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mardi 20 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, “ Tchécoslovaquie ” (20).

Par un changement de pays inconcevable alors, impossible avant les années 90, Železná. Jusqu’à l’ouverture du Rideau de Fer, après les maisons de Tillyschanz, le dos collé à la démarcation, la Tchéquie, recroquevillée idéologiquement, violente dans son refus du pluralisme, totalitaire… Émancipé de cette pression politique, il s’était longtemps demandé comment il cacherait l’émotion, les larmes de bonheur à refouler, fouler, six ans après, la terre tchèque, toujours Tchécoslovaquie dans son cœur. Comme son sentiment se calquait dans la vision d’un champ de pavot, d’un parme dénotant sur le damier de chaumes, de prés, le vert des prairies, ponctué en lisière d’un mirador de chasse, dénotant de celui, chapeautant les hauteurs, plus foncé de la forêt derrière. Heureusement, une fois là, le plaisir d’avancer dans des paysages aimés, de retrouver les gens, leur langue, d’anticiper les retrouvailles avec des cousins aimés, étouffa tout à fait ce désarroi supputé, nourri par une nostalgie passéiste. Et puis il savait bien que ce nouvel épisode rangerait dans l’album à souvenirs ce déploiement de fleurs ambigües, gardé parce que perdu, faute d’arrêt possible pour la photo… Quant à savoir quelle nouvelle image resterait de ce séjour 2024 ? Prématurée, impertinente à l'arrivée, la question ne pouvait se poser. 

Champ de pavot. Auteur Václav Bezstarosti d'Holoubkov.
 

Bien des pensées émergeaient, effleurant seulement ou plus poussées telle, bien que floue, en fond, celle de la trame historique, du fer et des forges moyenâgeuses aux conflits et violences rémanentes (accord de l'adjectif volontairement transgressé), aux tensions ignorées des jeunes générations comme l’expulsion des Sudètes, cette communauté de langue allemande, minoritaire chez les Slaves, sans qu’elle ait le droit, en tant que peuple, à disposer d’elle-même, injustement rejetée, sauvagement traitée même si une grande majorité n’avait pas accepté le nazisme, malgré sa participation, tant politique qu’économique, à la dynamique républicaine tchécoslovaque. Sauf que le tournant pris par la victoire des Alliés scindait le Monde en deux blocs, en Europe, de la Baltique à l’Adriatique (confer les paroles de Churchill), séparés par une frontière cadenassée, stalinienne, un no man’s land de villages rasés, de champs déshumanisés rendus à la nature. La zone sudète, elle, bien qu’ouverte aux Tchèques (dont ceux évacués d’une Ruthénie devenue soviétique), ne connut aucun succès, la greffe ne prit pas, les maisons abandonnées ne servirent que de réserves de matériaux pour construire à l’intérieur du pays (1). Bien sûr, à Florian son fils, il ne dit de tout cela que quelques bribes. D’abord, faut pas les rebuter en parlant d’un ton trop haut, professeur… dix-sept ans… juste semer quelques graines, l’air de rien, pour qu’une, plus tard… qui sait. Qui plus est, à la modeste hauteur de la connaissance sinon la culture,  partielle, toute relative… Et si en classe, on n’attire pas les enfants avec du vinaigre, plutôt être assez comédien pour inoculer les virus de curiosité et d’intérêt. 


 


Ici, à Eisendorf-Železná, le château a été démoli, l’église Sainte-Barbe détruite pour laisser place à une caserne. En contrepoint, trois quarts de siècle après, la forêt à peine entamée, des passereaux chanteurs aux quatre coins des arbres, qui se répondent, marquent et protègent le territoire. Et pour l’espèce humaine les pieds sur terre, un supermarché, des produits hors taxes, du carburant intéressant, de la vie moins chère puisque personne ne peut éluder le rapport à l’argent ; il y a un resto, il y aurait des stands vietnamiens, peut-être sur le grand espace vide où il est facile de stationner… d’après les Tchèques, les Allemands passeraient la frontière comme les Français du Sud la passent pour les mêmes commodités en Catalogne même si l'huile d'olive est aussi chère qu'avant de passer les Pyrénées. (à suivre)

(1) « …C’était notre pays mais après Plzeň, on ne connaissait pas […] beaucoup de ceux qui avaient cru y démarrer une nouvelle vie en étaient revenus, disant « ce n’est pas comme chez nous »… » témoignage de Jiřina Dedieu, Burketova de sa vie de fille, sa maman, 99 ans passés. 
Jan Burket, père de Jiřina, arrière-grand-père de Florian, fut tenté un temps par une embauche à Kadaň, sur l'Ohre, au pied des Monts Métallifères. Quelques jours après, malgré le salaire double, il préféra ne pas quitter Holoubkov, le village qu'ils avaient rallié vers 1930, depuis une vingtaine d'années.  
Quel liant, comparable à celui, entreprenant, des migrants en Amérique, a fait défaut ?
 
