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mardi 13 mars 2018

MON GOLFE DU LION ÉTAIT DANS UNE TENILLE...

La pêche des coquillages, c'est le plaisir de "bouscar", la bousco étant la quête, comment dire, de tous ces petits profits de la nature, de la garrigue, des marges des vignes, des bords d'Aude, de l'étang, de la mer, du rocher... Les gratte-culs, les champignons, les poireaux, les prunelles, les salades, les asperges sauvages, le thym, les escargots, les guines, la réglisse, les cagaraoulettes, les figues ensauvagées, les mûres, les azeroles (aidez-moi à compléter). Parcourir la plage après un coup de mer (vous la connaissez celle de celui qui a rempli deux fois son break de dorades ?), les moules, les couteaux (mon pauvre cousin Jacky était fort pour plonger...), les tenilles (1) ! 
"Bouscar" a peut-être donné aussi "busquer" dans l'ancien français "busquer fortune" (2). 
Dans un raisin, le goût de mon pays mais son odeur aussi, salée, iodée, dans une tenille de l'été... merci Lucie Delarue-Mardrus pour un poème qui va droit au cœur des fidèles à toutes les petites patries... Pour revenir à ce petit profit de l'été (de bon rapport pour les professionnels  ! voir

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/12/yves-pecheur-du-golfe-xiv-cest-le.html), 

Dans le livre du canton (Opération vilatges al pais / 2005) Jean Boucabeille de Gruissan raconte : 

"Lo mainaire dins l'aigo juscas als ginolhs o a las cuèissas, en trantolejant doçament tira sul tragèl per sablar la maina (e fosicar la sabla). Las tenilhas soslevadas s'amassan dins la sàrcia, la pocha en fialat de la maina. Sovent s'i trapa tanbens de passards (barbue), d'iranhas (vives), de rompàtels (petits turbots), de cranquetas. Los mai forts a Grussan èran Roma e Célestin." 

Le maïnaïre, le tenilleur ( la "mayne serait le râteau), dans l'eau jusqu'aux genoux ou aux cuisses, au lent dandinement zigzaguant, tire sur les traits pour enfoncer l'engin dans le sable (et le fouiller). les tenilles soulevées s'amassent dans le filet du tenillier. Souvent on y trouve des barbues, des vives, des petits turbots, des cranquettes (Etrille élégante, potumnus latipes, aux pattes arrières en forme de pagaies [JFD]). Les plus forts à Gruissan étaient Roma et Célestin.


 En tirant vers le nord, alors que les souffles s’apaisent et qu’un train de vagues espacées indiquent que le marin veut rentrer, le panorama qui s’offre est plus prenant encore : les Pyrénées rehaussent le décor. Dans les entrées maritimes, flou embrumé à près d’une centaine de kilomètres, le Cabo de Creus ferme la courbe plus concave, gracieuse, d’une poésie plus vraie que ne pourrait le rendre la théorie des cartes de la côte. En théorie seulement car les cartes aussi font rêver…

«  Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !.. »
Le Voyage « Les Fleurs du Mal » Charles Baudelaire (1821-1867)

Le Golfe du Lion, un golfe clair (3) en offrande aux vagues d’estivants, avec sa guirlande de stations balnéaires que la réfraction fait scintiller et trembloter la nuit. Mais là, en présage de beau temps, ce sont les voiles, d’autres coques et quelques reflets fulgurants qui ajoutent leurs points blancs à l'acier du soleil sur la mer, aux virgules fuyantes d’écume, pas encore des moutons. Au fond toujours, la Côte Vermeille, la Méditerranée palpable, pulpeuse, d’Aristide Maillol (1861-1944), un verre de Banyuls à la main. A Port-Vendres, les goélettes chargées d’oranges (l’une d’elles est en cours de restauration à Mandirac, entre Gruissan et Narbonne sur le Canal de la Robine). A Collioure, des couleurs pour les peintres (Matisse, Derain, Braque, Dufy, Signac...),  la sardane de Trénet (1913-2001), la dernière demeure, vivante telle une tombe mexicaine, d’Antonio Machado (1875-1939), échoué là avec la déferlante des réfugiés Républicains espagnols, abandonnés par des « démocraties » s’accommodant trop facilement des dictatures à leurs portes... 




