Affichage des articles dont le libellé est Minerve. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Minerve. Afficher tous les articles

dimanche 26 décembre 2021

Grottes et dolmens avant les filles du Poumaïrol ! (9)

Roger et Serge, complices depuis des lustres, se jouent (légalement) des limites imposées par l'épidémie de covid. En décembre 2020 ils ont entrepris de monter voir un pays aussi montagneux que mystérieux, pour les filles de là-bas qui ont de toujours laissé un souvenir si pimpant aux hommes émoustillés de la plaine. Depuis Narbonne, l'itinéraire des deux amis quitte le couloir de l'Aude pour gagner les causses et les garrigues du village historique de Minerve. De là, en suivant le cañon de la Cesse, ils vont monter jusqu'aux rudes reliefs du Poumaïrol ce pays méconnu oublié dans les brumes, aux mountagnoles si vaillantes, charmantes et piquantes... 

Causses de Minerve wikimedia commons Auteur Hugo Soria

 

Roger : une belle route, vraiment... une nature sauvage que nous n'avons pas trop entamée je dirais... 

Serge : c'est l'eau qui l'a entamée pour nous... regarde ces grottes rongées dans la falaise, où les humains purent s'abriter alors que la Cesse avait déjà bien creusé son cañon, je te le dis avec le ou la tilde... tu le sais qu'encore dans les années 70, certains dicos français orthographiaient comme ça, à l'espagnole ? 

Roger : elle me plait ta remarque... S'il y a une frontière, nous sommes si proches des Espagnols... 

Serge : Espagnols ? Catalans ? Tilde ou non... nous ne l'avons pas passée la frontière cette année... 

Roger : et oui, ce foutu covid... Tiens, nous devons être au niveau du Moulin de Monsieur, regarde sur la carte... 

Serge : et non, tu confonds avec le moulin d'Azam... presque Azan, le facteur je crois, tu sais celui qui apporte la lettre qui va faire partir Alphonse chez les vieux parents de son ami Maurice par un cagnard pas possible... une belle lettre depuis le Moulin de Daudet... 

Roger : décidément tu me plais ce matin... 

Serge : andouille, heureusement que personne ne t'entend, déjà qu'ils nous prennent pour ce que nous ne sommes pas ! 

Roger : tu as raison, tu crois qu'ils comprendraient que je te dis ça parce que nous sommes avant les fêtes et que ces Lettres de Daudet restent pour moi de merveilleuses histoires, une magie qui revient toujours à la même époque, je me revois enfant avec des sensations que l'âge n'arrive pas à gommer... 

Serge : et oui mais tu sais, ça les rend méchants, ceux qui sont insensibles à cette grâce... ils ont tôt fait de te cataloguer d'intellectuel... une jalousie qui les rend abjects parce qu'ils réalisent trop bien qu'un monde leur est fermé... ils ont tôt fait de donner dans les ragots et là jusqu'à l'homophobie... 

Roger : ... quand ils ne disent pas, dans l'autre sens, que ceux qui, mariés ou non, vont en Espagne, y partent pour les maisons de passe de la Junquera...    

Serge : oui, ça va, tu comprends, c'est suspect d'aimer les auteurs, c'est trop chelou d'aimer les vestiges grecs ou de ne pas vouloir oublier la page de la Retirada, si poignante et terrible... 

Roger : ah bon ? l'Histoire te touche ? Et moi qui pensais que tu passais la frontière pour partouzer !

Serge : et alors animal ? Entre personnes consentantes, c'est interdit ? 

Roger : animal, tu peux le dire, il y aurait tant à dire... et tout peut arriver, même le pire... comment expliquer, sinon, me concernant, du moins, cette peur du futur, ce remords de laisser un monde plus mauvais et par contrecoup, que je me réfugie dans le passé... 

Serge : passé, présent, avenir... Yourcenar avait dit quelque chose de bien à ce sujet mais j'ai oublié... attends, je me connecte, c'était beau, je m'en veux d'avoir oublié... 

Roger : dis on ne va quand même pas broyer du noir... 

Serge : malheureux, évite ce genre d'expression à te faire de suite passer pour le pire des racistes ! j'ai trouvé, elle a dit :

  Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine.
Marguerite Yourcenar dans Les yeux ouverts (1980)

Roger : maintenant que tu le rappelles, je m'en veux aussi : cette citation avait beaucoup plu à mon pauvre père, il me l'avait relevée dans une lettre... 

