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dimanche 25 juin 2023

SÈTE 10. Paul Valéry 1ère partie

 Paul VALÉRY.

Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry (1871-1945). Né d’un père corse, d’une mère italienne, il voulait préparer Navale, s’en voulut de cette foucade pour se tourner vers la littérature, la peinture. Après 1886 et des études sans éclat, lui aussi monte à Paris, condition sine qua non pour un ambitieux, s’en défendrait-il... Lorsque, introduit par ses parrains, auteurs reconnus, il fréquente la Haute, la bourgeoisie, il a beau prétendre viser « le travail sans œuvres », il est certain que tout se cristallise pour réussir, devenir célèbre et que ce précipité n’est possible qu’avec une matrice économiquement riche, politiquement influente, à l’emprise féroce, je parle de cette bourgeoisie qui après avoir mis à mal la noblesse, n’en exploite pas moins, depuis, et pour autant, la population. Comment ne pas concevoir alors qu’avec les termes « peuple », « prolétaire », « force de travail », « communisme », cette mainmise par une minorité n’ait pas généré contre elle une lutte pour plus d’égalité et de justice (1) restée latente à ce jour bien que viscéralement implantée ! En 1892 dans la maison familiale à Gênes, une nuit, il passe un « début de sa vie mentale » qui va le déterminer à changer du tout au tout : finie la poésie, seul le travail méthodique, mathématique, lui seul va compter ! Certes, en cela, Valéry démontre un esprit rare, exceptionnel, avec une puissance de travail hors du commun, restant néanmoins physiologiquement humain, sur fond de réflexion, de questionnement, de doute. En 1917, avec la Jeune Parque (comme quoi vingt-cinq ans plus tard il revient sur sa nuit de Gênes !) qui s’interroge entre conscience, intelligence et  sensualité, cette « sœur secrète qui brûle... » dans un poème au symbolisme devenant hermétisme, Valéry a pourtant écrit, la faisant parler,

« Mais je ne suis en moi pas plus mystérieuse
Que le plus simple d’entre vous. »

Ce retour à la poésie qui trahit ses résolutions de la nuit de Gênes lui vaut une célébrité fulgurante. 

Paul_Valéry_-_photo_Henri_Manuel (1874-1947) Domaine public Wikimedia Commons

Entre nous, quelle HONTE (2), dans tout ce qui n’est pas dit sur ce grand homme, que la guerre, alors à un moment crucial, avec les Allemands à 110 kilomètres seulement, les politiques sur la sellette, les difficultés des Français au Chemin des Dames, le pays détruit par les bombardements, ravagé par les Boches, que toutes ces difficultés soient pratiquement occultées pour que la vie continuât. Les Poilus l’avaient mauvaise par rapport à l’arrière, avec juste raison ! 

(1) Une théorie malheureusement dévoyée par la pratique, la nature humaine étant ce qu’elle est, cruelle, impitoyable, amorale, capable de se laisser mener par des monstres de racisme, des travers nécessaires, sans lesquels jamais elle n’aurait dominé la planète. Il n’empêche, ce bras de fer continue entre les milliardaires et ceux « qui ne sont rien » (un mot du président démontrant par la même dans quel camp il est). Un apaisement transitoire mis à profit par les riches pour petit à petit revenir sur les concessions faites, succède aux crises jusqu’à ce que la rancœur accumulée ne devienne révolte. Le mécontentement ira-t-il jusqu’à l’insurrection, triste période où des résistants seront appelés terroristes ? Jusqu’à présent tout n’est pas tué mais contenu dans l’œuf. Après 1968, connaîtra-t-on la Révolution des Casseroles ? L’Histoire le dira...  

(2)  Les majuscules parce que ça vient de loin, du plus profond, et que ce doit être dit fort !

lundi 5 décembre 2022

PAUVRES CHEVAUX ! LIBRES OISEAUX...

Quelques notes et prolongements : 

* c'est parce que les chevaux étaient épuisés que les belligérants ne purent bloquer l'adversaire dans la Course à la Mer, que les Français ne purent tirer avantage de la victoire de la Marne, que les Allemands échouèrent dans leurs offensives du printemps 1918.  

** le soldat de 14 était très bien nourri au point que ce qu'il jetait attirait les rats. Les chevaux eux, étaient mal nourris... chez les Allemands beaucoup sont morts de faim. 

