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samedi 23 décembre 2023

MARSEILLE, « tu me fends le cœur ! » (7)

 Sept, neuf centimètres, soit la taille des santons afin que les détails du visage, des habits, soient appréciables, arrêtent l'attention ; la confection du moule s’apparente, en petit et léger, à un travail de sculpture, d’ailleurs nous devons cette invention peut-être inspirée par les personnages en bois sculpté des Tyroliens ou par les santibelli de plâtre vendus par les Italiens autour du Vieux-Port, à Jean-Louis Lagnel (1764-1822) ; ainsi le village provençal avec ses métiers s’est retrouvé lié à la crèche de Noël. Contrairement à une modernité, qui, au nom des affaires, cultive l'insatisfaction permanente, le désir du toujours plus, causant un gaspillage, un gâchis aussi malsains que nocifs, un passé pas encore matérialiste du “ chaque chose en son temps ” nous faisait apprécier, guidés par un élan alors général, à la radio, seulement dans la semaine avant Noël :   

Santons_provençaux 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Thomon

« Dans une boîte en carton, sommeillent les petits santons... » (1935, chanson d’Alibert, paroles René Sarvil, musique Hippolyte Ackermans). 

Dans une boîte en carton, «...le berger, le rémouleur, le Ravi, les moutons en coton... » Dans une boîte en carton, sommeille tout ce qui est caché au plus profond de nos âmes, tout ce que nous croyons perdu, à tort... tout ce que notre fort intérieur, un peu “ Cité de Carcassonne ” renferme de rétentions parfois stupéfiantes, apparemment hors de portée... il faut aiguillonner, afin qu’à l'instant “ T ”, serait-il rare, à force de surexcitation, la herse ne libérât un fond enfoui nous faisant l’effet d’une révélation plus facile à ressentir qu'à écrire... quant à le dire, n'en parlons pas... Tisonner la cendre pour en ressusciter la braise alors que le Nadalet du clocher descend à nous par la cheminée... Fada mais juste ce qu’il faut seulement pour ne pas oublier ce qui fut... Dans ce qui fut et qui reste, bien qu'énigmatiques, quelques vers dans l'ambiance me reviennent ; nous les devons à Jean Camp (bien des références sur ce blog) : 

« Bèl Nadal, me fas rebastraire
Se lo Bon Dieu m'avia causit
Auriai volgut faire, pecaire,
Davant lo monde estabosit,
De nostre Sénher, un vendemiaire
Se lo Bon Dieu m'avia causit.(1) »
Jean Camp. 

Dans les années 50-60, la crèche se nichait à l'intérieur de cette chapelle de notre église... Y est-elle toujours ? 

Jésus bébé déjà vendangeur ? sûr que les mots de Camp interpellent. Mais ils ont de bon que les santons semblent évoqués au sein de la crèche... Et les santons représentent la vie au village, sa communauté dans ces années qui voient l'enfant que j'étais apprécier l'atmosphère magique de Noël... Plutôt que le vendangeur, je verrais plutôt la vendangeuse ; encore liés au monde de la vigne si prédominant alors, le poudaire coupé en deux à tailler les sarments, la femme qui forme les boufanelles, les fagots, le cheval et sa charrette, le vigneron devant un foudre, le tonnelier, le charron, le bourrelier... j'oubliais le berger, bien sûr, du temps où en marge de La Clape, du côteau de Caboujolette, avec celle de Maurice déjà dans la garrigue, trois autres bergeries se comptaient dans ce faubourg du village. Pour la vie de tous les jours, la lavandière, la femme aux commissions, à la corvée du pissadou, les hommes acagnardés au soleil... le garde municipal... Je vous laisse prolonger. 

Marseille... Marseille, excentrée par rapport à l'Aude bien qu'étroitement liée, représentative... Que ne pourrait-on aimer, encore, de toi, en prime de la place de choix que tu laisses à Pagnol ?  la croix bleu-azur de ton drapeau, le bleu de l’OM, la classe de Robert Guediguian pourtant si populo, les camions-pizzas dès 1900, les chichis fregis de l’Estaque... Dernière carte postale avant de reposer le couvercle sur la bouillabaisse (quand ça bout, baissez le feu), celle du Palais-Longchamp à la gloire de l’eau suite au creusement par 5000 ouvriers du Canal de Marseille amenant l’eau de la Durance en 1847 après onze ans de travaux... et l'épidémie de choléra de 1835. 