Sudetendeutsche_gebiete.svg No machine-readable 2007 Domaine public Author provided. Milhaus assumed (based on copyright claims).

lundi 12 juin 2023

SÈTE 2. Bateau & rose bleue

MS_Emsstein_cargo_ship_of_the_north_german_lloyd Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Buenosera

« Quand je vois passer un bateau, j’ai envie de me foutre à l’eau.../
...  et rire comme un étranger
D’un rire qui fait éclater la rose bleue d’un tatouage.../
... Changer le coton en tabac et le tabac en coc... / 
... enlacer ces filles malhonnêtes.../
Au fonds des clandés de Papeete... /
... les champs de pavots.../
... filles à la démarche étrange
Le pan de la jupe fendue
Bat l'amble sur des jambes nues.../
Quand je vois passer un bateau, je rêve de me foutre à l’eau »

Crédit Guy Bontempelli (1940-2014), chanson coécrite avec Gérard Bourgeois (1966) (dommage de saucissonner par rapport aux lois sur le plagiat).

Préférant pécher par anachronisme puisque à l’époque, le mot « cocaïne » n’avait pas le poids qu’il vient de prendre lors d’un fait divers aussi malheureux que lamentable (affaire Palmade), je relève par contre les champs de pavots suite à l'image de la " rose bleue "... C’est vrai que le Triangle d’Or Birmanie-Laos-Thaïlande, interdit aux importuns, focalisait plus encore le problème de la drogue que la zone Iran-Afghanistan-Pakistan (le Croissant d'Or). Rien n’était dit alors sur la coca d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, on sait officiellement qu’avant les indépendances, la France encourageait la culture, avec une Régie de l’Opium (en Indochine), un service des douanes chargé de tenir les comptes... Aujourd’hui on ne le cache plus : les States ont trempé dans ce trafic, la Chine aussi (internationalement plus victime que coupable) , et les petits peuples qui cultivent sont si pauvres que l’addiction aux opiacées des pays riches n’est pas leur problème... De la même famille des papavéracées que le coquelicot, parme, rose, grège, la fleur est d’une beauté fascinante : ses pouvoirs entretiennent le trouble ; des plus utiles pour soigner (morphine, codéine, thébaïne, papavérine, narcotine, etc., parmi la vingtaine d’alcaloïdes qu’elle contient) elle recèle aussi l’innocence gourmande de ses petites graines noires sur les gâteaux au mák si communs en Europe Centrale... Malheureusement, la dernière fois, en Tchéquie, pas moyen de m’arrêter pour une photo (cette année 2023, Vaclav, ami fb de Tchéquie, a incidemment posté des photos d’un champ de pavots de Bohême. Comment m’empêcher d’une réaction pavlovienne avec  un article sur « papaver somniferum » ? d’’une réflexion aussi sur la relative de l’emprise du temps puisque chacun emporte ses sensations les plus marquées jusqu’au bout du chemin ? Mais restons-en à cette chanson qui balance et emporte, ça n’a l’air de rien comme ça mais loin de sa plage (plus précisément de celle des Cabanes où il a campé sauvage les deux dernières années possibles), depuis son HLM à Givors, à l’âge de vingt-cinq ans, ça tangue et ça roule au lit, vous pouvez croire, entre les lectures sur le Triangle d’Or, les aventures risquées des circumnavigateurs, les risques par procuration sauf, à être couché, pour le plaisir de l’amour... Ah la jeunesse... on n’en réalise le privilège que lorsqu’il a fini de nous filer entre les doigts...  

