivre les cours de droit... Cinquante ans plus tard, le malaise demeure, j'ai du mal à parler du jeune homme mal dans sa peau, menteur, dissimulateur, fils peu digne, toujours dans une fuite en avant de plaisirs ponctuels... Pourquoi ? A qui les torts ? Pour masquer la mauvaise conscience me poursuivant, plutôt parler de Barcelone, la capitale qui le vaut bien avec, pour commencer, une référence extrême à l'Histoire, non loin de L'Escala, le site gréco-romain d'Empuriès aujourd'hui aménagé avec un musée (Ampurias dans les années 60, plus sauvage, avec une harmonie poétique plus marquée entre les ruines, les grands pins et le bord de mer). 

Diapositive François Dedieu 1970. 

Avec les jeunes et les accompagnateurs, nous logions dans les hôtels historiques des Ramblas, du centre, avec un ascenseur, des faïences, des boiseries début de siècle mais, me concernant, dans le désintérêt total de tout ce qui pouvait lier au passé, à l'Histoire. Pourtant, depuis la terrasse du Corte Inglés, une sorte de Dames de France puissance quatre, le débouché de l'avenue portant le nom de Franco,ou caudillo ou généralissime, en direction de Madrid, du moins d'une Castille conservatrice, me laissait songeur à siroter un café. Et en bas était-ce la Place de Catalogne ou avait-elle été débaptisée ?   

Au programme, le musée Picasso, période rose, période bleue, la Sagrada Familia et les maisons Gaudi, la colline de Monjuich avec la reconstitution des habitats espagnols, la présence d'artisans animant des métiers anciens. A l'extérieur la visite du monastère de Montserrat, site d'un pèlerinage à la vierge noire dans une montagne découpée en dents de scie... Les Bénédictins entretenaient une chorale réputée de petits garçons (à l'époque seuls les mécréants auraient pu émettre des soupçons sur des déviances potentielles... sauf que quand l'Internet fonctionne, nous apprenons que des scandales sexuels secouent l'abbaye... Ces poursuites légitimes devant la justice le sont-elles concernant la dénonciation de rapports homosexuels ? Quand donc le mariage leur sera-t-il permis ?).   
Au début de ces années 70, l'ambiance n'est pas plombée par les vols à la tire, la violence généralisée et la drogue émerge à peine au grand jour, aussi une sortie de nuit au barrio chino ne pose pas problème (les Catalans disent " barri " pour " quartier " sauf que sous Franco, le fait catalan est autoritairement interdit... une interdiction loin d'être théorique puisque dans les dernières années du régime, des opposants politiques ont encore été condamnés à mort). Qui s'en douterait dans ce quartier chaud où déferlent les marins américains. Ils se défoulent des jours en mer trop nombreux et quand l'un d'eux me tape amicalement sur l'épaule, je me retrouve invité devant une assiette de caracoles et un cuba libre. Lui n'en est pas à son premier mais l'esprit encore clair, il explique que la moitié des gars s'amuse tandis que l'autre, matraque à la main, casque MP sur la tête contient les bagarres et contraint au retour quand c'est l'heure, à charge de revanche, le soir d'après. Je l'ai suivi mon copain d'un soir, de Norfolk il m'a dit. Un flux de braillards débraillés bien encadrés descend vers le port où attendent les chaloupes. Je le perds de vue mais il n'était pas loin de celui qui serre sur sa poitrine une poupée en robe de flamenco en pensant à la fiancée laissée de l'autre côté de l'océan. La chaloupe s'éloigne en ballottant. Cette nuit, personne ne s'est jeté à l'eau pour échapper au bateau-prison... 

Barcelona_August_2014_-_Castell_de_Montjuic Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International Auteur Mummelgrummel


Depuis le fort de Monjuic d'où la gueule des canons surveille la mer, la vue est superbe sur le port de Barcelone où attend le ferry pour les Baléares ou Gênes ou Tanger (années 2000) même sans les navires de guerre de l'oncle Sam. En attendant de prendre le bateau un jour, se faire un petit resto... Au fait quelle est l'alcoolémie autorisée au volant en Espagne ?  