Un château d'eau habillé en palais, aboutissement, au bout de 85 kilomètres (jusqu'à 93 selon certaines sources), du canal amenant l'eau de la Durance à Marseille en manque. Entre les hésitations, le coût lié au projet, trente années furent nécessaires avant la première pierre. Après les propositions des architectes Coste puis Danjoy, c'est celle d'Henri-Jacques Espérandieu (1829-1874), le protestant à qui nous devons Notre-Dame-de-La-Garde, qui est retenue malgré les attaques répétées au tribunal d'Auguste Bartholdi (sculpteur en 1886 de la statue de la Liberté) trouvant que le projet retenu ressemblait trop à ses plans. (Même Rodin, vers 1865, fut congédié pour manque de productivité [source : Eaux de Marseille]). 

Palais_Longchamp_(Marseille) 2019 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Arnaud 25

Palais_Longchamp 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Vlad Mandyev
  

1869. Inauguration du Palais-Longchamp, son arc de triomphe château d'eau, les allégories de la Vigne et du Blé rendant hommage à la Durance au centre les ailes courbes qui l'encadrent, les cascades et bassins du jardin devant. Sinon, il est raisonnable de penser que les musées des Beaux-Arts à gauche (1873), le parc derrière, s'y sont adjoints par la suite (le musée d'Histoire Naturelle à droite est en place depuis1869 / avec le parc, le jardin zoologique de 1856 a fermé en 1987). Et il faut bien se dire que l'essentiel est caché, s'agissant de la citerne de 30.000 m3 sur un hectare, son dispositif de filtrage, une cathédrale souterraine inutilisée depuis 1969 et dont on ne fait rien, à force de mauvaise volonté, découragement et fatalisme. 

« Évidemment, c’est un pays où il n’y a pas d’eau, et surtout à cette époque, il n’y avait qu’une seule fontaine sur la place du village, qui nourrissait tout le village... » Marcel Pagnol, Pathé Journal 1971.

Marseille, crie qui tu es ! continue de crier que tu es là ! Marseille, tu me fends le cœur ! 

(1) essai de traduction : Beau Noël tu me fais imaginer (tu m'obliges à reconstituer ?) si le Bon Dieu m'avait choisi j'aurais voulu faire, peuchère, devant le monde éberlué, de notre Seigneur, un vendangeur si le Bon Dieu m'avait choisi. 

Sources Wikipédia, la page facebook “ Il était une fois Marseille ”, Marseilletourisme, Marie Pestel. 

[Retour aux sources] Sous le Palais Longchamp, les citernes "cathédrales" oubliées - Marsactu  

dimanche 17 décembre 2023

MARSEILLE poubelle et plus belle (6)

 Si les dockers savent historiquement faire frein à la logique économique libérale toujours favorable aux donneurs d’ordre, au prix d'une perte de parts de marché qu’on voudrait leur imputer, du côté des éboueurs, la tradition intenable d'un “ fini-parti ” à part (1), a longtemps fait de Marseille la ville la plus sale de France, avec parfois des rats dans les écoles (doit-on encore en parler au présent ?)... On marche sur la tête dans ce pays ! le “ fini-parti ” n’a rien de mauvais si la tournée dure un temps journalier réglementaire, même adapté aux difficultés, aux risques liés au métier... " Tu finis ta journée de tant d'heure et tu peux partir. "    




À l’instar du Mistral chassant les miasmes, du mieux-vaut-tard-que-jamais à propos d’un tout-à-l’égout longtemps défaillant, des tensions sociétales qu’une philanthropie basique se doit d’apaiser, sans parler d’élever un quelconque niveau, préparons-nous à quitter Marseille avec ce qu’elle a pu inspirer de beau, de créatif, des troubadours à l’Astrée, premier roman-fleuve d’Honoré d’Urfé (1567-1625) jusqu'à la trilogie, Marius, Fanny, César, de Marcel Pagnol (1895-1974), mondialement connue et étudiée. J'y laisse aussi mes lacunes pour ce qui est des romans policiers... nous ne sommes que les pièces du puzzle qu'on peut... 