Serge : sinon, nous sommes au niveau de la Grotte de l'Aldène ou de la Coquille ou encore de Fauzan, c'est la même... ils y ont trouvé de grands dessins de rhinocéros et d'ours, des empreintes humaines et de hyènes et d'ours encore, des  traces noires des torches et puis, écoute ça, un engrais phosphatique issu des os des animaux... quel cimetière puisqu'ils ont exploité le gisement pendant près de cinquante ans !

Roger : ça se visite ? 

Serge : en décembre, ça m'étonnerait... ni à la belle saison je vois, la grotte n'est pas ouverte au public... Et ton Moulin de Monsieur doit se trouver un peu plus en amont... 

Roger : on ne peut pas le dire autrement mais le lit de la Cesse est à sec sauf en cette saison : elle disparaît au niveau du Moulin de Monsieur pour ressortir à l'air libre, après peut-être une vingtaine de kilomètres sous la terre au niveau du Moulin de Madame... C'est la résurgence du Boulidou, après Agel, lors d'un dernier détour par les garrigues calcaires avant Bize, toujours dans le Minervois, et la plaine. 

Serge : tu as vu le panneau à gauche ? 

Curiosité_de_Lauriole wikimedia commons Author Pokemon59
 

Roger : oui, pour la curiosité de Lauriole, la route qui monte et qui descend... 

Serge : oui, juste une illusion et encore, suivant le point d'observation... C'est très visité... certains sont si crédules et perméables à des idées de magnétisme, de tellurisme sinon au paranormal...

Roger : à voir avec des enfants, c'est récréatif, par contre, je préfère la magie des dolmens, par dizaines dans le coin, même plus haut sur les causses de Minerve. Ils me fascinent...

Serge : tu dis la magie mais ils n'ont rien de magique, seulement des tombes... 

Dolmen de la Cigalière Cesseras wikimedia commons Author O.allegre
 

Roger : "Seulement des tombes" tu dis... Je veux bien qu'ils n'aient rien de magique mais même cassés, ils continuent de parler pour des ancêtres sur deux ou trois fois plus de temps que depuis l'an zéro. Et puis, c'est terrible, tout a été pillé, dispersé et même les locaux qui auraient voulu garder une trace n'en avaient pas la capacité... j'ai entendu dire qu'au musée de Minerve, il y avait quelques perles, quelques pointes de flèches, qu'à Olonzac le musée des écoles exposait des dents humaines...

 

 

vendredi 10 décembre 2021

Le Poumaïrol (8) PETITE VISITE DE MINERVE DANS L'HERAULT

 « ROGER, ET SI TU ME RACONTAIS MINERVE ? »

« Salut animal, il y a pratiquement un an, on montait au Poumaïrol, manière de se libérer des contraintes du covid. Tu te souviens ? Parce que, si tu as oublié, je te rappelle que tu as laissé une chronique en plan... il me semble (tu me corriges si je me trompe) que tu t’es arrêté  à l’épisode « Minerve »... avant qu’on ne visite un peu le coin... nous venions de gober des huîtres avec du vin blanc, la balade de huit kilomètres devant écluser notre alcoolémie avant  de remonter le canyon de la Cesse vers le pays mystérieux.

J’espère que tu vas toujours bien... Ici le temps reste frisquet mais avec le soleil après les pluies, nous avons encore de belles journées. A bientôt de te lire. Serge.»

Mon cher Serge, aïe, aïe aïe, me remettre dans le bain, reprendre le fil de notre progression vers la montagne, de ce que nous disions, même de ce qu’on a mangé. Vu l’obstacle à franchir, je pourrais te dire que finalement ce n’est pas grave d’être resté en chemin, que ce n’est pas plus mal d’être encore là, un an après... Et puis, c’est toi, non qui a eu l’idée du Poumaïrol ? Rassure-toi, je ne vais pas faire ma mauvaise tête ; nous sommes tant de fois partis pour des paniers de champignons dont on n’a même pas rempli le fond que c’était une bonne idée de partir pour des filles qu’on savait ne plus trouver. C’est toi qui as raison, surtout que cette année nous n’avons rien à raconter. C’est mieux que de transiger, de se trouver de mauvaises excuses : une désinvolture cachant mal la médiocrité de ses petitesses. Vétille ? Bagatelle ? Détail insignifiant ? je ne crois pas : mis bout à bout, ils donnent un ressenti négatif... comme par exemple l’effet affligeant que nous laisse la caste politique à force de manque de volonté, de mensonges, de compromissions. Laissons les grands mots, je m’y mets, il n’y a pas de petite résolution...