Barcelona_Marina_from_Montjuic  Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur Tony Hisgett from Birmingham UK

mercredi 5 octobre 2022

MAYOTTE années 70...

 Ecrit par Jean-Pierre (son nom n'est pas dévoilé). Merci à ce contributeur en commentaire à un article d'Hérodote sur Mayotte.  

J'ai été pendant 2 ans de 75 à 77 à La Réunion. J'étais à cette époque pilote de Transall dans l'Armée de l'Air basé à St Denis et nous avons vécu les événements de Mayotte et de l'indépendance des Comores en direct.


Giscard avait décidé de donner l’indépendance à tout l’archipel et lorsque Mayotte a dit non, ce fut un véritable séisme au palais et du jamais vu dans les annales. Comment peut-on refuser d’être indépendant ?


Je peux confirmer que le seul argument avancé pour ce refus et que j’ai pu constater sur place en discutant avec la population, c’est que depuis la nuit des temps les mahorais constituaient une réserve inépuisable d’esclaves des 3 autres iles et en particulier de la Grande Comores. En cas d’indépendance de Mayotte ils ne se seraient pas privés de cette aubaine. 

C-160_Transall_3 wikimedia commons Auteur Dsgn

Aéroport_de_Pamandzi_depuis_la_Vigie wikimedia commons Auteur mwanasimba de La Réunion

L’armée de l’Air et ses Transall a assuré pendant plusieurs années le soutien logistique de l’ile à partir de la Réunion. C’était à l’époque un petit paradis. J’ai dû y aller une bonne cinquantaine de fois en 2 ans et la particularité du trajet aérien était qu’il fallait contourner Madagascar, car nous n’avions plus le survol de l’ile (en raison des ruptures des relations diplomatiques). J’y ai même essuyé un cyclone en 77 et sauvé le Transall d’une destruction certaine.


Les Iles éparses étaient aussi des destinations fréquentes et grâce à elles la France dispose d’un espace maritime considérable dans l’océan indien. 


Pour la petite histoire, en 2014 ou 2015, Hollande a voulu brader Tromelin aux mauriciens, pensant que ce confetti n’avait aucun intérêt pour nous. Heureusement on la arrêté à temps l’homme à la vespa.

jeudi 7 avril 2022

LA FIN DU CHÂTEAU. Bouquets bachiques à Salles-d'Aude... .

 Oh ! sur la droite, un toit mis à bas, des poutres, des chevrons, des tuiles enchevêtrées ! Le grillage de chantier lui-même éventré par des mains coupables invite à aller voir. 
Dans quel état d'abandon s'est trouvée cette propriété ? A-t-elle été vendue ainsi délabrée ? Était-ce faute de descendants ? Et que sont devenues les vignes du domaine ? Dispersées ?


    


En s'approchant, nul doute possible, c'est la cave du château... Enfin, c'était, ce qu'il en reste avec une belle charpente ne méritant pas cette fin... Ne l'a-t-on pas aidée à tomber pour un projet d'avenir faisant table rase du passé ? Ce n'est pas sans rappeler, non loin, sur cette même commune de Salles, la déchéance du château de Céleyran, racheté à fin d'intentions économiques fumeuses par Georges Frêche, président de région, un tant soit peu mégalo, du genre pas gêné de se laisser filmer dès le petit-déjeuner par une valetaille aussi obséquieuse que servile... Versailles et Louis-le-Grand... Résultat : laissé sans surveillance, le domaine lié à la famille d'Henri de Toulouse-Lautrec, le peintre, a subi vols, vandalisme, squats... Inutile d'en rajouter et sur la gabegie et sur l'utilisation des deniers publics... 
  
Elle est imposante cette cave, elle va loin par rapport au portail d'entrée, voisin de l'église, par rapport à la cour aux vieux platanes, peut-être une quarantaine de mètres, des milliers d'hectolitres dans sept à huit cuves de béton étalonnées, numérotées... 33, 34 ? La cave comptait-elle ailleurs des foudres et autres vaisseaux vinaires ? 

