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jeudi 4 juin 2020

UN LIVRE, UN JOUR / Alexis Zorba, Nikos Kazantsakis

La falaise de Leucate. wikimedia commons. Author Gerbil.
Hier nous étions à Leucate avec Jacques Lacarrière. Les cheveux défaits par le Cers, le regard fixe vers l'horizon, depuis la falaise blanche, plongé dans les bleus du ciel et de la Méditerranée, la mer mettant un terme à sa marche, il ne pouvait que songer à la Grèce de ses passions, suite à ses nombreux séjours entre 1950 et le coup d'état des colonels. D'ailleurs François qui nous fait la sympathie de suivre ce défi des dix couvertures de livres, nous a dit avoir adoré de lui "L'Eté Grec"... 

Lacarrière a séjourné en Crète or l'île a eu droit aux soleils de la saison 1965 avec le tube de l'été "Sirtaki". Attention ! rien qu'en musique... désolé pour Dalida si attachante par ailleurs avec par exemple les Enfants du Pirée, en 1960 mais qui s'est fourvoyée à chanter des paroles françaises complètement coupées de la Grèce des vacances... Enfin ma critique ne vaut peut-être que pour moi... Cet été là, les nuits de Saint-Pierre-la-Mer c'était quelque chose ! Aline bien sûr, Capri c'est fini, N'avoue Jamais, le Ciel, le Soleil et la Mer et ce sirtaki qui a fait planer mes quatorze ans vers le Levant ! 

Avec la musique de Mikis Theodorakis, il y a la Crète qui sert de cadre au film ZORBA. Un film tiré du livre de Nikos Kazantsakis, Alexis Zorba (1946). Anthony Quinn et son fameux sirtaki si grec, si historique et pourtant créé pour le cinéma, même s'il reprenait des thèmes musicaux authentiques, l'acteur s'étant foulé la cheville la veille du tournage. 

Et après si la jeunesse fait tourner trop vite les pages de la vie, à essayer de savoir qui je suis et pour continuer à être qui je suis, je tombe sur le livre  et rien de mieux pour bien fixer les sensations, ce qui reste vrai même à l'ère de l'Internet, même si ses lignes de force se contredisent parfois avec celles du film. 



Zorba représente le dragueur, le buveur, l'extravagant jusqu'au-boutiste fou de tout dilapider et de toujours repartir à zéro après une nouvelle phase : mille métiers, une mobilité permanente, une femme et souvent un mariage à chaque étape... Pourtant le mythe de l'homme libre qui danse pour exorciser ses doutes et extérioriser son défi lancé à l'existence compense presque. 


Sinon j'ai beaucoup apprécié l'approche sociétale d'une population méditerranéenne vers 1920. Comme en Italie, en Espagne, en Afrique du Nord, en Turquie, en France aussi, la femme assujettie par l'homme, le machisme, le poids de la religion avec ces moines grands propriétaires terriens, ce clergé pour l'ordre établi. Une constante historique aussi, l'incompatibilité viscérale entre christianisme et islam. Lépante et la Reconquista restent ancrées. Zorba s'est battu pour l'indépendance contre les Turcs (serait-ce symboliquement !) ; les Turcs commettent le génocide arménien avant de chasser les chrétiens grecs d'Anatolie... 

1965 : il y a le ciel, le soleil et la mer et le sirtaki qui fait planer mes quatorze ans vers le Levant.    

Pour un sirtaki non frelaté :    
https://www.youtube.com/watch?v=QskFT7AaKH0 

Quelques captures d'écran... merci dailymotion. 
https://www.dailymotion.com/video/xhtkw1

 

vendredi 17 avril 2020

ALINE, SEñORITA des MOTS BLEUS... ÇA M'AVANCE A QUOI PUISQUE LA MER L'EST, TOUJOURS BLEUE ?

Matin gris sous le règne incontesté des vents marins. Les matins ensoleillés sous un Cers jadis dominateur victimes du virus climatique ? Pour se venger des fleuves mâles formant depuis les Alpes, les Cévennes et les Pyrénées, depuis toujours presque, étangs et lagunes, venus de la mer, ils apportaient et auraient voulu entretenir les miasmes, les fièvres paludéennes. Sauf que le Cers nettoyait tout en quelques heures à peine ! Oh Circius ! Oh vent divin loué par les Romains qui lui auraient élevé un temple ou au moins un lieu de culte sur la colline de Saint-Cyr près Sallèles-d'Aude ! 

Qu'on était loin de cette interrogation devenue presque une injonction, en ce bel été 1965, à compter au contraire les quelques jours de brise marine pour un temps de mer, comme on disait, bien deux fois moins fréquent et portant comptant double, au moins. Et ces soirées en musique quand après l'inversion vespérale des vents, le "Nord" se portait garant d'un autre jour de plage, quand une rafale apportait tout à coup des notes plus nettes sous la toile verte de la tente "Cabanon" du camping dit sauvage. L'âge nous imposait d'être au lit, mais à contre-coeur, les yeux, les oreilles encore bien ouverts. Comment, à quatorze ans, à entendre "J'avais dessiné, sur le sable...", ne pas se figurer des couples sur la piste de danse en plein air ?
"Puis il a plu sur cette plage...". Mais non, peut-être l'orage du quatorze juillet mais pour mieux entrer dans la saison à la mer. Christophe ne chantera plus, il nous a quittés cette nuit victime d'un emphysème, peut-être compliqué par le covid 19... 
 
Christophe en 1965. Merci l'INA.
Inutile de crier, de pleurer ; tout comme Aline et nos amourettes d'ados, il ne reviendra pas mais sa señorita danse toujours dans sa robe de "taff'tas". Il faut pourtant surseoir à l'émotion, contrôler sa contemplation intérieure. Ne sachant plus trop si c'est Christophe ou moi qui apparait en filigrane, j'ai du mal à l'imaginer toujours minet mais sans la moustache des années 70. 
Je m'en voudrais aussi d'oublier "Sur la plage il pleut beaucoup... Sur le sable abandonné tu ne viens plus... Mais la mer est toujours bleue..."
Joe Dassin en 1965. Merci l'INA.
Joe Dassin nous fait vivre une fin de saison avec la fin d'un amour, en chanson seulement j'espère. Avec lui, toujours notre belle plage de Saint-Pierre, plus tard, en 1971. Pas moyen de la voir sous un rideau de pluie, plutôt avec une double rangée de pas, sous un rayon de lune sur l'onde inoxydée... En 65-66, Joe chante "Çà m'avance à quoi ?" qu'on appréciera quand le succès sera venu. 
Tous ceux qui avec une chanson ont su nous offrir de quoi colorier un jour, dépeindre un âge, teinter un passé, faire déborder nos cœurs quitte à estomper, les années aidant, ces chanteurs, d'un art mineur disait à tort Joe un peu gêné de trop gagner, qui partent, qui portent et emportent un temps de nos vies, nous incitent, n'en seraient-ils pas conscients, à garder un peu de nos paradis perdus... 
"Peut-être un jour voudras-tu retrouver avec moi les paradis perdus" 1973 encore de Christophe. 
Il s'en est allé nous laissant Aline, sa petite fille du soleil, ses mots bleus, ses marionnettes, ses paradis perdus... pour les titres qui me reviennent. 
Oh aussi "Señorita dépêche-toi..." parce qu'il faut vivre avant qu'il ne soit trop tard et que face au temps ne reste que la mémoire des vivants... 

"Les vrais paradis sont ceux qu'on a perdus." Marcel Proust.