(1) Pour les clovisses, les palourdes, voir la série d'articles sur l'Etang de Thau 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2014/09/clovisses-ou-palourdes-quelle-affaire-3.html
(2) un rapport avec débusquer, embusqué, embuscade, racine "bosc", le bois ?
(3) Un attachement exclusif pour UN golfe clair et non, plus dilué quand on a trop d’argent et qu’on voudrait habiter partout à la fois « DES » golfes clairs où dansent les reflets d’argent de la mer…

Photos autorisées : 
2. Aristide Maillol en 1925 photo Alfred Kuhn (1885-1940).
3. La Méditerranée de Maillol (Perpignan) Author Palauenc05.

vendredi 17 février 2017

LE BERGER DES ABEILLES (1974) / Armand Lanoux (guerre d'Espagne).

Extrait :
«... Ah! cet hiver 1938-1939! Hébété. Hagard. Hirsute. Partout, la neige. Dans le golfe, la mer se payait des creux de trois mètres et les vagues crachaient sur Doune, l’île Petite et l’île Grosse. Il pelait de froid avec un radiateur électrique à l’hôtel de Catalogne.
La neige, la neige, et la guerre. La D.C.A. tirait parfois, balayait le ciel toujours. les soldats kaki avaient l’air de soldats arctiques. Le port de Cerbère fut encore bombardé par des avions de nationalité inconnue.
Aqui Andorra. La voix de soleil de la célèbre speakerine, peu adaptée aux circonstances, roucoulait des informations tragiques :
- Depuis quarante-huit heures, les rescapés de l’armée gouvernementale franchissent la frontière. Par le Perthus, Cerbère et le col de Banyuls, le flot monte sans cesse... /... les écoles, les préaux, les mairies avaient été réquisitionnés pour accueillir ce flot couleur de tabac, de cuir et de couverture sale. Entre deux catastrophes, Radio-Andorre reprenait Au pays des fandangos et des mantilles, Tino Rossi, et ce qui fut la réelle chanson de cette misérable époque, son hymne, sa Carmagnole et sa Marseillaise stupide :
Amusez-vous
Foutez-vous d’tout
Prenez la vie par le bon bout...
»

Ce passage, pour les instantanés portant sur la météo et la vague de réfugiés passant la frontière, apporte à qui veut comprendre et connaître cette période. Par contre, le sentiment général de dégoût exprimé par l’écrivain, s’il est bien admis historiquement, n’en repose pas moins sur des détails discutables. Il faut dire aussi que, plus de quarante ans après, si des imprécisions sont directement imputables à l’auteur, l’Internet vient aussi apporter beaucoup d’eau au moulin. 

Ainsi si le 26 mai 1938, Cerbère a été attaquée, on ne trouve rien sur un deuxième bombardement. Par contre, le 6 juin 1938, quelques jours après celui de Cerbère, c’est Orgeix, en Ariège qui a été bombardé. Les autorités françaises, toujours dans la volonté de ménager "monsieur Hitler" (ce qui mènera aux honteux accords de Münich) n’ont alors pas voulu dire qu’il s’agissait d’une provocation de l’Allemagne (une bande rouge au bout des ailes voulant laisser croire à une attaque des Républicains).

Plus léger le "AQUI ANDORRA" que tous les sudistes corrigent aussitôt « AQUI RADIO ANDORRA ». Avec la suite pour ceux qui se souviennent mieux, du moins phonétiquement «... EMISORA DEL PRINCIPADO DE ANDORRA ! »
https://www.youtube.com/watch?v=IyIo06x7quI

Laissons l’auteur railler l’époque et nos mentalités d’alors mais rien ne semble correspondre au "pays des fandangos et des mantilles", certainement une approximation pour « Sombreros et mantilles », le titre évoquant les fandangos... Et Tino Rossi là dedans ? Quant à la "Carmagnole et sa Marseillaise stupide", encore pour fustiger un optimisme inconscient à l’opposé de ce qui, de nos jours, est devenu un pessimisme français, la chanson incriminée date de 1934 et non de l'hiver 1938 - 1939...

Ces imprécisions, seraient-elles orientées, ne gâchent en rien le sujet, l’ambiance du « Berger des Abeilles », très beau roman d’Armand Lanoux. Et c’est peu dire quand on garde au cœur la Côte Vermeille, Maillol, Machado, les vignes banyulencques (oubliés les embouteillages de l'été !), le Vallespir, sa vallée des fruits, Prades, le souvenir de Pau, Pablo Casals avec la magie d’un Mont Canigou aux neiges couronnées de soleil levant... 





photos : 1. Cerbère auteur Bernard Grondin. 
2. Pyrénées la Méditerranée La tombe d'Aristide Maillol (la Métairie, Banyuls-sur-mer) auteur Jean-Pierre Dalbéra. 
3. Pyrénées Canigou depuis Força Real author Krzysztof Golik.