Je devrais m'en souvenir or je n'ai gardé en mémoire que le sourire avenant du régisseur, peut-être de monsieur Hue, le propriétaire. Dans les années 70, en effet le château de Salles (1) dont il ne restait que les dépendances vendait du vin à la propriété... 

En ce temps là, lors d'un stage de formation de neuf semaines à Bourg-en Bresse, les joyeux stagiaires du Lyonnais, des Dombes, de la Bresse, de Franche-Comté se liguèrent pour me commander du vin. J'avais bien l'attache à la voiture mais pas de remorque : "On va t'en trouver une !" avaient-ils répondu du tac au tac. 
Je ne vous dis pas comme il passait bien, après la partie de pétanque de la pause, le vin si montré du doigt de chez nous, avec les saucisses de "La Mouche", la cancoillotte de Beucler (de l'Isle-sur-le-Doubs, son prénom m'échappe), le Mont-d'Or de Jean-Marie (pour lui c'est le nom qui ne me revient pas) ! Quatre-cents litres en deux fois, des cubis... Il avait même un peu consolé Sylvette, la collègue des Dombes qui s'inquiétait pour son docteur libanais, son fiancé submergé dans la guerre civile (2).

Rubis sur l'ongle ils m'ont payé, tous, sauf le prof de dessin technique... des lunettes, un collier de barbe, bachi-bouzouk (3), comment il s'appelait déjà !? Je ne veux pas pêcher par chauvinisme mais un collègue du Beaujolais qui proposait ses bouteilles n'a guère eu de succès non pour une question de qualité, mais pour le prix, je pense. Comme quoi, les gens du cru aussi benoîts que moi, trouvaient des vins honnêtes, pas encore assemblés au bénéfice exclusif du grand négoce...  
  
(1) Le noyau initial du village était constitué d’un ensemble de maisons jouxtant un château, détruit début 20ème siècle, sur l’emplacement actuel du jardin public et du monument aux morts, le tout autour de l’église. 

(2) la guerre civile va durer au moins jusqu'en 1990. Le conflit a-t-il eu des conséquences pour leur couple ? 
"... Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
Tout doucement, sans faire de bruit..." Jacques Prévert, Joseph Kosma, Yves Montand. 

(3) un clin d'œil au capitaine Haddock et surtout pour répondre aux "bouquets bachiques"... Plus sérieusement, les bachi-bouzouks étaient des mercenaires au service des Turcs.    

jeudi 4 novembre 2021

Gruissan, ses pêcheurs et l'étang de l'Ayrolle (fin).

La longue piste sur la laisse d'hiver rendue à la plage d'été, avec ses passages de sable sec à bien négocier ; la mer, toujours belle, tôt le matin, sous un soleil montant de début juillet, nue sous les écailles miroitantes d'eau soumises au faisceau encore limité de l'astre, vierge de voiles et bateaux avant que le Golfe ne les éparpille ; la plage vide quoique ensuite si peu occupée par de rares parasols. (1)

Quatre kilomètres plus loin, le grau de la Vieille Nouvelle, qui joint l'étang à la mer, au tracé et au flux  changeants. Pour bien s'en rendre compte, le site ami mais remarquable :
      

L'étang ! Perle précieuse dans les bleus ou les verts, suivant l'atmosphère, dans un écrin de sable doré ou, plus à l'intérieur, la verdure mordorée de la végétation des dunes. Puis, à droite de la vieille redoute, la réfraction de l'air réchauffé brouille la forme des pêcheurs de palourdes en un mirage digne d'un tableau de maître, imprimant à jamais la mémoire d'une émotion toujours à vif. Au fond, les pins de l'Île Sainte-Lucie et les caténaires de la voie ferrée qui loin de gâcher le panorama, amènent à se questionner sur les agissements de notre espèce. Sinon, seulement des senteurs de sel et d'iode, loin des pestilences qu'on associe trop mécaniquement aux lagunes surchauffées par les températures excessives. L'eau reste fraîche malgré une faible profondeur relative (0,75 m. en moyenne, 1,5 m au maximum). D'ailleurs,  tout à l'observation des faux cils des siphons d'un couteau, on peut se retrouver carrément au bain dans le courant d'un fossé immergé, artère qui fait respirer et nourrit, fragile garantie pour la vie de  l'étang, appelé ""cannelisse", ce dont je ne suis pas certain du tout...  
 