Nous avons bu le café je suppose sur ce grand parking vide, payant l’été, ce qui est symptomatique d’un village qui ne vit plus que du tourisme. Il y a bien les vignes autour mais cette production est elle aussi liée aux visiteurs. Et les volets qui ne s’ouvrent que l’été me font l’effet d’une réanimation ne pouvant déboucher que sur une fin de vie. Notre chance fut d’avoir un des plus beaux villages de France seulement pour nous. 



 En descendant vers le village, ce fut une histoire de ponts, d’abord ce viaduc d’accès, monumental ! Mais comment les quelques habitants ont-ils fait pour obtenir satisfaction alors que deux autres ponts naturels au-dessus de la Cesse permettaient d’arriver ? Trois ans de travaux, 115 mètres de long, 40 mètres au-dessus de la rivière, livré en 1912... la France profonde n’était pas abandonnée comme de nos jours ! Concernant les Ponts Naturels ainsi mentionnés sur la carte, un effort d’imagination est nécessaire pour réaliser que nous la route, les garrigues surplombent des tunnels, deux tunnels creusés par la Cesse qui a abandonné d’anciens méandres. D’ailleurs elle coule la rivière en ce mois de décembre, belle et claire... cette fois, nous ne descendrons pas. Et dire qu’en été, on n’en sortirait pas tant il fait bon là dessous ! 

La_Cesse_au_Pied_de_Minerve licence  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author PerPhi
 

Sinon avant d’entrer dans le village, nous avons vu ce qui reste du château, surtout ce coin de muraille « la candéla », ensuite l’endroit où plus d’une centaine de Parfaits cathares choisirent le bûcher plutôt que d’abjurer leur croyance. Dans l’église romane des XI-XIIe siècles, l’autel date de 456 et le Christ a été sculpté dans de l’olivier par Jean-Luc Séverac qui, à plus de 80 ans, vit à Minerve. On lui doit aussi, plus loin, «Als Catars», la sculpture de la colombe cathare en mémoire des victimes de ce 22 juillet 1210... Ne me félicite pas pour la date, c’est juste que je me suis arrêté de fumer un 22 juillet... Et pour l’année tu me diras... Et bé, c’est que Simon de Monfort a pris Minerve un an après Béziers et Carcassonne... bien aidé par les Narbonnais... maintenant quand on traite quelqu’un d’«amori», d’étourdi dans la version aimante sinon d’imbécile en la circonstance, est-ce pour moquer le prélat de Narbonne ou l’abbé chargé de la croisade ou encore le fils de Simon de Monfort prénommés Amaury ou quelque chose comme ça, le prénom devait être à la mode à l’époque... Enfin, regarde sur le Net, toi que je l’ai en panne depuis deux jours) ? A moins que ce ne soit le vicomte Aymeri, ce qui revient au même puisque être bouché à l’émeri n’est pas valorisant... Qu’est-ce qu’on a fait encore ? Nous avons suivi les calades, les rues empierrées  avec, au bout, la vue sur le confluent avec le Brian, l’accès au puits que la catapulte des Croisés a bombardé avec des pierres et aussi des animaux morts pour empoisonner l’eau. Nous sommes sortis par le viaduc puis, d’en haut, par la route, avec de belles vues sur les tunnels, nous avons remonté le cours de la rivière avec l’intention de traverser le causse jusqu’à rejoindre le canyon du Brian. Hélas mais tant mieux pour la nature, un passage à gué qui ne nous aurait pas fait peur en période sèche, nous aurait obligés à mouiller nos pieds. Retour donc au parking et montée vers les dolmens de Bruneau manière d’ajouter deux à quatre mille ans à notre époque et de doubler les deux petits kilomètres à peine parcourus. Figure-toi, je viens de regarder sur la carte détaillée de l’IGN, cette route qui coupe par les causses mène finalement à Ferrals... trop présent, trop pressant, l’homme étreint la planète et je ne te parle pas des huit milliards qui pullulent et qui parlent de bouffer des insectes qui, pour 80 pour cent d’entre eux ont disparu... bien la peine de réhabiliter les quelques colonies de chauves-souris en sursis...