"Un" des pouces de César, photo autorisée par flickr, en petit format car trop pauvre en définition... 


César, de son prénom pas plus Jules que le patron du Bar de la Marine, père de Marius, non, César Baldaccini (1921-1998) né néanmoins dans le bar de ses parents à la Belle-de-Mai, à Marseille, César le sculpteur autodidacte bien que passé par des écoles supérieures de beaux-arts. Parce que la pierre et le marbre coûtent cher, il va récupérer et créer à partir de ferrailles. Sculpteur des compressions et expansions, pour ce qu’il a apporté à la sculpture, il est reconnu par le grand public alors que le milieu snob le dénigre (que n’ont-ils pas fait à Van Gogh ces suffisants exclusifs !)... Son sein, son poing sont précédés du pouce (1,85 m. à l’origine),  réalisé puis dupliqué en bronze, en polyester, en sucre... Celui de Marseille pèse 6 tonnes pour 6 mètres de haut... celui de la Défense 18 tonnes pour 12 mètres de haut... la prétention confinerait-elle à l’arrogance ? 

Marseille_-_la_fontaine_de_Jules_Cantini_sur_la_place_Castellane_illuminée_(œuvre_de_Allard).tif photo de 1937 Auteur inconnu Licence Ouverte 1.0 (License text, English license text) Archives Municipales de Marseille

  
André_Allar,_La_Source,_groupe_de_la_Fontaine_Cantini._1911._Marseille,_place_Castellane._Photo,_Jamie_Mulherron 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International

Monumentales les sculptures à Marseille, et si, avec le Milon de Crotone, Pierre Puget (1620-1694) a été l’égal, en renommée, de Michel-Ange et du Bernin, il faut absolument citer Jules Cantini (1826-1916), sculpteur, marbrier, mécène et bienfaiteur de la ville de sa vie, offrant à celle-ci, outre la réplique du David de Michel-Ange, celle du Milon de Crotone, la fontaine de la place Castellane, allégorie du Rhône et de la Méditerranée avec Marseille en haut de sa colonne, à vingt-cinq mètres... 

(1) Jusqu’en 2014, la journée était considérée faite à la fin de la tournée, le nombre d’heures n’étant pas effectué.  

Sources Wikipédia ainsi que la page facebook “ Il était une fois Marseille ”. 

mardi 5 décembre 2023

MARSEILLE (5)

Mayotte_in_its_political_environment 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author ព្រះមហាក្សត្ររាជ

Moins épidermique parce que très confidentiel, parce qu’il faut avoir des liens avec Mayotte, 101e département français, parce que Marseille abrite la première ville comorienne au monde, comme entre Italiens et Français dans le passé, la nationalité et surtout la double nationalité (1) pose problème. Laissons les pistes de réflexion à propos des interrogations labyrinthiques (suggérées en bas de page) pour évoquer les moyens dilatoires, les pressions, le frein, déployés presque cinquante années durant par un lobby comorien comprenant nombre de binationaux, contre l’archipel de Mayotte (appelé « île de Mayotte » et le choix des Mahorais de rester français et qui le sont restés de justesse, grâce, surtout, à un clan opposé, aussi ultramarin que métropolitain, très réactif en temps opportun. Sans aller plus loin sur cette conjoncture, disons que la France tergiverse autant dans ce domaine que pour ce qui est des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français)... OQ, exactement... ce qui laisse nombre de malfaisants binationaux, de ceux dans l’administration et pourtant contre la main qui les nourrit... 

Marseille a conclu nombre de jumelages internationaux mais pas avec Moroni, capitale des Comores, le grand pays puissant qui pose tant de problèmes à la France, troisième puissance mondiale en nombre de milliardaires... ce n’est pas dans ces termes que cela dût être dit mais c’est dit... comprenne qui voudra...   

