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vendredi 24 novembre 2023

MARSEILLE tu cries trop fort !

« Marseille, tais-toi Marseille,
Tu cries trop fort,
Je n’entends pas claquer
Les voiles dans le port... »  chantait Colette Renard (1924-2010) en 1958. 

Bretagne 167 x 22 m ; deux turbines à vapeur Parsons 11850 kW 18 nœuds de vitesse


Pourquoi aborder Marseille ainsi ? Les voies de l’inspiration dirons-nous ou alors le souvenir de ce retour avec le paquebot Bretagne (1951-1963), aux beaux jours de 1956. Depuis Rio-de-Janeiro, après les escales à Dakar, à Casablanca, Marseille terminus de la ligne d’Amérique-du-Sud, en alternance avec son sister-ship Provence... Mais qu’ont-ils donc, ces destriers de fer, à tant remuer les tripes ? Seraient-ce les Anglais, qui, une fois de plus, donnent une des clés du mystère ? D’abord, ces “ bâtiments ” (que le mot est vilain !), les dire au féminin...  suivre le sillage d’une poupe plutôt arrondie, pardon pour cette sensation de mec... mais qui aime aussi l’image d’une étrave volontaire fendant les flots, je ne sais pas trop mais peut-être du respect pour une féminité libre, persévérante, suivant son cap sans comptes à rendre. Ah ! ces Anglais, j’en parlais à Sète, cet autre port très Sud... Et quand je pense à cette autre “ vieille anglaise ”, « la » « Queen Elisabeth II » laissant majestueusement le quai de La Pointe des Galets à La Réunion en 2000. J’y étais ! Dans le soleil couchant, pour un de ses derniers tours du Monde, je ne sais plus mais « le » « France », son triste destin du moins, me fond sur la pommette. Bien sûr, la chanson terrible de Michel Sardou en témoigne... Mais pourquoi donc notre beau pays démontre-t-il de temps à autre, un visage si noir, si négatif ? Pourquoi se débarrasser ainsi d’un emblème national ? Pourquoi l’avoir baptisé « FRANCE » ? Pour l’abandonner tel un enfant né sous X ? Pourquoi lésiner alors qu’on gaspille par ailleurs ? Est-ce à mettre au passif du grand homme que fut de Gaulle ? de son moins illustre successeur Pompidou ? Et moi, qu’est-ce que je fous à remuer tout ça ? Que voulez-vous... je débarque à Marseille, du haut de mes cinq ans et tout est grand : le quai me paraît une esplanade avec peut-être une statue, un monument, les cheveux blancs du cousin venu nous accueillir, que les rafales du Mistral entremêlent sur ses verres fumés, je les retrouverai avec ce que peut apporter de fantasmes un portrait volé d’Aristote Onassis... c’est vrai que ce cousin, par alliance, solidaire, d’une bienveillance qui continue de me faire du bien (est-ce toujours le cas dans notre société ?) comptait aux Douanes... dérision par rapport à nos caisses en bois sur un quai, à nos malles recouvertes de cuir de vache, de maigres effets de migrants avec les étiquettes au nom du bateau, de la compagnie maritime, mais qui satisfont la mémoire... Et derrière, le paquebot, aussi bienveillant, le Bretagne, coursier des mers... Boh, on banaliserait presque qu’il nous a amenés à bon port. Pourtant,  plus d’un demi-siècle après, il reste en moi ; s’il m’arrive de méditer plus longtemps que normalement devant une de ses photos, impossible de banaliser, impossible de considérer sa destinée sans émotion : sorti en 1951 des Chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire, vendu et devenu RHMS Brittany en 1962, il a brûlé en 1963, prématurément. Alors, parce qu’en écho, comme si les mots avaient la solennité d’une épitaphe, en hommage à une masse de fer pourtant si humaine, je reprends la parole d’un professionnel de la mer, maître charpentier, qui en parle comme d’un compagnon, d’une compagne presque, d’une union forte :

Le 26 janvier 2013, 17 : 21 :