J’arrête, j’arrête, tu m’as déjà entendu répapiller tout ça une centaine de fois. En attendant, rafraîchis-moi la mémoire si tu as quelque chose à ajouter. 

PS : je t'ai mis quelques photos. 

 

dimanche 24 janvier 2021

FEU & TISANO DE GAVELS / Feu de sarments et vin du Minervois

Serge : Hum, ces huîtres, c'est quelque chose... 

Roger : aphrodisiaques ! 

Serge : fallait me le dire dix ans en arrière ! 

Minerve et sa Tour wikimedia commons Author Commune minerve


Roger : Hé ! n'engoulis pas tout que je monte au Poumaïrol demain ! Et Lacarrière à Minerve, avec tout ça ? En premier lieu, la croisade des Albigeois, les 180 Parfaits qui préférèrent se jeter dans le feu plutôt que d'abjurer ; le site ensuite "... acropole au milieu des gorges...". Et quoi encore ? Que c'est désert en hiver mais pas mort comme La Couvertoirade ou Sainte-Enimie : une trentaine d'habitants encore en 1971, un petit musée, deux cafés ; dans le premier, une vitrine de livres sur l'Histoire, l'Occitanie ; il dit à la dame que c'est bien de proposer les livres à l'endroit dont ils parlent ; du coup, elle va bien vouloir le dépanner, quand son mari arrivera, même si les deux seules chambres disponibles sont occupées par les ouvriers qui travaillent au musée ; il est invité : 

"... je partagerai leur repas, arrosé d'un vin épais, rouge sombre mais délicieux  (que le vigneron vendange et fait lui-même) mon premier vin de vigneron du Minervois..." (1)

Minerve rue des martyrs wikimedia commons Author Commune minerve


Ils lui ouvrent une maisonnette de vendangeurs : 

"... un lit en fer, un évier et une grande cheminée..." 

Il va faire un grand feu et commencer "L'Histoire de l'Occitanie" d'Henri Espieux, acheté au café. 

"... je suis dans un lieu éphémère où pourtant je me sens chez moi.../... plus j'avance en pays d'oc, plus j'y trouve, avec la joie claire des sarments, ce pour quoi on part sur les routes : découvrir, rencontrer des inconnus qui, pour un soir, cessent de l'être..."

Feu de sarments wikimedia commons Author Olivier Colas

   

Serge :  un feu de sarments ne dure pas longtemps, c'est symbolique... et on faisait attention de ne pas provoquer de grandes flammes dans le conduit, des fois que la suie prenne... Les sarments ? il fut un temps où on les ramassait, où on les ramassait tous ou presque. D'ailleurs, après les châtaignes et les olives, les filles du Poumaïrol trouvaient à se faire embaucher pour les gavels et les boufanelos (sarments et fagots de sarments) :

 "... La récolte des olives était redoutée à cause du froid et celle des sarments aussi car le vent glacé de Cers balayait la plaine. Elles attachaient solidement "la caline" sur leur tête et glissaient sur leurs vêtements des blouses de grosse toile. Les voyageurs étrangers qui passaient, remarquaient avec étonnement ces femmes qui paraissaient en chemise, en plein hiver, dans les vignes... "

Roger : et oui, on dit "vestit coumo un poudaïré", habillé comme un tailleur puisque c'est un travail d'hiver à la vigne mais pour les ramasser aussi il fallait être bien couvert non seulement parce que le Cers fait pénétrer le froid mais aussi parce que les bises (les sarments) grafignent jusqu'au sang... 

Serge : on les ramassait, coupés sous bonne lune, sinon attaqués par les quessouns (insectes rongeurs) ils ne tenaient pas. Chaque famille avait sa provision de boufanelos pour les grillades... 

Roger : et quand il n'y avait que la cheminée pour se chauffer et cuisiner, ils prévoyaient même une réserve de petits fagots pour allumer le feu... je ne sais plus le nom...