Fregate-Antoine_Roux (1765-1835)source Jean Meissonnier Voiliers de l'époque romantique p65 Wikimedia Commons Domaine Public

Le lendemain, à l’école, en partage, du temps où la récitation menait à la poésie, manière de couper court à une réalité affligeante que l'instit se gardait pour lui, « La Sérieuse » d’Alfred de Vigny (1797-1863) nous sortait du port :

« Qu’elle était belle ma frégate
Lorsqu’elle voguait dans le vent !... » 

lundi 5 juin 2023

Papaver somniferum, le pavot...

Toutes les photos sont de Václav Bezstarosti d'Holoubkov, okres Rokycany, République Tchèque). 

Pavot de tous les trafics, Papaver somniferum, comment ne pas penser à cette plante aussi connue en mal qu'en bien depuis des millénaires (des graines et capsules datant du néolithique [7000 ans] ont été retrouvés autour du lac de Neuchâtel en Suisse).


Chez les grecs il était le symbole des rêves et du sommeil ; la tige peut atteindre 1,5 m... Qu'en est-il avec la sécheresse et la terre qui se craquèle ? 

Ce sont aussitôt les champs d'Afghanistan (du Croissant d'Or avec l'Iran et le Pakistan) qui viennent à l'esprit ou, dans un passé à peine moins récent, les plantations des seigneurs de la guerre chinois dans le Triangle d'Or (Birmanie, Laos, Thaïlande) suite à la victoire de Mao. N'est-il pas vain de moraliser alors que l'Angleterre avait fait de l'opium un produit d'exportation au détriment de la Chine (XVIIIe et XIXe siècles) jusqu'aux guerres de l'opium qui virent les puissances occidentales (France (1), Russie, États-Unis) s'allier pour se tailler des concessions dont Hong-Kong britannique jusqu'en 1997 ? Plus proche de nous, la French Connection avec, autour de Marseille, ses labos de fabrication d'héroïne pour une clientèle étatsunienne. 

Les Sumériens, les Égyptiens le connaissaient.  Ses belles fleurs peuvent être violacées, blanches, roses, rouges (de la Thébaïde). Chacun des quatre pétales présente un onglet foncé à la base. La tête (capsule) contient des graines oléagineuses, incisée, elle libère un suc blanc devenant brun une fois oxydé. L'opium contient plus de vingt alcaloïdes (une trentaine) (morphine, codéine, thébaïne, papavérine, narcotine... presque tous des poisons violents).

Aussi, si en Europe on ne se trompe pas à la vue d'un champ de pavot (de variété nigrum, dit noir ou bleu), il faut contrebalancer tout le négatif surtout à propos de la variété blanche, album, qui précède . Les poisons contenus dans le latex blanc, le suc de pavot (devenant l'opium de couleur brune) donnent des médicaments dont ceux à base de codéine, de morphine (traitement de l'asthme, du paludisme, des ulcères, anesthésies, soins palliatifs...). Les graines gris-ardoise, contenues dans les têtes, ne contenant pas, elles, d'alcaloïdes, ou très peu, offrent nombre de bienfaits : 

* leur consommation améliore l'endormissement et le sommeil. 

* par pression à froid, les graines gris-bleu donnent l'huile d'œillette, alimentaire, sentant l'amande (elle fut l'objet d'une culture intensive en Allemagne et en France à la fin du XIXe siècle). 

*  par pression à chaud, on obtient un additif pour la peinture permettant d'en faciliter le séchage. 

* très riches en acides gras insaturés (omégas 3, 6, 9), elles aident au bon maintien du système cardiovasculaire. Elles contiennent aussi du magnésium et du zinc (antioxydant), de la vitamine B1, du calcium.  

* 15 grammes de graines mâchées seraient aphrodisiaques sauf qu'à plus forte dose, elles ont un effet inverse et calment la libido... 

Alors ne focalisons pas sur la quête de paradis artificiels (narcoses, visions, délires... ) par des célébrités comme Baudelaire, Berlioz, Poe, Monfreid, Cocteau, Artaud... Et tout en espérant toujours dépasser les erreurs du passé comme celle, chez les ouvriers mineurs notamment, consistant à infuser dans le lait des parties de la plante (capsule ?) afin de garder endormis les enfants laissés seuls, une pratique à l'origine de prétendues " morts subites" et plus sûrement de retards musculaires et cérébraux. Laissons-nous aller plutôt à la gourmandise des gâteaux, des roulés au pavot relevés de girofle, de cannelle... 