Photo aérienne. Source Geoportail.  
 
L'Ayrolle, j'en ai eu un aperçu l'hiver, quand le Cers donne libre cours à sa hargne et lève déjà des vagues sur l'étang. Il y avait un pêcheur à Fleury, ouvert, aimant et aimé. Nous le connaissions pour la pêche au globe, à Aude, celle, à la traîne entre Saint-Pierre et Les Cabanes. Je veux parler de Robert Vié. Il m'avait invité à le suivre sur l'étang. Un jour je retrouverai bien quelques diapos sur cette sortie : elles existent. Je n'en ai pas rêvé, lui, sur son betou, dans son ciré jaune, les pommettes rougies par le froid, les doigts gercés. Avions-nous pris des anguilles ? je ne saurais dire. Dans ces années 70, comme aujourd'hui, un camion-vivier faisait régulièrement la tournée. A l'époque Robert me disait que c'était surtout pour l'Italie où l'anguille, fumée ou non, est un poisson de luxe. 


Robert Vié

C'est sûr, j'ai beaucoup à demander aux pêcheurs de l'Ayrolle. Après l'émission, j'oserai, mieux que la dernière fois pour l'escapade à vélo sur l'Île Saint-Martin :    

"... Photos de l'Ayrolle sans la bonne odeur iodée des posidonies que les locaux appréciaient jusque pour les matelas des petits... L'étang est-il, après les calanques de Marseille notamment, envahi par ces autres algues brunes, trop vivantes elles, arrivées du Japon avec les naissains d'huîtres du bassin de Thau ?

Photos des cabanes de pêcheurs et de la cale avec les barques, les pieux et partègues ; les ganguis, trabacous et autres filets des petits métiers de l'étang. Justement un pêcheur, son placide korthal aux basques (il doit se faire vieux le pauvre), charge sa barque . 

"Pardon monsieur, est-ce que, par derrière, on peut rejoindre la route de l'Evêque ? 
- Et non il vous faut revenir jusqu'à l'embranchement... Oh ! mais vous êtes à vélo, alors suivez le canal, la route est au bout !" 
Oh qu'elles ont du chien, ces vieilles baraques, plus ou moins délabrées et pétassées ! Photos !..." 
 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/09/lile-saint-martin-velo-3-viree-en-terre.html

Il faudrait vous raconter aussi comme la prud'homie les unit et comment les pêcheurs fêtent Saint-Pierre. Cette cérémonie garde un lien certain avec le cimetière marin des Auzils, il faudrait l'évoquer aussi... Quant aux photos, sûr que d'y revenir sera une des priorités : les pêcheurs, heureusement, sont toujours là mais quelques "maisons rouillées", comme le chantait Trénet, menacent ruine. Elles comptent pourtant, elles aussi, pour la mémoire. 

(1) est-ce que les voitures sont autorisées sur ces presque 5 kilomètres de sable ? On comprendrait que la réponse soit NON ! La beauté, la nature se méritent... sous peine d'être vite dénaturées...



Gruissan, ses pêcheurs et l'étang de l'Ayrolle (première partie).

Thalassa, l'émission mythique, avec, pour sujet, la mer de la région Occitanie. On passe des beautés sous-marines de la Côte Vermeille à la pêche à Gruissan, plus particulièrement la pêche à l'étang de l'Ayrolle, pour finir avec la Prud'homie et la fête de Saint-Pierre. 