Serge : puis, quand ils ne les brûlaient pas, ils les ont entassés au bord des vignes, on pouvait encore se servir... L'été, pour les grillades à Saint-Pierre, j'allais à Bouisset (2), à une vigne de Jeannot je crois... Puis ils les ont broyés manière de fumer la terre... Mon pauvre Roger, en racontant ça je me fais l'effet d'un préhistorique !.. Le temps passe vite et la vie nous presse d'aller de l'avant... 

"... Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !.." (3)

Sinon il est gentil avec nous ton Lacarrière... Tu me le prêteras ce livre...

Roger : plus il trouve cette hospitalité amicale, dans le Sud, tu veux dire, mais ça ne l'empêche pas de fustiger aussi le racisme lié au vin, les viandards... Ne va pas croire mais c'est un homme bon... tu sais combien j'y suis sensible... il est sincère, ses écrits traduisent bien qui il est... et si je critique c'est aussi pour intégrer et admettre qu'on me critique, ce que j'en dis rejoint ce que je te rappelais tout à l'heure sur Marcel Pagnol... mais tu le liras toi-même...

Serge : On verra, on a à découvrir en marchant... Ne traînons pas et puis mange tes huîtres, macarel ! que tout ce qui te monte à la tête te bouffe la testostérone... 

Roger : tu sais que même de ce point de vue, il nous en apprend Lacarrière... 

Serge : Oh ! c'est vrai ? 

Roger : qu'est-ce que tu veux, il marche, il rencontre des gens, il leur parle et parmi ces gens il y a des femmes pardi... alors... rien n'arrive et tout peut arriver...  

Serge : pas possible ! prête-le moi ce bouquin que j'ai envie de m'instruire !   

(1) et son cassoulet à Octon "arrosé du vin de sa vigne" ? ou alors c'est qu'il situe mieux le Minervois que lors de son arrivée sur les rives du lac de Salagou... 

(2) Bouisset est un tènement de garrigue mité de quelques vignes, en haut de la route en corniche des Cabanes-de-Fleury. 

(3) Tristesse d'Olympio.Victor Hugo.    


samedi 23 janvier 2021

A la recherche du Poumaïrol perdu (7). MINERVE, AVEC LACARRIERE et PAGNOL.

Minerve, une visite s'impose pour nos deux amis en goguette. 

Roger : écoute, il est encore tôt pour dîner mais rien n'empêche une collation, le déjeuner au travail, comme à la vigne, pour les vendanges, qui vaut pratiquement un repas. 

Serge : tu as raison, on a les huîtres, du pâté, du fromage... on peut même boire un peu puisqu'une marche de huit kilomètres nous attend. 

Roger : Regarde, le parking est vide... toute la place qu'on veut. Et les huîtres, même en hiver, vaut mieux pas que ça traîne ! Mais j'y pense, avant de mouiller mes doigts, laisse-moi chercher dans le casier des cartes, livres et papiers, un de mes bouquins préférés, "Chemin Faisant" de Jacques Lacarrière. A pied, au début des années 70, il a traversé la France depuis les Vosges, en quatre mois. Venant de Saint-Chinian, il est passé par Minerve...

Serge : Vas-y, regarde pendant que je les ouvre, les huîtres... 

Roger : Voilà, j'y suis, avec même un feuillet et des notes... Ah ! page 254, un contresens sur le Cers... C'est vrai que je m'en suis retrouvé désappointé, ennuyé vraiment. Que veux-tu, ce qui arrive quand quelqu'un dont tu admires l'intelligence se plante sur un sujet moins anodin qu'il n'y paraît. 

Serge : Ah ? Et qu'est-ce qui t'a contrarié ? 

