jeudi 31 mai 2018

LA GOULOTTE AUDOISE / vers Quillan et les "voies du Seigneur"...

Le_défilé_de_Pierre-Lys,_entre_Quillan_et_Axat Author Gilles Guillamot
 Nous avons laissé l’Aude, arrêtée par les Corbières, forçant un passage possible seulement grâce au travail des eaux sur des millions d’années. Suivons-le, l’Atax des Romains, tranchant dans la masse, avant qu’il ne puisse enfin virer à quatre-vingt-dix degrés, passé Carcassonne, plein Est, vers le Golfe. 

Après Belvianes où naquit Gaston Bonheur[1] (1913-1980) tenant son pseudo de son grand-père Bonhoure, le fleuve seul peut passer.

« … Je suis fils d’instituteur et d’institutrice. Si je ne parle que d’elle, c’est que mon père avait été tué dès le premier mois de la Grande Guerre et que je ne l’ai connu qu’en photo, très beau, très jeune, avec des boucles noires sur le front, un regard d’au-delà, et de petites moustaches démodées… » « Qui a cassé le vase de Soissons I » Gaston Bonheur.

Les hommes ne sont venus à bout de ce défilé de la Pierre-Lys qu’en 1821 (la Muraille du Diable les en avait-elle jusqu’alors dissuadés ?) suite à un premier coup de pioche quarante ans auparavant pour le « Trou du curé » à l’initiative de Félix Armand (1742-1823), un abbé particulièrement tenace qui a voulu se consacrer aux pauvres montagnards reclus derrière les barres rocheuses ! Louis Cardaillac (1933-2015), natif de Quillan, spécialiste de l’Espagne, de l’Islam, des Morisques, de l’Inquisition, a écrit sur le curé lié à Saint-Martin-Lys durant 49 ans ![2]  
Trou du Curé Gorges_de_Pierre-Lys,_Aude entre 1859 et 1910 Author Bibliothèque de Toulouse

Si le fait de se pencher sur le passé amène obligatoirement à rencontrer les curés, porteurs d’éducation, bergers des ouailles, vigilants à mener le troupeau sur le bon chemin, gardiens, à leur corps défendant de l’ordre inégalitaire de la société d’Ancien Régime (les premiers devant rester les premiers ici-bas…), tous ne sont pas comme Félix Armand, si proche de ses gens, pétri d’altruisme.
L’occurrence d’ecclésiastiques remarquables, encore dans un passé récent, va nous donner à croiser des hommes de culture comme l’abbé Melliès dont les notes furent à l’origine du Lutrin de Ladern par Achille Mir (1822-1901), auteur avant Alphonse Daudet (1840-1897) d’un sermon du curé de Cucugnan, les abbés Ginieis (Montady), Sigal (Narbonne), le chanoine Giry à Nissan, Pierre Cabirol à Montlaur, mais aussi des mythomanes, notamment dans ce coin des Corbières où nous situons la goulotte audoise, comme Boudet, prêtre à Rennes-les-Bains, de drôles de pèlerins tel Bérenger Saunière (1852-1917), celui qui, à Rennes-le-Château[3], aurait laissé croire au magot et à l’ésotérisme pour camoufler ses magouilles. Doit-on lier à cette affaire très embrouillée, le meurtre sinon l’assassinat, à Coustaussa, un village voisin, de l’abbé Gélis ? Longtemps hors du cadre du fait divers, comme réservé à des initiés, ce cône d’ombre aux prolongements aussi hermétiques qu’ésotériques aurait même intéressé les nazis ainsi qu'un futur pape, d'après une info détournée… Un sujet qui appartient intégralement aux Corbières…   

 Pour des raisons bassement matérielles impliquant Saunière, de nobles missions historiques notamment à Narbonne et autour de Nissan, ou encore, non loin de nous, pour une proximité plus profane mais populaire, s’agissant du curé de Salles, Claude Deffuant, les curés marquent bien les domaines de l’éducation et de la culture, une influence qui ne sera contrebalancée, en faveur des classes populaires jusque là soumises à une minorité, que par l’instituteur de la République laïque, le hussard noir. Avec Gaston Bonheur, cette descente de l’Aude commence avec un fils d’instituteur et continue avec ces autres cadres campagnards que furent les curés de villages. L’institutrice aussi représente un symbole fort de féminisme dans une société qui persiste à les déconsidérer, à en faire des personnes mineures toujours dépendantes du mari. A Quillan, un aspect traditionnel de la vie est de ce point de vue, pour le moins inattendu…  

 Abbé Deffuant / capture d'écran / Merci le site httpdocplayer.fr24744066-Histoire-de-l-eglise-de-salles-d-aude.html


[1] Ecolier à Barbaira, lycéen à Carcassonne… viticulteur à Floure toujours au fil de l’Aude… 
[2] « Félix Armand et son temps » Un siècle d’histoire dans les Pyrénées audoises (1740-1840) 2011.
[3] Une touriste a été condamnée pour avoir décapité la statue de Belzébuth soutenant le bénitier de l’entrée (restauré en décembre 2017).

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