De l’argent, il y en a à Marseille, plutôt dans le centre alors que les quartiers périphériques regroupent des gens modestes dépendant de la solidarité nationale. Une dichotomie comparable oppose les employeurs aux travailleurs... (à suivre)

(1) Outre l’inégalité de droits, dans une optique soi-disant civilisationnelle d’accueil sans réserve, laxiste au possible, la double nationalité vient envenimer les questions de l’immigration, de l’intégration, du communautarisme (il n’est que de considérer le fatras de lois qui s’empilent sur un même sujet sans jamais donner à s’appliquer). À l’inverse de nombre de pays musulmans qui imposent de fait leur nationalité aux émigrés ayant fait le choix du pays d’accueil, à l’insu même de ces derniers, la France hospitalière en dépit des cas prévus de déchéance (se comporter comme le citoyen de l’autre État, commettre des actes contraires aux intérêts de la France) a de plus, du mal à déchoir les terroristes de la nationalité, les présidents Sarkozy, Hollande ainsi qu'Emmanuel Ier, s’y sont cassé les dents..(à suivre)  

mercredi 29 novembre 2023

MARSEILLE (2)

Calanque-de-la-Triperie, cap Morgiou 2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Lu-xin

Rangeons un peu. D’abord au sud de la ville, depuis une calanque, la préhistoire, la grotte Cosquer avec des dessins pariétaux échelonnés sur 8000 ans, datant au plus de... 29000 ans. Un site découvert en 1991, à l’accès extrêmement dangereux, à 37 mètres sous l’eau et au bout d’une galerie sous-marine de 175 mètres où trois plongeurs sont morts de n’avoir pas retrouvé la sortie.

Marseille partage avec Béziers le titre de ville la plus ancienne de France (2600 ans !). 

Louis_Duveau (1818-1867) La_peste_d'Elliant Domaine Public Musée des beaux-arts de Quimper, 8 November 2013

1720. La peste, parce que de riches marchands impatients de gonfler leurs fortunes ont ouvert la ville, sans respect d’une quarantaine, à une cargaison d’étoffes et coton contaminée par le bacille, a décimé en deux ans la moitié de la population soit 30 à 40000 personnes. 

Sardine_du_port_de_Marseille accrochée au pont transbordeur Carte postale ancienne Domaine Public Date inconnue Auteur inconnu

1779. Pondichéry : les Français prisonniers des Anglais sont libérés à condition de vider les lieux. Le Sartine les ramène en métropole sous drapeau britannique, pour ne pas être embêté. Mai 1780 : à hauteur de Gibraltar, alors qu’elle entre en Méditerranée, la frégate est quand même attaquée ; le capitaine et deux hommes d’équipage sont tués. Le malentendu surmonté, le Sartine arrive à Marseille sans son capitaine et s’échoue (sommes-nous fondés à formuler un lien de cause à effet ?) dans les rochers et sombre à l’entrée du port, bloquant tout passage. L’esprit marseillais a fait le reste : c’était la sardine qui avait fermé le port !

1943. 6000 personnes sont raflées à Marseille (1600 seront déportées dont la moitié parce que juifs), avec la collaboration de la police française dirigée par René Bousquet, le grand ami de Mitterand, déjà efficace à Paris. Considérés comme “ criminels ”, 1500 immeubles du quartier du Panier, au nord du Vieux-Port, sont ensuite dynamités par les Allemands. 

Goumier marocain aiguisant sa baïonnette 1944 Author Peter Caddick-Adams, Monte Cassino Ten Armies in Hell, Oxford University Press 2013, ISBN 978-0-19-997464-1.

23 août 1944, le renfort des Tirailleurs algériens et des Goumiers marocains est décisif dans la révolte mal enclenchée des FFI de Gaston Defferre... une source fait état de 25 % de Français d’Afrique-du-Nord dans l’effectif de l’armée d’Afrique, ce qui n’enlève rien au dévouement des 75 % d’indigènes embringués.