Taille vigne wikimedia commons Author Véronique Pagnier


Roger : Il voit des vignerons qui taillent les vignes et entassent les sarments. Un vent du Nord penche les silhouettes, plisse les yeux et veut emporter les chapeaux ; ils se saluent mais les bourrasques emportent les mots : "... ce mistral qui, d'après les prophètes locaux, devrait souffler trois jours encore..." Alors le marcheur qui voyage aussi dans sa tête, déclame presque tous les noms de vents qui lui viennent... Passons sur les alizés, les zéphyrs, aquilons et autres tramontanes. Pour le mistral, c'est plausible puisqu'il parle du Salagou, du village d'Octon. Avec l'autan hou là là, il déraille, il le fait venir de haute mer, "embrun de l'infini", apportant "l'effluve salé"... Sauf erreur de ma part, aux abords de la Méditerranée, c'est du Marin qu'il s'agit, l'autan c'est à l'intérieur des terres, vers le Lauragais, l'Ariège ou le Tarn, une fois qu'il s'est délesté de son humidité ! Le Grec il aurait dû en parler, lui qui a tant aimé et tant écrit sur la Grèce. Et le Cers, on y arrive... "au lieu du cers, ce vent marin, doux et humide, qui apporte, l'hiver, aux Corbières, la tempérance de la mer, c'est le mistral qui m'emporte...". Comment laisser passer ? Enfin, le Cers petit frère du Mistral, généré de façon comparable et qu'on retrouve le long d'un autre grand fleuve l'Ebre ! Il en a parlé avec les gens ; la marche aide à communiquer sauf qu'il a mal compris, qu'il a noté de travers. Un piège classique pour ceux qui sont d'ailleurs... 

Serge : hé bé ! Et toi qui boycotte allègrement, tu ne l'a pas banni de ton panthéon ? 

Roger : Ah non ! Faut faire la part des choses ! sa peccadille n'a rien d'un cas pendable ! ce n'est pas comme ce Wilson fils dont le prénom à lui seul écorcherait mes lèvres depuis que, rouge de colère, cet imbécile a craché sur la Marseillaise, pour lui "raciste et xénophobe". Pauvre abruti imbu de théâtralité mais qui, coupable d'un contresens impardonnable, n'a rien compris au "sang impur" recouvrant les sillons. Ce n'est pas parce que le père lui a fait un nom que ce fils à papa a le droit d'étaler son crétinisme. Et le comble, faire du fric en se mettant dans la peau de De Gaulle parce qu'il a un pif compatible ! De Gaulle qui lui, oui, représente vraiment la France ! Là tu peux être sûr : je les ai dans le nez et Wilson et le film ! Déjà que comme acteur il ne m'a pas marqué... Est-ce que je suis teigneux ? Ou est-ce seulement essayer de rester lucide, de ne pas me retrouver une fois de plus, mêlé au bon peuple pêchant d'avoir la mémoire courte, trop groupie ou si crédule dans la virginité retrouvée des politicards qui le manipulent, enthousiaste bien que roulé comme toujours dans la farine ! 

Serge : Ho ! ne t'emballe pas ! bois un coup de vin blanc ! sinon tu ne lui en veux pas à Lacarrière ? 

Roger : et non, c'est juste humain de se planter... cela me refait penser à un petit garçon plaçant très haut son père, tu sais, Marcel magnifiant l'auteur de ses jours dans ses contradictions, fier de poser avec son doublé de bartavelles alors que pour son collègue paradant avec une rascasse énorme, il avait été pour le moins léger de juger : « Se faire photographier avec un poisson ! Quel manque de dignité ! »

Serge : Et alors ?

Roger : Et alors je me sens comme Pagnol qui aime son père, je reste tel que moi-même pour les gens que j’estime, surtout écrivains et artistes avec quelques exceptions politiques, je reste transparent pour ceux qui m'indiffèrent mais très réactif, tu me connais, si leurs mots les rend odieux, je pense à Séguela et à son rapport avec une montre de luxe... 

Serge : Séguéla... quand on est con on est con, le temps ne fait rien à l'affaire, chantait Brassens... 

Roger : Attends je me connecte pour te donner la phrase exacte, je l’ai commentée il y a peu sur internet... voilà, juste en tapant « Pagnol » : "... J'avais surpris mon cher surhomme en plein délit d'humanité : je sentis que je l'en aimais davantage..." Marcel Pagnol, La Gloire de mon Père, 1957.  

Serge : oui mais c’est bien une réflexion d’adulte dans la Gloire de mon Père et non une réaction de gosse... son point de vue a plus de soixante ans. Nos idées évoluent et mûrissent avec l’âge et de façon générale, va lire ce que tu écrivais à vingt ans et tu risques de ne pas te reconnaître. Quoi qu’il en coûte, le bon sens nous fait dire qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Roger : Lacarrière a su aussi mettre des mots sur ces questions... il est venu jusqu'à nous parce que, avec la Grèce, nous avons la Méditerranée en commun et ses colonies d'Agathois et de Phocéens... Qu'est-ce qu'il faut être con ou malhonnête pour oser dire, comme Macron, que la colonisation est un crime contre l'humanité. Qu'est-ce qu'on ne clamerait pas pour se vendre au vote de certains... 