*** si 1/4 des chevaux mourut directement des batailles et bombardements, les 3/4 périrent à cause des maladies, du manque de soins, de la nourriture insuffisante, de dysenterie, par noyade, faibles au point de ne plus pouvoir lever la tête dans des boues liquides montant jusqu'aux chevilles des cavaliers.  

**** inoculer la morve, la gourme, la maladie du charbon chez les chevaux de l'adversaire fait partie des armes de guerre. 

militaires et mulet (1936) Auteur  agence de presse Meurisse wikimedia commons Domaine public

***** il a tant fallu importer des mules d'Espagne que cela donna lieu à un trafic ; des mules amenées en Cerdagne passaient en Espagne puis revenaient par le Perthus, générant un profit substantiel aux trafiquants, une fois acquises par l'armée française. 

***** " Les chevaux et les mulets de l'armée se sont montrés d'une valeur inestimable en conduisant la guerre à une fin heureuse. On les trouvait sur tous les terrains d'opérations, remplissant leurs tâches fidèlement et en silence, sans pouvoir espérer aucune récompense ni compensation. " Général Persching. 

****** Maurice Genevoix, admiratif des Poilus se battant et mourant pour la France (1), parlerait-il du soldat qui s'arrache à vif une balle dans un testicule, de cet autre qui maintient dans sa chemise ses tripes alors qu'il a le ventre ouvert, démontre une belle émotion pour les bêtes innocentes mais entraînées dans la folie guerrière... Pauvres chevaux, pauvres bêtes si belles, vigoureuses mais si vite fourbues, efflanquées, misérables. Et quand les hommes récupèrent, les chevaux restent tête baissée, ce qui dit tout de leur moral... Genevoix parlerait-il des cris terribles des blessés, bien égaux devant la mort, implorant avec les mêmes intonations, en allemand ou en français, il n'oublie pas non plus le hennissement d'un cheval qui agonise, aigu tel le cri d'un oiseau de nuit " ...le hennissement aigu, poignant, qui montait sous les étoiles devant la misère, la méchanceté des hommes... ". 

Du village abandonné des Éparges (Meuse),  il se souvient, sur les pavés, de la galopade éperdue de petits sabots d'une bande de gorets en fuite. Dans ce village, alors qu'il souffle un instant dans la " Maison d'école " avec, au tableau le dernier problème du maître, il se tourne vers la fenêtre parce qu'une forme approche, c'est un vieux cheval avec un sillon de sang à l'épaule. Il le fait passer par le couloir pour rejoindre la cour, derrière, offrant un abri plus sûr. Il le revoit, le vieux cheval, huit jours plus tard, mais étalé, entouré des cadavres des vaches mitraillées par les Allemands. 

Sa consolation (et il rejoint en cela Louis Pergaud), c'est la présence fidèle des oiseaux, symboles  de liberté, de vie. Il leur doit du réconfort " à nos frères de poils et de plumes ", la honte aussi d'être dans le mauvais camp des hommes, mais le recul, finalement, sur notre engeance remise à sa place pour ne pas faire bon usage de sa position dominante... La folie, la cruauté, la bêtise des hommes ne sont finalement qu'un remous dans la vie, la nature qui continuera avec ou sans nous... 

oiseau Carduelis_carduelis Chardonneret élégant wikimedia commons Author Marie-Lan Nguyen

Sous les bombardements, les oiseaux témoignaient que le cours des choses se poursuivrait malgré la fureur irrépressible des bipèdes... les trois-quarts d'entre eux ont disparu parce qu'on tue la terre  au nom d'un productivisme effréné et qu'on s'empoisonne pour pas cher, on va au désastre et l'overdose de loisir est de plus en plus addictive parce que la vie de tous les jours n'apporte pas de bonheur... 

Après le covid, la guerre en Ukraine, la remise en cause, en touchant le porte-monnaie, des énergies fossiles, comme s'il fallait absolument s'évader d'une vie peu désirable (pour ceux qui en ont les moyens !), les réservations à la neige ont augmenté de 22 % ! 

Dans " Le Berger des Abeilles" 1974 / Grasset, Armand Lanoux réfléchit sur la guerre d'Espagne, annonciatrice du séisme nazi : il parle d'une " carmagnole, d'une marseillaise stupide... " 

"« Amusez-vous
Foutez-vous d’tout
La vie, entre nous, est si brève... » 

La chanson de 1934 ne présage rien de bon pour ce qui devrait suivre... 