Bateau Thalassa à Paris wikimedia commons Author Peter Potrowl
 

C'est de vagabonder sur la cinquantaine de chaînes du "bouquet" qui m'a arrêté sur les images, si heureux de voir que les pêcheurs de l'Ayrolle restent. Et dynamiques, solidaires, sérieux quant à la ressource, respectueux des traditions, de la fête dédiée à Saint-Pierre, notamment. Au point que l'étang le leur rend bien on dirait. Allez voir plutôt ! 

 https://www.france.tv/france-3/thalassa/1274539-de-banyuls-sur-mer-a-gruissan.html?fbclid=IwAR2-HRj7k7Bzo5X5mjnWetDl8GGZ4CKoJfmI5iXijkUD7QwePy6wOnlLpVY

Et moi qui les croyais sur le déclin ! Et moi qui pensais l'étang moribond sinon mort ! Il faut dire qu'à une époque des nouvelles affligeantes nous sont arrivées, sur des maux mettant à mal la fragilité de ce milieu à part... Des ravageurs, des pillards, toute une escouade de mercenaires, venus, paraît-il, en minibus, dans la logique exacerbée de l'offre, de la demande, de l'exploitation de main-d’œuvre, auraient déversé du poison pour faire remonter les palourdes d'un commerce lucratif au profit de gens à hauts revenus, en deçà et au-delà des Pyrénées, vu le prix au bout de la chaîne. Ma consternation fut telle que j'en restai paralysé, incapable d'aller au bout de l'info. Qu'y avait-il de vrai dans la rumeur ? Représentait-elle un désastre irrécupérable ? Je le pensais.

En regardant Thalassa, touché par la lumière à part de notre Méditerranée, reprenant d'un coup les couleurs d'un monde que je croyais à jamais perdu, vibrant encore de l'avoir parcouru il y a peu parce qu'à vélo (ou à pied) le pays qu'on aborde pénètre à cœur, frémissant de la foi en héritage de ces pêcheurs si forts pour se projeter dans l'avenir, pour la première fois depuis mon incapacité au moins trentenaire à faire le deuil de cet étang aimé, c'est à eux, désormais, que je devrai demander. 

Loin des jérémiades, les causes en seraient-elles fondées, dans une dignité remarquable où domine l'attache indéfectible à leur pays de ciel et d'eau, l'attitude toute pétrie de fraternité, de communion aussi avec un milieu qu'ils veulent préserver, ils ne minimisent pas les bienfaits que l'étang offre. Au fil des images, on peut voir des loups énormes, des dorades bien royales, ainsi qu'une "perruque" géante d'anguilles s'entremêlant en vain, accumulée dans les pièges terminaux du filet qui fait barrage et les oriente. Ils ne cachent pas, ils n'exagèrent pas, ils ne sont pas dans l'exubérance dois-je ajouter à l'intention des demeurés qui, avec Renan, Méry, et même Michelet ou Hugo bien qu'en marge, sans parler du traître Maurras ou de ce salop intégral de Destouches qui aurait dû finir son voyage dans un fourgon de la gestapo fuyant dans la nuit... Pardon pour cette parenthèse digressive mais qui n'entame en rien ma sérénité... L'âme légère, je crois entendre gangui ou pantane pour désigner ces filets sauf que, plus proche de la lévitation (tous des Tartarins vantards ces Méridionaux !), loin d'une objectivité minimale, je m'en remets plutôt à Gilbert Larguier : 

Pêche, environnement et société littorale autour du golfe du Lion au XVIIIe siècle.

 https://books.openedition.org/pupvd/5358?lang=fr 

Comment rester objectif lorsqu'on l'a aimé de près, cet étang ? Pourtant, dans les années 70, la beauté du site, son cadre, l'horizon des Corbières et des Pyrénées, s'appréciait, mais de façon ordinaire, sans évaluer le caractère exceptionnel de cette nature préservée... c'est comme trouver belle la femme de qui on se sépare, comme ne voir le bonheur que lorsqu'il s'échappe... C'était un temps où tonton Vincent partait de Narbonne à mobylette pour se casser le dos sur des palourdes. Nous mêmes avons dû y aller, une ou deux fois, en début de saison. Et si, dans la baignoire du petit faisant office de "boîte à pêche", pour régaler la famille, nous rapportions, sur un lit de laitues de mer pour la fraîcheur, des moules, des huîtres plates de la race perdue, des couteaux remontés au gros sel, quelques palourdes aussi malgré la technicité de cette pêche, c'est toute une ambiance qui imprégnait tous nos sens. (à suivre)

Carte des abords au sud de Gruissan. Source et remerciements à Geoportail.