Et n'allez pas croire que les Tchèques sont les seuls à cultiver du pavot pharmaceutique, pour les graines ou ornemental : en 2003, derrière les 52 % de la Turquie et les 30 % des Tchèques venaient les 6 % de la France. 

De la même famille que le coquelicot... 

Fin juillet 2015. Après la forêt, les carrés de chaumes ou les prés, tout à coup un champ de pavots éclaire le paysage de sa sérénité nostalgique. Pas moyen de s'arrêter pour prendre une photo : le destin qui retient lâche soudain et me pousse au contraire vers la frontière, sans ménagement. Le moment de bascule quand l'enveloppe doit se décider, démarrer, partir, quitter alors que le cœur, lui, veut rester, s'accroche encore, comme s'il n'acceptait pas de se faire une raison. Restent cette lumière, ces nuages qui courent vers l'Est, ce soleil pathétique, cette atmosphère slave d'une Europe encore centrale, certes mais sans la consolation de la photo du champ de pavots. Il serait plus objectif de relever qu'il n'y a plus les énormes blocs de béton des chicanes, les uniformes, les armes, les barbelés, les abois des chiens aux basques des fuyards... La nature humaine n'exprime d'abord que ses insatisfactions. Soit. Mais là, Vaclav Bezstarosty (un joli nom de famille, littéralement "Sans soucis" !) qui ne savait rien de ce que je raconte, me les offre, les pavots...  

 Máma říká. Maman (98 ans) raconte : 

Années 30. " À Brandys, l'oncle Vosyka avait une ferme en direction de Choceň. Tante nous avait avertis de ne pas trop manger de graines dans le champ de pavot... Ils nous ont retrouvés dans la grange, endormis dans le foin.   


 

 



Sources : Flore d'Europe, Jan Tříska, Gründ 1987, les Guerres de l'Opium blog Médiapart, Wikipedia.





vendredi 7 juin 2019

LE JARDIN DE LOUIS 2019 / Fleury d'Aude en Languedoc.

Mais qui vois-je descendre de la rue du Porche, accompagné du petit caniche blanc ? Mais c'est Louis. Sûr qu'il va au jardin ! 



A l'entrée grimpent des ipomées : " Il faut que je mette un roseau pour qu'elles habillent le lierre mort... 


   
Lys des Incas aux couleurs panachées et tigrées... 
 





 Les pavots, classique, froufrou, Mélusine... seulement les noms qu'ils inspirent... 





 " Les hortensias ? les boutures sont difficiles à réussir... j'en avais un carré comme ça et regarde ce qui reste..." J'en vois une vingtaine et cela correspondrait à seulement une sur huit, environ, de réussie. 
 

"... Les hortensias, je ne les ai pas taillés, ils vont en faire des fleurs !... et l'an prochain, ma foi, qui sait si le printemps reviendra..."


- Mais si Louis ! regarde les hirondelles : quatre nids cette année et pour la première fois depuis longtemps des moucherons sur la calandre des voitures venues de loin ! des nouvelles qui font chaud au cœur quand on s'attend à pire et même s'il n'y a pas encore de quoi être vraiment rassuré... 
 
88 ans ! pas de problème de genou ni d'équilibre et pas de lunettes sur le nez !

Articles de 2016 sur la vie de Louis, le dernier du village à mener un cheval de trait.

1. LE CHEVAL PÉCHARD DE LOUIS.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/08/le-cheval-pechard-de-louis-fleury-daude.html
2. IL L'A DÉBUSQUÉ, LOUIS, LE VER DE LA GRAPPE ! 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/08/il-la-debusque-louis-le-ver-de-la.html
3. LOUIS LA TOCANTE III / La roue tourne, l'heure aussi.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/09/louis-la-tocante-la-roue-tourne-lheure.html
4. LOUIS, FILS D’IMMIGRÉS.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/09/louis-fils-dimmigres-ils-ne-savaient-ni.html
5. LOUIS, FILS DE LA VIGNE. La destinée. 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/10/louis-fils-de-la-vigne-la-destinee.html
6. LOUIS, LA VIGNE ET LES CHEVAUX VI.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/10/louis-la-vigne-et-les-chevaux-vi-fleury.html
7.  LOUIS, LA VIGNE ET LES CHEVAUX VII.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/10/louis-la-vigne-et-les-chevaux-vii.html
8. LE JARDIN DE LOUIS 2013. 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/10/le-jardin-de-louis-2013-fleury-daude-en.html