(1) Son témoignage " Ceux de 14 " regroupe quatre livres sur la guerre, véridiques, minutieux, fidèles, Chaque lieu, chacun des faits sont bien précisés, chaque homme apparaît par son nom...   

www.le-site-cheval.com/images/articles/evenements/guerre-14-18/La_guerre_de_14-18_et_le_sort_des_betes.mp3 première diffusion 21 avril 1957 de l'entretien sur France Culture 

Sites et références : 

" Le Cheval de Guerre ", roman de Michael Morpurgo (1982 en G.B., 2008 seulement en France !), adapté au cinéma par Steven Spielberg. 

Le site Cheval - Guerre 14/18 : Oubliés les 11 millions de chevaux, ânes et mulets enrôlés en masse durant la guerre de 1914-1918 ? - Equitation Pédagogique et Ludique (le-site-cheval.com) 

Les animaux dans la grande guerre (radiofrance.fr) 

et sur ce blog : 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/fleury-en-france-les-chevaux-de-14.html 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/les-chevaux-de-14-suite-fin.html 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/un-monument-au-cheval-de-trait-fleury.htm





jeudi 11 novembre 2021

Aux MORTS de la GRANDE GUERRE

 Le 11 novembre marque chez nous la fête du village, la saint-Martin. Enfant je ne vivais que la fête, la foire, le repas de famille. après le dessert et jusqu'au soir, n'existaient que les lumières, les flonflons, les manèges, la voix racoleuse des loteries, les odeurs, de caramel, de praline, de pomme d'amour, celle aussi, de la poudre des carabines. Aucun remord, seulement le regret des plaisirs qui passent vite et la hantise de l'école qui va reprendre.  

Et quoi avant ?  mais rien... peut-être la messe pour louer le saint patron ? Sinon, vraiment, rien... 

Et la cérémonie au monument ? 

Fleury-d'Aude, 11 novembre 1990, diapositive François Dedieu.

Quelle honte de se revoir seulement en fêtard, en jouisseur, de faire l'impasse, au faîte de l’ignorance et de l'inconscience ! Je suis le pire du troupeau ! Au comble de la confusion, j'essaie de comprendre mais je ne saurais dire la date qui me vit corriger cette négation de l'armistice de 1918... au collège sûrement mais sans faire le lien avec les réjouissances festives du 11 novembre... 

Mon grand-père qui s'engagea comme artilleur, c'est sûr qu'il n'a jamais rien dit, pas plus à moi qu'à qui que ce soit... Mon père ? ou moi plutôt qui n'ai rien voulu entendre, vu l'incompréhension profonde entre nous deux. Les instituteurs ? comme je me demande encore s'ils en parlaient et s'ils amenaient les enfants le 11 novembre au Monument aux Morts, c'est que je dois encore être le seul coupable...

Mais ce matin, comme à chaque date anniversaire (1), je lis, posément, non pour passer plus vite à autre chose, le nom en commençant par le prénom de ces hommes, jeunes pour la plupart, Poilus avec la majuscule mais sans la barbe ou la moustache bien fournies. Si je ne le faisais pas, j'en serais vraiment mal. Si je commençais ici avec les lumières, les flonflons, ce serait déshonorer mon village, trahir les anciens, mépriser ce témoin à passer même si nous ne savons pas ce que ceux d'après en feront. 

Tout à l'émotion de leurs noms qui résonnent dans les limbes de ma conscience, avec Louis Barthas, le tonnelier de Peyriac-Minervois et ses carnets de guerre si merveilleusement écrits, avec les dessins savoureux de Pierre Dantoine, en occitan, parce que cette langue aussi est partie mourir pour la patrie, avec Louis Pergaud qui, voulant épargner les horreurs de la guerre à son épouse, lui laissa l'honneur d'être veuve, je veux finir avec les mots poignants de Pagnol pour Lili, son copain des collines :

« Dans une noire forêt du nord, une balle en plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie, sur des touffes de plantes froides dont il ne savait pas les noms…» (Marcel Pagnol)

 1914 (22)

Août : JOUX Léon, le 18,

CARAVEILHE Louis, HEBRARD Antonin, le 20,

SOULA Jean-Baptiste, le 22,

ESTEVE Jean, FAJOU Auguste, SOULET Maurice, le 27,

FAURE Zephirin, le 29,  

MOLVEAU Henri, le 30 août.