En 1973, les agressions racistes suite à l’assassinat d’un chauffeur de bus par un “ déséquilibré ” algérien causent la mort de 17 ressortissants maghrébins à Marseille et autour (pour le moins, une cinquantaine de victimes des ratonnades)... Le “ déséquilibré ” sinon les “ troubles psychiatriques ” sont communément évoqués à raison pour ne pas réveiller les excès racistes... or ils camouflent aussi le laxisme ordinaire de la justice, plus prompte à racheter qu’à punir, sans trop d'égards pour les victimes, le coupable devant sortir un jour pour se réintégrer alors que les familles, elles, sont condamnées à la perte à jamais d’un être cher... La justice pose problème dans ce pays... bien la peine de se foutre des peines de trois fois cent ans ou trois fois perpétuité aux États-Unis. 

Escalier_Saint_Charles_-_Marseille_I_(FR13)_-_2023-07-22_-_12 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Chabe01

1er octobre 2017. Sur l’escalier monumental de la gare Saint-Charles deux jeunes femmes sont poignardées par un terroriste islamiste sous le coup d’une OQTF non suivie d’effet depuis 2005 ! (voir plus loin)

Nous étouffons, nous manquons d’air, vite, prenons le large... « Quand je vois passer un bateau.../... j’ai envie d’aller où il va... » (Guy Bontempelli (1940-2014 Marseille). Les bateaux encore, le port toujours, dit vieux puisque agrandi par étapes, il inclut à présent le Golfe de Fos ; le port favorable à la navigation mais obligeant à un contournement terrestre : en 1880, trois lignes de ferries y remédient dont le “ ferry- boâte ”, rendu célèbre grâce au personnage d’Escartefigue, réchappé aux affres de la modernité (pas Escartefigue), toujours en service malgré la concurrence, un temps, du pont transbordeur (1905-1944), grâce à un coche d’eau aujourd’hui plus rapide, peu polluant. (à suivre)

lundi 27 novembre 2023

MARSEILLE (1)

Le cul entre deux chaises d’aller trop loin dans une exploration d’un Sud intime, que presque je voudrais imposer à une perception communément partagée... en la volant aux autres qui plus est, à ceux, reconnus et autrement plus respectés par leur renom, la reconnaissance reçue en retour sinon l’effort de vulgarisation... entre une retenue qui me remettrait à ma place d’être lambda et la prétention d’avoir à dire, privilège d’un temps qui ne saurait durer, quitte à renverser des règles de bienséance, je franchis mon Rubicon... Je me laisse aller à vider mon sac, prétentieux écrivaillon que je suis, pétant plus haut que mon derrière. Plus prosaïquement, emporté par cette exploration, le projet « SUD ? C’EST ÇA ! » dans son deuxième tome, devra-t-il déborder dans un cinquième volume, le troisième dédié au printemps ? C’est dans cet état d’esprit que le titre “ Marseille ” est abordé, depuis des jours, d’où le dilemme et ma confession de tout à l’heure. Bof, il suffira d’évoquer Pagnol et nous passerons à la suite, principalement en remontant la Durance.

Enfant des marges et des armasses (des talus et des friches), campagnard, en véritable “ pacoule ” (on dit “ pacoulin ”, pas “ cul terreux ” par chez nous, la terre étant trop sèche pour accrocher nos séants), si la petite ville, Narbonne, Béziers, ne rebute pas, même si une trajectoire personnelle me fait penser avec tendresse à Perpignan, par contre les grandes villes... Toulouse, Montpellier, Marseille, je ne les aime que de loin. Autre souci : ce voyage va géographiquement dépasser les limites d’un Sud perçues parfois en tant que frontières (voir à ce propos la présentation de l’opus) alors que j’ai choisi de rester libre, émancipé plutôt qu’enfermé. Ne vous méprenez pas, rien de désinvolte dans cette indépendance affichée. Et puis si on ne peut plaire à tout le monde, qui m’aime me suive ! Nous verrons bien. 



