Afin de profiter des paysages, des villages sur la mer au pied des Pyrénées, il faut prendre la route de la Côte Vermeille : Collioure pour son site, les tableaux de maîtres dans les cafés, les anchois, Port-Vendres où arrivaient les oranges d'Espagne, les paquebots d'Algérie, les bois du Nord, Banyuls, le pays de Maillol, des bonbonnes ventrues qui laissent leur vin épais cuire au soleil, Cerbère le terminus de la ligne Narbonne-Port-Bou.
Ici un véritable faisceau de lignes remplit la seule aire disponible enchâssée au pied des montagnes : la différence d'écartement des voies oblige à changer de train, tant pour les voyageurs surtout venant d'Espagne que pour le fret ; le début des années 1900 est marqué par une grève des femmes mal payées à transborder les oranges dans les wagons français. Remarquable aussi, l'hôtel Belvédère, tel un vaisseau futuriste, évoquant les voyageurs forcés, l'exode des réfugiés républicains fuyant le fascisme.
Port-Bou. |
La route pour l'Espagne passe le cap Cerbère et monte au coll dels Belitres, pas bien haut mais spectaculaire, en surplomb. Le nom rappelle les trabucaires, les contrebandiers, ce qui a vite motivé la construction d'un poste de douane côté français. D'un côté, Cerbère, de l'autre le bourg frontalier espagnol mais il faut passer la frontière en poursuivant sur la route ou gagner une petite auberge sur les hauteurs, avec l'autorisation des douaniers, pour voir Port-Bou, en bas.
Port-Bou, sa gare surdimensionnée et ses maisons blanches, le plaisir des tapas pour donner envie d'aller plus loin. Tout est plaisir et même le faisceau des cinq flèches à l'entrée des villages n'inquiète pas bien qu'il soit le signe de la phalange, du parti que Franco a su mettre au pas pour qu'il ne lui fasse pas ombre.
Depuis Perpignan et en direction de Cadaquès, avant Armand Lanoux, la guerre d'Espagne va inspirer Henri-François Rey (1919-1987) avec le roman "La Fête Espagnole" (1959), l'histoire d'un engagé des Brigades Internationales qui rencontre l'amour sur la route de Barcelone, adapté au cinéma en 1961, par Jean-Jacques Vierne (1921-2003). Rey sera aussi inspiré par Cadaquès, deux ans plus tard, avec "Les Pianos Mécaniques" : Caldeya, pour ne pas dire Cadaqués, est un petit port de pêche isolé du monde par le massif du cap de Creus ; s'y retrouvent des artistes du pinceau, de la plume, des riches qui viennent s'isoler en une société oisive de privilégiés d'une "dolce vita", faisant penser au Saint-Tropez des débuts. (Les Pianos Mécaniques ont valu une adaptation au cinéma (1965) par Juan Antonio Gardem (1922-2002). Heureusement, Cadaqués est resté préservé du béton, Dali s'est beaucoup impliqué contre les promoteurs immobiliers. Aussi, la péninsule rocheuse du Cap de Creus, toute de maquis, de calanques, de petites plages secrètes, continue-t-elle d'isoler, avec bonheur, l'ancien refuge de pirates et, juste à côté la maison-musée de Dali dans la crique de Portlligat.