 Septembre 1914 : FOUNTIC Antoine, le 3,

PUJOL Jacques, le 7,

GELIS Léon, le 15,

ROMAIN Emile, le 16,

CROUX Sylvain, le 26,

PALARDELLE Auguste, le 30 septembre.

 Octobre 1914 : VINCENS Henri, le 12,

ESPIE Eugène, le 17,

BARRAU Georges, le 22,

DAUGA Ludovic, le 30 octobre.

 Novembre 1914 : FAURE Antoine, le 12,

ROSSIGNOL Eugène, le 19 novembre  

 Décembre 1914 : THERON Auguste, le 11

 1915 (16)

Janvier 1915 : FITAL Paul, le 20,

FONTIES Olivier, le 27 janvier.  

 Mars 1915 : ANGUILLE François, le 5,

PEDROLA Valentin, le 6,

RICARD Léopold, le 13,

RAYNAUD Honoré, le 15,

BONI René, le 19,

VISTE Joseph, le 30 mars.  

 Avril 1915 : PROUZET Henri, le 18 avril.

 Mai 1915 : PELISSIER Sylvain, le 7 mai,

ESCARE Charles, le 9 mai.

 Juin 1915 : SIMON Charles, le 6,

QUINTILLA Emile, le 7 juin.

 Juillet 1915 : GRASSEAU Paul, le 2   

 Décembre 1915 : ALQUIER Joseph, le 3,

BERTOLI Daniel, le 31 décembre. 

dessin de Pierre Dantoine, album "La Guerre".

 
1916 (12)

Février : ARTOZOUL Auguste, le 15,

 Mars : DESENFANTS Georges, le 2 mars.

 Mai 1916 : PEYREL Gaston, le 21 mai.

 Juin 1916 : SAGNE Paul, le 30 juin.

 Juillet 1916 : BOURJADE Jean, le 7 juillet.

 Août 1916 : CARAVEILHE Noël, le 7,

                    CABRIER Emile, le 18 août.

 Septembre 1916 : COLL Joseph, le 4,

                             DOGLIO Louis, le 23 septembre.

 Octobre 1916 : MESTRE Antoine, le 18 octobre.

 Décembre 1916 : COURAL Joseph, MAUREL Louis, le 15 décembre.

 1917 (6)

Janvier 1917 : RAMON Henri, le 24 janvier,

 Mai 1917 : SOUCASSE François, le 1er mai.

 Juin 1917 : VINAYSSE Pierre, le 15,

                   LOCAMUS Maurice, le 30  juin.

 Juillet 1917 : VERCELLI Honoré, le 7 juillet.    

 Septembre 1917 : DE VILLENEUVE François, le 30 septembre.

 1918 (8)

Janvier 1918 : BERTOLI  Joseph, le 5 janvier.

 Février 1918 : BOURREL  Raymond, le 12 février.

 Juin 1918 : SOUCASSE Henri, le 1er juin.

 Juillet 1918 : IZARD Paul, le 13 juillet.

 Août 1918 : AURIOL Georges, le 24 août.

 Septembre 1918 : RAYNAUD  Joseph, le 6 septembre.

 Octobre 1918 : FONTAS  Louis, le 17,

                        ANCELY  Adolphe, le 19 octobre.

 1919 (1)      

GERVREAU  Maurice, le  6 février 1919.

 1921 (1)    

TEISSEIRE  Henri, le 4 mars 1921. 