Alors, des clichés, des raccourcis pour évoquer Marseille ?  En vrac, le crayon au coin des lèvres, presque les yeux en l’air du rêveur qui n’écoute plus en classe... la peste de 1720, la sardine de 1779-80, le Vieux-Port, Marius, Fanny, le Bar de la Marine, le « ferriboate », les poissonnières au langage fleuri, la bouillabaisse, le camion pizza, le château d’If et l’abbé Faria, la Canebière, la maison du fada, la Bonne Mère, Marius et Olive, la cathédrale de la Major, les Goudes et les calanques du Sud, la plage des Catalans, le mondial de pétanque “ La Marseillaise ”, la French Connection (pour ne plus savoir écrire correctement “ connexion ” ensuite), le juge Michel, la drogue, les règlements de comptes, Robert Guédiguian de Marius et Jeannette, des Italiens, des Arméniens, des Pieds-Noirs, des Comoriens, le bleu du drapeau et de l’OM, tous ceux que le port a attirés... Rimbaud, Conrad, Cohen, Benjamin... N’en jetez plus, c’est criminel de le dire ainsi, plus encore que dans un numéro du Reader Digest, Marseille mérite mieux...

Cité_radieuse,_Marseille 2017 Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Author Karmakolle
 

Alors, si cette liste n’est venue qu’au bout d’une maturation certaine c’est que Marseille interpelle, « Marseille est la plus belle ville de France. Elle est tellement différente de toutes les autres. » Arthur Schopenhauer (1788-1860). À vouloir l’éluder, cette pensée de Schopenhauer m’arrête, Marseille s’impose comme capitale d’un Sud intime.   

Marseille,_aerial_view_from_plane 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Naioli


vendredi 24 novembre 2023

MARSEILLE tu cries trop fort !

« Marseille, tais-toi Marseille,
Tu cries trop fort,
Je n’entends pas claquer
Les voiles dans le port... »  chantait Colette Renard (1924-2010) en 1958. 

Bretagne 167 x 22 m ; deux turbines à vapeur Parsons 11850 kW 18 nœuds de vitesse


Pourquoi aborder Marseille ainsi ? Les voies de l’inspiration dirons-nous ou alors le souvenir de ce retour avec le paquebot Bretagne (1951-1963), aux beaux jours de 1956. Depuis Rio-de-Janeiro, après les escales à Dakar, à Casablanca, Marseille terminus de la ligne d’Amérique-du-Sud, en alternance avec son sister-ship Provence... Mais qu’ont-ils donc, ces destriers de fer, à tant remuer les tripes ? Seraient-ce les Anglais, qui, une fois de plus, donnent une des clés du mystère ? D’abord, ces “ bâtiments ” (que le mot est vilain !), les dire au féminin...  suivre le sillage d’une poupe plutôt arrondie, pardon pour cette sensation de mec... mais qui aime aussi l’image d’une étrave volontaire fendant les flots, je ne sais pas trop mais peut-être du respect pour une féminité libre, persévérante, suivant son cap sans comptes à rendre. Ah ! ces Anglais, j’en parlais à Sète, cet autre port très Sud... Et quand je pense à cette autre “ vieille anglaise ”, « la » « Queen Elisabeth II » laissant majestueusement le quai de La Pointe des Galets à La Réunion en 2000. J’y étais ! Dans le soleil couchant, pour un de ses derniers tours du Monde, je ne sais plus mais « le » « France », son triste destin du moins, me fond sur la pommette. Bien sûr, la chanson terrible de Michel Sardou en témoigne... Mais pourquoi donc notre beau pays démontre-t-il de temps à autre, un visage si noir, si négatif ? Pourquoi se débarrasser ainsi d’un emblème national ? Pourquoi l’avoir baptisé « FRANCE » ? Pour l’abandonner tel un enfant né sous X ? Pourquoi lésiner alors qu’on gaspille par ailleurs ? Est-ce à mettre au passif du grand homme que fut de Gaulle ? de son moins illustre successeur Pompidou ? Et moi, qu’est-ce que je fous à remuer tout ça ? Que voulez-vous... je débarque à Marseille, du haut de mes cinq ans et tout est grand : le quai me paraît une esplanade avec peut-être une statue, un monument, les cheveux blancs du cousin venu nous accueillir, que les rafales du Mistral entremêlent sur ses verres fumés, je les retrouverai avec ce que peut apporter de fantasmes un portrait volé d’Aristote Onassis... c’est vrai que ce cousin, par alliance, solidaire, d’une bienveillance qui continue de me faire du bien (est-ce toujours le cas dans notre société ?) comptait aux Douanes... dérision par rapport à nos caisses en bois sur un quai, à nos malles recouvertes de cuir de vache, de maigres effets de migrants avec les étiquettes au nom du bateau, de la compagnie maritime, mais qui satisfont la mémoire... Et derrière, le paquebot, aussi bienveillant, le Bretagne, coursier des mers... Boh, on banaliserait presque qu’il nous a amenés à bon port. Pourtant,  plus d’un demi-siècle après, il reste en moi ; s’il m’arrive de méditer plus longtemps que normalement devant une de ses photos, impossible de banaliser, impossible de considérer sa destinée sans émotion : sorti en 1951 des Chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire, vendu et devenu RHMS Brittany en 1962, il a brûlé en 1963, prématurément. Alors, parce qu’en écho, comme si les mots avaient la solennité d’une épitaphe, en hommage à une masse de fer pourtant si humaine, je reprends la parole d’un professionnel de la mer, maître charpentier, qui en parle comme d’un compagnon, d’une compagne presque, d’une union forte :