« J’ai aussi navigué sur le Bretagne en qualité de Maître charpentier, quand il était peint en blanc. J’ai fait les voyages d’Amérique du Sud : Salvador, Bahia, Rio de Janeiro, Montevideo et Buenos-Aires.../... je suis allé à Gênes pour participer à ses transformations. Ensuite j’ai été à bord lors des croisières dans les Caraïbes et de ses passages à New-York. J’ai eu la tristesse de le ramener en Angleterre à Southampton.../... C’était un bateau magnifique qui tenait bien la mer. Nous avons essuyé cinq cyclones avec lui : Anna, Betsy, Carla, Debby et Esther.../... et il a tenu le coup. Merci au commandant qui était un type très bien. »  

Merci Robert Tronchet (1). 

French_liner_BRETAGNE_(1952-1964)_in_Sydney_Cove_(cropped)  1962 Creative Commons Attribution 4.0 International Author Graeme Andrews... Le " Bretagne " de monsieur Tronchet... 


Le ? La ? Provence, paquebot jusqu’en 1965, revendu tant de fois pour la croisière, finalement tas de ferraille qu’on jette, pour finir, dépecé sur une plage du Gujarat (2001).

Qu’est-ce qu’ils ont ces bateaux ? Peut-on rapprocher la mer, l’océan, de l’existence humaine ? de la petite vie qui est la nôtre (2) ? Bien sûr que ces bateaux ont accompagné des moments forts, définitifs parfois... ce petit qui part avec ses parents, son grand-père, pas le mien, qui reste parce qu’à son âge la vie n’a pas à continuer ailleurs :

« Je te quitte dit l’enfant, retenant ses larmes.

— Tu m’emportes dit le vieux. » (“ L’Enfant Multiple ” Andrée Chedid, 1989). 

Port Marseille 2019 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Patafisik

La scène se passe au Liban comme au Pirée devant des enfants qui jouent, à Alger ou Marseille avec les migrants, les rapatriés... ceux qui partent, ceux qui débarquent, lourds de ceux qui restent, de ceux que le chemin de vie a laissés de l’autre côté de la mer, du côté de l’absence...

« Tais-toi Marseille, tu cries trop fort. » 

(1) Peut-être Tronchet Robert Auguste Amédée né le 2 mai 1933 à Marseille, décédé le 27 août 2019 à l’âge de 86 ans à Bretteville-le-Rabet (Calvados) ?
Peut-être Tronchet Robert Louis né le 2 août 1936 à Souligné-sous-Ballon (Sarthe), décédé le 18 juin 2012 à l’âge de 75 ans au Mans (Sarthe) ? 

(2) Vous concernant, ne me demandez  pas de relire, surtout pas, je ne serais que fontaine, quand bien même ce thème a tant marqué Pagnol et son œuvre.

samedi 10 juin 2023

SÈTE 1. D'ici et là-bas...

D'ICI. La Montagne de Sète.

Depuis sa plage de Pissevaches, il les devine seulement, patchwork en ville, piquées dans la verdure et les raides accès du Saint-Clair, les tuiles rondes, ces autres " toits tranquilles " où reposent au moins deux noms célèbres, Valéry et Brassens. Finalement, Brassens a poussé la modestie à ne pas demander un " cimetière plus marin que le sien ", et la supplique pour la plage de la Corniche n’a valu que pour une chanson... d’autant plus belle, entre nous, pour ne pas en dire plus sur sept minutes magnifiques à donner des frissons... un format hors normes que seuls peuvent se permettre les destins exceptionnels... Et quand l’harmonie des lieux s’en mêle, avec, à jamais, entre Valéry et Brassens, la route de la Corniche, plus en lien magnifié qu’en opposition, contour de la Montagne de Sète...

En demandant pardon à " l’humble troubadour " et au " bon maître " pour cette libre interprétation, nous terminerons, avec le lido qui rejoint Agde : côté mer, la nationale rétrogradée et le trait de côte, la plage rongée par les vagues ; côté étang, les vignes du sable, la voie ferrée et plus au sud, sûrement les campings des vacanciers.

LÀ-BAS. En bas de sa montagne.