Serge : Laissons-le celui-là avec ses manigances... 

Roger : tu as bien raison. Plutôt ceux qui en valent la peine comme Lacarrière. Je serais curieux de savoir de quelle manière il a intériorisé le peuple grec mais là, on sent qu'il est tangent à ce que nous sommes. Déjà il situe le Minervois au lac du Salagou mais il a su saisir quelques traits qui nous sont propres et son témoignage sur Minerve doit valoir mieux que sa tirade malheureuse sur les vents locaux.  


 

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/05/15/31001-20140515ARTFIG00105-reponse-a-lambert-wilson-la-marseillaise-est-un-chant-de-guerre8230et-de-liberte.php



lundi 18 janvier 2021

A la recherche du Poumaïrol perdu (6) MINERVE du fond des mers.

Serge et Roger font route buissonnière vers le pays du Poumaïrol où, dit-on, les filles sont si charmantes... l'itinéraire leur fait couper le Minervois des garrigues et des gorges dont celles, étonnantes, de la Cesse, la rivière attachante qui les accompagne.  

Le Brian gorges / Minerve est au sud wikimedia commons Author Jcb-caz-11

Serge : ah  ! Minerve, Menerbo peut-être en occitan avec le "v" encore devenu "b"... Minerve du fond des mers... 

Roger : du fond des mers ? pardon ! faut que tu m'expliques... 

S. :  oh juste une impression, un reste du lycée... je ne sais plus si c'est avec Sinsolle (Sinsollier) ou le Jack (Jalaguier), Sinsolle plutôt, un schéma en 3D du relief karstique, je le vois encore, mes couleurs juraient : du jaune avec du marron... quelle idée... enfin, les premiers feutres à notre disposition je pense... Et ce karst quelque part en Yougoslavie qui nous dépaysait... je ne me doutais pas à l'époque qu'on l'avait à côté avec des milliers de grottes, entre le Carcassonnais et les garrigues de l'Hérault. Limousis, le gouffre de Cabrespine dans l'Aude, la Devèze, pas le quartier difficile de Béziers, non, à Courniou près de Saint-Pons, et encore Clamouse ou la grotte des Demoiselles, pour celles qui se visitent sinon les spéléos n'ont que l'embarras du choix. Bref, je t'en parle comme d'un ressenti, de ce que je crois avoir saisi concernant cette masse de dépôts calcaires au fond de la mer, ici soulevés par la poussée des Pyrénées, faite de fossiles, de coquilles... A Fleury des huîtres géantes ! D'où le joli calcaire coquillier, en plus fin, pour les jambages des cheminées. 

Minerve wikimedia commons Author Jcb-caz-11

R. : d'accord, le fond des mers surélevé et entaillé depuis que la pluie et les rivières existent par le travail permanent de l'eau... 

S. : et encore pour notre plaisir de touristes avec toutes ces gorges, ici du Brian et bien sûr de la Cesse, magnifiques... Mais pour le fond des mers, que je te dise... ce ne sont que des associations d'idées sauf que certaines t'impressionnent davantage dans l'âge immature... et je ne peux m'empêcher de penser  à la Minerve, le sous-marin français qui a coulé et implosé au large de Toulon l'hiver 1968. Comme pour Francis Andrieu notre appelé, soldat et tué en Algérie, qu'un jeune sous-marinier d'Ouveillan soit parmi la cinquantaine de victimes me touche encore aujourd'hui. Faudrait chercher son nom. Et ce n'est pas tout ! juste une coïncidence sauf qu'à Ouveillan, je crois qu'il y a une statue de Minerve... 

 

La Minerve à Bergen Norvège 1962 wikimedia commons Author Granit29

PS 1 : Le marin d'Ouveillan est Marcel Coustal ( merci l'Indépendant, un des journaux locaux).

https://www.lindependant.fr/2018/05/14/la-minerve-50-ans-apres-toujours-autant-demotion,3989589.php

PS 2 : il y a bien une Minerve depuis 1880 sur la place Rouquié à Ouveillan. 

https://ouveillanpatrimoine.blogspot.com/2018/11/un-monument-la-republique-ouveillan-la.html