(1) Du Vignoble à la Mer, l'ancien journal municipal a eu la bonne idée de publier deux ou trois mensuels avec la fiche détaillée de chaque héros sacrifié.

mercredi 15 novembre 2017

CEUX DE 14 / La "Grande Guerre"



«... En souvenir de mon père, je me suis mis à Maurice Genevoix, pour voir d’un peu plus près quelle était la triste vie des Poilus de 14-18.
J’ai donc ouvert « CEUX DE 14 » qui comprend cinq volumes. « SOUS VERDUN » (25 août 1914 - 9 octobre 1914) est préfacé par Ernest Lavisse, alors directeur de l’École Normale Supérieure dont Genevoix était élève (il faisait aussi partie du bataillon de Joinville des meilleurs gymnastes français).
La deuxième édition de 1925 rétablit les passages censurés en 1916 (1). Genevoix était lieutenant et fut grièvement blessé en 1915. Il a ajouté à son récit qui s’appuie sur des notes quotidiennes « La mort de près » ainsi que deux romans «Jeanne Robelin »et « La Joie ». Il avait décidé de rendre hommage à tous ceux qui sont tombés à ses côtés : aux noms donnés dans le récit correspondent les noms authentiques, soulignés.

(1) pour la censure, pour ne prendre que cet exemple, il était intolérable de raconter une panique même si elle avait eu lieu deux ans plus tôt. Or Genevoix le fait à trois reprises. La première, la plus terrible, eut lieu le 24 sept 1914 à la Tranchée de Calonne... »
François Dedieu (1922 - 2017), La Saint Martin p. 80, Pages de vie à Fleury II, CABOUJOLETTE, 2008.

C’est de mon grand-père Jean qu’il s’agit (1897 - 1967). Il n’a jamais rien dit sur sa guerre, jamais commémoré ni commenté la moindre date. Je ne l’ai jamais vu au monument aux morts. Au fil des ans, c’est à peine si ses proches ont pu l’entendre donner un détail, par le plus grand des hasards, comme la fois où, en parlanr de monsieur Monbiéla, il a raconté comment il a reconnu en ce  voisin pas très lointain, propriétaire aussi mais pas à plaindre, le comique troupier qui amusait les permissionnaires dans une gare entre Paris et Toulouse, peut-être Limoges. Alors comment a-t-on su qu’il n’écrivait pas justement ? Mamé Babelle, sa mère avait dû s’en confier aux autorités. L’officier chargé de le réprimander n’était pas reparti sans la lettre qu’il avait fait rédiger sur le champ !

«... Papé Jean, lui, né aux Karantes, commune de Narbonne, le 4 juin 1897, engagé « pour la durée de la guerre » en décembre 1915 (1) (il faisait partie, plus tard, de l’association des « moins de vingt-ans » dont l’imprimeur Lombard, à Narbonne, était secrétaire). Au front, on les appelait « les bleuets » et, chose curieuse, il fut longtemps membre d’une société de tir de Fleury baptisée du joli nom « Les Bleuets de la Clape... »

(1) ce qui lui aurait permis de choisir de rejoindre l’artillerie.
François Dedieu / CABOUJOLETTE p. 79.

  

Chez mes grands-parents habitait aussi l’oncle Pierre, célibataire. Papa a toujours pensé qu’il avait été pour lui le grand-père qu’il n’a pas eu. Ils sont ensemble dans le jardin pour les mauvaises herbes, pour arroser. Le jeudi, ils montent tous les deux faire un abri entre ses quelques pieds de vignes du coteau mais rien sur sa vie avant qu’il ne descende de l’Ariège, à peine une ligne sur sa « Campagne contre l’Allemagne ». Comme pour la modeste capitelle élevée rang après rang avec les pierres du terrain mais qui ne reçut jamais son toit...

«... une ou deux larges pierres, bien calées, forment un banc à l’intérieur [...] quelque vieille ferraille [...] crochet pour suspendre la musette [...] Et c’est assez [...] « per parar uno ramado », comme on dit chez nous (pour protéger d’une averse). Voilà, dans l’idée de l’oncle Pierre, ce qui aurait constitué notre «cabane bambou ».
D’où avait-il tiré le nom ? Du cabaret parisien, qu’il ne connaissait pas, son seul grand voyage ayant été, à part le fait de «descendre» de Montagagne, petit village de son Ariège natale, jusque dans la région narbonnaise, le « pays bas », comme disaient ces arrivants, le douloureux périple de la Grande Guerre, qui l’avait amené à quarante-deux ans en Alsace, où il devait être grièvement blessé ?.. » 
François Dedieu / CABOUJOLETTE p. 13

Sans l’Internet et malgré ces bribes qu’on doit à nos racines en partage, nous n’en saurions pas davantage.
Les livrets militaires, l’historique des régiments suivent nos hommes à la trace. (à suivre)

Dessins de Dantoine, en illustration