Puisque nous avons fait le tour de l’Étang de Thau dans le sens des aiguilles de la pendule, abordons Sète, « Venise du Languedoc », depuis Frontignan, par le port, le réseau de canaux, les gros bateaux dont les mâts et cheminées dépassent le toit des maisons pourtant à étages de la ville nouvelle. 

Escale_à_Sète 2016 wagon-foudre Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer

D’abord considérons la patchaque, l’embrouillamini accolé à son nom. Si les grecs la nommaient déjà  « τό Σίτιον όρος », la Montagne de la ville, les Romains « Setius mons » sinon l’occitan « Seto » bien que paronyme,  il a bien fallu toute une cordée d’hurluberlus sur presque deux millénaires pour qu’ après Ceta, Cetia, Cette, et un rapprochement avec le latin cetus, la baleine, et des marins croyant pouvoir assimiler le Mont saint-Clair à la tête renflée du cétacé sinon un cachalot (plutôt que la queue, je suppute), et encore Sette, Sète ne reprenne, en 1928, le nom officiel mais éphémère de 1793.  

Créé à l’origine en liaison avec le Canal du Midi pour exporter les produits de la région, le port était tout indiqué pour faciliter les importations, une fonction qui, à terme, va pleinement associer Frontignan. Formant certainement le seul site favorable à un établissement d’importance après Marseille, sa création sur le Golfe du Lion compta beaucoup pour Louis XIV désireux avant toute chose de se défendre encore contre l’Anglais (voir plus loin).

Dès 1839, une des premières voies ferrées arrive de Montpellier, en 1853 de Toulouse, et en 1857 le lien est fait avec Bordeaux et l’Atlantique, doublement si on considère la mise en service du Canal latéral à la Garonne (1856). Aujourd’hui plus que jamais la desserte du port (rail, route, autoroute, canaux) est un atout premier pour sa santé économique ; les investissements se poursuivent ; l’aménagement continue en gagnant sur la mer, en direction de Frontignan. D’abord le débouché du Canal du Rhône à Sète vers la mer (1988), ensuite une longue digue parallèle à la côte protégeant un vaste plan d’eau (2002) ; la Région gestionnaire compte atteindre 5,8 millions de tonnes à l’horizon 2025.

Le port a été le plus important au monde aux XIXe et XXe siècles pour le commerce du vin, ce qui n’est pas allé sans tiraillements, avec les tonneliers d’abord, dès que le transport en futailles a été remplacé par le transport en cuves, avec les viticulteurs ensuite, à cause de la concurrence déséquilibrée due aux importations de vins d’Algérie, d’Italie et d’allez donc savoir où encore (voir le naufrage à Frontignan du pinardier « Roger-Juliette » qui venait de Gênes)...

Toujours les coups en douce de gros négociants, copains comme cochons, qui plus est, avec les politiques au pouvoir de quelque bord que ce soit. Jean Huillet (né en 1944) de Valros, un des meneurs d’un Comité d’Action Viticole dans les années 80, n’a jamais nié avoir participé à l’abordage, dans le port de Sète, du pinardier Ampelos qui proposait un faux rosato, un mélange interdit de blanc et de rosé... allez donc le retrouver celui-là, qui a dû changer de nom et d’armateur pas net plus d’une fois... En 2013, les douanes allemandes ont alerté  leurs homologues françaises pour, dans le port de Sète, des citernes de vin bulgare artificiellement reconstitué à l’aide de glycérine de synthèse... 

Escale à Sète 2016 Marité_(ship,_1923)_and_other_ships the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer



Escale_à_Sète 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Broenberr

Sète pour les voyageurs, premier port à destination du Maroc depuis son terminal des ferrys. Sète, escale pour les croisiéristes. Sète pour « Escale à Sète », l’événement qui tous les deux ans voit un formidable rassemblement international de voiliers. Afin de les voir arriver de loin, parader toutes voiles dehors, les gens gagnent les hauteurs du Mont Saint-Clair pour des photos belles comme des tableaux. 

mardi 13 septembre 2016

LE PRINTEMPS DE MAYOTTE ? / Mayotte, France en Danger


D’autant plus flétrie par une surpopulation imputable aux errements ineptes des humains, à commencer par des dirigeants loin de donner l’exemple, l’île, malgré tout, veut survivre. Pas rancunière, ouvrant les bras, Mayotte semble dire qu’il ne lui faudrait pas grand chose pour poursuivre et s’épanouir. Martyrisée par les hommes mais pas abandonnée des dieux !
 