Le 26 janvier 2013, 17 : 21 :

« J’ai aussi navigué sur le Bretagne en qualité de Maître charpentier, quand il était peint en blanc. J’ai fait les voyages d’Amérique du Sud : Salvador, Bahia, Rio de Janeiro, Montevideo et Buenos-Aires.../... je suis allé à Gênes pour participer à ses transformations. Ensuite j’ai été à bord lors des croisières dans les Caraïbes et de ses passages à New-York. J’ai eu la tristesse de le ramener en Angleterre à Southampton.../... C’était un bateau magnifique qui tenait bien la mer. Nous avons essuyé cinq cyclones avec lui : Anna, Betsy, Carla, Debby et Esther.../... et il a tenu le coup. Merci au commandant qui était un type très bien. »  

Merci Robert Tronchet (1). 

French_liner_BRETAGNE_(1952-1964)_in_Sydney_Cove_(cropped)  1962 Creative Commons Attribution 4.0 International Author Graeme Andrews... Le " Bretagne " de monsieur Tronchet... 


Le ? La ? Provence, paquebot jusqu’en 1965, revendu tant de fois pour la croisière, finalement tas de ferraille qu’on jette, pour finir, dépecé sur une plage du Gujarat (2001).

Qu’est-ce qu’ils ont ces bateaux ? Peut-on rapprocher la mer, l’océan, de l’existence humaine ? de la petite vie qui est la nôtre (2) ? Bien sûr que ces bateaux ont accompagné des moments forts, définitifs parfois... ce petit qui part avec ses parents, son grand-père, pas le mien, qui reste parce qu’à son âge la vie n’a pas à continuer ailleurs :

« Je te quitte dit l’enfant, retenant ses larmes.

— Tu m’emportes dit le vieux. » (“ L’Enfant Multiple ” Andrée Chedid, 1989). 

Port Marseille 2019 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Patafisik

La scène se passe au Liban comme au Pirée devant des enfants qui jouent, à Alger ou Marseille avec les migrants, les rapatriés... ceux qui partent, ceux qui débarquent, lourds de ceux qui restent, de ceux que le chemin de vie a laissés de l’autre côté de la mer, du côté de l’absence...

« Tais-toi Marseille, tu cries trop fort. » 

(1) Peut-être Tronchet Robert Auguste Amédée né le 2 mai 1933 à Marseille, décédé le 27 août 2019 à l’âge de 86 ans à Bretteville-le-Rabet (Calvados) ?
Peut-être Tronchet Robert Louis né le 2 août 1936 à Souligné-sous-Ballon (Sarthe), décédé le 18 juin 2012 à l’âge de 75 ans au Mans (Sarthe) ? 

(2) Vous concernant, ne me demandez  pas de relire, surtout pas, je ne serais que fontaine, quand bien même ce thème a tant marqué Pagnol et son œuvre.