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mardi 14 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (2) Nantis, manants, chasse et culture...

"... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été..." "Automne", René-Guy Cadou (1920 - 1951). 

A gauche de la mairie de Fleury, l'école des garçons.


La vieille école, fille du progrès, du temps où les filles n'avaient pas encore droit à l'enseignement laïque et où la "salle d'asile" n'était pas encore une maternelle. La vieille école si nouvelle, que la commune l'inaugura vers 1880, sur le site du vieux cimetière où longtemps remontèrent les petites perles de verre des couronnes mortuaires. La vieille école fréquentée par le grand-père Jean et son cousin Étienne au milieu des années 1900 (Jean est né en 1897). Puis vint le tour de mon père, vers 1930... l'avait-on agrandie alors ? Par la montée d'un étage ? C'est celle que je connus, de 1956 à 1960... Puis mes fils au début des années 80. Certains de mes condisciples arrivaient des campagnes, le cartable à la main et dans l'autre, une manne d'osier rectangulaire d'un volume gênant pour des bras encore courts. Des vendanges au 14 juillet, ils portaient la saquette, le repas emporté. 

Ils ne doivent pas être aussi encombrés mais ils sont chargés, Étienne et Jean, à pied. Suivent-ils le bord de la garrigue ou le cours, le fossé pratiquement toujours à sec du ruisseau lié à l'ancien étang fermé de Fleury ? Nous les accompagnons sur le retour, au moment de traverser la Clape, pour continuer le trajet, poursuivre le voyage intime dans ce qu'il y a à passer de son lignage vers sa postérité.   


 

Deux choses : d'abord la surprise de ce joli chêne, ensuite, celle, cachée aux grands flux, d'un calvaire suite à un un décès, sur le chemin même : un homme jeune (24 ans), le 16 avril 1868... à trois heures du matin...  http://chroniquesdeperignan.free.fr/Calvaires/croix_de_molveau.html 

Le vélo cadenassé et caché dans les fourrés, il faut continuer à pied le long d'une propriété grillagée, celle avec cette bâtisse aux airs de manoir empâté, qu'on voit de trop loin, une insulte de parvenu aux humbles bergeries qui se fondaient jadis dans le paysage. Ce n'est pas bien aimable de ma part, c'est à cause du grillage et, en prime, à ce panneau, derrière, voulant impressionner, et qui voudrait dissuader de passer... 


Voyez-vous un chemin derrière le grillage ? Ou alors est-ce pour celui d'où la photo a été prise et dont l'accès n'est pas interdit ? Cela n'est pas sans rappeler des on-dit, vieux d'une vingtaine d'années, à propos de chemins échangés ou cédés entre la mairie et les privés... Médisances de la part des pedzouilles du coin sûrement... Personnellement, j'ai un service à demander à la municipalité, l'opacité ne faisant pas bon ménage avec le vivre ensemble, à savoir qu'elle fasse connaître, même sans trop inciter, les chemins libres d'accès...En attendant, pour la forme, serait-ce protéger de planter un ou deux bons clous dans un pauvre arbre, d'autant plus quand on a les moyens d'une vidéosurveillance ? C'est à prendre bien sûr de la part du pedzouille, du natif buté et borné que je suis... 

Quelle idée aussi de vivre assez vieux pour avoir connu le coin un demi-siècle en arrière ! Il est vrai, une époque classique, avec ses riches se démarquant toujours des autres, pour le dire sans aborder de front les libertés, égalités et autres fraternités trop bien claironnées, du temps où les grands propriétaires prenaient un soin jaloux de leurs landes et garrigues. Pour le gibier, pour s'adonner au plaisir de la chasse, ils invitaient, souvent des édiles, non sans arrière-pensées. Afin d'assurer un bon tableau final, ils payaient un garde à temps plein, compétent pour aider la nature, limiter les nuisibles qu'ils soient animaux ou braconniers... Au Courtal-Naout, la bergerie d'en haut et non une insignifiante "cour" comme le prétend le site du manoir empâté, le garde d'alors, autodidacte et toujours en quête de partage humaniste, m'avait invité pour une visite... jusqu'à m'indiquer un champ certainement destiné à nourrir la sauvagine mais où, dans les chardons, poussaient les couderles (du nom occitan désignant, sauf erreur, le pleurote du panicaut). En montant vers la Barre de Saint-Pierre, il m'avait signalé, non sans évoquer Socrate et les condamnés à mort, des pieds de grande cigüe aux alcaloïdes mortels. Certains auront reconnu Pierre Bilbe, dont le souvenir vient souvent à ma rencontre, ici, sur les chemins de mon grand-père Jean.   

mercredi 26 décembre 2018

UNE BELLE CUEILLETTE... / L'école publique...

Wikimedia Commons plume sergent-major the copyright holder of this work, irrevocably grant anyone the right to use this work under the following license

"... Plume sergent-major mon amie..." chante Serge Lama... L'école, la classe, le maître plus rarement la maîtresse côté garçons, le porte-plume mâchouillé d'un bout, prune de l'autre de cette encre violette laquée à la pointe de la plume, l'encrier de porcelaine blanche...

"... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées
Sentait l'encre, le bois, la craie..." 

Odeur des pluies de mon enfance, René-Guy Cadou, 1965 (1)

Bien sûr qu'il comptent tellement, le maître et l'école, communale, républicaine, gratuite, laïque, obligatoire ! L'école procréatrice de destins offre aussi de belles cueillettes, pour marquer l'enfance, arrêter l'heure, le temps de dix petits textes, d'une publication témoignant aussi de l'époque... André (trois du même prénom), Jean-Pierre, Jacques, Renzo, Aimé, Claude, Christian, Roger... ils sont dix contributeurs. Ils ont entre 9ans 1/2 et 13 ans et derrière leurs petites rédactions travaillées mais si personnelles, il y a l'instituteur de l'école de garçons. Il ne dit pas son nom mais met seulement ses capacités, son sérieux, sa modeste mais précieuse exemplarité, sa modernité éducative. Le petit journal mensuel, la petite imprimerie scolaire, c'est la pédagogie Freinet. Nous sommes en 1951-1952. Nos jeunes garçons, pour ceux qui sont toujours là, seront bientôt octogénaires mais gageons que la fraîcheur des jeunes années leur déride et aiguillonne toujours l'existence. 



Souvent je feuillette ce numéro 1, 8ème année, rédigé et imprimé à l'école de garçons de Salles-d'Aude, l'unique entre mes mains, toujours à relire encore parce quelques éclats toujours renouvelés ne demandent qu'à enluminer les têtes.
Cette fois c'est le texte de PUECH Jacques, 10 ans, qui m'a accroché. Si mon esprit buissonnier est  parti entre Noël et Pâques, sous l'olivier chargé ou l'amandier fleuri, c'est le porte-plume aux lèvres, dans une classe sentant l'encre, le bois, la craie que je l'entends lire :

  

PS : entre nous, je préférais la plume "Gauloise", question de caractère...



(1) René-Guy Cadou (1920-1951) au destin poignant... "Je ne ferai que quelques pas sur cette terre", "Le temps qui m'est donné, que l'amour le prolonge." 

photos non autorisées :
2 & 3 serait-ce pour témoigner...
4. Et si c'est interdit, on dessine !