Début septembre encore, la saison sèche semblait resserrer son emprise : sécheresse, poussière et moins de vingt degrés la nuit. Et voilà que tout paraît changé à peine une semaine plus tard. Il a suffi de quelques gouttes sur quelques jours. La verdure aussitôt s’est faite tendre. Les fromagers ont osé sortir leurs premières folioles. On dirait même que les bouquets de bambous ont grandi. Restons lucides sans quoi c’est prendre ses désirs pour des réalités ! Sauf si ce sont des témoins autorisés qui le disent.
 

Les petits hiboux au petit matin, ce doit être leur saison. Mais ces vocalises assumées qui rappellent nos rossignols, autres verdiers ou chardonnerets, ne marquent-elles pas le printemps des Tropiques ? Quel oiseau ose ainsi... Incroyable, c’est le petit souimanga (1), le colibri de quelques grammes ! Quel bel organe ! A peine un peu plus grand, le zostérops a mis ses lunettes pour mieux piquer les insectes minuscules sur les rameaux de tsuzi ou d’ambatri ou ambrevades, les pois d’Angole si vous préférez... Les bulbuls, plus discrets se montrent en couple cependant. Un corbeau-pie plane en tournant et, plus rare, un courol mâle bat des ailes et se laisse porter tour à tour. Hier, dans les hauts, c’est l’épervier plutôt familier d’habitude qui faisait mine de se cacher derrière une branche. 


Qu’ils soient loués tous nos oiseaux qui essaient de répéter les cycles propres à chaque espèce ! Qu’elle soient louées ces pluies, même plus symboliques que vraies ! Cette année, la salade verte, les tomates trouvent à s’acheter, ces dernières au prix incroyable d’un euro le kilo et, en bas d’Ongojou, elles ont du goût, en plus ! Et comment croire qu’il puisse déjà y avoir des avocats, pas des cailloux, de bons fruits, qui mûrissent sans pourrir ! Les manguiers aussi portent autant de fleurs que de promesses, les régimes de bananes se multiplient et les arbres à pain de loin nous font signe...
Même si tous les dangers qui minent Mayotte restent latents, une tranquillité relative vient mettre au second plan l’inquiétude habituelle, le stress dû aux mauvaises nouvelles, un quotidien auquel on ne peut s’habituer...   
Ce n’était pas une bonne idée d’écouter les infos ce matin, mais est-ce plus futé de faire l’autruche ou de faire comme si. Le port, bradé au privé, est menacé de blocage. Aïe le lait de coco de Thaïlande et le cordon ombilical qui engraisse le business ! Les grèves se multiplient ! Le préfet en personne est revenu arpenter les stands du tourisme, en jean, avec sa compagne, pour signifier que l’île est aussi sûre que tranquille ! « Gouverner, c’est faire croire ! » Machiavel... Un missi dominici vient annoncer que sa patronne du vice-rectorat reçoit une légion d’honneur gagnée « en se battant pour les enfants de ce territoire », sic. Hic, je m’en étouffe pour l’élève de Mayotte qui ne reçoit que la moitié de ce qui est dépensé pour le petit métro (4000 euros) ! Mais la nouvelle ministre de l’Outre-mer arrive à la fin du mois, avec des « biscuits » nous dit la radio... Chante toujours, j’en ai déjà le miel dans la gorge !
Plus mon petit souimanga que le gros coucou qui vient depuis Paris pondre son œuf dans son nid...

(1) Faute de cliché disponible, en photo, le souimanga royal de l’Afrique des Grands Lacs. A première vue, il semblerait que seul le plastron rouge soit moins marqué chez le nôtre.    

Photos autorisées commons wikimedia :
1. zostérops, oiseau-lunettes, auteur Cécile Pheulpin. 
2. souimanga royal en.wikipedia. 
3. épervier de Francès jfdedieu.